Cette pièce ressemble beaucoup à la précédente: nous y retrouvons quelques-unes des idées que nous avons déjà remarquées & qui caractérisent la nouvelle doctrine d'amour. Le poète chante pour faire partager aux autres la joie qui lui vient d'amour. La garder pour soi seul serait une faute, & Amour, nous dit le poète, réclame un cœur pur. Assez d'autres l'oublient: personne ne veut plus aimer, & toutes les vertus qu'inspirait l'amour sont sur le point de disparaître. Dans ce temps de tristesse, Amour veut cependant réjouir les esprits, & il ordonne au poète de chanter. C'est pour celui-ci un moyen de s'acquitter de ce qu'il lui doit, car il lui a fait aimer la meilleure des dames & la plus noble. Ses hommages n'ont pas encore été agréés, mais qu'importe? L'important est d'aimer qui mérite de l'être: l'amour doit aller à la vertu, & sa dame a toutes les vertus en elle.
Nous ignorons qui était cette dame, qui était aussi cette Algaye qu'il unit à elle dans son éloge, & rien ne nous permet d'entrevoir la date possible de la composition de cette chanson.
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La pièce se compose de six coblas unissonans & d'une tornada. Maus (op. cit., p. 117, n° 546) cite plusieurs pièces présentant la même disposition strophique abbaccdde qui ne diffère de la cobla crotz caudada en abbaccdd que par l'addition d'un vers espars ou brut. Parmi les pièces citées par Maus, quelques-unes ont cette ressemblance de plus avec celles de Montanhagol qu'elles sont aussi uniquement composées de décasyllabes. Ce sont: Richaut de Barbezieux, 8; Perdigo, 9 & 6; Daude de Pradas, 9 & 11. Mais aucune ne présente les rimes que nous avons ici: i, ar, at, ia.