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Bec, Pierre. Burlesque et obscénité chez les troubadours. Pour une approche du contre-texte médiéval. Paris: Stock, 1984.

335,007- Peire Cardenal

 

I
 
La « fin'amors » marginalisée

 

3
 
La « Fin' amors (1) » négativisée [cansó-sirventés]
 
Pèire Cardenal

 

De famille noble, Pèire Cardenal naquit au Puy-en-Velay, vers la fin du XIIe siècle (probablement en 1190). Destiné au canonicat, il fit des études, puis quitta tout jeune la chanoinie de sa ville natale pour mener la vie de poète de cour. D'après son biographe, Miquel de la Tor, il mourut presque centenaire, ce qui est confirmé, dans une certaine mesure, par l'étude de son œuvre : on sait qu'il écrivait encore en 1271.

P. Cardenal tient une place à part parmi les troubadours. Moraliste vigoureux et éloquent, il se distingue par son indignation haineuse contre tout ce qui viole le droit et la morale : les cruautés de Simon de Montfort et des Français, l'indignité du clergé, la corruption des mœurs, l'hypocrisie, la violence, la fraude, les femmes et l'amour enfin qu'il condamne avec amertume mais non pas sans esprit. La poésie amoureuse tient en effet très peu de place dans son œuvre. Sur les quelque quatre-vingt-seize pièces qu'on conserve de lui, trois cansós à peine, et une dizaine de coblas sont inspirées plus ou moins directement par l'amour. Encore ne s'agit-il pas de pièces lyriques traditionnelles, mais plutôt de sortes d'anti-cansós faites de réflexions, en général burlesques et satiriques, sur l'amour et les femmes, vis-à-vis desquels le poète moraliste garde toujours une distance ironique et parfois désabusée. Dans la présente pièce, d'intention manifestement parodique, on peut voir comment les trois premières coblas passent systématiquement en revue, mais en les négativisant, la plupart des topiques, des motifs, des situations et des schèmes formels de la cansó amoureuse traditionnelle. Dans les strophes suivantes, en contrepartie, le poète nous expose (positivement) ses propres conceptions morales. Il fustige la fausse amour, c'est-à-dire l'amour déréglé et purement charnel, mais, encore une fois, en se démarquant, cette fois-ci sur le plan formel, du texte troubadouresque consacré. Intéressant est par exemple, de ce point de vue, l'abus concerté et contre-textuel (emprunté au trobar ric) des vers allitératifs (en particulier la strophe V et la tornada).

Il est possible que l'intention parodique de la pièce se fonde, du moins pour certains passages, sur une chanson de Giraut de Bornelh, No pòsc sofrir qu'a la dolor (éd. Kolsen, I, p. 228), qui présente en outre le même schéma métrique et les mêmes rimes. En voici la première strophe :

Non pòsc sofrir qu'a la dolor
De la dent la lenga non vir
E'l còr, ab la novèla flor,
Lanquan vei los ramèls florir
     E'lh chant son pel boschatge
Dels auzeletz enamoratz,
E si tot m'estauc apensatz,
     Ni pres per malauratge,
Quan vei champs e vergiers e pratz
Eu renovèl e m'assolatz.

 

PILL.-CARST. : 335/7. Texte : LAVAUD.

 

Note :

1. Conformément à la morpho-syntaxe de l'ancienne langue, nous écrivons « fin 'amors » quand le terme est employé en fonction de sujet, « fin'amor » dans les autres cas.

 

 

 

 

 

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