Bec, Pierre. Burlesque et obscénité chez les troubadours. Pour une approche du contre-texte médiéval. Paris: Stock, 1984.
172,001- Gausbert Amiel
I
La « fin'amors » marginalisée
7
Aimer plus bas que soi [cansó]
Gausbert Amiel
On ne sait rien de Gausbert Amiel, dont l'unique poésie conservée est celle que nous donnons. D'après sa courte vida, c'était un pauvre chevalier de Gascogne, ce qu'on ne peut ni prouver ni réfuter. Il écrivit dans le courant du XIIIe siècle, probablement dès avant 1254.
La seule pièce qu'il nous laisse est intéressante et peu commune dans la mesure où, rompant délibérément avec le rituel consacré qui voulait qu'on aimât toujours une dame au-dessus de sa condition (à la fois par la richesse matérielle et le haut rang féodal), notre troubadour déclare ici sans ambages qu'il se contente d'une dame de son lignage (Sol de mon paratge n'agués), et même de basse condition (Qu'una basseta m'a conqués). La pièce est probablement humoristique et prend visiblement le contre-pied de la distanciation sociologique fondamentale de la fin'amor. Ce caractère spécifique de ses conceptions amoureuses parut à un tel point insolite qu'il frappa l'auteur de sa brève vida : ...e non entendet mais en dòmna plus gentil de se (« et il ne tomba jamais amoureux d'une dame de plus haute condition que lui »).