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Le Truand aux cent métiers
Raimon d'Avinhon
On ne sait pratiquement rien de Raimon d'Avinhon, et la pièce que nous donnons ici, vraisemblablement antérieure à 1254, est l'unique composition qui nous reste de lui. On a pensé à l'identifier au médecin Raimon d'Avinhon qui, avant 1209, traduisit en occitan la Practica Chirurgiae de Ruggiero da Salerno, ou Roger de Parme. Mais une profession aussi grave semble s'associer assez mal, du moins en principe, au ton humoristique et plutôt jongleresque de la pièce. Ce n'est pas là toutefois un argument suffisant, et l'identité des deux Raimon n'est pas à exclure.
Quoi qu'il en soit, cette litanie énumérative de quelque quatre-vingts métiers, que s'attribue un « sirvens » qui n'a pas froid aux yeux, est quelque chose d'unique dans la poésie occitane du Moyen Âge et n'est pas sans rappeler certaines pièces similaires en français, comme le Dit de l'Herberie de Rutebeuf. De toute façon, il s'agit là, incontestablement, d'un monologue burlesque, une sorte de gap professionnel qu'il ne faut pas prendre trop au sérieux.
On remarquera le caractère très stéréotypé du style et de la syntaxe. Deux types syntactiques dominent en effet, et de loin : 1. sui (ou fui) + un prédicat nominal (ex. : E sui trobaires bèls e bons) : 2. sai + un prédical verbal (ex . : E sai far anèls bèls e gens). En outre, soixante-six vers sur soixante-dix-huit commencent par la conjonction et, renforçant ainsi la monotonie de l'énumération facétieuse.
PILL.-CARST. : 394/1. Texte : BARTSCH.