Davantal - Einführung - Analysis - Presentación - Présentation - Presentazione - Presentacion

Bec, Pierre. Burlesque et obscénité chez les troubadours. Pour une approche du contre-texte médiéval. Paris: Stock, 1984.

070.B.C.- Anonyme

 

II
 
Le contre-texte humoristique et burlesque

 

21
 
Une razó parodique sur une chanson de Bernard de Ventadour

 

On appelle vidas et razó(n)s des troubadours des textes typologiquement voisins, de longueur inégale et presque tous anonymes. Les vidas sont des notices biographiques assez courtes sur tel ou tel troubadour, les razós des explications, des commentaires portant sur les poésies elle-mêmes. Ces textes, rédigés au XIIIe siècle et encore au début du XIVe par divers auteurs, ont une finalité qui semble claire. Ils se proposaient de maintenir la réputation d'un poète (vivant ou mort) et d'attirer l'attention des auditeurs sur tel ou tel troubadour dont le récitant allait interpréter les œuvres.

Il ressort de ce qui précède que le but des vidas et des razós ne paraît pas avoir jamais été la véracité historique, dont le jongleur-auteur ne se souciait guère. Surtout lorsqu'il s'agissait de poésies amoureuses, dont l'argument même excitait l'imagination, le désir fondamental étant de raconter une histoire. On a pu donc parler, à propos des vidas, de « vies romancées » avant la lettre. En fait, l'information des razós, en particulier, est souvent puisée dans les pièces elles-mêmes.

Dans la présente razó, l'histoire racontée, qui sort délibérement du registre grave et courtois de la fin'amor, est une interprétation grivoise de la première cobla (en particulier les trois premiers vers) d'une des plus célèbres cansós de Bernard de Ventadour, poète qui, comme nous le verrons, a été fréquemment la victime de parodies facétieuses de ce genre. Il ne s'agit donc pas, comme on a pu le dire, « d'un essai d'interprétation fort maladroit », mais bel et bien d'une distorsion concertée, à des fins ludiques et burlesques, d’une strophe particulièrement célèbre, dont voici le texte :

 

Quan vei la lauzeta mover
De jòi sas alas contra'l rai,
Que s'oblid' e's laissa cazer
Per la douçor qu'al còr li vai,
Ailas ! Quals enveja me'n ve
De cui que veja jauzion !
Meravilhas ai, quar dessé
Lo còrs de dezirier no'm fon.

 

(Quand je vois l'alouette s'élancer, joyeuse, dans un rayon de soleil, puis se laisser tomber, comme étourdie par la douceur qui lui vient au cœur, hélas ! comme j'envie tous les êtres que je vois heureux ! Et je m'émerveille que mon cœur, sur-le-champ, ne se fonde point de désir.)

 

 

 

 

 

Institut d'Estudis Catalans. Carrer del Carme 47. 08001 Barcelona.
Telèfon +34 932 701 620. Fax +34 932 701 180. informacio@iec.cat - Informació legal

UAI