III
Le contre-texte obscène
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Cobla obscène (parodie)
Anonyme
La cobla suivante est la parodie obscène de la cinquième strophe d'une cansó du troubadour Folquet de Marseille (...1178-1195, mort en 1231) : Amors, mercé ! non moira tan soven. Comme dans la pièce précédente (nº 36), la fin'amor est ici délibérément tournée en dérision par une déviation concertée, dans un moule formel qui reste très élaboré et très classique, vers la pure obscénité (tout l'arsenal lexical adéquat est ici utilisé : veit, colhon, cul, con, fotre) (1). Mais en voici d'abord le prototype :
Éd. STRONSKI : Le troubadour Folquet de Marseille, Cracovie, 1910. Reprint, Genève, 1968, nº IX, p. 46.
A vos vòlgra mostrar lo mal qu'ieu sent
Et als autres celar et escondire ;
Qu'anc no'us pues dir mon còr celadament ;
Donc, s'ieu no'm sai cobrir, qui m'èr cubrire ?
Ni qui m'èr fis, s'ieu eis mi sui traïre ?
Qui si non sap celar non es razós
Que'l celon cil a cui non es nuls pros
(A vous je voudrais bien montrer le mal que je ressens et aux autres le cacher et le dissimuler ; car jamais je n'ai pu secrètement vous ouvrir mon cœur ; donc, si je ne sais pas me cacher, qui me cachera, et qui me sera fidèle, si je suis traître à moi-même ? Si quelqu'un ne sait pas se cacher, il n'y a nulle raison pour que le cachent ceux qui n'en ont aucun profit.)
PILL.-CARST. : 461/35.
Note :
1. On pense à certaines pièces obscènes des Grands Rhétoriqueurs, dont les rimes s'achèvent systématiquement sur les syllabes con, vit et cul. Voici la première strophe d'une ballade de Jean Molinet (1435-1507) :
Dame, j'ay sentu les façons
Du feu d'amours, puisque je vis
Les yeux plus aspres que faucons
De vostre gent et plaisant vis ;
Je suis jusques ès cieux ravis
Et de solas tant fort cocus
Que mieux n'aroie à mon advis,
S'on me donnoit cent mille escus.
(Cf. ZUMTHOR : 37 b, p. 103.)