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Mouzat, Jean. Les poèmes de Gaucelm Faidit. Troubadour du XIIe Siècle. Paris: A. G. Nizet, 1965

167,061- Gaucelm Faidit

 

V
POÈMES DU LIMOUSIN
COMBORN

Une seule chanson, Tot so qe-is pert pe’ls truans amadors, est dediée à Na Mieills de Ben par Gaucelm, qui ne lui ménage pas ses louanges.

TOT SO QE-IS PERT PELS TRUANS AMADORS

Ce senhal se trouve donc isolé dans l’œuvre de Gaucelm Faidit, qui ne l’a employé qu’une fois, du moins dans les poèmes qui nous restent de lui. Cependant, ce senhal ne reste pas obscur, car c’est l’un de ces senhals — surnoms qui ont été plusieurs fois utilises chez les troubadours : sous cet angle, il est à comparer à Linhaure.
C’est Stanislas Stronski qui a eu le mérite de discerner que ce senhal a été utilisé par trois troubadours, Bertran de Born, Arnaut Daniel et Gaucelm Faidit, et sans nul doute pour désigner, et flatter, la même dame. Comme le premier de ceux-ci l’a aussi chantée sous son prénom, assez rare dans le pays, et même unique à l’époque, il n’y a pas de doute sur son identité. Mieills de Ben fut Guischarda de Beljoc, nièce d’Humbert IV de Beaujeu, qui épousa Archambaut VI, Vicomte de Comborn, cousin des Turenne et des Ventadour, entre 1184 et 1187. Pour les détails et les conséquences, nous renvoyons au commentaire de cette pièce.
Cette chanson date d’après 1184, et a sûrement précédé celles que Gaucelm dédia à Maria Vicomtesse de Ventadorn, après 1185 environ.
 

32. TOT SO QE-IS PERT PELS TRUANS AMADORS

GENRE

Chanso.

 

SCHÉMA MÉTRIQUE

a b a b c c b d d Tornada c b d d
10' 10' 10 10' 10 10 10' 10 10   10 10' 10 10

6 strophes, coblas unissonans, de 9 vers isomètres de 10 syll. Tornada de 4 v.

Rimes : a = or, b = ensa, c = en, d = atz.

Istvàn Frank, R.M.P.T., I, p. 65, N. 367, exemple unique.

 

COMMENTAIRE

Cette chanson de déclaration et d’hommage est assez gracieuse, bien que sans grande originalité. Le thème du soupirant dédaigné y est esquissé. Ce qui en fait le principal intérêt, c’est qu’elle est dédiée, par une tornada abondant en louanges flatteuses, à Na Mieills de Ben (VII, 55).

R. Meyer ne connaissait pas Mieills de Ben, car il n’en parle pas lorsqu’il étudie très rapidement les senhals qui pourraient désigner Maria de Ventadorn chez G. Faidit (1). Pourtant, il cite les vers 39–45 de Tot so qe-is perl…, en plaçant cette pièce parmi les dernières que, selon lui, Gaucelm aurait composées pour Maria avant les épisodes où interviennent, d’après les Razos, Jordana d’Ebreun et Margarida d’Albusso.

Don son édition des Trobadorgedichte, Kolsen se borne inscrire Mieills de Ben dans l’index, en donnant la réf. des Damen de Bergert (p. 17) et ajoute : « chez Gaucelm Faidit, bien plutôt un senhal pour Maria de Ventadorn » (2).

Or Bergert, mentionne notre passage et ce senhal, d’après les Mss. Aa, et dit que selon lui Stronski a raison d’établir un rapport entre M. de B., chantée par G. F. et Guiscarda de Beljoc (titre de l’article) c’est-à-dire Guischarde de Beaujeu.

C’est bien en fait Stanislas Stronski qui a vu juste, selon nous, en établissant que Mieills de Ben (ou Mielhs de Be) désigne la même dame pour Gaucelm Faidit et Arnaut Daniel aussi bien que pour Bertran de Born, et qu’il s’agit de Guischarda de Beljoc, ou Beaujeu. Nous renvoyons donc pour plus amples renseignements à l’excellente étude du regretté Stronski dans La Légende amoureuse de Bertran de Born, p. 95–98 et p. 62–69.

Citons cependant : « Tous ces troubadours vivaient et chantaient à la même époque, dans la même region, pour les mêmes cours. Il n’est pas possible que les pseudonymes identiques qu’ils emploient soient sans rapport… le pseudonyme « Miels-de-Be » que Bertran [de Born] donna à Guischarda fut repris par Arnaut Daniel et par Gaucelm Faidit pour désigner la même dame ». (p. 97–98)

Selon Stronski, Guischarda, fille d’un frère d’Humbert IV, père de Guischard IV, seigneur de Beaujeu et de Montpensier, épousa Archambaut VI, Vicomte de Comborn, entre 1184 et 1187. C’est vers cette époque que Bertran de Born la chanta, dans deux pièces qui parlent de l’arrivée de cette dame en Limousin, et qui ont toutes deux beaucoup d’allure.

                        Ai Lemozis, francha terra cortesa,

                        mol me sap bo quar tals onors vos creis …

                        … pois Na Guischarda nos es sai tramesa ! (3)

On trouve aussi, dans Cel qui chamja bo per melhor (que Bertran envoie par Guilhem Bertran, un de ses parents, à Boson, fils de Raimon II de Turenne, frère de Maria de Ventadorn) quatre strophes entières de grandes louanges à la même dame, ici appelée Melhz de Be (4

                        Lemozis, be vos deu plazer

                        qu’al’a-us es vengutz Melhz de Be…

La vicomtesse de Comborn fait aussi partie des dames à qui Bertran demande quelque qualité ou quelque trait pour composer sa Domna Soisseubuda, sa dame imaginaire, composite, et parfaite. Or Guischarda n’est pas la plus mal partagée :

                        A mon Melhz de be deman

                        son adreit, nou corps prezan,

                        de que par a la veguda

                        la fassa bo tener nuda. (5)

Comme on le voit, Gaucelm, en consacrant trois vers de compliments et de louanges à Mieills de Ben, reste en arrière du châtelain de Hautefort.

D’autre part, Arnaut Daniel a chanté Guischarda, et lui aussi sous le senhal de Meils de Ben ou Meillç de Be, dans deux pièces : Si-m fos Amors de joi donar tan larga et Anc eu no l’aic, mas ela m’a (6).

En résumé, nous sommes persuadé, avec S. Stronski, que c’est bien Guischarda de Beljoc, Vicomtesse de Comborn, que Gaucelm a chantée sous le senhal, devenu surnom, accepté et répandu en Limousin, de Mieils de Ben.

Cette chanson paraît bien avoir précéde celles dediées à Maria de Ventadorn. Sa facture semble moins habile et pleine que celle des pièces plus tardives ; elle garde des traces du style dialogué que Gaucelm employait volontiers dans ses poèmes de Provence, à l’époque du trobar car, manifestement bien antérieure, qui semble avoir précéde celle où il a porté ses services à Comborn.

Les relations de Gaucelm Faidit avec Comborn nous paraissent aussi attestées par la 6e strophe de Pos Peire d’Alvernh’a chantatdu Moine de Montandon. En terminant ainsi :

                        ni anc sos chanz no fo auzitz

                        mas d’Uzercha entro qu’Aien.

le Moine a voulu, nous en sommes persuadé, faire allusion, sans le nommer, au château de Comborn, situé exactement à mi-chemin entre Uzerche et l’important château d’Ayen en Limousin. (7)

Il faut noter que cette chanson est adressée à Seigner Dalfin, sans que cette adresse fasse l’objet d’un envoi : elle a donc dû être composée en Auvergne, à la cour de Dalfin, probablement à Montferrand.

La pièce doit dater du même temps que celles de Bertran de Born dédiées à la même dame, soit de 1184 environ.

 

 

1Leben G. F., p. 31–32 : R. M. n’utilisait sans doute que MG 501, éd. dipl. du ms V qui n’a pas la tornada, et donc pas ce ce senhal. ()

2) Pour E. Hoepffner. Les Troubadours p. 152, M. de B. est Maria (de V.), comme chez Kolsen. Hoepffner est souvent mieux inspiré !! ()

3Ai Lemozis… 80,1. 2 str. seulement dans Razo de 80,15. Boutière-Schutz, Biographies Tr. 1ère éd., p. 40–41, Razo E, et p. 353. Éd. Thomas, p. 107. ()

4) Éd. Thomas, p. 114–116. ()

5) ibid. p. 112. ()

6) La 1ère de ces pièces consacre une str. entière à Mieils de Ben. ()

7) Voir pour plus amples indications, et pour nos arguments sur ces points, notre étude. Le Tr. G. F., I. ()

 

 

 

 

 

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