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Cluzel, Irénée. Princes et troubadours de la maison royale de Barcelone-Aragon. "Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona", 27 (1957-1958), pp. 321-373.

184,001=025,001- Lo Coms de Proensa

 

II
RAIMOND BERENGUER IV DE PROVENCE
(1209-1245)

Le caractère sérieux et dévot du comte de Provence (1) petit-fils d'Alphonse II d'Aragon, est notamment attesté par deux planhs anonymes composés à l'occasion de sa mort (2). Cependant, il ne faudrait pas en conclure que son austérité répugnât aux jeux poétiques ni même à des plaisanteries qui ne sont pas toujours du meilleur goût. On compte, en effet, des nombreux troubadours parmi les clients de la cour d'Aix. Si nous négligeons même quelques nobles chevaliers, poètes de circonstance, comme Blacatz ou Gui de Cavaillon, nous pouvons citer : Aimeric de Belenoi (3), Arnaut Catalan (4), Bertran d'Alamanon (5), Elias de Barjols (6), Guillem Montanhagol (7), Guiraut de Borneill (8), Peire Bremon Ricas Novas (9), Pujol (10), Sordel (11), Uc de Saint Circ (12), et peut-être Albertet de Sisteron (13).

Ce nombre assez important de troubadours attestés à la cour d'Aix prouve, nous semble-t-il, qu'ils étaient honorablement accueillis par le Comte, par Béatrice, sa femme, et tout, au moins jusqu'en 1222, par la comtesse-mère Garsende (14). Nous l'avons dit — et le lecteur en jugera — le grave comte ne dédaignait pas d'échanger avec les troubadours des coblas, dont l'inspiration n'est pas toujours du meilleur goût. A. Jeanroy (15) note justement à ce sujet : « ...on y (à la cour d'Aix) daubait librement sur les vices et sur les ridicules, et parfois, le débat s'envenimant, on en venait aux plus grossières insultes ; ...et la personne même du prince n'était pas respectée ».

La bibliographie de Pillet-Carstens n'attribue que trois pièces (16) — et partiellement d'ailleurs, puisque deux d'entre elles sont des tensons — au comte de Provence. Suivant l'opinion de Jeanroy (17), nous ajoutons :

— la réponse à une cobla de Sordel (Pillet, 437, 37). Les faits allégués dans ces vers peuvent fort bien, en effet, malgré l'avis de M. Boni (18), se rapporter à Raimond Bérenguer, bienfaiteur du troubadour italien.

— une tenson avec un certain Rodrigo (Pillet, 424, 1). Il faut avouer cependant que cette attribution est discutable. On peut notamment être surpris par le fait que Rodrigo ne désigne son interlocuteur que par le seul prénom Raimon (« R » dans le manuscrit), sans le faire précéder de la particule honorable « En ».

Enfin, nous ne croyons pas devoir adopter l'attitude sceptique de Jeanroy au sujet de l'attribution de la tenson fictive avec le cheval « Carn et Ongla ». Raimond Bérenguer, dans un moment de libre gaieté, peut fort bien s'être raillé lui-même ; serait-ce, dans l’histoire littéraire, un exemple unique? (19).

 

Avertissement : Les manuscrits C et D attribuent la première cobla au comte de Provence (C précise même : Berenguier). « A » l'attribue au coms de Rodes. Les autres manuscrits ne précisent pas. L'interlocuteur du comte peut avoir été le troubadour Arnaut Catalan ; aussi Mr. Blasi, dans l'édition des œuvres de ce poète (Firenze, 1937, p. 45), a publié la tenson en appendice. Toutefois, cet éditeur n'a utilisé ni Ve Ag ni N (il donne sous ce nom le texte composite de Rochegude). C'est pourquoi nous imprimons une nouvelle édition critique de la tenson, fondée sur le texte légèrement catalanisé de Ve Ag.
I. Frank, Les Troubadours et le Portugal (« Mélanges... G. Le Gentil », 1941, p. 214), a signalé qu'il existe dans les Chansonniers portugais, sous le nom de Dom Arnaldo, une tenson traitant le même sujet, en suivant la formule métrique d'une canso de Bernart de Ventadour. L'oeuvre de Dom Arnaldo étant écrite en provençal (d'ailleurs très corrompu), il y a là un curieux problème auquel nous consacrons un travail particulier.

Texte et graphie Ve Ag (Nous devons le texte des vers 9, 10, 11, 14 et 16 au professeur M. de Riquer, qui a bien voulu prendre la peine de collationner le manuscrit sous les rayons ultraviolets).

 

Notes:

(1). Nous renvoyons, pour tout ce qui concerne le gouvernement et l'administration de Raimond Bérenger, à l'ouvrage de F. Benoît, Recueil des Actes des Comtes de Provence appartenant à la Maison de Barcelone..., Monaco-Paris, 1925, 2 vol., I, p. XXIV-XXXVI notamment. ()

(2). Pillet, 330, 1.ª et 421, 5.ª Bartsch (10, 1) avait attribué le premier à Aimeric de Peguilhan. N. Zingarelli (Intorno a due trovatori in Italia, Firenze, 1899, p. 39 ss.) démontre que l'attribution n'est pas assurée. La bibliographie de Pillet-Carstens range cette composition parmi les œuvres de Peire Bremon Ricas Novas (330, l.ª), vraisemblablement d'après les affirmations de J. de Nostredame (Voir : J. Boutière, Les Poésies du troubadour Peire Bremon Ricas Novas..., Toulouse-Paris, 1930, p. X-XI). Mr. Boutière n'a sans doute pas admis cette attribution, puisqu'il n'a pas imprimé le planh. Dans cette pièce, l'auteur déclare au sujet du comte : « ...son poder, son sen e son albire / avia mes tot en far sa amor, / retener Deu, de cui era servire... etc.... » (Zingarelli, op. cit., p. 42). Le deuxième planh est faussement attribué à Rigaut de Barbezieux par le Manuscrit unique « a¹ ». Le troubadour y affirme aussi que Raimond Bérenger : « ...a mantener Dieu s'era faitz escutz » (Revue des Langues Romanes, tome LX, p. 286). On peut encore citer Lanfranc Cigala (Pillet, 282, 23), qui écrit, dans des vers probablement adressés au comte de Provence : « ...car amatz Dieu e bonas genz onratz » (Voir : F. Branciforti, Il canzoniere di Lanfranco Cigala, Firenze, 1954, p. 200). ()

(3). Ed. M. Dumitrescu, Paris, S. A. T. F., 1935, p. 33 ss. ()

(4). Ed. F. B. Blasi, Firenze, 1937, p. X. ()

(5). Ed. J. J. Salverda de Grave, Toulouse, 1902, p. XI. ()

(6). Ed. Stroński, Toulouse, 1906, p. XXII. ()

(7). Ed. J. Coulet, Toulouse, 1898, p. 23-24. ()

(8). C'est une opinion de Jeanroy (op. cit., I, p. 181) qui pose un problème. Le grand provençaliste assigne lui-même à l'activité de Guiraut les dates extrêmes : 1165-1200 (op. cit., I, p. 384). Or, c'est vers 1220 que Béatrice avait épousé Raimond Bérenger. Peut-on prolonguer jusqu'à une date aussi tardive la vie de Guiraut de Borneill ? Dans la canço « Pillet, 242, 35 » (Ed. Kolsen, I, p. 192), il est bien question, en effet, d'une « pro contessa que Proensa mante... per qu'en val mais Savoi'e Lombardia ». Si la canso est bien de Guiraut, la comtesse, malgré l'apparence, peut-elle être Béatrice ? La difficulté ne paraît pas avoir gêné F. Torraca qui écrit (Le donne italiane nella poesia provenzale, Firenze, 1901, p. 19) : « ...La prima, Beatrice, nata da Tomimaso I di Savoia, moglie, dal 1219, di Raimondo Berlinghieri, maravigliosamente bella, avveduta, fortunata, riverita... etc... La cantó in uno degli ultimi canti « il maestro dei trovatori », Gerardo di Bornelh... ». ()

(9). Ed J. Boutière, déjà citée, p. XIV. ()

(10). A. Jeanroy, op. cit., I, p. 416. ()

(11). Biographies, éd. cit., p. 321. ()

(12). Biographies, éd. cit., p. 332 et 333 ; voir : « Pillet, 457, 10 ». ()

(13). Ed. J. Boutière, Les poésies du troubadour Albertet, « Studi Medievali, N-S », Torino, tome X, 1937, p. 18. ()

(14). Garsende, fille de Guillaume IV de Forcalquier, avait épousé Alphonse II de Provence en 1192. Elle a laissé quelques vers provençaux (« Pillet, 187, 1 »). En 1222, elle se retira dans un monastère. ()

(15). Op. cit., I, p. 174. On pourrait aussi faire figurer dans la liste des troubadours attestés à la cour d'Aix le génois Lanfranc Cigala. Toutefois, c'est en qualité d'ambassadeur et non de poète qu'il vint trouver Raimond Bérenger en 1241 (Voir : F. Branciforti, op. cit., p. 19). ()

(16). 184, 1, 2 et 3. ()

(17). Op. cit., I, p. 174, note 3, et p. 426, art. : Rodrigo. ()

(18). Sordello, Le poesie..., Bologna, 1954, p. XCIX ss. Cet érudit attribue la réponse non à Raimond Bérenger mais à Charles d'Anjou ; il la date de 1269, année au cours de laquelle Sordel reçut en donation le château de Palena. Les arguments de M. Boni, comme il le reconnaît lui-même, sont loin d'être décisifs ; c'est pourquoi nous nous en tenons à l'opinion de Jeanroy. ()

(19). Un échange de coblas entre Blacatz et Folquet de Romans (Pillet, 156, 4) pourrait peut-être faire ajouter ce troubadour à la liste de ceux qui sont passés à la cour d'Aix. Folquet fait allusion à une « contessa de Proenza » qui ne peut être que Béatrice (Voir : éd. R. Zenker, Halle, 1896, p. 69 et 25). ()

 

 

 

 

 

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