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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,023- Bertran de Born

 

Deuxième Partie.
 
LA GUERRE ET LA DISCORDE.

 

Chapitre I
 
LA RIVALITE ENTRE TOULOUSE ET ARAGON.
 

Savoir que ce sirventés est consacré aux luttes qui opposèrent Raimon V de Toulouse à Alphonse II d’Aragon ne permet pas pour autant de dater précisément sa composition, tant la rivalité entre ces deux seigneurs s’est prolongée.

En épousant Douce, héritière de la Provence, en 1112, Ramon-Berenguer III de Barcelone était devenu le maître de ce comté. Lorsqu’il mourut, en 1131, son fils aîné, qui portait le même nom, hérita du comté de Barcelone, auquel il allait joindre l’Aragon en 1137, tandis que le cadet devenait Berenguer-Ramon Ier de Provence (1131-1145), avant de transmettre le comté à son fils, Ramon-Berenguer II, qui mourut devant Nice en 1166. Comme sa fille, Douce, avait été fiancée au fils de Raimon V, comte de Toulouse, celui-ci s’empara de la Provence et épousa Richilde, la veuve de Ramon-Berenguer II, pour conforter ses droits. Alors, Alphonse d’Aragon, se considérant comme le légitime héritier de son cousin, intervint en Provence, prit le titre de comte ou de marquis, et fit gouverner le pays par ses lieutenants, ses frères Ramon-Berenguer, jusqu’en 1181, puis Sancho, jusqu’en 1185.

Le premier épisode de ces luttes se conclut en 1176 par le traité de Gernica, passé dans une île du Rhône, entre Beaucaire et Tarascon (1). Raimon promettait de renoncer à ses droits en échange d’une forte compensation pécuniaire.

Cependant, dès l’année suivante, la question narbonnaise ranima ce conflit mal apaisé.

En 1134, à la mort d’Aimeric II de Narbonne, le comte de Toulouse, Alphonse Jourdain, avait occupé Narbonne, qu’il dut rendre, un peu plus tard, à la vicomtesse Ermengarde ; faute d’héritier, celle-ci avait adopté en 1168 son neveu Aimeric de Lara, qui mourut sans descendance en 1177.

Comme Raimon V revendiquait la suzeraineté sur la vicomté et qu’on craignait qu’il n’intervînt pour empêcher Ermengarde de choisir un nouvel héritier, une ligue réunit des seigneurs comme Bernart-Aton VI de Nîmes et Agde, Guilhem VIII de Montpellier et Roger II, vicomte de Béziers et Carcassonne. Ermengarde adopta alors le frère d’Aimeric, Peire de Lara.

Les alliés se tournèrent tout naturellement vers l’ennemi de Raimon, Alphonse II, dont Roger se proclama le vassal.

Le conflit devait prendre une dimension nouvelle lorsque Ramon-Berenguer, frère d’Alphonse et son lieutenant en Provence, fut tué le jour de Pâques 1181 par un partisan de Raimon V, Ademar de Murviel. La réaction du roi d’Aragon fut violente : il décida de se venger, rasa le château de Murviel, puis entra dans le comté de Toulouse où il ravagea un certain nombre de châteaux du comte avant d’aller dresser son camp sous les murs mêmes de sa capitale. Peu après, il passa en Aquitaine pour y rencontrer son allié, Henri II d’Angleterre.

L’enchevêtrement des événements de cette période où les combats se succèdent rend difficile d’assigner une date précise à la composition de notre sirventés. Clédat (2) la situe en 1177, date qu’accepte Thomas dans son compte rendu de l’ouvrage de Clédat (3) en se fondant sur Milà y Fontanals (4). Ensuite, dans son édition, Thomas donne 1181 pour une date assurée (p. XX) et il s’appuie encore une fois sur Milà y Fontanals, qui n’indique pas explicitement de date pour la composition de ce poème. L’argument le plus solide de Thomas, que reprend d’ailleurs Kastner (5), est que le Bernardo du vers 42 doit être Bernard de Comminges, qui ne succéda qu’en 1181 à son père Dodon. Cet élément serait en effet déterminant, s’il était, totalement exclu que ce nom pût être celui du frère du comte de Foix, comme l’avance Milà y Fontanals.

Clédat s’est également demandé si le vers 9 du texte des chansonniers CM : e qu’enans de la roazo ne donnait pas une indication : le combat serait alors prévu pour les Rogations, c’est-à-dire pour le mois de mai. Cependant, il est difficile de retenir un élément qui ne figure que dans deux manuscrits. Au demeurant, Martín de Riquer (6) fait remarquer que la présence d’Alphonse est attestée dans ses territoires ibériques entre le 1er et le 18 juin, ce qui ne laisserait guère de temps pour ces combats. Enfin, Kastner situe l’événement pendant l’été 1181 ou plus tard.

En fait, il faut remarquer que composer un chant guerrier, fait pour entraîner les hommes au combat à venir, n’implique nullement que ce combat se déroule ensuite dans la réalité. Il est parfaitement possible que Raimon V, voyant Alphonse résolu à la guerre après la mort de Ramon-Berenguer et prêt à envahir son domaine, ait confié à Bertran, dont il avait peut-être fait la connaissance et apprécié le talent à la cour de Limoges en 1173, la mission de composer un appel à la bataille. Remarquons en outre que l’alliance d’Alphonse II avec le roi Henri faisait du Catalan un ennemi potentiel des barons limousins, dont Raimon V était l’allié naturel. Toutefois, toutes ces considérations, non plus que les rodomontades de Bertran qui donne Alphonse pour déjà vaincu, n’impliquent pas que la guerre annoncée se soit déroulée dans les faits.

  

Nº 9 : Lo coms m’a mandat e mogut.

 

Chanson

Texte de base : A.

Disposition des strophes :

ACDFIKM
1
2
3
4
5
6
7
e
e’
R
1
2
3
4
5
6
7
-
e’

 

Si, de façon générale, les manuscrits CMR s’opposent aux manuscrits ADFIK, un examen détaillé montre que les rapports entre les textes sont d’une grande complexité.

Dans le groupe CMR (vv. 2, 18 et 41), il est fréquent de trouver des leçons communes à C et M (vv. 4, 9, 10, 21, 22, 29, 32 et 40), mais le comportement de R est moins régulier : il s’accorde bien avec C (vv. 5 et 12) et avec M (vv. 1, 4 et 27), mais il se rapproche parfois de IK (v. 39) et souvent de DFIK (vv. 13, 29 et 33) ou de ADFIK (vv. 4, 10 et 21).

Dans le groupe ADFIK (vv. 2 et 4), les manuscrits jumeaux IK (vv. 16, 34, 36 et 42) s’accordent parfois avec A (v. 35), mais plus souvent avec D (vv. 15 et 17) que peut accompagner F (vv. 11, 12, 18, 31 et 34). Le manuscrit A présente un très grand nombre de leçons communes avec DFIK et, dans ces cas, il arrive que les rejoigne l’un des manuscrits de l’autre ensemble, comme on l’a noté à propos de R ; mais cela se produit aussi pour C (v. 1) et pour M (v. 5). De même, on peut noter des rencontres entre A et CM (vv. 13, 26, 33 et 34), MR (vv. 15 et 17), CMR (v. 31) et CFMR (v. 15). On remarque par ailleurs au vers 39 un rapprochement inattendu entre CR et IK.

La complexité des rapports entre les manuscrits apparaît bien au vers 35 : AIK lisent Cordas e tendas e paisso, tandis que les leçons de CMR divergent entre Cordas e brays e payso (R), Cordas e becas e paysso (C) et Tendas e perchas e paisso (M). Il semble que les copistes de D et F aient tenté une synthèse qui aboutit à Cordas, tendas, bercas, faisso dans F et Cordas e tendas e becas e paiso, un vers hypermétrique, dans D.

  

Notes:

(1) Dom Vaissète : Histoire générale du Languedoc, 1879, t. VI, p. 68. ()

(2Du rôle historique de Bertran de Born, p. 38. ()

(3Revue de la Bibliothèque de l’École des Chartes, Paris 1879, nº40, pp. 473-474. ()

(4De los trovadores en España, Barcelone, 1861, p. 81. ()

(5) O. C., M. L. R. nº28, 1933, p. 42. ()

(6) Los Trovadores, t. II, p. 690. ()

 

 

 

 

 

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