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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,026- Bertran de Born

 

Deuxième Partie.
 
LA GUERRE ET LA DISCORDE.

 

Chapitre II
 
LES GUERRES DES PLANTAGENETS
 
LE CYCLE DU JEUNE ROI.
 

Après avoir répudié Aliénor en 1152, Louis VII conserva encore quelque temps le titre de duc d’Aquitaine et ce ne fut qu’à regret qu’il l’abandonna à Henri Plantagenêt qui épousa Aliénor en 1153. Pour le nouveau duc, “ce duché était bien différent de ses domaines patrimoniaux et les barons y avaient en général conservé une plus grande indépendance” (1). Cet esprit poussa les barons aquitains à s’opposer aux mesures centralisatrices de celui qui devint roi d’Angleterre en 1154, et l’histoire de ce duché est une longue suite de rébellions plus ou moins difficilement matées. Les conflits entre les seigneurs locaux s’imbriquent dans l’opposition chronique entre les vassaux aquitains et leurs suzerains angevins, jouant un rôle non négligeable dans la rivalité qui met aux prises Capétiens et Plantagenêts pendant ce que l’on a appelé la première guerre de cent ans. Un conflit en cache généralement un autre et l’histoire semble bégayer de telle sorte que l’on en vient parfois à se demander si un chroniqueur ne place pas en une année des événements qui se sont produits pendant une autre. Les Aquitains gagnèrent ainsi la réputation d’éternels factieux, toujours prêts à se révolter contre leur suzerain, quel qu’il pût être.

C’est peut-être pour leur donner le sentiment qu’ils étaient gouvernés par leur propre seigneur et non par un prince étranger, souvent contraint de résider loin d’eux, que, le jour de Pâques 1170, Henri II fit proclamer comte de Poitou son fils Richard, qui n’avait pas encore treize ans, avant de lui conférer à Limoges le titre de duc d’Aquitaine. Au nom des mêmes principes, Geoffroy, son troisième fils, fiancé à dix ans avec la petite héritière de ce comté, était devenu comte de Bretagne en 1168. Il s’agit bien là d’une politique d’ensemble, puisque le 14 juin 1170, le prince Henri, alors âgé de quinze ans, et qui allait recevoir le surnom de “Jeune” pour le différencier de son père, fut couronné roi à Westminster. Il devait d’ailleurs être à nouveau couronné, mais en compagnie de sa femme, Marguerite de France, à Winchester le 21 août 1172. On peut voir dans ces couronnements, outre une pratique qui n’est pas exceptionnelle à cette époque, la volonté d’Henri II de mieux asseoir sur l’Angleterre la domination de sa toute récente dynastie.

Au demeurant, dans son esprit, cette délégation de pouvoir n’était pas significative, et il continua d’imposer ses hommes et ses volontés à l’Aquitaine. Après la première rébellion de sa famille, en 1173-1174, nous le voyons accorder en garantie des châteaux à Richard, ce qui montre bien quelles étaient les limites du pouvoir du duc sur son domaine, tout au moins pendant cette période. Il n’en reste pas moins que ces provinces allaient désormais rester entre les mains de Richard : sa souveraineté n’y connut d’éclipse qu’au moment où Henri II rétablit Aliénor dans ses biens en 1185. Comme la mort d’Henri le Jeune avait fait de Richard l’héritier de tout le royaume, le vieux roi tenta de le forcer à abandonner l’Aquitaine à Jean, et, devant son refus, il lui infligea une punition qui ne semble pas avoir été de très longue durée.

Il faut dire que Richard ne faisait rien pour remplacer Aliénor dans le cœur des Aquitains ; son comportement lui valait même leur haine : il n’est guère d’années où des châteaux ne soient pas rasés par le bouillant comte de Poitou qui s’était signalé dès 1180 en prenant la forteresse, réputée inexpugnable, de Taillebourg.

Selon ce que rapportent les chroniqueurs, l’entourage d’Henri le Jeune ne manquait pas de lui faire sentir combien sa situation comportait de désagréments par rapport à la très relative autonomie de son cadet. Ce prince, jeune et brillant, célèbre par sa générosité, s’est trouvé toute sa vie sans ressources assurées, contraint de vivre d’expédients, jusqu’à se livrer, pour faire face à ses dépenses, à des emprunts forcés à bien des monastères : Henricus necdum terram aut thesaurum possidebat, verumtamen erat non tam largus, quam prodigus, multoties imo conquerebatur quod pater Ricardo minori terram dedisset, sibique olim coronato regnandi facultatem negavisset, egregios tantum redditus per singulos dies ei pater tribuerat mille quingentos solidos, & Margaritae uxoris ipsius quingentos solidos monetae publicae Andegavensium denariorum (2).

Un signe de ces dissensions et jalousies apparaît déjà en juin 1176 : si les deux princes luttent côte à côte contre les seigneurs aquitains et prennent Châteauneuf à Wulgrin d’Angoulême, très vite, Henri le Jeune se retire et laisse Richard continuer seul la lutte. La froideur entre les deux frères se manifesta encore plus concrètement entre 1181 et 1182 par l’attitude de Richard qui fit fortifier Clairvaux, place d’une grande importance stratégique située sur des terres qui devaient revenir à Henri le Jeune.

En 1181 précisément, les discordes qui n’étaient pas totalement éteintes se rallumèrent à la mort de Wulgrin, le comte d’Angoulême, et embrasèrent toute l’Aquitaine. Richard voulut profiter de ce que le comte ne laissait qu’une fille pour exercer ses droits de suzerain et placer sous sa tutelle la jeune fille et le comté. Les frères du défunt s’y opposèrent et attirèrent dans leur camp leur demi-frère Aimar V de Limoges et le comte de Périgord, Hélias VI Talairan.

Henri II, accompagné de Geoffroy de Bretagne, vint aider Richard dans sa  lutte contre les barons aquitains, mais Henri le Jeune laissa planer le doute sur ses intentions. Pendant que Richard assiège le Puy-Saint-Front à Périgueux, son aîné célèbre la Saint-Martial à Limoges où il reçoit un accueil chaleureux. Néanmoins, Henri II imposa sans doute sa volonté et, le lendemain, le 1er juillet 1182, Richard et Henri le Jeune se rencontrèrent devant Périgueux où leur père les réconcilia. La Chronique des évêques de Périgueux rapporte : Henricus Rex Anglorum & Dux Normannorum cum filiis suis Henrico rege juniore, Richardo duce Aquitanorum & Gaufredo comite Britannorum, cum quodam Aragonum rege atque Ergamanda (sic) domina de Narbona, Podium S. Frontonis obsedit (3). Puis, brutalement, l’héritier du trône d’Angleterre s’enfuit et se réfugia auprès de son beau-frère, le roi de France.

Henri II, légitimement inquiet, lui envoya de nombreux messages, mais son fils ne consentit à revenir auprès de lui qu’en échange d’engagements précis : les chroniqueurs s’accordent pour parler de cent livres angevines par jour pour le prince et dix pour sa femme ; il devait en outre recevoir avant la fin de l’année une suite de plus de cent hommes d’armes (4). Ces promesses sont sans doute très exagérées, puisqu’elles représentent, selon M. Boussard (Ibid. p. 541, note 4) près de la moitié des revenus du royaume ; toujours est-il qu’elles déterminèrent Henri le Jeune à revenir auprès de son père, et, lorsque le roi tint sa cour de Noël à Caen, en 1182, ses fils Henri, Richard et Geoffroy l’entouraient ; nous avons déjà vu que sa fille Mathilde, duchesse de Saxe, se trouvait également en Normandie. Ainsi la plupart des acteurs étaient réunis pour l’extraordinaire coup de théâtre à venir.

Après la fête, la cour quitta Caen pour Angers, puis, au Mans, Henri II demanda à Richard et Geoffroy de prêter hommage à leur frêre aîné pour leurs terres. Si le comte de Bretagne s’exécuta, Richard refusa de reconnaître la supériorité de son aîné : selon lui, il était propriétaire des biens de sa mère comme Henri le Jeune le serait des biens de son père. Une telle conception n’était pas de nature à satisfaire le Jeune Roi, et, lorsque l’intervention d’Henri II contraignit le duc d’Aquitaine à prêter hommage, ce fut au tour d’Henri le Jeune de refuser de le recevoir. Il aurait alors révélé à leur père l’affaire de Clairvaux et les liens qui l’unissaient aux Poitevins, lassés des violences que leur faisait subir leur suzerain, et l’aurait supplié de prendre Clairvaux en son pouvoir. Après avoir opposé quelque résistance, Richard accepta de se soumettre et de rendre la forteresse à son père.

La suite des événements n’est pas claire, et des versions diverses en sont proposées, parfois dans la même chronique (cf. Benoît de Peterborough, O. C. p. 291 sq. et Roger de Hoveden, O. C. p. 274). Selon la première, après la soumission de Richard, Henri II aurait fait jurer à ses fils une paix perpétuelle. Mais, pour que ce serment fût efficace, une partie essentielle manquait à la cérémonie : il fallait que les barons aquitains qui soutenaient le Jeune Roi souscrivissent au serment. Le roi décida alors de les convoquer pour ce faire à Mirebeau et il leur dépêcha son propre fils Geoffroy, et ce messager de paix sema si bien la révolte que le roi, assez naïvement, envoya Henri le Jeune à la rescousse, tandis que Richard rendait Clairvaux. Le Jeune Roi n’eut rien de plus pressé que de rejoindre les rangs des rebelles et, au mois de février 1183, il était maître de Limoges.

Selon la seconde version, dès qu’Henri le Jeune eut refusé l’hommage de Richard, celui-ci partit se retrancher dans ses domaines, et leur père confia à Henri et Geoffroy la mission de rabattre l’orgueil de leur frère. Cette version  me paraît moins probable que la première, car elle ressemble trop exactement à des événements qui se déroulèrent en 1184.

Quoi qu’il en soit, les alliés auraient réussi mieux que le roi ne l’avait prévu, et, lorsque la situation de Richard devint critique, Henri II, à la tête d’une petite troupe, marcha sur Limoges pour imposer sa médiation. Il y fut acueilli par une volée de flèches, décochées par erreur, évidemment... Puis on assiste à une comédie assez déplaisante : le Jeune Roi va protester de ses bonnes intentions auprès de son père, tandis que Geoffroy ravage les terres de leurs ennemis ; en même temps, Henri le Jeune se liait aux barons révoltés par le serment du Dorat.

L’affaire s’envenimait : Philippe Auguste envoya les paillers, des mercenaires, et le duc de Bourgogne et le comte de Toulouse venaient apporter leur soutien à Henri le Jeune lorsqu’une brève maladie emporta brutalement ce prince à Martel, le 11 juin 1183.

La guerre était finie : les alliés, à peine arrivés, s’empressèrent de mettre la plus grande distance possible entre eux et le roi d’Angleterre ; Geoffroy s’enfuit, puis obtint son pardon ; les barons aquitains durent supporter seuls le poids de la colère et de la douleur du vieux roi. Ce fut d’abord le tour d’Aimar de Limoges : Natali Sancti Ioannis, Ademarus vicecomes castrum reddidit Regi fratribusque suis Engolismensibus abrenuntiavit, quousque Regis ac Ducis gratiam mererentur : recepto rex castro muros ejus fossatosque funditus evertens solo coaequavit. Senescallum illic dimisit qui eversionem acceleraret (5). Puis Richard, en compagnie d’Alphonse d’Aragon, vieil allié des Plantagenêts et constant ennemi du comte de Toulouse, partit ravager les terres du comte de Périgord.

La forteresse, imprenable ou presque, d’Hautefort était sur son chemin.

Le premier sirventés que Bertran ait composé pendant cette période est sans doute Pois Ventadorns et Comborns ab Segur. En effet, le Jeune Roi, si, comme probable, c’est bien lui que Bertran surnomme En Charretier au vers 13, a abandonné la lutte, ce qui correspond bien à la réconciliation du Puy-Saint-Front. D’autre part, Bertran présente l’affaire de Clairvaux comme une nouveauté, laissant même entendre que le prince angevin n’est pas encore au courant du tort qu’on lui fait (6).

Les chroniques ne parlent de cette forteresse qu’à propos de la fin de 1182 ou du début de 1183 : cela ne doit pas faire illusion, il est naturel qu’elles n’abordent cette question qu’au moment où elle devient la cause de la discorde entre les Plantagenêts. Je partage l’avis de Kate Norgate (7) qui pense que cette affaire a commencé bien avant la fin de l’année 1182.

Néanmoins, Thomas (8) a raison, à mon sens, de refuser de placer la composition de ce sirventés en 1181, comme le voudrait Clédat (O. C. p. 41 sq.). L’erreur de celui-ci vient de ce qu’il a voulu voir en Taillafer (v. 43) le comte Wulgrin qui mourut en 1181, croyant que tous les comtes d’Angoulême portaient ce surnom, qui revient en fait à Guilhem qui lui succéda (Stroński, O. C. Légende p. 17).

 

Nº 13 : Mon chan fenis ab dol et ab maltraire.

 

On ne peut que s’étonner de la violence des réactions qui se produisirent après la mort d’Henri le Jeune à Martel, le samedi 11 juin 1183. Kate Norgate (9) remarque ; “Hero or saint could scarcely have won a more universal tribute of affection and regret than was showered upon this young king who, so far as we can see, had done so little to deserve it”.

Les chroniqueurs ont rivalisé pour son panégyrique : Obiit Henricus, carissimus dominus noster, juvenis rex, filius Henrici Secundi excellentissimi et illustrissimi regis Anglorum, apud Castrum Martel, iij idus Junii, in festivitate beati Barnabae apostoli, vir per omnia plangendus, non solum quia erat filius carissimi domini nostri Henrici excellentissimi regis Anglorum Secundi, verum estiam quia erat pulcherrimus facie, honestus in moribus, dapsilis in muneribus, super omnes quos in nostra aetate vidimus, qui terram nondum haberet assignatam, quamvis pater ejus quindecim milia librarum Andegavensis monetae et eo amplius quotannis daret. Sed hoc parum erat ad explendam latitudinem cordis ejus. In officio militari tantus erat, ut non haberet parem, sed principes et comites et etiam reges eum timerent (10). De même, Giraut le Cambrien (11), dans son éloge de lettré, invoque à titre de comparaison Priam, Hector, Jules César, Achille, Auguste, Paris, Titus et Alexandre le Grand. L’auteur de l’Histoire de Guillaume le Maréchal (O. C. t. I ) n’est pas en reste pour décrire les qualités du Jeune Roi : Puis vos di que li giemble reis, Qui fu bons e beals e corteis Le fist puis si bien en sa vie Qu’il raviva chevalerie Qui a cel tens ert pres de morte (vv. 2637-41), Ici sera lonc tens li reis Qui tant esteit pruz e corteis E larges sor toz crestïens, E qui toz princes terrïens Sormonta par fine beauté E d’onor e de lëauté (vv. 3643-48) ni pour déplorer sa mort : A Martel morut, ce me semble, Cil qui out dedenz sei ensemble Tote corteisie e proece, Debonaireté e largesce (vv. 6985-88).

Une seule voix détonne dans ce concert de louanges, celle du chroniqueur au franc parler Guillaume de Newburgh (12) : Henricus Tertius, Anglorum rex junior, immatura morte decessit. Plane immatura si aetatem respicias, sed multum sera si actus attendas. Foedaverat enim adolescentiam suam naevo inexpiabili, id est, similitudine scelestissimi Absalonis, ut superius expositum est. Juventum quoque ingressus, eandem adolescentiae suae noluit esse dissimilem ; et praevaricator, non tantum naturae, ut prius, verum etiam solemnium pactorum, rebellavit iterum contra patrem... Hunc finem habuit inquietus puer, ad multorum quidem natus exitium ; sed tamen hominibus adeo favorabilis et gratiosus, quia ut scriptum est, “Stultorum infinitus est numerus”, ut etiam de mortuo praeclara dicerentur. Denique post mortem ejus, quidam mentiendi libidine atque impudentissima vanitate, famam late sparserunt, quod ad sepulchrum ejus curationes fierent infirmorum, scilicet ut vel causam contra patrem justam habuisse, vel finali poenitentia Deo egregie placuisse, crederetur.

De fait, des villes allèrent jusqu’à se disputer le droit de recevoir son corps et Thomas Agnel affirme même avoir rencontré un homme que les reliques du Jeune Roi avaient guéri (13).

 

Razon

Cette razon se trouve dans trois manuscrits : F (96 vº-97), I (183 vº) et K (169).

Texte de base : K.

 

1
Lo plainz q’En Bertrans de Born fetz del Rei
 
Jove non porta autre razon si non que·l Reis Joves
 
era lo meiller hom del mon, e·N Bertrans li volia
 
meills qu’a home del mon, e lo Rei Joves ad el
5
meills q’a home del mon e plus lo crezia que home
 
del mon ; per que lo reis Enrics, sos paire, e·l
 
coms Richartz, sos fraire, volian mal a·N Bertran.
 
E per la valor que·l Reis Joves avia e per lo gran
 
dol que fon a tota la gen, el fetz lo plaing de lui
10
que dis : “Mon chan fenis ab dol et a maltraire...”

 

Argument :

Le thrène que Bertran de Born composa en l’honneur du Jeune Roi n’a pas d’autre motif que celui-ci : le Jeune Roi était le meilleur homme du monde, Bertran l’aimait plus que personne au monde et le Jeune Roi aimait Bertran plus que personne au monde. C’est pourquoi le roi Henri, son père, et le comte Richard, son frère, voulaient du mal à Bertran. Et, en raison de la valeur du Jeune Roi et du deuil que tous les gens éprouvèrent, il composa en son honneur le thrène qui dit : “Je mets fin à mon chant dans le deuil et dans la souffrance...”

 

Apparat critique :

1) plaintz qe B. F, qu’ I, fez F. 2) no port’ F, se no F. 3) B. F. 4) meillz qe az F, e·l R- F, F introduit volia miellz entre Joves et ad. 5) Meills manque à F, qe az F, qu’ I, le F, que home manque à F. 6) del mon manque à F, qe F, Henrics F. 7) volum F. 8) lo v- IK, qe·l rei F. 9) danz q’en F, la manque à F, genz F, fez aquest plaingz F. 10) qe F, F s’arrête après dis.

 

Chanson

Texte de base : I.

Disposition des strophes :

CDEFIK
1
2
3
4
5
e
e’
e’’
AB
1
3
2
4
5
e
e’
e’’
Ma
-
-
3
4
5
e
e’’
e’

 

Les vers 26 et 27 sont intervertis dans C, les vers 54 et 55 dans A et B et les vers 61 et 62 dans DFIK. D’autre part, le vers 11 manque à D, le vers 25 à E, le vers 39 à DIK et le vers 72 à A. En revanche, dans la première tornada, ABE possèdent un vers supplémentaire.

Comme cela ressort de la disposition des strophes, les manuscrits A et B sont étroitement liés et se séparent rarement ; ils présentent fréquemment des leçons particulières (vv. 10, 11, 12, 14, 16, 20, 22, 26, 28, 31, 32, 35, 37, 38, 39, 49, 50, 53, 55, 56, 64, 65, 66, 69 et 71). Un second groupe, CE, isolé aux vers 12, 21, 32, 35 et 64, est moins étroitement uni. Enfin, dans le troisième ensemble, si IK ne se séparent presque jamais (vv. 14, 17, 24, 40, 44, 45, 54 et 71) et si, le plus souvent, D les suit (vv. 2, 25, 35, 39, 61, 63, 64 et 77), F ne leur est associé qu’avec une moindre régularité (vv. 7, 21, 35, 49, 64 et 69).

On peut noter un lien entre AB et CE : leurs copistes ont pensé que la rime g était -os et non -o(n) ; en conséquence, ils ont réorganisé les vers, mais sans pouvoir toujours éviter les incohérences. Ainsi, au vers 49, les copistes de AB ont pu transformer aisément Non vi hom tan pro en Non fo anc tan pros (peine que ne prennent pas les copistes de CE qui écrivent : Non vi hom tan pros), mais il leur est alors impossible de respecter la rime -an qu’exige le vers suivant : la logique de AB impose guerreians, ce qui ne convient pas au schéma de la chanson, et CE conservent guerreian. Cette attitude commune aux copistes de ABCE se manifeste aux vers 7, 21, 35, 49 et 63. Pour le reste, ces manuscrits ne se rejoignent qu’au vers 61. En revanche, il arrive que C et E se séparent et que l’un d’eux se joigne alors à AB : c’est vrai pour E (vv. 18 et 68) et plus encore pour C (vv. 6, 29, 52 et peut-être aux vers 41 et 70). Il arrive aussi que CE fassent la même lecture que DFIK ou DIK, lorsque F s’écarte de ces manuscrits (vv. 3, 29, 36, 49 et 66). Il est rare que C rejoigne cet ensemble en l’absence de E (v. 32), mais la réciproque n’est pas vraie, et nous pouvons rencontrer E uni à DFIK (vv. 6, 10, 29, 41, 52, 53 et 70) ou à DIK (vv. 12, 26, 43 et 75). Enfin, si F est le plus souvent lié à DIK, et plus précisément à D, il lui arrive d’adopter les mêmes leçons que AB (vv. 3, 25, 29 et 36), C (v. 12) ou CE (v. 39).

Le manuscrit Ma semble tout à fait original, malgré des rencontres avec E (v. 46), AB (vv. 37, 54 et 64), où doivent être privilégiés A que l’on trouve uni à C (v. 41), et surtout C (v. 47, 51, 52, 56, 68 et 70).

 

Notes:

(1) J. Boussard : Le gouvernement d’Henri II Plantagenêt, Abbeville, 1956, p. 113. ()

(2) Geoffroy de Vigeois : O. C. p. 335. ()

(3Recueil des Historiens de la Gaule, t. XII, p. 392. ()

(4) Roger de Hoveden : Chronique, éd. W. Stubbs, réimp Londres, 1964, p. 267. ()

(5) Geoffroy de Vigeois : O. C. p. 337. ()

(6) Le troubadour écrit an bastit (v. 35), alors que tous les chroniqueurs parlent plus modérément de fortifications : munitionibus multis firmaverat (Raoul de Dicet : Ymagines Historiarum, éd. Stubbs, réimp. Londres 1965, t. II, p. 18). Tous les critiques modernes ont repris l’idée d’une construction : on comprend pourtant beaucoup mieux que Richard ait pu faire fortifier le château en cachette ; comment réussir à le bâtir en secret ? ()

(7England under the Angevin Kings, Londres, 1887, t. II. ()

(8Revue de la Bibliothèque de l’École des Chartes, Paris 1879, p. 475. ()

(9England under the Angevin kings, Londres, 1887, t. II, p. 229. ()

(10) Robert de Thorigny : Chroniques, éd. R. Howlett, Londres, réimp. 1964, p. 305. ()

(11De Principis Instructione, éd. G. F. Warner, Londres, réimp. 1964, p. 173. ()

(12Historia rerum anglicarum, éd. R. Howlett, Londres, réimp. 1964, pp. 233-234. ()

(13) Thomas Agnel : Sermo de morte et sepultura Henrici Regis junioris, éd. J. Stevenson, Londres, réimp. 1965, p. 267. ()

 

 

 

 

 

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