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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,028- Bertran de Born

 

Deuxième Partie.
 
LA GUERRE ET LA DISCORDE.

 

Chapitre III.
 
LES GUERRES DE LA FIN DU REGNE D’HENRI II
 
ET L’AVENEMENT DE RICHARD Ier
 
 
Les débuts du règne de Philippe ne furent rien moins que faciles : il dut à partir de 1181 faire face à une formidable coalition de barons du Nord, regroupés autour du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, et l’appui des Plantagenêts fut bien nécessaire au pauc rei de Terra Maior (15. 15). Pourtant, en dépit de ces bonnes relations, les occasions de conflit entre le roi de France et son puissant vassal angevin ne manquaient pas.

En 1151, afin de pouvoir se consacrer entièrement à la lutte contre Étienne et à ses affaires d’outre-Manche, Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou et prétendant au trône d’Angleterre, abandonna à Louis VII la majeure partie du Vexin et lui renouvela la cession de Gisors. Par la suite, son fils, devenu Henri II, roi d’Angleterre, dans le but de récupérer ces terres, proposa à son suzerain de marier Henri le Jeune, son héritier, à Marguerite de France, dont le Vexin serait la dot. Dès la célébration du mariage, Henri II se fit remettre les châteaux du Vexin qu’il se garda soigneusement par la suite de transmettre à son fils.

Pendant la crise des années 1182-1183, Philippe ne put sans doute pas intervenir autant qu’il l’aurait souhaité dans les affaires des Plantagenêts : il accueillit bien à sa cour le Jeune Roi fugitif pendant l’été de 1182, mais il se contenta d’appuyer indirectement les rebelles en leur envoyant des mercenaires : Bertran lui en fait d’ailleurs le reproche (12. 49-56).

À la mort du Jeune Roi, Philippe réclama qu’on lui restituât le douaire de sa sœur. Henri II ne voulut rien entendre et il fallut transiger : pour mettre fin à l’un des innombrables conflits qui opposèrent Plantagenêts et Capétiens au XIIe siècle, Alix, la seconde fille de Louis VII, avait été fiancée au jeune Richard, alors âgé de dix ans, en 1167. Seize ans plus tard, leur mariage n’avait toujours pas été célébré pour d’obscurs motifs. “Pourquoi le roi d’Angleterre gardait-il cette jeune fille, chez lui, en prisonnière, en otage, au lieu de la donner à son fils ? Conduite étrange qui autorisait les pires soupçons” (1). Alors, le 6 décembre 1183, Henri II offrit à Philippe une compensation pécuniaire et lui rendit hommage, et les deux rois convinrent que le Vexin serait désormais considéré comme le douaire d’Alix. Ainsi, pendant des années encore, toute entente entre Français et Anglais comportera un article stipulant la célébration du mariage de Richard avec la princesse française. Cette union, toujours remise, et qui ne se produisit jamais, allait fournir à Philippe un grief et un moyen de chantage permanents.

Par la suite, les rencontres se multiplient sans qu’on parvienne à une paix, dont d’ailleurs aucune des parties ne semble réellement vouloir. À peine conclu l’accord de Gisors entre Philippe et Henri le 10 mars 1186, voici que Richard, probablement aidé en sous-main par son père, organise en avril un raid contre le comte de Toulouse, qui en appelle à son suzerain le roi de France. Philippe demanda bien qu’un terme fût mis à cette agression, mais il refusa de s’engager plus avant. Peut-être fondait-il davantage d’espérances sur la complicité de Geoffroy de Bretagne qu’il accueillit à sa cour avec une satisfaction marquée.

On sait comment la mort du comte de Bretagne traversa les desseins de Philippe Auguste. Elle ne lui en fournissait pas moins une nouvelle occasion de conflit : le roi exigea qu’on plaçât sous sa protection la fille qu’avait laissée Geoffroy, puis Arthur, lorsqu’un fils posthume naquit de la comtesse de Bretagne le 29 mars 1187. Telle n’était pas l’intention d’Henri II, qui négocia, obtint une trêve jusqu’au 13 janvier 1187 et proposa ensuite de la prolonger jusqu’à Pâques. Le 5 avril, la conférence du Gué-Saint-Rémy ne put que constater le désaccord et retarder le conflit. Toutefois, à la fin du mois de mai, Philippe prit l’offensive : il pénétra en Berry, enleva Issoudun et Graçay et bloqua Châteauroux où s’étaient enfermés Richard et Jean. Henri II vint à la rescousse et les armées des deux rois campaient sur les bords de l’Indre. Le 23 juin, on s’arma pour la bataille décisive. Elle n’eut pas lieu : Archiepiscopi etiam et episcopi, abbates, comites et barones utriusque regni, non permittentes illos congredi dederunt illis in consilio quod pax inter illos vel treugae longiores... (2). L’accord ainsi conclu laissa à Philippe Issoudun et Frèteval et instaura une trêve de deux années.

À l’occasion de cet accord, Richard se rapprocha de Philippe avec lequel il partit, malgré son père ; désormais son comportement peut sembler manquer de franchise : on le voit ainsi en septembre voler le trésor de Chinon, fortifier ses forteresses en Poitou avant d’aller prêter hommage à son père à Angers. L’incohérence apparente des actes de Richard s’explique par sa crainte d’être déshérité. Le Jeune Roi avait été sacré du vivant de son père, or non seulement Richard ne parvenait pas à obtenir cette consécration d’un Henri II plus jaloux que jamais de son pouvoir, mais encore le vieux roi avait tenté d’ôter l’Aquitaine à Richard pour la donner à Jean. Aussi, tantôt Richard se comporte en héritier sûr de ses droits, tantôt il agit pour prendre de vitesse son père qu’il soupçonne de vouloir le dépouiller.

La trêve conclue pour deux ans ne dura pas sept mois. Le remariage de la comtesse de Bretagne amena Philippe à renouveler ses revendications et, en dépit des terribles nouvelles de Terre sainte, le roi de France menaçait la Normandie. Une conférence supplémentaire se tint entre Gisors et Trye le 21 janvier 1188, mais l’intervention de l’évêque de Tyr en personne ne permit plus aux deux rois de faire mine d’ignorer la gravité de la situation. Ils durent, sous la pression de leurs vassaux, se croiser, comme Richard l’avait fait dès avant. En fait, Henri avait prononcé depuis quinze ans déjà le vœu de se croiser, mais cela lui permit de lever sur ses sujets une dîme exceptionnelle. Il avait si peu le désir de partir pour l’Orient que les chroniqueurs vont jusqu’à le soupçonner d’avoir suscité les troubles qui éclatèrent dès ce même mois de janvier sur les terres de Richard avec la révolte de Geoffroy de Rancon, Aimar d’Angoulême et Geoffroy de Lusignan. Une fois ce soulèvement écrasé, la paix n’en régna pas pour autant dans le Sud-Ouest, puisque le comte de Toulouse molesta des marchands poitevins ; Richard riposta en s’emparant de Pierre Seilun, un des conseillers de Raimon V, et le comte, pour tenter d’obtenir la libération de son vassal, n’hésita pas à capturer des chevaliers anglais qui revenaient de Compostelle et qu’il voulait utiliser comme monnaie d’échange. Richard répliqua dès le printemps en envahissant le domaine comtal. Le roi de France, inquiet, s’avança vers le midi pour tenter de réconcilier ses deux grands vassaux, mais il n’obtint aucun résultat et le 3 juin Richard attaqua le Quercy et menaça même Toulouse (3). Alors, faisant semblant de tenir le roi d’Angleterre pour responsable des actes de son fils, Philippe se jeta sur le Berry où le 16 juin, il prit Châteauroux. Henri II dut passer la Manche et il rassembla son armée à Alençon à la mi-juillet. Les combats qui s’ensuivirent tenaient plus de l’escarmouche que de la bataille rangée : Henri II tenta sans succès un coup de main sur Mantes, puis Richard marcha sur le Berry pour s’opposer à Philippe qui en sortit et proposa de conclure la paix. Et l’on reprit les sempiternelles rencontres entre Gisors et Trye.

Traditionnellement, les entrevues entre le roi de France et le duc de Normandie se déroulaient à la frontière de cette province, sous un orme vénéré. À la fin d’une conférence de 1188, Philippe exaspéré par son échec et sans doute désireux de marquer une rupture définitive, fit couper le vieil arbre.

L’accord était impossible : Henri II et Philippe voulaient le conclure sur la base de la rétrocession des terres conquises, mais Richard ne pouvait accepter une telle solution ; assurément Châteauroux, Issoudun et Graçay, qui appartenaient à son père, lui reviendraient un jour, mais rendre le Quercy, c’était renoncer, selon Raoul de Dicet (O. C. p. 57), à mille marcs ou plus qui tombaient chaque jour directement dans son escarcelle.

C’est après cette période que les chroniques situent une péripétie fort caractéristique des attitudes des seigneurs de l’époque : Interim comes Flandriae et comes Theobaldus, caeteri comites et barones de regno Franciae contra quorum consilium rex Franciae guerram fecerat, arma sua deposuerunt, dicentes se nunquam gestaturos contra Christianos donec redirent de peregrinatione Jerosolimitanae profectionis. Tunc rex praefatus Franciae auxilio suorum destitutus, petit a rege Angliae colloquium (4).

Ainsi les entrevues reprirent leur succession. Le 18 novembre, au colloque de Bonmoulins, la situation bloquée trouva une issue inattendue : Richard demanda une fois de plus à son père de lui laisser épouser Alix et Philippe l’appuya, insinuant qu’Henri II devrait reconnaître Richard pour son héritier. Le vieux roi tenta encore une fois de temporiser,  mais Richard, s’emportant alors, prêta sur le champ hommage au roi de France pour les domaines continentaux des Plantagenêts ; en retour, Philippe lui rendit Châteauroux et Issoudun. Les discussions en restèrent là ; on se contenta de prolonger la trêve jusqu’au mois de janvier et le roi de France et le comte de Poitou partirent de conserve.

Une fois encore la discorde allait opposer les Plantagenêts. La guerre ne fut pas très longue : le vieux roi n’avait plus la force de résister à la trahison générale.

Après la mort d’Henri II, on pouvait penser que les épineuses questions qui l’avaient opposé à Louis VII, puis à Philippe Auguste, allaient enfin être réglées. Quand Richard eut été proclamé duc de Normandie à Rouen, un colloque réunit les alliés de naguère entre Chaumont et Trye, le 22 juillet. On décida que Philippe conserverait les châteaux d’Auvergne et du Berry, mais, contre dédommagement, Richard gardait le Vexin. Il n’avait toujours pas épousé Alix lorsqu’il partit en août pour l’Angleterre où il devait être couronné le 3 septembre 1189.

Les deux souverains n’avaient donc toujours pas extirpé les racines d’un conflit qui dressait en réalité l’une contre l’autre la puissance anglaise et la puissance française, et cela, quels que fussent les rois de ces pays.

 

Nº 25 : Molt m’es descendre car col.

 

À la suite de Stimming 1, Clédat (O. C. p. 69) pense que ce sirventés a été composé pendant l’hiver 1186-1187, car c’est en 1187 qu’allait éclater la guerre contre les Français annoncée dans la strophe IV. Par la suite, Thomas devait accepter cette date.

Kastner (5), s’appuyant sur les vers 3 et 4 : E car assaut ni cembel Non vim mais aura d’un an, pense que cette poésie a été composée pendant l’été 1184, ce que confirmeraient les pointes contre Alphonse de la strophe V. Cette datation est adoptée par Appel (B. von B., p. 47).

Le seul renseignement que nous donne directement le texte porte sur la saison où il a été écrit : l’été s’est achevé, la mauvaise saison l’a remplacé, oi mais plou et iverna (v. 32). Or il est impossible de dire qu’on n’a pas vu de combats pendant l’été 1184, puisque c’est précisément la période où les fils d’Henri II portèrent la guerre en Poitou (Gesta pp. 318-319, t. I). En revanche, qu’en est-il si nous supposons que le sirventés a été composé au début de l’hiver 1185 ? Nous avons vu que le roi obligea ses fils à venir le retrouver en Angleterre après les combats de l’été 1184 ; quand les hostilités reprennent en 1185, nous savons que Richard est l’agresseur ; donc Bertran peut dire à la fin de l’année non vim puisque ces batailles ne se sont probablement pas déroulées sur le domaine de Richard. Ensuite, lorsque Henri II dépouille son fils de son comté, au printemps 1185, celui-ci n’est plus que le seingner que ten Bordel, comme l’appelle notre sirventés (v. 11) et il se tient probablement tranquille jusqu’à son expédition contre Toulouse en 1186.

Moins claire est l’allusion aux menaces françaises ; s’il est vrai que l’on connaît mieux les réclamations que fit entendre Philippe à la mort de Geoffroy de Bretagne, il est probable que ses protestations à propos du douaire de Marguerite, après la mort du Jeune Roi, n’avaient pas été totalement apaisées par la conférence du 4 décembre.

 

Chanson

Texte de base : K.

Dispositions des strophes :

IK
1
2
3
4
5
6
7
e
e’
ADUV
1
2
-
4
5
6
7
e
-
C
1
2
3
6
5
4
7
e
e’
R
1
2
3
-
5
-
7
e
e’
T
1
2
3
4
7
-
5
e’
e
a
x
7
y
5
8
2
-
e’
e

 

S’il est aisé de mettre en évidence, comme cela ressort de l’apparat critique, de petits groupes de manuscrits comme UV, IK, CT ou Ra, il est en revanche difficile de déterminer de plus vastes ensembles.

Les manuscrits ADIK présentent un grand nombre de points communs, mais si D est lié à IK (vv. 10, 29, 32, 48, 49 et 59) et peut-être plus particulièrement à K, comme le ferait penser le vers 48, on ne peut se risquer à la même affirmation pour A. On doit d’ailleurs noter que, les strophes de D ne se succèdent pas comme celles de IK, mais comme celles de A, et aussi de UV.

Des rapports complexes existent entre les manuscrits CRTa (vv. 16 et 40). Outre les ressemblances déjà signalées, il est d’autres liens qui unissent CR (vv. 1, 19, 22 et 24), RT (vv. 14 et 15), Ca (v. 15) ; d’autres rapports sont plus complexes : CRT (vv. 2, 3, 4, 7, 21, 23 et 24), CRa (v. 9) et RTa (vv. 34 et 51).

Si le groupe UV rencontre parfois A (vv. 26 et 56) ou D (v. 40), comme une identique disposition des strophes le laissait augurer, il s’accorde beaucoup plus fréquemment avec les manuscrits de l’ensemble CRTa : avec C (vv. 47 et 48), R (v. 4), T (vv. 3, 25, 52 et 59), a (vv. 10 et 59), Ca (v. 56), Ra (v. 10), CT (v. 25 et 32) et RTa (v. 59). On note quelques cas de contaminations : ainsi a rejoint A (v. 13) et IK (v. 40) ; T rejoint DIK (v. 60).

Enfin, le manuscrit a, qui attribue le poème à Peire Vidal, insère la strophe VII entre deux coblas de ce poète ; il donne ensuite notre strophe V qu’il fait suivre d’une autre qu’il est seul à contenir.

 

Notes:

(1) Luchaire : Histoire de France de Lavisse, t. II, 1, p. 91. ()

(2) Benoît de Peterborough, O. C. t. II, p. 6. ()

(3) Dom Vaissète, O. C. t. VII, pp. 22-24. ()

(4Gesta, t. II, pp. 47-48. ()

(5M. L. R. nº 32, 1937, p. 179. ()

 

 

 

 

 

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