Les débuts du règne de Philippe ne furent rien moins que faciles : il dut à partir de 1181 faire face à une formidable coalition de barons du Nord, regroupés autour du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, et l’appui des Plantagenêts fut bien nécessaire au pauc rei de Terra Maior (15. 15). Pourtant, en dépit de ces bonnes relations, les occasions de conflit entre le roi de France et son puissant vassal angevin ne manquaient pas.
En 1151, afin de pouvoir se consacrer entièrement à la lutte contre Étienne et à ses affaires d’outre-Manche, Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou et prétendant au trône d’Angleterre, abandonna à Louis VII la majeure partie du Vexin et lui renouvela la cession de Gisors. Par la suite, son fils, devenu Henri II, roi d’Angleterre, dans le but de récupérer ces terres, proposa à son suzerain de marier Henri le Jeune, son héritier, à Marguerite de France, dont le Vexin serait la dot. Dès la célébration du mariage, Henri II se fit remettre les châteaux du Vexin qu’il se garda soigneusement par la suite de transmettre à son fils.
Pendant la crise des années 1182-1183, Philippe ne put sans doute pas intervenir autant qu’il l’aurait souhaité dans les affaires des Plantagenêts : il accueillit bien à sa cour le Jeune Roi fugitif pendant l’été de 1182, mais il se contenta d’appuyer indirectement les rebelles en leur envoyant des mercenaires : Bertran lui en fait d’ailleurs le reproche (12. 49-56).
À la mort du Jeune Roi, Philippe réclama qu’on lui restituât le douaire de sa sœur. Henri II ne voulut rien entendre et il fallut transiger : pour mettre fin à l’un des innombrables conflits qui opposèrent Plantagenêts et Capétiens au XIIe siècle, Alix, la seconde fille de Louis VII, avait été fiancée au jeune Richard, alors âgé de dix ans, en 1167. Seize ans plus tard, leur mariage n’avait toujours pas été célébré pour d’obscurs motifs. “Pourquoi le roi d’Angleterre gardait-il cette jeune fille, chez lui, en prisonnière, en otage, au lieu de la donner à son fils ? Conduite étrange qui autorisait les pires soupçons” (1). Alors, le 6 décembre 1183, Henri II offrit à Philippe une compensation pécuniaire et lui rendit hommage, et les deux rois convinrent que le Vexin serait désormais considéré comme le douaire d’Alix. Ainsi, pendant des années encore, toute entente entre Français et Anglais comportera un article stipulant la célébration du mariage de Richard avec la princesse française. Cette union, toujours remise, et qui ne se produisit jamais, allait fournir à Philippe un grief et un moyen de chantage permanents.
Par la suite, les rencontres se multiplient sans qu’on parvienne à une paix, dont d’ailleurs aucune des parties ne semble réellement vouloir. À peine conclu l’accord de Gisors entre Philippe et Henri le 10 mars 1186, voici que Richard, probablement aidé en sous-main par son père, organise en avril un raid contre le comte de Toulouse, qui en appelle à son suzerain le roi de France. Philippe demanda bien qu’un terme fût mis à cette agression, mais il refusa de s’engager plus avant. Peut-être fondait-il davantage d’espérances sur la complicité de Geoffroy de Bretagne qu’il accueillit à sa cour avec une satisfaction marquée.
On sait comment la mort du comte de Bretagne traversa les desseins de Philippe Auguste. Elle ne lui en fournissait pas moins une nouvelle occasion de conflit : le roi exigea qu’on plaçât sous sa protection la fille qu’avait laissée Geoffroy, puis Arthur, lorsqu’un fils posthume naquit de la comtesse de Bretagne le 29 mars 1187. Telle n’était pas l’intention d’Henri II, qui négocia, obtint une trêve jusqu’au 13 janvier 1187 et proposa ensuite de la prolonger jusqu’à Pâques. Le 5 avril, la conférence du Gué-Saint-Rémy ne put que constater le désaccord et retarder le conflit. Toutefois, à la fin du mois de mai, Philippe prit l’offensive : il pénétra en Berry, enleva Issoudun et Graçay et bloqua Châteauroux où s’étaient enfermés Richard et Jean. Henri II vint à la rescousse et les armées des deux rois campaient sur les bords de l’Indre. Le 23 juin, on s’arma pour la bataille décisive. Elle n’eut pas lieu : Archiepiscopi etiam et episcopi, abbates, comites et barones utriusque regni, non permittentes illos congredi dederunt illis in consilio quod pax inter illos vel treugae longiores... (2). L’accord ainsi conclu laissa à Philippe Issoudun et Frèteval et instaura une trêve de deux années.
À l’occasion de cet accord, Richard se rapprocha de Philippe avec lequel il partit, malgré son père ; désormais son comportement peut sembler manquer de franchise : on le voit ainsi en septembre voler le trésor de Chinon, fortifier ses forteresses en Poitou avant d’aller prêter hommage à son père à Angers. L’incohérence apparente des actes de Richard s’explique par sa crainte d’être déshérité. Le Jeune Roi avait été sacré du vivant de son père, or non seulement Richard ne parvenait pas à obtenir cette consécration d’un Henri II plus jaloux que jamais de son pouvoir, mais encore le vieux roi avait tenté d’ôter l’Aquitaine à Richard pour la donner à Jean. Aussi, tantôt Richard se comporte en héritier sûr de ses droits, tantôt il agit pour prendre de vitesse son père qu’il soupçonne de vouloir le dépouiller.
La trêve conclue pour deux ans ne dura pas sept mois. Le remariage de la comtesse de Bretagne amena Philippe à renouveler ses revendications et, en dépit des terribles nouvelles de Terre sainte, le roi de France menaçait la Normandie. Une conférence supplémentaire se tint entre Gisors et Trye le 21 janvier 1188, mais l’intervention de l’évêque de Tyr en personne ne permit plus aux deux rois de faire mine d’ignorer la gravité de la situation. Ils durent, sous la pression de leurs vassaux, se croiser, comme Richard l’avait fait dès avant. En fait, Henri avait prononcé depuis quinze ans déjà le vœu de se croiser, mais cela lui permit de lever sur ses sujets une dîme exceptionnelle. Il avait si peu le désir de partir pour l’Orient que les chroniqueurs vont jusqu’à le soupçonner d’avoir suscité les troubles qui éclatèrent dès ce même mois de janvier sur les terres de Richard avec la révolte de Geoffroy de Rancon, Aimar d’Angoulême et Geoffroy de Lusignan. Une fois ce soulèvement écrasé, la paix n’en régna pas pour autant dans le Sud-Ouest, puisque le comte de Toulouse molesta des marchands poitevins ; Richard riposta en s’emparant de Pierre Seilun, un des conseillers de Raimon V, et le comte, pour tenter d’obtenir la libération de son vassal, n’hésita pas à capturer des chevaliers anglais qui revenaient de Compostelle et qu’il voulait utiliser comme monnaie d’échange. Richard répliqua dès le printemps en envahissant le domaine comtal. Le roi de France, inquiet, s’avança vers le midi pour tenter de réconcilier ses deux grands vassaux, mais il n’obtint aucun résultat et le 3 juin Richard attaqua le Quercy et menaça même Toulouse (3). Alors, faisant semblant de tenir le roi d’Angleterre pour responsable des actes de son fils, Philippe se jeta sur le Berry où le 16 juin, il prit Châteauroux. Henri II dut passer la Manche et il rassembla son armée à Alençon à la mi-juillet. Les combats qui s’ensuivirent tenaient plus de l’escarmouche que de la bataille rangée : Henri II tenta sans succès un coup de main sur Mantes, puis Richard marcha sur le Berry pour s’opposer à Philippe qui en sortit et proposa de conclure la paix. Et l’on reprit les sempiternelles rencontres entre Gisors et Trye.
Traditionnellement, les entrevues entre le roi de France et le duc de Normandie se déroulaient à la frontière de cette province, sous un orme vénéré. À la fin d’une conférence de 1188, Philippe exaspéré par son échec et sans doute désireux de marquer une rupture définitive, fit couper le vieil arbre.
L’accord était impossible : Henri II et Philippe voulaient le conclure sur la base de la rétrocession des terres conquises, mais Richard ne pouvait accepter une telle solution ; assurément Châteauroux, Issoudun et Graçay, qui appartenaient à son père, lui reviendraient un jour, mais rendre le Quercy, c’était renoncer, selon Raoul de Dicet (O. C. p. 57), à mille marcs ou plus qui tombaient chaque jour directement dans son escarcelle.
C’est après cette période que les chroniques situent une péripétie fort caractéristique des attitudes des seigneurs de l’époque : Interim comes Flandriae et comes Theobaldus, caeteri comites et barones de regno Franciae contra quorum consilium rex Franciae guerram fecerat, arma sua deposuerunt, dicentes se nunquam gestaturos contra Christianos donec redirent de peregrinatione Jerosolimitanae profectionis. Tunc rex praefatus Franciae auxilio suorum destitutus, petit a rege Angliae colloquium (4).
Ainsi les entrevues reprirent leur succession. Le 18 novembre, au colloque de Bonmoulins, la situation bloquée trouva une issue inattendue : Richard demanda une fois de plus à son père de lui laisser épouser Alix et Philippe l’appuya, insinuant qu’Henri II devrait reconnaître Richard pour son héritier. Le vieux roi tenta encore une fois de temporiser, mais Richard, s’emportant alors, prêta sur le champ hommage au roi de France pour les domaines continentaux des Plantagenêts ; en retour, Philippe lui rendit Châteauroux et Issoudun. Les discussions en restèrent là ; on se contenta de prolonger la trêve jusqu’au mois de janvier et le roi de France et le comte de Poitou partirent de conserve.
Une fois encore la discorde allait opposer les Plantagenêts. La guerre ne fut pas très longue : le vieux roi n’avait plus la force de résister à la trahison générale.
Après la mort d’Henri II, on pouvait penser que les épineuses questions qui l’avaient opposé à Louis VII, puis à Philippe Auguste, allaient enfin être réglées. Quand Richard eut été proclamé duc de Normandie à Rouen, un colloque réunit les alliés de naguère entre Chaumont et Trye, le 22 juillet. On décida que Philippe conserverait les châteaux d’Auvergne et du Berry, mais, contre dédommagement, Richard gardait le Vexin. Il n’avait toujours pas épousé Alix lorsqu’il partit en août pour l’Angleterre où il devait être couronné le 3 septembre 1189.
Les deux souverains n’avaient donc toujours pas extirpé les racines d’un conflit qui dressait en réalité l’une contre l’autre la puissance anglaise et la puissance française, et cela, quels que fussent les rois de ces pays.
Nº 26 : Al nou doutz termini blanc.
Selon Clédat et les autres commentateurs, ce sirventès aurait été composé en 1188, seule année où Richard, qui n’était encore que le comte de Poitou, s’est opposé directement à Philippe Auguste. Les différents auteurs ont tiré argument du vers 31, tel qu’il figure dans les manuscrits CDcE-FIKa, cui coms laidis ni desmenta qu’ils mettent en rapport avec la razon qui rapporte qu’En Richartz lo desmenti e·l clamet vil recrezen. Malheureusement, on ne trouve pas trace d’un démenti infligé par le comte au roi à ce moment-la, et le texte cité par Clédat (Rôle historique, p. 75) : Ipse nihil mali fecerat in terra Comitis de Sancto Aegidio, nisi per licentiam Regis Francorum, pro eo quod Comes de Sancto Aegidio refutavit esse infra treugas et pacem quas Rex Franciae et ipse fecerant ressemble davantage à des excuses qu’à un démenti.
D’autre part, il ne serait pas juste de reprocher à Philippe son inaction en 1188, puisqu’il s’est battu en Berry l’année précédente ; son comportement lors de la crise de Toulouse n’est pas si passif : il suit de près l’évolution du conflit et paraît même avoir saisi avec quelque empressement l’occasion d’envahir une fois de plus le Berry. Toutefois, on sait bien que de tels arguments n’auraient pas empêché Bertran de l’accuser de mollesse au combat.
Si la festa (v. 9) fait allusion à la date où devait expirer une trêve, on ne comprend pas que Bertran l’attende, puisque la trêve jurée à Châteauroux devait encore durer jusqu’à l’été 1189.
Enfin, on notera les allusions aux affaires du Nord : Doais (v. 13), Cambrais (v. 14) et peut-être même Roais (v. 21). Le traité de Boves qui mettait fin au contentieux entre les deux Philippe ayant été conclu en 1185, des allusions à ce conflit auraient manqué d’actualité en 1188. En revanche, on les comprendrait beaucoup mieux si le sirventés avait été composé en 1186. De plus, l’attitude très hésitante de Philippe lors de la première attaque de Richard contre le comte de Toulouse, auquel le roi refusa de prêter mainforte, méritait mieux les critiques que formule le poète.
Enfin, même si la différence n’est pas déterminante, il va de soi que l’épithète joven convenait encore mieux au roi de France en 1186, quand il avait à peine plus de vingt ans qu’en 1188.
Razon
Le texte de cette razon se trouve dans trois manuscrits : F (68-69), I (179-179 vº) et K (164 vº -165).
Texte de base : K.
1
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Quant En Bertrans ac faich lo sirventes que
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ditz : “Puois als barons enoia e lor pesa...” et ac
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dich al rei Felip com perdia de cinc ducatz los
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tres e de Gisort la renda e·l perchaz, e corn Caer-
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5
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cins remania en guerra et en barata e la terra
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d’Engolesma, e com Frances e Bergoignon avian
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cambiat honor per cobezesa, e com lo reis Felips
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avia anat plaideian armatz sobre la riba de l’aiga,
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e com el non avia volguda la patz cant fon desar-
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10
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matz e, si tost corn el fon armatz, perdet per |
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viutat l’ardimen e la forza, e que mal semblava
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lo sor Guerric, l’oncle de Raol dei Cambrais, que
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desarmatz volc que la patz si fezes de Raol, son
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nebot, ab los quatre fils N’Albert e, depois que
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15
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fon armatz, non volc patz ni concordi, e com totz
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reis era aunitz e desonratz, pois comensava guerra
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ad autre rei per terra q’aqel reis li tolgues, cant
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el fazia patz ni treva, tro la demanda que·il fazia
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agues conqista e recobrat so que fos dreitz e rasos,
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20
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don li autre rei lo tenon desiritat, e per far |
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vergoingna alz Campanes dels esterlins que foron
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semenat entre lor, per so qe ill no volguesson
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tornar a la guerra, tuit li baron de Peitau e de
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Lemozin en foron molt alegre, que molt erent trist
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25
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de la patz, per so que meins n’eron onrat e car
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tengut per amdos los reis. |
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Lo reis Richartz si carguet molt d’orgoill
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d’aquesta patz e comenset far tortz e desmesuras en
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las terras del rei de Fransa que marcavon ab las
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30
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terras d’En Richart. E·l reis Felips venia a reclam
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ad aicels que avian faita la patz entre lor dos,
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e·N Richartz no volia per lor tort ni dreg far. Don
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fon ordenatz per lor uns parlamens on foron ensems en
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la marcha de Torena e de Beiriu. E·l reis Felips si
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35
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fetz mains reclams d’En Richart, don amdui vengron a
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grans paraulas et a malas, si q’En Richartz lo
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desmenti e·l clamet vil recrezen. E si·s desfieron
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e si·s partiron mal. |
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E cant Bertrans de Born auzi que il eront mal
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40
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partit, si fo molt alegres. Et aisso fon el temps al
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comensament d’estiu. Don Bertrans fetz aquest sir-
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ventes que vos ara auziretz : “Al doutz nou termini
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blanc dei pascor vez la elesta...” |
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Et en aquel sirventes, el pois fort lo rei
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45
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Felip qu’el degues comensar la guerra ab lo rei
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Richart a fuoc et a sanc, e dis que·ll reis Felips
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volia mais patz c’uns morgues, e·N Richartz, ab cui
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el s’apellava Oc-e-Non, volia mais guerra que negus
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dels Algais, qu’eron qatre fraire gran raubador e
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50
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raubaven e menaven ben ab lor mil raubadors a caval
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e ben doa milia a pe e no vivion d’autra renda ni
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d’autre perchatz. |
Argument :
Bertran de Born avait composé le sirventés qui dit : “Puisque les barons sont chagrins et irrités...”, où il faisait au roi Philippe ces représentations : il perdait trois duchés sur les cinq et la rente et le revenu de Gisors ; le Quercy restait dans la guerre et le trouble de même que le pays d’Angoulême ; les Français et les Bourguignons avaient troqué l’honneur contre la cupidité ; le roi Philippe était allé tout armé chercher un accommodement sur la rive du fleuve ; il n’avait pas voulu de la paix quand il était désarmé et, dès qu’il avait été armé, il avait, par lâcheté, perdu courage et force, à la différence de Guerri le Roux, l’oncle de Raoul de Cambrai, qui, désarmé, voulut que la paix fût conclue entre Raoul, son neveu, et les quatre fils d’Albert, et qui, une fois armé, refusa toute paix ou tout arrangement ; tout roi était avili et couvert de honte lorsque, ayant entrepris de faire la guerre à un autre roi, il concluait paix ou trêve avant d’avoir obtenu ce qu’il revendiquait et repris ce qui lui revenait selon le droit et la raison : aussi les autres rois considéraient-ils qu’il avait perdu son patrimoine. Et Bertran voulait faire rougir les Champenois des sterlings qu’on leur avait distribués pour les pousser à refuser de reprendre le combat. Cela remplit de joie tous les barons de Poitou et de Limousin que la paix attristait fort, car, à cause d’elle, les deux rois les honoraient et les estimaient moins.
Mais cette paix remplit d’orgueil le roi Richard et il se mit à exercer ravages et abus sur les terres du roi de France qui faisaient frontière avec les siennes. Le roi Philippe allait se plaindre auprès des gens qui avaient conclu la paix entre eux et Richard refusait de faire quoi que ce fût pour eux, que ce fût ou non conforme à la justice. Ils décrétèrent alors une conférence, où ils se rendirent tous deux, dans les marches de Touraine et de Berry. Le roi Philippe se plaignit fortement de Richard : ils en vinrent ainsi à des paroles rudes et injurieuses, au point que Richard lui dit qu’il mentait et l’appela lâche et vil. Puis ils s’adressèrent des défis et se séparèrent en mauvais termes.
Quand Bertran de Born apprit qu’ils s’étaient séparés en mauvais termes, il fut très joyeux. Cela se passait au début de l’été. Là-dessus Bertran composa ce sirventés que vous allez entendre : “À la nouvelle saison, douce et blanche, je vois ce qu’il y a de plus beau dans le printemps...” Il y excita violemment le roi Philippe à entreprendre contre le roi Richard une guerre à feu et à sang ; il dit que le roi Philippe aimait la paix plus qu’un moine alors que Richard, avec qui il échangeait le nom de Oui-et-Non, aimait plus la guerre qu’aucun des Algais. C’étaient quatre frères, de grands voleurs qui se livraient au pillage et conduisaient bien mille voleurs à cheval et deux mille à pied et ils n’avaient pas d’autres ressources ni d’autres revenus pour vivre.
Apparat critique :
1) A B- F, que manque à F. 2) ditz manque a F, Pos F, Pois I, baros FI. 3) Phelip F, cincs F. 4) Giort F, Guiortz I, Giortz K, pcatz F, perchatz I. 5) -sis F, gerra F. 6) d’Engolmesa e con F, d’Angolerma IK, Borgognon avion F, Bergoingnon I. 7) canbiada F, cobeza IK, Phelips F. 8) plaideiar F, armatz manque à FI. 9) paz qan era F. 10) tan t- F, el manque à F, fo a- el p- la F. 11) vertut F, forsa e q’el F. 12) lo cont Henric F, del cor Enric IK, d’En R- F, Raols FIK, Canbrais qui F. 13) qe la paz se f- d’En F, Raols FIK. 14) con l- qatres fillz F, despois qe F. 15) fo a- no F, vol K, paz F. 16) auntz e deshonratz pos comensa F, guerra manque à FIK. 17) qe F, qu’aquel I, torgues qant F, car I. 18) paz F, qe·il F. 19) conquista I, q’es sos drez e razos F. 20) l’a- F, deseretat F. 21) vergogna als F, esterlis qi F. 22) no manque à FIK, volgueson I. 23) Piteus F, Peitieus IK. 24) qe m- eran F, tristz I. 25) paz F, pas I, qar menz F, honrat F. 27) creisset F. 28) aqesta pas e comensset F, torz I. 29) qe marcavan con F. 30) Phelips F. 31) ad aicels manque à F, qui a- faicha la paz F. 32) non F. 33) fo F, parlamenz on forn ensemble F. 34) Torene F, Briu e·l rei Phelips F. 35) fez mantz F, ambdui I. 36) granz F, et a manque à F, as I, qu’ I, Richart IK. 37) e lo clama v- e recrezenz e si se desfizeron F. 38) si se p- F. 39) qan F, qe ill eron F. 40) si fez el t- F. 41) comensar d’estat F, si fez aqest F. 42) qe F, auzirez F, dolz F, douz I, nou manque à FIK. 43) del pascor vez la elesta manque à F, estat IK. 44) aqel F, poins F. 45) Phelip q’ F, con F. 46) et sanc F, qe·l r- Phelips F. 47) paz q’us monges e R- con F, Richart IK. 48) el manque à F, No F, qe F. 49) q’eran F. 50) prezador e menavan F, con l- mils F. 51) doze mils F, vivian F. 52) percaz F.
Chanson
Texte de base : A.
Sous le titre Al douz termin nou blanc, Dc ne possède que trois strophes. Pour découper la lettrine qui ornait le verso de E, on a mutilé le texte de cette chanson. Le copiste de N s’est interrompu au milieu de la strophe VII, laissant en blanc le reste de la page.
Disposition des strophes :
ADFIK
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1
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2
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3
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4
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5
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6
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7
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e
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e’
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N
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1
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2
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3
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4
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5
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6
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7
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-
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-
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Dc
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-
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2
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-
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4
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5
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-
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-
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-
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-
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CE
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1
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2
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-
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5
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4
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6
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7
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e
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e’
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a
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1
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2
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-
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5
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4
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-
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7
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e
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e’
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Les vers 27-28 de ADFIKN correspondent aux vers 34-35 de CEa, les vers 34-35 de ADFIKN aux vers 41-42 de CE et 27-28 de a, les vers 41-42 de ADFIKN aux vers 27-28 de CE.
On peut distinguer, tant par l’ordre des strophes que par l’étude de détail, deux familles de manuscrits : ADDc-FIKN et CEa.
Comme le manuscrit E est mutilé et que la strophe VI manque à a, il n’est pas toujours aisé d’étudier les rapports qui unissent CEa. Ce groupe se manifeste dans les vers 7 (mager), 31 (q’us Ca, C’uns E), 34 et 35 (E membres –membre E– li q’om –c’om E, qant a– li retrais –retrays C– ; Qu’ –C’ E, Q’ a– anc en escut lansa –lanza a– non –no C– frais –frays C–). Il faut noter que, lorsque E est mutilé, C et a s’accordent dans les vers 3 (novelh C, novel a), 5 (covinens C, covinenz a) et 6 (Quasqus degr’e- C, E chascus deu e- a). De même, dans la strophe VI qui manque à a, les leçons de CE sont semblables aux vers 36 (frances C, Franses E), 37 (Pus –Pos E– a tort vos fai hom –om E– q-), 39 (fis que·us), 40 (Qu’ –Ca E– ab lui es). Il arrive pourtant que ce groupe se désunisse et que a s’oppose à CE pour donner une leçon isolée aux vers 9 (vey C, vei E, penz a), 12 (temors CE, trentols a) et 33 (que CE, Q’anc a) ou pour rejoindre l’autre famille de manuscrits, aux vers 7 (m’atrays C, mi a jais a) et 51 (Carentrais C, Talantais a). Dans ces deux derniers cas, E est mutilé. Enfin, au vers 48, C propose une leçon différente de celle de Ea (assays C, essais Ea).
Même si F et N présentent un certain nombre de leçons isolées, l’autre famille de manuscrits est solidement unie. Le couple IK, que l’on distingue aux vers 26 (Rom), 36 (Francha), 37 (cors), 38 (no·s) et 43 (Gens) est rejoint par D aux vers 10 (trentra) et 15 (o) et par N au vers 10 (sojornz IK, sojorns D, sojonrs N).
Au vers 26, les noms de lieux ont gêné les copistes : si, dans la première partie du vers, AF (No·l vim) s’opposent à presque tous les autres manuscrits (No·l vi), on trouve pour la seconde : a Roam ni a Sais (AF), a Rom ni a Sais (IK), a Roam ni azais (Dc), a Roan ni assais (D), arrohon ni assas (N), ha Rohom ni assais (E), hom ni en assais (C). Le copiste de a fait preuve d’originalité : No fon aiost massais.
Au vers 40, le manuscrit F semble hésiter entre les deux traditions : alors que la première donne : Ec (Et D, E I, A N) vos la g- et que CE indiquent : Qu’ (C’ E) ab lui es la g-, F aboutit à : E vos es la g-.
Au vers 53, les leçons de C (Mays que no fai negus dels A-) et de a (Non vol negus de los A-) s’opposent. Le fragment de E : ... s que no ... le range probablement du côté de C. F, en empruntant aux deux leçons, compose : Qe no vol negus dels Algais.
Notes:
(1) Luchaire : Histoire de France de Lavisse, t. II, 1, p. 91. (↑)
(2) Benoît de Peterborough, O. C. t. II, p. 6. (↑)
(3) Dom Vaissète, O. C. t. VII, pp. 22-24. (↑)
(4) Gesta, t. II, pp. 47-48. (↑)