Les débuts du règne de Philippe ne furent rien moins que faciles : il dut à partir de 1181 faire face à une formidable coalition de barons du Nord, regroupés autour du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, et l’appui des Plantagenêts fut bien nécessaire au pauc rei de Terra Maior (15. 15). Pourtant, en dépit de ces bonnes relations, les occasions de conflit entre le roi de France et son puissant vassal angevin ne manquaient pas.
En 1151, afin de pouvoir se consacrer entièrement à la lutte contre Étienne et à ses affaires d’outre-Manche, Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou et prétendant au trône d’Angleterre, abandonna à Louis VII la majeure partie du Vexin et lui renouvela la cession de Gisors. Par la suite, son fils, devenu Henri II, roi d’Angleterre, dans le but de récupérer ces terres, proposa à son suzerain de marier Henri le Jeune, son héritier, à Marguerite de France, dont le Vexin serait la dot. Dès la célébration du mariage, Henri II se fit remettre les châteaux du Vexin qu’il se garda soigneusement par la suite de transmettre à son fils.
Pendant la crise des années 1182-1183, Philippe ne put sans doute pas intervenir autant qu’il l’aurait souhaité dans les affaires des Plantagenêts : il accueillit bien à sa cour le Jeune Roi fugitif pendant l’été de 1182, mais il se contenta d’appuyer indirectement les rebelles en leur envoyant des mercenaires : Bertran lui en fait d’ailleurs le reproche (12. 49-56).
À la mort du Jeune Roi, Philippe réclama qu’on lui restituât le douaire de sa sœur. Henri II ne voulut rien entendre et il fallut transiger : pour mettre fin à l’un des innombrables conflits qui opposèrent Plantagenêts et Capétiens au XIIe siècle, Alix, la seconde fille de Louis VII, avait été fiancée au jeune Richard, alors âgé de dix ans, en 1167. Seize ans plus tard, leur mariage n’avait toujours pas été célébré pour d’obscurs motifs. “Pourquoi le roi d’Angleterre gardait-il cette jeune fille, chez lui, en prisonnière, en otage, au lieu de la donner à son fils ? Conduite étrange qui autorisait les pires soupçons” (1). Alors, le 6 décembre 1183, Henri II offrit à Philippe une compensation pécuniaire et lui rendit hommage, et les deux rois convinrent que le Vexin serait désormais considéré comme le douaire d’Alix. Ainsi, pendant des années encore, toute entente entre Français et Anglais comportera un article stipulant la célébration du mariage de Richard avec la princesse française. Cette union, toujours remise, et qui ne se produisit jamais, allait fournir à Philippe un grief et un moyen de chantage permanents.
Par la suite, les rencontres se multiplient sans qu’on parvienne à une paix, dont d’ailleurs aucune des parties ne semble réellement vouloir. À peine conclu l’accord de Gisors entre Philippe et Henri le 10 mars 1186, voici que Richard, probablement aidé en sous-main par son père, organise en avril un raid contre le comte de Toulouse, qui en appelle à son suzerain le roi de France. Philippe demanda bien qu’un terme fût mis à cette agression, mais il refusa de s’engager plus avant. Peut-être fondait-il davantage d’espérances sur la complicité de Geoffroy de Bretagne qu’il accueillit à sa cour avec une satisfaction marquée.
On sait comment la mort du comte de Bretagne traversa les desseins de Philippe Auguste. Elle ne lui en fournissait pas moins une nouvelle occasion de conflit : le roi exigea qu’on plaçât sous sa protection la fille qu’avait laissée Geoffroy, puis Arthur, lorsqu’un fils posthume naquit de la comtesse de Bretagne le 29 mars 1187. Telle n’était pas l’intention d’Henri II, qui négocia, obtint une trêve jusqu’au 13 janvier 1187 et proposa ensuite de la prolonger jusqu’à Pâques. Le 5 avril, la conférence du Gué-Saint-Rémy ne put que constater le désaccord et retarder le conflit. Toutefois, à la fin du mois de mai, Philippe prit l’offensive : il pénétra en Berry, enleva Issoudun et Graçay et bloqua Châteauroux où s’étaient enfermés Richard et Jean. Henri II vint à la rescousse et les armées des deux rois campaient sur les bords de l’Indre. Le 23 juin, on s’arma pour la bataille décisive. Elle n’eut pas lieu : Archiepiscopi etiam et episcopi, abbates, comites et barones utriusque regni, non permittentes illos congredi dederunt illis in consilio quod pax inter illos vel treugae longiores... (2). L’accord ainsi conclu laissa à Philippe Issoudun et Frèteval et instaura une trêve de deux années.
À l’occasion de cet accord, Richard se rapprocha de Philippe avec lequel il partit, malgré son père ; désormais son comportement peut sembler manquer de franchise : on le voit ainsi en septembre voler le trésor de Chinon, fortifier ses forteresses en Poitou avant d’aller prêter hommage à son père à Angers. L’incohérence apparente des actes de Richard s’explique par sa crainte d’être déshérité. Le Jeune Roi avait été sacré du vivant de son père, or non seulement Richard ne parvenait pas à obtenir cette consécration d’un Henri II plus jaloux que jamais de son pouvoir, mais encore le vieux roi avait tenté d’ôter l’Aquitaine à Richard pour la donner à Jean. Aussi, tantôt Richard se comporte en héritier sûr de ses droits, tantôt il agit pour prendre de vitesse son père qu’il soupçonne de vouloir le dépouiller.
La trêve conclue pour deux ans ne dura pas sept mois. Le remariage de la comtesse de Bretagne amena Philippe à renouveler ses revendications et, en dépit des terribles nouvelles de Terre sainte, le roi de France menaçait la Normandie. Une conférence supplémentaire se tint entre Gisors et Trye le 21 janvier 1188, mais l’intervention de l’évêque de Tyr en personne ne permit plus aux deux rois de faire mine d’ignorer la gravité de la situation. Ils durent, sous la pression de leurs vassaux, se croiser, comme Richard l’avait fait dès avant. En fait, Henri avait prononcé depuis quinze ans déjà le vœu de se croiser, mais cela lui permit de lever sur ses sujets une dîme exceptionnelle. Il avait si peu le désir de partir pour l’Orient que les chroniqueurs vont jusqu’à le soupçonner d’avoir suscité les troubles qui éclatèrent dès ce même mois de janvier sur les terres de Richard avec la révolte de Geoffroy de Rancon, Aimar d’Angoulême et Geoffroy de Lusignan. Une fois ce soulèvement écrasé, la paix n’en régna pas pour autant dans le Sud-Ouest, puisque le comte de Toulouse molesta des marchands poitevins ; Richard riposta en s’emparant de Pierre Seilun, un des conseillers de Raimon V, et le comte, pour tenter d’obtenir la libération de son vassal, n’hésita pas à capturer des chevaliers anglais qui revenaient de Compostelle et qu’il voulait utiliser comme monnaie d’échange. Richard répliqua dès le printemps en envahissant le domaine comtal. Le roi de France, inquiet, s’avança vers le midi pour tenter de réconcilier ses deux grands vassaux, mais il n’obtint aucun résultat et le 3 juin Richard attaqua le Quercy et menaça même Toulouse (3). Alors, faisant semblant de tenir le roi d’Angleterre pour responsable des actes de son fils, Philippe se jeta sur le Berry où le 16 juin, il prit Châteauroux. Henri II dut passer la Manche et il rassembla son armée à Alençon à la mi-juillet. Les combats qui s’ensuivirent tenaient plus de l’escarmouche que de la bataille rangée : Henri II tenta sans succès un coup de main sur Mantes, puis Richard marcha sur le Berry pour s’opposer à Philippe qui en sortit et proposa de conclure la paix. Et l’on reprit les sempiternelles rencontres entre Gisors et Trye.
Traditionnellement, les entrevues entre le roi de France et le duc de Normandie se déroulaient à la frontière de cette province, sous un orme vénéré. À la fin d’une conférence de 1188, Philippe exaspéré par son échec et sans doute désireux de marquer une rupture définitive, fit couper le vieil arbre.
L’accord était impossible : Henri II et Philippe voulaient le conclure sur la base de la rétrocession des terres conquises, mais Richard ne pouvait accepter une telle solution ; assurément Châteauroux, Issoudun et Graçay, qui appartenaient à son père, lui reviendraient un jour, mais rendre le Quercy, c’était renoncer, selon Raoul de Dicet (O. C. p. 57), à mille marcs ou plus qui tombaient chaque jour directement dans son escarcelle.
C’est après cette période que les chroniques situent une péripétie fort caractéristique des attitudes des seigneurs de l’époque : Interim comes Flandriae et comes Theobaldus, caeteri comites et barones de regno Franciae contra quorum consilium rex Franciae guerram fecerat, arma sua deposuerunt, dicentes se nunquam gestaturos contra Christianos donec redirent de peregrinatione Jerosolimitanae profectionis. Tunc rex praefatus Franciae auxilio suorum destitutus, petit a rege Angliae colloquium (4).
Ainsi les entrevues reprirent leur succession. Le 18 novembre, au colloque de Bonmoulins, la situation bloquée trouva une issue inattendue : Richard demanda une fois de plus à son père de lui laisser épouser Alix et Philippe l’appuya, insinuant qu’Henri II devrait reconnaître Richard pour son héritier. Le vieux roi tenta encore une fois de temporiser, mais Richard, s’emportant alors, prêta sur le champ hommage au roi de France pour les domaines continentaux des Plantagenêts ; en retour, Philippe lui rendit Châteauroux et Issoudun. Les discussions en restèrent là ; on se contenta de prolonger la trêve jusqu’au mois de janvier et le roi de France et le comte de Poitou partirent de conserve.
Une fois encore la discorde allait opposer les Plantagenêts. La guerre ne fut pas très longue : le vieux roi n’avait plus la force de résister à la trahison générale.
Après la mort d’Henri II, on pouvait penser que les épineuses questions qui l’avaient opposé à Louis VII, puis à Philippe Auguste, allaient enfin être réglées. Quand Richard eut été proclamé duc de Normandie à Rouen, un colloque réunit les alliés de naguère entre Chaumont et Trye, le 22 juillet. On décida que Philippe conserverait les châteaux d’Auvergne et du Berry, mais, contre dédommagement, Richard gardait le Vexin. Il n’avait toujours pas épousé Alix lorsqu’il partit en août pour l’Angleterre où il devait être couronné le 3 septembre 1189.
Les deux souverains n’avaient donc toujours pas extirpé les racines d’un conflit qui dressait en réalité l’une contre l’autre la puissance anglaise et la puissance française, et cela, quels que fussent les rois de ces pays.
Nº 28 : Non puosc mudar mon chantar non esparga.
En dépit de l’allusion troublante au trésor de Chinon que le comte de Poitou avait enlevé en septembre 1187, et qui est peut-être simplement un rappel ironique, il est évident que les faits mentionnés dans ce sirventés se sont produits dans la période 1188-1189 : Richard n’a été maître du Quercy qu’à partir de juin 1188 (v. 27) et Henri II règne jusqu’au 6 juillet 1189.
Il est difficile d’être plus précis : il ressort de la strophe IV que la conquête du Quercy n’est pas récente au moment où Bertran en parle ; on sait que la question de la restitution de cette province empêcha Henri II et Philippe de conclure la paix en 1188.
D’autre part, la première strophe révèle que Richard a pris l’initiative : il peut s’agir bien sûr de l’invasion du Quercy, mais ce peut aussi être une allusion à l’action que Richard mena au mois de septembre dans le Berry et qui contraignit Philippe à des pourparlers. En parlant d’un éventuel siège de Rouen, Bertran voudrait peut-être reprocher au Français le peu de succès de ses contre-attaques en Normandie sur Aumale et Blangy.
Il semble donc raisonnable de situer la composition de ce sirventés à la fin de l’été 1188.
Razon
Cette razon se trouve dans trois manuscrits : F (64 vº), I (178) et K (163 vº).
Texte de base : K.
1
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Anc mais per re q’En Bertrans de Born disses
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en coblas ni en sirventes al rei Felip, ni per
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recordamen de tort ni d’aunimen que·ill fos faitz,
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no volc guerreiar lo rei Richart. Mas En Richartz
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5
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si sailli a la guerra quant vit la frevoleza del rei
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Felip. E raubet e preset e ars castels e borcs e
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villas et aucis homes e pres. Don tuich li baron a
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cui desplazia la patz foron molt alegre, e·N Ber-
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trans de Born plus que tuich, per so que plus volia
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10
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guerra que autr’om e car crezia que per lo seu dire
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lo reis Richartz agues comensada la guerra, ab lo
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qual el s’apellava Oc-e-Non, si com ausiretz el
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sirventes qu’el fetz, si tost com el auzi qu’En
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Richartz era saillitz a la guerra, et el fetz aquest
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15
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sirventes qui comensa : “Non puosc mudar c’un chantar
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non esparga...” |
Argument :
En dépit de tout ce que Bertran pouvait dire au roi Philippe dans ses strophes et ses sirventés, malgré le rappel des torts et des humiliations qu’il avait pu subir, jamais celui-ci ne voulut faire la guerre au roi Richard. Mais Richard se mit en campagne en voyant la pusillanimité du roi Philippe. Il pilla, ravit et brûla châteaux, bourgs et villes, il captura des gens et en tua.
Aussi, tous les barons à qui la paix déplaisait furent très heureux, et Bertran de Born plus que tous, car il aimait la guerre plus que personne et il croyait que c’était à cause de ses paroles qu’avait commencé la guerre le roi Richard, avec lequel il échangeait le nom de Oui-et-Non, comme vous l’entendrez dans le sirventés qu’il composa, dès qu’il apprit que Richard était entré en campagne. Et il composa ce sirventés qui commence ainsi : “Je ne peux m’empêcher de divulguer mon chant...”
Apparat critique :
1) An I, ren I, q’En manque à F, de Born manque à F. 2) Phelip F. 3) q’ill fos ditz ni faitz F. 5) qan vic F, après quant, I ajoute el. 6) Phelip F, prenet IK. 8) desplasia I, paz F, E B- F. 9) qe tuit F, qar F, qu’el I. 10) qe a- hom F, qe F. 11) aguesse comenssada F, con F. 12) qal F, No F, auzirez F. 13) q’el fez F, q’ F. 14) Richart IK, et el fetz aquest sirventes manque à F. 15) lo qals comensset F, comenssa I, F écrit enaissi et s’arrête, c’ manque à I. 16) après esparga, I ajoute etc.
Chanson
Texte de base : A.
Dispositions des strophes :
ADFIKUV
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1
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2
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3
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4
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5
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e
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e’
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CR
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1
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4
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2
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3
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5
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-
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-
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Ma
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1
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4
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3
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2
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5
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e
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e’
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T
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1
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3
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4
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2
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5
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e
|
e’
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L’examen des manuscrits met en lumière quelques groupes comme IK (vv. 11, 13, 19, 26 et 40) que rejoint souvent D (vv. 1, 5, 7, 13, 23 et 27), CR (vv. 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 12, 14, 17, 22, 27, 29, 33 et 40), que suggérait déjà une composition strophique identique, et UV (vv. 3, 5, 7, 8, 9, 12, 16, 19, 31, 34, 35, 36, 38 et 42).
Pour ADIK, on doit se contenter de noter que leurs lectures communes sont fréquentes (vv. 4, 12, 16 et 23).
On peut parler de famille de manuscrits à propos de CRTa (vv. 30 et 37) : non seulement on rencontre presque toutes les combinaisons possibles entre ces quatre manuscrits, mais leurs rapports sont encore compliqués par des rencontres avec F, M et UV. Ainsi, outre le groupe CR déjà cité, l’on trouve RT (v. 17), Ta (vv. 4, 16, 28, 36 et 40), Ra (v. 23), CRT (v. 29), CRa (vv. 2 et 32) et CRTa. Et, lorsque s’y ajoutent F et M, apparaissent les groupes CM (v. 3), MT (v. 28), CRM (vv. 17, 20, 36 et 39), FRT (v. 3), FMa (v. 12), CRMT (v. 15) et CMRTa (vv. 13, 36, 37, 38 et 39).
Le groupe UV, dont les manuscrits se dissocient rarement (V se sépare de U pour se joindre à R au vers 6 et à a au vers 33), s’allie généralement à la famille CRTa (v. 29). On le rencontre ainsi uni à CMRTa (v. 13), FTa (v. 44), FMa (v. 43), FMT (vv. 41 et 44), MTa (v. 4), CRa (v. 35), RT (v. 27), Fa (vv. 4 et 7), CF (v. 16) et C (vv. 3 et 5). Les strophes des manuscrits UV sont néanmoins disposées comme celles de ADFIK et il n’est pas rare de voir leurs textes coïncider avec ceux de ADIK (v. 13 et 39), A (v. 36) ou D que rejoint a au v. 6.
F et M, qui présentent souvent des leçons isolées, hésitent entre les deux ensembles : F penche vers ADIK, tandis que M s’unit souvent à CRTa. Ainsi, si F s’accorde avec AD (v. 13), rejoints par UV (v. 26), il s’unit pourtant avec a (v. 3), T (v. 14), V (v. 9), CUV (v. 16) et TUVa (v. 44).
Nous avons déjà noté les rapports de M avec CRTa ; il faut aussi remarquer qu’il présente certaines analogies avec F, qu’ils soient isolés (vv. 9 et 34) ou accompagnés par d’autres manuscrits.
Les contaminations ne se limitent pas aux manuscrits FM ou UV ; on trouve au vers 40 une leçon commune à CRDIK. Pour autant que les deux vers cités par le copiste de b permettent un examen, il semble que son texte reproduise presque exactement le manuscrit M.
Il est intéressant de procéder à l’étude détaillée de deux passages caractéristiques : le vers 22 montre un ensemble ADFIKUV, tandis que les leçons des autres manuscrits manifestent l’existence d’un groupe CR, l’originalité de M et une parenté entre Ta et ADFIK : Adoncs (Adonc UVa, Aixi T) sai (saubr’ a) eu (ieu KMT) q’el (qu’el IK, ce T, com a) volgra far parer (cujera valer M) ADFIKMTa ; Lai (Lay R) doncx viram que (qui R) feira (fera R) aparer CR. Le vers suivant confirme l’existence de la famille ADFIK : Carle que (qe D, qi F) fon (fo F) del (dels DIK, lo F) mieills (miellz D, meillz F, miels IK) de sos parens (parenz F), même si l’on peut noter quelques divergences : A (del), F (fo lo), DIK (dels). Le groupe UV : Carle Mangnes (Magnes V) e sos meillier (meiller V) parenz se sépare nettement des manuscrits que nous venons d’examiner pour rejoindre M : Carle Maine e sos meilhors parens.
L’originalité du groupe CR est confirmée : Al fach (fag R) Quarles (Carles R) lo sieu melhor parens (paren R). T (Carles qui fo de sos miglers parens) semble d’abord suivre la lecture de ADFIK et particulièrement de F (qi), mais l’emploi du cas sujet Carles pourrait indiquer une contamination avec CR. Si de sos caractérise bien ADFIK, nous quittons ce groupe avec miglers pour rejoindre CMRUV, et peut-être plus exactement U, comme le choix de la forme en -er pourrait le suggérer. Enfin le manuscrit a paraît très original :Sembles Carlon lo seu noble paren. Il rappelle CR par la forme lo seu et peut-être faut-il préciser R, puisqu’ils écrivent tous deux paren.
Au vers 39, un premier ensemble se dessine qui regroupe ADIKUV : que (qe UV) no·m (no IKU, non V) manten (mante D, maten IKV) jorn (jor D) terme (termen UV) ni covens (conven UV) même si l’on peut y distinguer quelques particularités.
Le cas de F est original : alors que les manuscrits CMRTa lisent au vers 38 no·m volc tener dont ils font dépendre une série de compléments, F suit la même tradition que ADIKUV pour passer à l’autre groupe au vers suivant. Le copiste de F introduit deux mots nouveaux dans ce vers 39 : termes ni ditz ni plevitz ni convenz. Le manuscrit a contient un plus grand nombre de mots identiques à la tradition de ADIKUV, mais il les présente dans un ordre différent et leur accole respeg qui caractérise le groupe CMRTa : terme ni jorn ni respeg ni coven. T emploie, comme F, le mot dit : Dit respeit ni terme ni conves. On s’aperçoit que le vers est trop court d’un pied et il semble que les copistes se soient attachés à combler ce vide : ainsi, dans CMR, où l’on retrouve le mot jorn, M emploie covenenz et C : termenis (que R transforme en querminis). Jorn ni respieg terme ni (termenis C, querminis R) ni covens (covenenz M).
Il faut enfin noter l’emploi du singulier par UVa : co(n)ven.
Notes:
(1) Luchaire : Histoire de France de Lavisse, t. II, 1, p. 91. (↑)
(2) Benoît de Peterborough, O. C. t. II, p. 6. (↑)
(3) Dom Vaissète, O. C. t. VII, pp. 22-24. (↑)
(4) Gesta, t. II, pp. 47-48. (↑)