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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,008- Bertran de Born

 

Deuxième Partie.
 
LA GUERRE ET LA DISCORDE.

 

Chapitre V.
 
LE RETOUR DE RICHARD ET SON SECOND REGNE.
 

De même que Philippe avait abordé le premier en Terre sainte, il fut le premier à l’abandonner dès après la prise d’Acre, au mois de juillet 1191. Richard s’y attarda plus longtemps, dans le vain espoir de reprendre Jérusalem, et il ne devait se rembarquer le 9 octobre 1192 que pour tomber au pouvoir du duc d’Autriche qui le livra à l’empereur Henri VI dans les premiers mois de 1193.

Folquet de Marseille, qui proclamait dès 1187 : E qui, per creysser sa ricor Quant auzira·ls autres passatz, Resta, e los dezenansa, Contra Dieu s’es aconselhatz E Dieu penra en venjansa Tal qu’e·l corn del taulier n’er matz (éd. Stroński, nº27, vv. 31-35), avait vu juste et les barons aquitains n’étaient pas restés inactifs en l’absence de leur seigneur. En 1192, mettant à profit la maladie du sénéchal Pierre Bertin, le comte de Périgord et le vicomte de Brosse se soulevèrent ; le sénéchal, appuyé par les Navarrais de Sancho, le beau-frère de Richard, les écrasa et infligea le même sort à leurs alliés, le comte de Toulouse et Aimar d’Angoulême, qui devait rester prisonnier.

Philippe, dont les relations avec Richard étaient devenues exécrables pendant leur commune croisade, n’était probablement pas tout à fait innocent dans l’affaire. Depuis son retour, il avait repris sa politique traditionnelle et négociait avec Jean sans Terre, qui allait lui prêter hommage pour ses domaines continentaux, comme il l’avait fait autrefois avec ses frères aînés. Lorsque, à la fin de 1192, le roi de France apprit la capture de Richard, sans perdre de temps, il prit Gisors et mit, sans succès, le siège devant Rouen. À la paix de Mantes, en juillet 1193, l’archevêque d’Ely, représentant de Richard, abandonna à Philippe une partie de la Normandie de l’est et lui accorda la liberté d’Aimar d’Angoulême.

Dans ces conditions, on comprend aisément que la libération du roi d’Angleterre par l’empereur ne fut guère du goût de Philippe, de Jean et des barons aquitains qui avaient si utilement mis à profit l’absence d’un souverain qui les avait bien maltraités du temps où il n’était encore que leur duc ou leur comte : leur déception n’eut d’égale que la joie de ceux qui, comme Bertran, lui étaient restés fidèles.

Le 13 mars 1194, Richard rentra en Angleterre où, le premier dimanche après Pâques, il se fit couronner une seconde fois, à Winchester ; peut-être, dans son esprit, annulait-il ainsi l’hommage qu’il avait été contraint de prêter à l’empereur allemand.

Les barons aquitains sentirent le danger et, en ce même mois de mars, le vicomte de Brosse et Geoffroy de Rancon déclaraient qu’ils faisaient passer leur hommage du roi d’Angleterre au roi de France.

Le 12 mai, le Cœur de Lion quitta Portsmouth pour faire voile vers Barfleur et, quelques jours après, à Lisieux, il se réconciliait avec son frère Jean.

Désormais, il avait les mains libres pour régler ses comptes, considérablement alourdis depuis le départ de Vézelay, avec Philippe Auguste. L’affaire fut menée rondement : après quelques heurts, le roi de France fut écrasé à Fréteval le 3 juillet. Non seulement Philippe était battu à plate couture, mais il laissait ses archives entre les mains de son ennemi, lui permettant ainsi de connaître dans le détail les menées des barons aquitains.

Sans perdre de temps, Richard marcha sur l’Aquitaine, où Sancho de Navarre prenait les barons à revers, et, le 23 juillet, le roi pouvait écrire au grand justicier qu’il y avait capturé trois cents chevaliers et quarante mille hommes d’armes et pris les châteaux de Geoffroy de Rançon, qui venait de mourir, et tout le pays d’Angoulême.

Le retour de Richard a inspiré deux sirventés à Bertran. Il semble que Be·m platz car trega ni fis soit antérieur à Ar ve la coindeta sazos, puisque le retour du Cœur de Lion, qui n’est pas encore acquis dans le premier (v. 37), où il s’agit encore d’un souhait (strophe IV), est envisagé dans un futur très proche par le second.

On peut donc penser que Be·m platz car trega ni fis a été composé aux alentours de l’arrivée de Richard en Angleterre (sans doute avant, d’après le v. 37 du ms. A, dont DFIK semblent présenter une version modifiée à la suite de l’élargissement de Richard) et que Ar ven la coindeta sazos l’a été peu après son départ pour la Normandie.

 

Nº35 : Be·m platz car trega ni fis.

 

Razon

Cette razon se trouve dans le manuscrit F (78 vº-79).

 

1
Qant Richartz ac faita la patz con Bertran de
 
Born e·ill ac rendut son castel, Autafort, si se
 
croset lo reis Richartz e passet oltra mar. E Ber-
 
trans remas guerreian con N’Aimar, lo vescomte de
5
Lemoges, e con lo comte de Peiregors e con totz los
 
autres baros de viron.
 
E si con avez entendut, qan Richartz s’en tor-
 
nava, el fo pres en Alemagn’e si estec en preson dos
 
anz e si se rezemet per aver. E qan Bertrans de Born
10
saup que·l reis devia essir de preison, molt fo
 
alegres per lo gran ben q’el sabia q’el auria del
 
rei e per lo dan qe seria a sos enimics. E sapchatz
 
qu’En Bertrans avia escript en son cor totz los mals
 
e·ls danz qe aquist guereiador avian faitz en Lemo-
15
zin et en las terras del rei Richart.

 

Argument :

Quand Richard eut fait la paix avec Bertran de Born et lui eut rendu son château, Hautefort, il se croisa et passa outremer. Bertran resta à guerroyer contre Aimar, le vicomte de Limoges, le comte de Périgord et tous les barons des alentours.

Et, comme vous l’avez entendu, alors que Richard était sur le chemin du retour, il fut capturé en Allemagne, resta deux ans prisonnier et se racheta en payant rançon.

Quand Bertran de Born apprit que le roi devait sortir de prison, il fut très joyeux, car il savait qu’il en recevrait de grands bienfaits et que ses ennemis en subiraient des dommages. Et sachez que Bertran avait noté en son cœur tous les maux et les dommages que ces fauteurs de guerre avaient commis en Limousin et sur les terres du roi Richard. Et il composa son sirventés : “Je voudrais que le roi soit devin ...”

 

Apparat critique :

1) Richart aic fata. 2-3) el croset, Richart. 7) R. 9) B. 12) so d-. 13) Bertran. 14) e·l d-. 15) R. 16) volgra reis.

 

Chanson

Texte de base : A.

Disposition des strophes :

ADIK
1
2
3
4
5
6
e
F
4
5
2
1’
3
-
e

 

F, qui ne possède pas la strophe VI et présente une version particulière de la strophe I, se distingue de l’ensemble des manuscrits et offre souvent des leçons originales, ainsi qu’en témoigne l’apparat critique.

Les manuscrits ADIK, le plus souvent solidaires, montrent parfois des leçons divergentes. Les rapports les plus étroits unissent, comme à l’accoutumée, I et K (vv. 5, 8, 28, 30, 33, 35 et 50) auxquels se joint habituellement D (vv. 3, 12, 13, 43, 44 et 47), qui propose néanmoins quelques lectures semblables à celles de A aux vers 20, 28, 33 et 35. Enfin, notons qu’au vers 8, le texte de D (intraraz) est proche de celui de F (intraratz), alors que le copiste de A indique : intraretz et ceux de IK : intratz.

 

 

 

 

 

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