Troisième Partie.
LES DIVERS ABOUTISSEMENTS DE LA POESIE MORALE.
Chapitre II
LA POESIE SATIRIQUE.
Contre des seigneurs
Nº 40 a : Er ai ieu tendut mon trabuc.
Ce sirventés, copié dans le manuscrit M quelques pages après celui que Bertran a adressé au jongleur Mailolin, partage avec lui structure et rimes. Aussi, Chabaneau (1) écrit-il : “Je crois qu’on peut sans trop de timidité supposer que le copiste s’est trompé et que, renversant les rôles, il a attribué l’œuvre du maître à l’imitateur, et vice versa”. II faut bien reconnaître que la poésie à Mailolin est mal achevée puisque son auteur a dû renoncer aux premiers vers des strophes VI et VII où se trouve la difficile rime en -uc ; il est vrai que l’auteur de Er ai ieu a évité la difficulté en se limitant à cinq strophes.
Thomas trouve que la supposition de Chabaneau est ingénieuse, mais pense que la méprise n’est pas assez évidente pour qu’on puisse s’écarter de la tradition. Kastner (M. L. R. nº32, 1937, p. 217) reconnaît qu’il existe dans la forme et l’esprit des ressemblances frappantes avec certains sirventés politiques de Bertran de Born, particulièrement avec notre pièce nº16, avec laquelle Chabaneau la mettait également en rapport.
Si Thomas et Stimming 3 n’incluent pas cette poésie dans leur édition, en revanche Appel et Martín de Riquer l’y admettent. Toutefois, ce dernier le fait parce que le système de rimes et de versification est parfaitement parallèle à celui de Mailolin, qu’il tient pour œuvre indiscutable de Bertran, ce qui ne correspond guère au raisonnement de Chabaneau. Les arguments de Kastner et Martín de Riquer m’ont convaincu de placer auprès de Mailolin cette pièce dont il me semble que l’attribution à Bertran de Born n’est rien de moins que douteuse.
Note :
(1) Poésies inédites des troubadours du Périgord, Paris, 1885, p. 53. (↑)