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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,022- Bertran de Born

 

Quatrième Partie.
 
PIECES D’ATTRIBUTION CONTESTABLE.

 

Nº 45 : Guerr’e pantais veg et affan.

 

Ce sirventés est attribué à Bertran de Born par les manuscrits IKTd, à Duran Sartor de Paernas par M et à En Guiguo de Cabanes par le manuscrit Campori. Parmi les éditeurs, seul Stimming l’a publié : il ne l’a été ni par Thomas ni par Appel. De Bartolomaeis (Poésie proven. stor. I, 71) pense qu’on ne doit pas l’attribuer à Bertran de Born. Au contraire, M. Paden, qui écrit : “Tout bien pesé, il paraît raisonnable d’accepter l’attribution unanime des mss. IKTd qui lui donnent une poésie politique de 1197 (80, 18) et même celle majoritaire de IKTd, contre M (...) et a’ (...), qui ajoutent un sirventés de l’année suivante se terminant sur un ton légèrement érotique (80, 22)”, admet donc tout à la fois la paternité de Bertran de Born et la date de 1198 (1).

Clédat (O. C. pp. 94-95), propose de dater ce sirventés de 1198, car les vers 15-16 montrent que Français et Anglais vont se combattre ; son argument principal est fondé sur les vers 39-40 où “en sollicitant l’appui du roi d’Aragon, le troubadour lui cite comme exemple le comte de Toulouse ... puisque le comte duc marquis vient de demander un traité”. Comme, selon Roger de Hoveden, un traité fut signé vers 1198 entre Richard et Raimon V, le sirventés aurait été composé à cette époque.

Tout cela serait parfait si l’analyse de Clédat n’était fondée sur la strophe V du sirventés qui est extrêmement obscure ; en particulier, dans les vers 39-40, il n’est question nulle part de “demander” un traité : tous les manuscrits lisent desmandat(z), qui offre un sens tout différent.

On pourrait avancer un autre élément de datation : au vers 47, le troubadour parle d’una pacha com an Pisan ab Genoes. Même si Stimming 1 rappelle (p. 269) que l’inimitié entre Pisans et Gênois était si célèbre que Bertran s’y réfère pour marquer l’ironie de son propos, ce que confirmeraient les vers 9-10 : gerra·m fan / Amors e ma donna tot l’an, pourquoi ne pas comprendre que Bertran a très momentanément conclu avec sa dame une trêve qui a aussi peu de chances de durer que celle que viennent de conclure les Pisans et les Gênois ? Dès lors cette pacha renverrait à des faits précis : on se souvient que le pape Grégoire VIII est mort le 19 décembre 1187 à Pise où il avait conclu la paix entre les deux cités rivales. Si l’on admet l’hypothèse que ce sirventés a été composé après cette paix, un certain nombre de faits s’expliquent : on sait que le comte de Toulouse s’était emparé au début de 1188 de pèlerins anglais et que Richard riposta en envahissant son domaine. Peut-être doit-on voir dans les vers 22-24 qui parlent de gage pris par le comte, que les Anglais et les Gascons obligeaient à des dépenses de guet, une allusion à ces événements : Richard avait expliqué à Philippe Auguste quod ipse nihil mali fecerat in terra comitis de sancto Aegidio, nisi per licentiam regis Francorum, pro eo quod comes de sancto Aegidio refutavit esse infra treugas et pacem quas Rex Franciae et ipse fecerant (Gesta, L. C.). Ces derniers mots rappellent curieusement le Puois a lor s’a de sa pacha / desmandat lo coms ducs marques des vers 39-40.

Malheureusement, comme on ne parvient à ces vers que par une correction, il me paraît peu raisonnable d’en tirer argument pour affirmer que ce sirventés a été composé en 1188. Je pense en tout cas avoir montré que cette date était pour le moins aussi probable que celle de 1198, pour ne rien dire de l’image qu’elle nous présente d’un moine entré au couvent depuis deux ans et qui proclamerait gerra·m fan / Amors e ma domna tot l’an.

En fait, nombreuses seraient les raisons de croire, avec Milà y Fontanals (De los Trovadores, p. 141), que cette pièce, où l’on sollicite l’aide du roi d’Aragon contre les Français (strophe V), a été composée pendant la croisade contre les Albigeois, peut-être pendant la période qui sépare l’ultimatum des légats repoussé par le comte de Toulouse (février 1211) et le défi adressé par Pierre II à Simon de Montfort (janvier 1213) ; cf. Croisade des Albigeois, éd. E. Martin-Chabot, t. I, p. 145 sq. et p. 289 sq.

 

Chanson

Texte de base : K.

Disposition des strophes :

IKd
1
2
3
4
5
e
e’
MT
1
2
3
5
4
e
e’
a
1
2
3
5
4
-
-

 

Comme le montre la disposition des strophes, deux ensembles, IKd et MTa, s’opposent nettement (vv. 1, 5, 8, 11, 19, 23, 24, 27, 28, 30, 33, 36, 38, 40, 43, 44, 45 et 47).

Dans le groupe IKd, étroitement uni, il semble qu’un lien particulier existe entre K et d (vv. 1, 6 et 27).

Les liens qui unissent M, T et a sont moins serrés ; il est fréquent que MT s’opposent au manuscrit a (vv. 5, 8, 19, 25 et 31), mais il arrive que Ta s’opposent à M (v. 21) ou Ma à T (v. 36), sans que pour autant le manuscrit isolé adopte la leçon du groupe IKd. En revanche, lorsque a s’éloigne de MT au vers 17, et T de Ma au vers 24, c’est pour se conformer à l’autre tradition.

Au vers 25, IKd lisent : Ara para qui meillz poiran et MT: En (E T) breu veirem (-s T) qal (cal T) mais poiran ; il semble que le copiste de a ait emprunté aux deux traditions pour en composer : Ara veirem cals miels poiram. De même, au vers 40, IKd lisent : a cont duc marques, tandis qu’on rencontre lo (le M) coms duc marces (marches M) dans MT et lo cont duc marqes dans a.

Enfin, M et T intervertissent les vers 30-31. Dans le manuscrit a, le copiste termine la page 254 à la quatrième syllabe du vers 28 et la page suivante reste blanche.

 

Note :

(1) “De l’identité historique de Bertran de Born”, Romania, t. 101, 1980, p. 208. ()

 

 

 

 

 

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