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Meyer, Paul. Les derniers troubadours de la Provence d'après le chansonnier donné à la Bibliothèque Impériale par M. Ch. Giraud. Paris: Librairie A. Franck, 1871.

234,015- Guilhem de Saint Leidier

 

 § I.

Guilhem de Saint-Didier.

 

Les chansonniers connus jusqu’à ce jour nous ont conservé, sous le nom de ce troubadour, seize pièces (1) qui ne peuvent être toutes laissées sans discussion à son compte. Déjà il a été démontré par Diez (L. u. W. 329-332) que l’exhortation à la croisade qui commence par El temps quan vey cazer fuelhas e flors (Ch. IV, 133, W. II, 44) a dû être composée entre 1260 environ et 1268, et ne peut par conséquent être d’un troubadour qui florissait dans les vingt dernières années du XIIe siècle. Ajoutons que son attribution à G. de Saint-Didier repose sur un témoignage unique, puisqu’elle ne se trouve que dans un ms. (B, f. 133) (2). — Une autre de ces seize pièces, Pus fin’amors me torn’en alegrier, est, selon la grande majorité des mss., de Gauceran de Saint-Didier (3). La pièce Ailas! com muer, — Que as, amis ? est de G. de Borneil d’après B (G. 192) et I (G. 817) ; de G. de Saint-Didier selon le seul ms. G (G. 818). L’originalité de cette pièce est en faveur de la première de ces deux attributions (4). — Je serais aussi disposé à retirer à notre troubadour la pièce Aissi cum a sas faissos, que le seul ms. B (G. 196, W. II, 52) nous a conservée ; c’est une chanson purement religieuse et qui n’est guère dans la manière de G. de Saint-Didier. — D’un caractère tout différent est la pièce D’una dona ai auzit dir que s’es clamada (W. II, 55), qui rappelle le fabliau de la dame qui se lamentait sur la tombe de son mari. Elle se trouve dans deux mss. : B l’attribue à G. de Saint-Didier, et I (G. 367), avec plus de vraisemblance selon moi, à P. Duran. — Los grieus desirs que solom far doler (W. II, 56), est de G. de Calanson selon B f. 251, et I (G. 368) ; seul, A la place sous le nom de G. de Saint-Didier. — De ces seize pièces, dix seulement peuvent donc être conservées, avec une certitude à peu près complète, à G. de Saint-Didier. Quatre d’entre elles se retrouvent sous le nom de ce troubadour dans le ms. Giraud, qui vient ainsi confirmer l’attribution des autres chansonniers, ce sont les nos 130 à 132 et 146. Il en contient une cinquième (n° 133) qui, à ma connaissance, ne se rencontre nulle part ailleurs, et dont l’authenticité est incontestable.

C’est une chanson où le poète remercie Amour de lui avoir fait aimer une dame qui est la plus belle du monde. Toutefois, il craint d’avoir porté trop haut ses désirs et d’être dédaigné. Aussi n’ose-t-il demander beaucoup, et si peu qu’il obtienne il sera satisfait. Tel est l’avantage qu’il y a à mettre son cœur et sa pensée en haut amour : l’attente est longue, mais riche la récompense. Il voudrait bien lui demander un rendez-vous, car publiquement il n’oserait lui parler, de peur des médisants. Il termine en blâmant les dames de prolonger l’attente de ceux en qui elles ont mis leur amour, au risque d’éveiller l’attention des envieux. L’envoi est ainsi conçu : « Chanson, va me dire à mon Bertran que je le prie de te faire ouïr à son Bertran ». Cette dernière phrase, quoique la signification précise en soit un peu obscure, confirme de la façon la plus décisive, l’attribution de la pièce à Guilhem de Saint-Didier. Nous savons en effet, par la vie de ce troubadour, qu’il aimait la marquise de Polignac, sœur du dauphin d’Auvergne, et la désignait dans ses chants sous le nom de Bertran, nom qu’il se donnait aussi à lui-même et qu’il appliquait encore à son ami, Ugo Marescalc (5). Et en effet, plusieurs de ses pièces (6) sont adressées a ce Bertran par lequel il faut entendre la marquise de Polignac. C’est donc à cette dame que notre troubadour envoie la chanson dont le texte suit, avec deux vers dont le sens est, si je les entends bien : « Chanson, va dire à mon Bertran (la marquise) que je la prie de te chanter à son Bertran (G. de Saint-Didier) ».

La disposition des rimes qu’offre cette pièce, abba cddc, est des plus fréquentes dans la poésie provençale, toutefois il n’y en pas d’autre exemple dans les pièces authentiques de G. de Saint-Didier (7).

 

Notes :

1. Rayn., Choix, V, 207 ; Diez, L. u. W. p. 329. Quinze sont réunies dans Mahn, Werke d. Troub., II, 39-57. La seizième ne peut être que la pièce Pus fin’amors me torn’en alegrier dont il va être question. ()

2. Diez conjecture qu’il y a eu une erreur de nom et qu’elle doit être attribuée à Gauceran de Saint-Didier, petit-fils de Guilhem. Don Manuel Milá a émis de son côté la même opinion, De los Trovadores en España, p. 197 et 240, note 20. ()

3. Oxford, p. 212 ; voir pour le détail ma notice de ce ms. ()

4. Le premier vers de cette pièce rappelle le dialogue presque monosyllabique de Flamenca et de Guillaume : Ailas! — Que plans ? — Mor mi, etc. Les deux derniers couplets d’une pièce de Peire Rogier (Ges non puesc en bon vers falhir) offrent également un dialogue très-coupé, et dont l’auteur de Flamenca a pu s’inspirer. ()

5. « Et entendet se en la marqueza de Polonhac, qu’era sor del Dalfin d’Alverne, e de N’Azalais de Claustra, e moiller del vescomte de Polonhac. En Guillems si fazia sas cansos d’ella e l’amava per amor, et apellava se ab ella Bertran, et ab N’Ugo Marescalc dizia altressi Bertran... e tut tres si clamavan Bertran l’us l’autre ». ()

6. Celles qui dans les W. d. Troub. portent les nos I, II, IV, VI, VII, VIII, XIII. ()

7. Elle se rencontre dans la pièce El temps quan vey cazer fuelhas e flors, qui justement se trouve avoir été à tort attribuée à G. de Saint-Didier, comme on l’a vu ci-dessus. ()

 

 

 

 

 

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