§ V.
.... et Guilhem de Murs
(Florissait vers 1268-1274).
On possède jusqu’à présent de Guilhem de Murs une exhortation à la croisade adressée en 1268 et 1269 à Jacques le Conquérant (1) et quatre tensons entre lui et G. Riquier (2). Le juge de deux de ces débats est Henri II, comte de Rhodez (1274-1304) (3) ; mais dans l’un des deux cas, il est qualifié de coms joves (Werke, IV, 251) ; il n’avait donc pas encore succédé à son père, et la pièce est conséquemment antérieure à 1274. Selon D. Manuel Milá (Trov. en Esp., p. 357), ce troubadour appartiendrait à la famille catalane de Mur, branche des comtes de Pallar (4). Cette opinion, bien qu’admise par M. Bartsch (5), me paraît sans fondement. D. M. Milá avoue : 1° que parmi les membres de cette famille on ne trouve aucun Guilhem de Mur, 2° que G. Riquier le traite de simple jongleur ; mais, ajoute-t-il, tant dans la réponse de Guilhem que dans son sirventes, on reconnaît le chevalier. Le savant professeur de Barcelone oublie que les sentiments chevaleresques n’ont jamais été l’apanage exclusif des classes nobles, et il a trop vite cédé au désir d’inscrire un nom de plus sur la liste des troubadours espagnols. Ce qui ruine tout à fait une hypothèse à laquelle M. Milá a porté, comme on vient de le voir, les premiers coups, c’est : 1° que dans les tensons le nom de Guilhem n’est jamais, comme c’est l’usage pour les noms de personnes nobles, précédé de senher ou senh’en, 2º que le ms. d’Urfé seul donne Guilhem de Mur; les mss. 856 et Giraud portent Murs. Un village de ce nom existe en Provence, à peu près à mi-chemin entre Apt et Carpentras.
Le ms. Giraud nous fournit une nouvelle pièce de G. de Murs. C’est une tenson entre lui et un personnage qui n’est pas nommé, mais dont la condition supérieure est indiquée par le senher dont le troubadour se sert en lui parlant. La question débattue est celle-ci : lequel vaut le mieux, d’être jaloux ou d’avoir, sans être jaloux soi-même, une femme jalouse. Guilhem choisit la première alternative.
La disposition des rimes abba ccdd, est l’une des plus communes qu’offre la poésie des troubadours. Elle se retrouve notamment dans deux des quatre tensons de G. de Murs avec G. Riquier (6).
[La pièce n’a pas de titre, le texte est assez corrompu, et l’envoi manque.]
Notes :
1. D’un sirventes far me sia Dieus guitz, B, f. 368 ; Rayn. Choix, V, 203 ; Milá, Trov.en Esp. p. 359., cf. Diez, L. u. W., p. 599. (↑)
2. Guilhem de Mur, que cuja far (Mahn, Werke, IV, 237 ; Milá, p. 360) ; —Guilhem de Mur, chauzetz d’esta partida (Werke, IV, 241 ; Milá, p. 363) ; — Guiraut Riquier, pus qu’es sabens (Werke, IV, 243) ; Guiraut Riquier, segon vostre essien (Werke, IV, 250, Milá, p. 361). — Il est encore question de G. de Murs dans une tenson de G. Riquier et d’Austorc, qui est la dernière pièce de l’édition de Pfaff. (↑)
3. L’un de ces jugements nous a été conservé ; c’est le seul exemple de ce genre qui nous soit parvenu ; voy. Diez, Poesie d. Troub., p. 190-1 (trad. p. 196). (↑)
4. Trov. en Esp. p. 357. (↑)
5. Jahrb. f. roman, u. engl. Literatur, IV, 339. (↑)
6. La première et la troisième des pièces indiquées à la note 2. (↑)