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Arveiller, Raymond; Gouiran, Gérard. L’œuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour. Aix-en-Provence: C.U.E.R. M.A. - Université de Provence, 1987.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2013.

156,015- Falquet de Romans

 

On peut hardiment désigner cette pièce comme l’une des plus belles de la lyrique occitane. Déjà, au début du XVIIº siècle, G. Catel notait : “I’ay treuué parmy ses œuures escrites en langage de ce pays vn Chant Chrestien fort deuot, qui témoigne assés de sa piété, qu’il semble auoir composé a la fin de ses iours : car il est le dernier en ordre dans ses Oeuures, qui merite bien d’estre mis en ce lieu”. On comprend que l’attribution d’une pièce qui suffit, à elle seule, pour faire de son auteur un des plus grands troubadours, ait soulevé bien des discussions.

Le copiste de f appelle l’auteur du poème en folquet, appellation qu’il utilise aussi bien pour le troubadour de Marseille que pour celui de Romans ; le copiste de R attribue sans hésitation l’Alba à Falq(ue)t de Rotmans ; tout se complique dans le chansonnier C : on lit Folq(ue)t de Marcelha au-dessus de la chanson, mais, dans le registre qui ouvre le volume, tout au bas de la liste des poésies de l’évêque-troubadour, apparaît l’incipit Vers Dieus el vostre nom e de Sancta Maria, avec, en face, le nom de Falq(ue)t de Rotmas.

Zenker, comme il devait s’en expliquer par la suite, avait été frappé par les liens évidents qui unissent cette aube à la lamentatio poenitentiae, unicum, que R attribue à Folquet de Marseille. Par suite, il n’avait pas osé l’intégrer à son édition, “Zu Folquet von Romans und Folquet von Marseille”, ZrP XXI, 1897, 335. Appel, dans son compte rendu, lui en avait fait reproche, Literaturblatt XVII, 1896, 166. Il rappelait l’opinion de P. Meyer, dans son Alexandre le Grand dans la littérature française du Moyen Age, Paris 1886, II, 90, note : la pièce appartenait plus probablement au troubadour de Romans “parce qu’on y voit rimer via (vita) avec via (via)”.

Dans l’article cité de 1897, Zenker reprit longuement cette question, recensant en faveur de Falquet les arguments suivants : 1) alors que toutes les chansons de Folquet sont composées de coblas unissonans, notre aube est formée de coblas doblas, structure qui existe chez Falquet, et cela précisément dans la poésie Quan ben mi soi perpensatz dont Appel soulignait la parenté de contenu avec notre texte ; 2) la ressemblance entre les vers 19-21 de l’Alba avec les vers 46-50 de Quan cug chantar de Falquet est remarquable ; 3) les qualités poétiques de l’Alba se rapportent mieux à Falquet qu’au style artificiel et réfléchi de Folquet ; 4) comme cette pièce suit immédiatement celles de Folquet, une distraction du copiste explique facilement son erreur. Zenker voyait désormais un argument supplémentaire dans le fait que la pièce Senher Dieu que fezist Adam, dont les rapports avec l’Alba sont frappants, contînt un nombre important de marques dialectales assimilables au parler de Romans.

Sa démonstration faisait écrire à G. Paris : “Il appuie de nouveaux arguments cette attribution, qui peut être considérée comme démontrée”, Romania, XXVI, 1897, 585.

Dans son édition de Folquet de Marseille, 135*-136*, S. Strońki reconnaît que les attributions donnent l’avantage à Falquet et pense que le copiste de C “inclinait à attribuer cette pièce à Folquet de Marseille, mais sachant que c’était un point douteux, il la plaça à la fin du chansonnier de Folquet”. Le critique admet que 1’amuissement complet du d intervocalique provenant de la sonorisation d’un t latin, caractéristique du Viennois et de parties limitrophes de la Provence (Velay, Auvergne), est un indice sérieux. De fait, à l’exemple signalé par P. Meyer, Appel avait ajouté cria, v. 22, complia, au refrain, deux autres occurrences de via (III, v. 23 et Salut, v. 32) et Zenker complia (III, v. 5). Toutefois le savant polonais refuse de voir dans ce trait dialectal une base pour un argument décisif, car la liste est longue des troubadours qui, pour des raisons de rime, ont employé de telles formes. Il trouve plus de poids à l’argument psychologique : si l’on comprend fort bien une fausse attribution à Folquet de Marseille, dont la carrière ecclésiastique fut célèbre, on voit mal pourquoi on lui disputerait une chanson pieuse pour l’attribuer à Falquet.

Sans minimiser la portée de ce dernier argument, il ne nous semble pas inutile de revenir aux formes dialectales. Nous ajouterons à leur liste les rimes, extraites du Salut, departia, v. 3, et repentia, v. 184. On peut tenter de transformer un argument d’ordre phonétique douteux en argument d’ordre stylistique sérieux : la seule chanson où Folquet de Marseille emploie la rime en -ia présente dix-neuf mots rimes de ce type, XI, éd. Stroński, 52 ; or pas un seul d’entre eux ne remonte à une forme latine en -ita. On peut donc dire que Folquet de Marseille, à la différence de Falquet de Romans, n’utilise pas à la rime de formes en -ia doublant les formes en -ida.

À notre avis, ce débat fait assez nettement ressortir que l’attribution de l’Alba à notre troubadour est la plus probable.

 

S. Stroński écrit : “Les trois manuscrits se rapprochent tous étroitement ; cependant Cf forment un groupe (vv. 35-6, 41)”. F. J. Oroz Arizcuren lui répond que R et f sont les mss. entre lesquels la différence est la plus grande, C se trouvant placé entre les deux, plus proche de R que de f, La Lír. relig., 169.

Une étude détaillée fait ressortir des rencontres entre Cf (2, 8, 14, 35, 36, 41, 47 & 50), entre Rf (3, 4, 9, 16, 47, 48 & 49) en nombre à peu près équivalent. Elles sont plus fréquentes entre C et R (15, 16, 17, 18, 23, 33, 37, 46, 48, 52, 55, 56 & 65), ce qui confirme la note de F. J. Oroz Arizcuren.

Manuscrit de base : C.

 

Alba de quatre strophes de onze vers, en coblas doblas, et une cinquième strophe de sept vers, parallèles aux sept premiers vers des strophes précédentes, suivant les rimes des str. III et IV. Refrain.

 

strophes:
a
a
a
b
b
b
a
b
b
b
a
 
12’
12’
12’
6
6
6
6’
6
6
6
6’

 

refrain:
c
c
c
a
 
 
 
 
 
 
 
6
6
6
6’
 
 
 
 
 
 

 

V. I. Frank, Rép. Métr. type nº 70, nº 1. M. de Riquer, loc. cit., relève que la rime du dernier vers du refrain est a’ et non d comme l’indique Frank, si l’on admet la rime de -ia avec -i/d/a.

 

 

 

 

 

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