POÉSIES PROVENÇALES INÉDITES
D'APRÈS LES MANUSCRJTS DE PARIS
On sait que M. C. Appel a publié en 1890, à très peu d'exceptions près, les Inedita des manuscrits de Paris (1). Il avait laissé volontairement de côté, outre les poésies de Guillem Peire de Cazals, dont M. E Levy prépare une édition critique, neuf pièces diverses qui étaient dès lors imprimées dans une suite aux Gedichte de Mahn, dont on pouvait alors espérer la prochaine apparition. Mais c'est en vain que nous attendons, depuis quinze ans, cette publication, qui ne verra sans doute jamais le jour. Je crois donc pouvoir publier les pièces en question sans porter aucun dommage, matériel ou scientifique, aux ayants-droit de l'infatigable provençaliste.
J'en omets une (174, 11) parce qu'elle fait partie d'une édition de Gavaudan que je vais faire paraître incessamment; j'en ajoute en revanche trois, une presque complètement inédite (nº VI), une publiée d'après un seul manuscrit (XII) et une enfin (VIII) qui avait paru, au reste sans notes ni traduction, dans un recueil peu répandu en France (2). J'y joins enfin quelques vers de Sordel où se peint, mieux peut-être qu'en aucune autre de ses œuvres, l'anima allera du grand poète lombard, et qu'il était vraiment dommage de ne pas connaître.
Les onze autres pièces n'offrent pas un égal intérêt. Celles de Cadenet et de Guiraut de Calanson n'ont rien que de fort banal; on remarquera du moins dans celle d'Arnaut Sabata, à défaut de délicatesse, de l'humour et de la verve, qualités assez rares chez les troubadours. Les sirventés de Pons Barba et de Uc de l'Escure sont des œuvres de jongleurs, toujours plus intéressantes que les chansons d'amour. Le premier contient une fière affirmation des droits et des devoirs du poète, qu'on regrette de voir associée à des sentiments fort vulgaires; le second constitue, au moins par sa première strophe, un curieux document d'histoire littéraire. Quant aux trois pièces de Marcabrun et à celle de Rambaut d'Orange, elles sont sur-tout curieuses par les difficultés qu'elles présentent; elles appartiennent, en effet, à ce genre irritant du trobar clus, dont on ne peut espérer retrouver la clef que si on en publie d'abord, aussi soigneusement que possible, tous les spécimens.
J'aurais voulu me borner à la traduction de ces pièces, estimant que le lieu serait mal choisi pour une étude grammaticale approfondie. J'ai cru néanmoins devoir ajouter quelques notes, historiques ou philologiques, sur certains points importants. Je publie à part, sans traduction ni notes, les quatre pièces auxquelles je viens de faire allusion; il m'eût fallu, pour arriver à un résultat hypothétique, trop de peine et de place. J'espère, au reste, que pour les trois premières nous aurons bientôt la traduction de M. le Dr Dejeanne, dont l’édition de Marcabrun est en bonne voie d’achèvement (3).
Notes
1. Provenzalische Inedita aus Pariser Handschriften, her. v. C. Appel, Leipzig, 1890.(↑)
2. Elle a été insérée dans un compte rendu publié par M. Levy dans le Literaturblatt für germanische und romanische Philologie, I887. Le nº XII était inédit quand j'ai préparé cette publication; il a été imprimé depuis d'après un seul ms. (Revue des lang. rom., XLV, 149); mais il n'était pas inutile de donner la leçon des deux autres.(↑)
3. La question d'attribution ne se pose que pour une pièce (nº V), attribuée à Perdigon dans la rubrique de C et à B. Ar. Sabata dans l'Index de ce mème manuscrit et dans R; c'est évidemment en faveur de ce dernier qu'il faut sc prononcer, et c'est, en effet, ce qu’ont fait la plupart des critiques, de Millot (Hist. litt. des troubadours, III, 390) à M. Chabaneau (Biogr. des troubadours, p. 130).(↑)
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