LES CHANSONS
DE
GUILLAUME IX
DUC D’AQUITAINE
(1071-1127)
ÉDITÉES PAR
ALFRED JEANROY
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR
5, QUAI MALAQUAIS (VIe)
1913
INDEX:
I. INTRODUCTION
II. ÉDITIONS ET TRAVAUX ANTÉRIEURS
III. ŒUVRES APOCRYPHES ; PIÈCES PERDUES
IV. LANGUE ET VERSIFICATION
V. LE POÈTE
VI. MANUSCRITS
VII. PLAN DE LA PRÉSENTE ÉDITION
INTRODUCTION
BIOGRAPHIE. — Guillaume, septième comte de Poitiers, neuvième duc d'Aquitaine, naquit en 1071 : il n'avait que quinze ans quand il hérita de son père, Guillaume VI (1086), des domaines beaucoup plus étendus que ceux du roi de France lui-même 1. Mais il ne possédait à aucun degré les qualités de l'homme d'État et son long règne ne fut qu'une succession d'entreprises hasardeuses et mal conçues, que couronnèrent de lamentables échecs. En 1098, faisant valoir dc prétendus droits de sa femme Philippa (ou Mahaut), fille unique de Guillaume IV de Toulouse, il envahit les états de Raimon de Saint-Gilles, qui guerroyait alors en Terre Sainte et les occupa quelque temps ; mais en 1101, cédant sans doute aux injonctions de la papauté, gardienne bénévole des domaines des Croisés, il partit lui-même pour la Palestine, à la tête d'une formidable armée, qui, après un long et pénible voyage á travers l'Europe et l'Asie Mineure, fut taillée en pièces, auprès d'Héraclée. Guillaume échappa péniblement au désastre 2, et, après avoir visité Antioche et Jérusalem, il reprit le chemin de l'Europe (1102). En 1114, il fit une nouvelle tentative sur le comté de Toulouse, alors gouverné par un enfant de douze ans, Alphonse-Jourdain, et il réussit à s'y maintenir quelques années. En 1119, il fit alliance avec Alphonse Ier d'Aragon et lui amena une armée qui l'aida à triompher d'une redoutable coalition de rois sarrasins. Entre temps et à plusieurs reprises, soit à la suite de ses empiétements sur les droits des églises, soit à cause du relâchement de ses moeurs, il avait été frappé d'excommunication. II mourut le 10 février 1127, après avoir perdu toutes les conquêtes qu'il avait faites dans le Toulousain.
L'ancienne biographie provençale que nous reproduisons en appendice aux chansons s'exprime, sur le caractère de Guillaume, en termes assez vagues, qui paraissent uniquement inspirés par la lecture de ses poésies. Les historiens plus rapprochés de lui traduisent en termes plus pittoresques des impressions plus vives et plus nettes. Ce qui paraît les avoir le plus frappés dans le personnage, c'est la légèreté de ses moeurs, le tour plaisant et sarcastique de son esprit, le cynisme de ses propos, toutes choses qui donnaient à ce haut potentat toutes les apparences d'un jongleur. « Hic audax fuit et probus 3, dit Orderic Vital, nimiumque jocundus, facetos etiam histriones facetiis superans multiplicibus ». « Nugas porro suas, écrit Guillaume de Malmesbury, falsa quadam severitate condiens, ad facetias revocabat, audientium rictus cachinno distendens ». Et ils ne tarissent pas en anecdotes qui nous le montrent sous ces divers aspects 4.
C'est sans doute à la surprise provoquée par ce singulier contraste entre sa condition sociale et le tour d'esprit manifesté par ses oeuvres que nous devons de pouvoir lire ses vers, aujourd’hui vieux de huit cents ans, les plus anciens de tous les vers lyriques écrits dans une langue moderne. Quand, vers le milieu du XIIIe siècle, on se mit à former des anthologies de la poésie provençale, il s'était conservé des oeuvres de Guillaume une portion notable 5 et assez répandue pour avoir pu entrer dans des recueils de provenance très diverse.
II. ÉDITIONS ET TRAVAUX ANTÉRIEURS. — Guillaume IX est aussi un des poètes provençaux qui ont été le plus souvent cités par les critiques modernes. Les historiens du XVIIe et du XVIIIe siècle qui le rencontrèrent sur leur route furent informés de son talent poétique, mais ils mentionnèrent ses oeuvres sans les avoir lues.
Tel est le cas, par exemple, de Besly (1637), qui emprunte manifestement à Guillaume de Malmesbury et Orderic Vital tout ce qu'il sait de Guillaume poète 6. Caseneuve, qui affirme avoir « veü sous le nom de comte de Poitiers tout plein de beaux vers dans l'ancien recueil de poésies provençales 7 », s'était évidemment borné à les « voir », sans aller jusqu'à les lire. Le premier qui parait avoir eu ce courage fut le jurisconsulte toulousain Dadin de Hauteserre, qui inséra deux pièces complètes de Guillaume dans son Histoire d'Aquitaine ; c'est peut-être pour se faire pardonner cette témérité qu'il les traite de « bagatelles puériles et séniles 8 ».
Cette conscience ne devait pas se retrouver chez tous les érudits du XVIIIe siècle. Crescimbeni, qui considère Guillaume comme le plus ancien des « verseggiatori », lui attribue (d'après une fausse interprétation du célèbre passage d'Orderic Vital) « il viaggio di Gerusalemme » et des poésies amoureuses 9. On comprend que les vénérables Bénédictins qui compilèrent l'Histoire de Languedoc n'aient pas cru devoir lire toutes les poésies de Guillaume ; les quelques lignes qu'ils leur consacrent nous les montrent au reste fort bien informés 10 ; ceux de leurs confrères qui rédigèrent le tome XI de l'Histoire littéraire (1759) 11 ne crurent pas devoir faire davantage : ils s'occupent longuement de Guillaume comme personnage historique, mais ne consacrent à « ses écrits » qu'une page, empruntée tout entière à Crescimbeni et à D. Vaissete ; les renseignements donnés par ce dernier sont au reste reproduits assez inexactement 12.
Les articles de Millot et Papon, fondés l'un et l'autre sur l'étude directe des textes 13, sont également agréables et intelligents, le premier plus riche en remarques littéraires, le second en observations historiques qui conservent encore leur intérêt. Quand l'Institut reprit, en 1808, l'oeuvre interrompue des Bénédictins, on comprit sans doute qu'une histoire qui s'intitulait « littéraire » devait au plus ancien des poètes lyriques en langue vulgaire mieux que les vingt lignes du tome XI ; Ginguené, qui fut chargé de combler cette lacune, s'acquitta fort mal de sa tâche : il ne fuit guère que répéter, en d'autres termes, l'article de Millot, se bornant, en fait d'additions, à citer, en cinq ou six fragments, une vingtaine de vers 14.
La publication presque intégrale des textes par Raynouard (1818-20) et Rochegude (1819) allait enfin permettre à Diez d'écrire un article approfondi, vrai modèle, en sa brièveté, de pénétration et de sens littéraire 15 ; celui de Fauríel 16, moins précis et moins juste, lui est, en somme, quoiqu'il contienne des remarques d'une portée plus générale, bien inférieur ; les traductions de Diez, quoique versifiées, sont surtout beaucoup plus exactes 17.
Il ne me reste à mentionner que deux dissertations parues en Allemagne : celle de Carl Barth 18 est sans valeur ; celle de Max Sachse 19, outre des recherches historiques qui n'apportent rien de nouveau, contient sur quelques points des remarques intéressantes.
Ce fut Adalbert von Keller qui tenta, pour la première fois, de réunir les oeuvres de Guillaume IX. Il en donna en 1848 une sorte l'editio privata, tirée à très petit nombre d'exemplaires 20 ; deux ans après il en publia une seconde, en collaboration avec Ludwig Holland 21. Cette édition, au reste médiocre et incomplète 22, est depuis longtemps épuisée.
Sur les onze pièces qui nous restent, neuf ont été publiées, après revision des manuscrits, dans les anthologies de Bartsch et de MM. Appel et Crescini 23. J'ai pensé néanmoins qu'une édition vraiment critique, fondée sur l'étude attentive de tous les manuscrits, serait la bienvenue et j'ai donné cette édition en 1905 24. Je la republie ici avec quelques améliorations ; celles-ci sont dues presque toutes aux critiques qui ont bien voulu s'occuper de mon premier travail.
III. OEUVRES APOCRYPHES ; PIÈCES PERDUES. — Les questions d'authenticité ne nous arrêteront pas longtemps. M. Suchier a montré des 1874 25 que Guillaume n'avait en rien contribué à la composition du jeu parti N' Ebles, aram digatz, que Bartsch avait fait entrer dans la liste de ses oeuvres (183, 9). C'est aussi à tort que le ms. C lui donne la pièce Enaissi cum son plus çar (457, 12), revendiquée pour Uc de Saint-Circ par six mss. ; M. Sachse a fait valoir, en faveur de l'attribution à ce dernier, des raisons qui me paraissent décisives 26.
Quant aux autres pièces, je les attribue à Guillaume d'après le témoignage des mss., qu'il n'y a pas lieu de suspecter ; pour huit d'entre elles, ces manuscrits appartiennent à des familles différentes, dont l'accord a un grand poids ; les deux autres (II, III) ne portent son nom que dans un ms. unique, il est vrai ; mais elles se rattachent étroitement, par leur forme, à une autre (I), sûrement authentique et portent, pour ainsi dire, leur marque de fabrique 27.
Mais les onze pièces que je réimprime ici n'étaient pas les seules que Guillaume eût composées ; Orderic Vital nous dit qu'au retour de sa croisade il se plaisait à raconter « devant les princes, les grands et les assemblées chrétiennes, en vers rythmiques, avec de joyeuses modulations, les misères de sa captivité ». La mention des « modulations », le fait que Guillaume récitait lui-même ces vers prouve qu'il s'agit ici, non d'une sorte de chanson de geste, comme on l'a cru parfois 28, mais d'une poésie de courte haleine, lyrique de forme, quoique narrative par le contenu, assez analogue sans doute á notre pièce V.
On a souvent cité le passage où Guillaume de Malmesbury prétend que le comte de Poitiers avait eu l'idée, aussi extravagante que scandaleuse, de fonder à Niort, sur le modèle des monastères de Chartreux, certaine « abbatiam pellicum ». M. Rajna a fort bien montré 29 : que le chroniqueur avait pris pour une réalité une fantaisie de poète, et que nous avons là simplement une allusion à une pièce perdue, qui, contenant des noms propres, put bien en son temps causer quelque scandale.
Je me demande si ce n'est pas de la même façon qu'il faut interpréter deux autres passages très analogues. Le même historien raconte que Guillaume avait fait peindre sur son bouclier l'image d'une vicomtesse, sa concubine, « perinde dictitans se illam velle ferre in praelio, sicut illa portabat eum in triclinio ». Je ne pense pas que Guillaume, malgré le sans-gêne de sa conduite, ait osé pousser le cynisme jusqu'á arborer sur ses armes le portrait d'une femme de qualité, enlevée à son légitime époux ; l'idée a pu être exprimée au contraire dans une de ces facétieuses gasconnades comme nous en avons gardé quelques-unes ; et l'antithèse même dont le chroniqueur nous a conservé le souvenir ne fournissait-elle pas à une pièce de ce genre un trait final tout á fait réussi ?
M. Chabaneau a conjecturé avec vraisemblance 30 que notre Guillaume pourrait bien être le hêros d'une anecdote racontée par Etienne de Bourbon, au sujet d'un certain comte de Poitiers, lequel, s'étant déguisé pour faire différents métiers et en comparer les agréments, aurait fini par donner la palme à celui des marchands fréquentant les foires, « qui intrant tabernas, in quibus inveniunt promptas et paratas quas volunt delicias », et qui seraient parfaitement heureux, si ne survenait bientôt la cruelle nécessité de solder la note de leurs dépenses. N'est-ce pas là encore une fantaisie purement poétique et qui pouvait fournir matière à de jolis développements ?
IV. LANGUE ET VERSIFICATION. — La langue de Guillaume IX est, à quelques traits près, celle des autres troubadours : ce sont uniquement ces traits particuliers que nous nous proposons de relever.
L'un des plus frappants consiste en ce que é [fermé] latin, qui reste è dans le provençal commun, se transforme en ei ; en effet, les mots venant de è pur riment avec ceux qui remontent á è + y (= ei en provençal commun) 31. Cette confusion, qui ne s'observe dans aucun des dialectes méridionaux, est fréquente chez les troubadours, quel que soit leur pays d'origine 32 ; elle se trouve aussi dans plusieurs textes épiques, comme Girart de Roussillon et Aigar et Manrin 33.
Un autre trait non moins caractéristique est la vocalisation de l (ou ll) finale après a (IV passim, VII 39). Cette vocalisation, fréquente chez les troubadours les plus anciens, parait avoir été évitée par ceux du XIIIe siècle 34.
Dans le premier de ces traits, on a voulu voir une influence « française 35 » . Ce n'est pas assez dire ; ce n'est pas à un dialecte quelconque du Nord que Guillaume le doit, mais à celui-là même qui était parlé dans la capitale de ses Etats. La transformation de é en ei est en effet normale en Poitou comme en Saintonge 36.
Le second pourrait passer pour un gasconisme ; mais, chez les troubadours gascons eux-mêmes, il serait le seul, et on ne voit pas, si le dialecte gascon avait joui d'une prééminence littéraire, pourquoi Guillaume lui aurait fait ce seul emprunt ; cette particularité se trouve au reste chez des troubadours qui n'ont rien à voir avec la Gascogne 37. Il reste donc qu'il soit, comme le premier, un poitevinisme 38.
Ce ne sont pas, au reste, les seuls. J'en vois un autre dans cette forme joy, si intéressante pour l'histoire des origines de la poésie de cour. Le limousin, s'il change g latin en j devant a, garde la diphtongue au ; le poitevin, au contraire, connaît le changement de g en j et celui de au en o 39.
C'en est un autre enfin, et très caractéristique, que l'infinitif guabier (VI 43), auquel il faut sans doute ajouter doblier (ib. 52). Ces infinitifs en -ier sont de véritables barbarismes, même en poitevin : la « loi de Bartsch » ne s'exerçant pas dans ce dialecte, les infinitifs même où l'a est influencé par un yod sont en e pur. Mais c'est un fait que ces formes hybrides en -ier ont été usitées en Poitou : on les trouve, par exemple, dans une chanson de Richard Coeur-de-Lion, lui aussi comte de Poitiers 40. On peut supposer que les écrivains du Poitou, connaissant dans les dialectes plus septentrionaux, l'existence d'infinitifs en -ier, ont accepté ces formes pour la commodité de la versification et leur ont même donné une extension fautive 41.
Je citerai enfin enclostre (VIII 19) et retenir (IX 33) ; le premier de ces deux mots est conforme à la phonétique poitevine ; le second a dû être emprunté à un dialecte septentrional quelconque ; on sait qu'il s'est perpétué dans la langue des troubadours 42.
II y a dans la pièce VIII (str. IV) quelques formes qui méritent d'être relevées, quoiqu'elles n'aient pas d'intérêt au point de vue dialectal ; deslonja, ponja (au lieu de deslonha, ponha) 43 ont dû être appelés par la rime : ces deux graphies doivent au reste représenter des sons à peine différents.
Cette influence très sensible du dialecte du Poitou sur la langue courtoise explique les noms de « son poitevin », « chanson poitevine », qui sont souvent donnés à des poésies provençales 44.
La versification, chez un poète aussi ancien que Guillaume, présente un intérêt tout particulier. Voici d'abord le tableau des formes de strophe qu'il a employées (les italiques désignent les rimes féminines) :
I, II, III : 11a 11a 14a.
IV, VII : 8a 8a 8a 4b 8a 4b.
V : 8a 8a 8a 4b 8x 4b.
VI : 8a 8a 8a 8a 4b 8a 4b.
VIII : 7a 7a 7a 7b 7a 8b.
IX : abba ab (vers de 8s.)
X : aab cbc (id.)
XI : aaab (id.)
On remarquera qu'aucune de ces formes n'est soumise a la loi de la tripartition, qui bientôt s'imposera d'une façon presque absolue a la lyrique méridionale. Celle de la pièce IX, l'une des compositions le plus nettement courtoises, s'en rapproche, à vrai dire, puisque les deux « pieds » se correspondent inversement ; mais la coda ne s'y oppose pas nettement, offrant le même nombre de vers et les mêmes rimes.
Toutes les autres formes sont des variantes de deux types très simples et fort anciens, dont ce n'est pas ici le lieu de rechercher l'origine.
Les pièces I, II, III sont conçues dans la forme du couplet monorime, commune, au début, à la poésie épique et à la poésie lyrique mais qui devait nécessairement, dans cette dernière, se composer d'un nombre fixe de vers. Pour bien marquer la fin du couplet, le troisième vers est ici plus long que les autres. La pièce XI nous offre une variété de cette forme, où la fin du couplet est marquée par un vers de rime différente (laquelle est unique pour toute la pièce) qui tient la place d'un ancien refrain.
Toutes les autres pièces, sauf une (X), nous offrent des variantes dc la forme très simple, probablement d'origine populaire comme la précédente, en aaab ab, où il est légitime de voir une transformation de la strophe monorime suivie de refrain 45. Dans la pièce V, qui reproduit probablement la forme primitive, le v. 5 ne rime pas, sauf quand la rime se présente d'elle-même : il serait donc légitime de considérer les v. 5-6 comme n'en formant qu'un et tenant la place d'un ancien refrain, composé d'un long vers 46.
Dans la forme de la pièce X on peut voir une modification de la forme en question, ou la tête de la strophe serait réduite à deux vers, les trois derniers formant une cosa s'ajoutant à l'ancien vers-refrain, qui se trouve ramené au milieu de la strophe ; on peut y chercher aussi une modification de la vieille « strophe couée » (aab ccb) dont le premier membre seul aurait été conservé 47.
Au point de vue de la liaison des couplets par la rime, nous avons des coblas singulars dans V (où les deux rimes changent), dans IV, VII, VIII, XI (où la rime en b est unique), des coblas doblas dans VI, des coblas unissonans dans IX, dont j'ai déjà noté le caractère nettement courtois ; dans X, nous avons deux séries de strophes (2 + 3), mais la seconde offre, dans un autre ordre, les mêmes rimes que la première (a, b, c devenant respectivement c, a, b).
Les formes de vers sont peu nombreuses : c'est le vers de 8 syllabes, si fréquent dans les plus anciennes poésies, qui est en majorité ; il est employé seul dans IX, X, XI, associé au vers de 4 dans IV, V, VI, VII, au vers de 7 dans VIII. Ce vers est partout masculin. Il est remplacé par un vers féminin dans VIII 48.
Les vers employés dans les pièces I-III, sont particulièrement intéressants, à cause de leur rareté. Ce sont des vers à mouvement trochaïque, ceux de onze syllabes coupés en 7 + 4, ceux de quatorze en 7 + 7 49. La façon dont est traitée la césure est particulièrement notable, étant tout à fait différente dans ces deux types.
Vers de 11 s. : dans la pièce I, sur 18 v. il y a 15 exemples de césure masculine, 2 de césure à l'italienne, c'est-à-dire où une atone finale est comptée dans l'hémistiche suivant (7, 8) 50: dans la pièce II, sur 14 v. il y a 8 cés. masc., 5 cés. à l'italienne ; dans la pièce III, sur 12 v., 9 cés. masc., 3 cés. à l'italienne. Dans aucune des pièces, il n'y a de césure épique.
Vers de 14 s. : ici, au contraire, la césure épique est fréquente, et complètement absente la césure à l'italienne. Dans I (9 v.), 2 cés. ép., 7 cés. masc. : dans II (8 v.), 7 cés. ép., 1 cés. masc (douteuse, au v. 18); dans III (7 v.), toutes cés. épiques (sauf peut-être au v. 19) 51.
Il y a chez Guillaume, comme chez tous les anciens poétes, un certain nombre d'allitérations, mais elles ne sont ni assez nombreuses, ni assez frappantes pour qu'on puisse leur attribuer un caractère intentionnel : M. Sachse, au reste, les a déjà relevées (p. 52).
Le même critique a cru découvrir des assonances dans III ; j'ai déjà dit (p. x, II, 1) qu'il s'était trompé 52. Il y en a pourtant, mais ailleurs ; elles sont presque toutes dans la pièce V, dont la versification présente, on l'a vu, d'autres traces de négligence : alberguem 33, apareillem 75 (: en), valor 39 (: os), ves (corr. vetz) 70 (: es). On peut encore signaler le v. 81, où coregz serait plus correct que corretz : mais cette altération, très légère, peut être mise sur le compte de la rime. Dans les autres pièces, je ne relève que bellasor IV 35 (: ort) et aizi VII 29 (: is) 53. Dans VI (str. V, VI) et IV (str. VI bis, dans E), la 3e pers. sing. du futur rime avec des a fermés ; mais cela constitue à peine une licence ; plusieurs poétes associent à cette rime non seulement les monosyllabes en a (ou leurs composés), mais les 3émes pers. des futurs (composées avec habet) 54.
Je citerai encore quelques exemples intéressants d'hiatus, de o (II 5), de a (IX 36), de e (X 10), et de synérèse (no ama, V 8 : co's, IX 14).
V. LE POÈTE. — Diez 55 partage les poésies de Guillaume en trois catégories selon que l'inspiration en est « sensuelle », « tendre » ou « sérieuse ». J'adopte cette division en y faisant rentrer les deux pièces que Diez n'a pas connues. Le dernier groupe ne comprend qu'une pièce (XI) ; le second se compose des pièces que nous appellerions plutôt « courtoises » (VII-X). Je réunis dans le premier des pièces que M. Sachse 56 sépare à tort, c'est-à-dire les trois « romances » commençant par Companho (I-III), le coq-à-l'âne (IV) et les deux amusantes gasconnades (V, VI) qui ne s'en distinguent que par la forme et sont d'inspiration très analogue.
Il serait bien intéressant de savoir ce qui, dans ces dernières pièces, appartient en propre à Guillaume, ce qui remonte à une tradition antérieure. Le comte de Poitiers, malgré ses dons très réels d'imagination, n'est pas l'auteur de toutes les bizarres fantaisies dont riaient à gorge déployée ses « compagnons », sans doute des compagnons de table et de débauche. L'équivoque sur laquelle repose la pièce I était connue dès l'antiquité ; la pièce V repose sur un conte qui devait être, comme l'a indiqué Diez, repris par Boccace 57 ; lieux communs aussi, les vantardises qui forment le début de la pièce VI, les non-sens contrastés qui remplissent la pièce IV, et probablement enfin les plaisanteries (II) sur l'inutilité des précautions prises par certains mans 58. Il reste donc une somme d'invention assez mince, et les plus folles imaginations de ce jongleur couronné nous apparaissent comme des variations sur des thèmes connus.
Ce qui est plus intéressant, c'est de découvrir, « en germe », comme Diez l'a fort bien dit, les principaux traits ou lieux communs qui caractériseront bientôt la poésie de cour, et même certaines expressions dont elle usera jusqu'à son extrême déclin.
L'espèce d'exaltation mystique qui a pour cause et pour objet à la fois la femme aimée et l'amour lui-même était déjà désignée sous le nom de joi ; l'hymne enthousiaste que le poète entonne en son honneur (IX) et qui est une de ses productions les plus réussies 59 suppose naturellement l'existence de la chose et du mot. Dès cette époque existait aussi l'assimilation du « service » amoureux au service féodal 60. Des cette époque, enfin, étaient fixées les attitudes respectives de la femme aimée et de l'amant : l'une, dédaigneuse, inexorable (VII, str. II, III ; VIII 1 ; IX 44 ; X 7-9) ; l'amant repoussé (VII, str. II, III), timide au point de n'oser se déclarer (IX 46 ; X 10) 61, comptant sur la patience comme le meilleur moyen d'arriver à ses fins (VII, str. 11) : déjà la femme est louée pour ses qualités mondaines (IX 21) et l'amour est considéré, pour l'homme, comme la source de ces mêmes qualités (VII 33-6). Mais, d'autre part, les idées ne sont pas encore poussées au point d'être ridicules ou déraisonnables : Guillaume ne parle nulle part de son indignité et ne se répand point en humbles protestations. Non seulement l'amour ne se donne pas comme platonique, mais l'expression du désir sensuel revêt des formes très crues, parfois presque brutales (VIII, str. III ; X 24 ; cf. IX 6) 62. Elle commençait enfin à s'imposer, cette convention, qui devait devenir si tyrannique, de commencer les chansons d'amour par la description d'une saison, particulièrement du printemps 63.
De ces remarques, on peut conclure avec certitude que les conditions sociales d'où sortit la poésie courtoise existaient avant le début du XIIe siècle ; cette poésie en effet avait dès lors ses principaux lieux communs, sa langue, ses formules. Que Guillaume IX n'ait point été le premier des troubadours, c'est ce qu'on a inféré depuis longtemps de la perfection relative de son style et de sa versification 64. Il est extrêmement regrettable que nous ne puissions formuler sur le lieu d'origine et les premières manifestations de cette poésie que de simples hypothèses 65.
VI. MANUSCRITS. — Les onze pièces de Guillaume nous ont été conservées par les manuscrits suivants :
C = Paris, Bibl. Nat., fr. 856 (pièces I, IV, V, VI, VII, VIII, IX, XI) ;
D = Modène, N. 45 (VI, XI) ;
E = Paris, Bibl. Nat. fr. 1749 (I, III. IV, VI, VII, IX):
I = — — fr. 854 (XI) ;
K = — — fr. 12473 (XI) ;
N et N2 = Cheltenham, Bibl. Philipps, 8335 (double copie de II, V, VI, X, XI) ;
R = Paris, Bibl. Nat., fr. 22543 (XI) ;
V = Venise, Bibl. Marc. app. cod. XI (V) ;
a = Modène. Bibl. Estense N. 8. 4 (X en deux copies, a1 et a2, XI) ;
La pièce VII nous a été aussi conservée dans le Breviari d'amor de Matfré Ermengau (α).
Les mss. C et E ont une source commune 66.
VII. PLAN DE LA PRÈSENTE ÉDITION. — Toutes les pièces qui se trouvent dans C ont été, malgré les imperfections graphiques de ce ms. 67, reproduites d'après lui, et son texte n'a été écarté que dans les passages manifestement fautifs. Quant aux autres mss., j'en ai donné toutes les variantes utiles, mais je n'ai pas cru devoir relever toutes leurs variantes graphiques ; j'indique ici en note leurs principales particularités 68.
Les traductions sont trop littérales pour viser á l'élégance ; on comprendra aisément pourquoi je n'ai pas traduit certains passages.
J’ai classé les pièces par genres, plaçant d'abord les pièces badines, eu dernier lieu la pièce du ton le plus grave ; elles sont rangées dans chaque groupe en allant des formes les plus simples aux plus compliquées. Voici du reste une table de concordance qui facilitera les comparaisons avec la liste de Bartsch (à gauche sont les numéros de Bartsch, à droite ceux de la présente édition).
1 Ab la doussor……………………................ X
2 Be voill que sapchon ……………............... VI
3 Compaigno, farai .………………….............. I
4 — no posc ………..………..……............… II
5 — tant ai …………...………………............ III
6 Farai chansoneta …………………............ VIII
7 — un vers (= Un vers farai)………........... IV
8 Mout jauzens ………..……………............. IX
9 Voir plus haut, p. VIII.
10 Pos de chantar ....................................... XI
11 — vezem ................................................ VII
12 Un vers farai pos (= En Alvernhe). V
NOTES
1. Ces domaines comprenaient, outre le Poitou et la Gascogne, le Limousin et l'Angoumois. Les comtes de Poitou devaient parler de naissance un dialecte septentrional, mais ils étaient sans doute forcés d'apprendre les divers dialectes méridionaux que parlait plus de la moitié de leurs sujets. Il est intéressant de noter que c'est dans une langue apprise que Guillaume a composé ses vers.(↑)
2. Certains historiens admettent même, d'après un texte assez peu probant d'Orderic Vital, qu'il fut quelque temps prisonnier des Sarrasins.(↑)
3. C'est évidemment le mot « preuz » que le chroniqueur latinise latinise ainsi.(↑)
4. La plupart des textes relatifs à l'histoire de Guillaume ont été réunis par Hauteserre (voir ci-dessous p. V, n. 4) et par M. Sachse ; les plus importants relatifs à son activité littéraire ont été cités in extenso par Chabaneau, Biographies des Troubadours, p. 6. — Ginguené a donné au tome IX de L'Histoire littéraire (p. 37) un bon résumé des notices historiques antérieure.(↑)
5. Sur les pièces perdues, voy. plus loin, p. VIII.(↑)
6. Histoire des comtes de Poitou et ducs de Guyenne, Paris, 1647, p. 121.(↑)
7. L'Origine des Jeux fleureaux (sic), Toulouse, 1659, p. 39. Ce livre avait été écrit longtemps avant sa publication, l'auteur étant mort en 1652.(↑)
8. Rerum aquitanicarum libri quinque... a Clodoveo ad Eleēnoram (sic) usque, autore Ant. Dadino Alteserra, antecessore tolosano, Toulouse, 1657. Les deux pièces de Guillaume (XI et V de cette édition) sont aux p. 499 et 501; elles sont exactement reproduites (sauf de nombreuses fautes de lecture et quelques lettres omises par pudeur au v. V, 79) d'après le ms. C, qui se trouvait alors à Toulouse ; c'est évidemment à ce manuscrit, le seul connu des érudits méridionaux, que se rapportent les paroles de Caseneuve citées plus haut. S'il publie ces vers, c'est, dit Hauteserre, « in gratiam antiqui tatis, quae etiam puerilibus et anilibus nugis gratiam et auctoritatem con ciliat » ; il qualifie la pièce V de « amatorium ac perineptum carmen ».(↑)
9. Dell’ istoria della volgar poesia, éd. de Venise, 1731, I, 6.(↑)
10. Hist. de Languedoc, t. II (1733), 247 (éd. Privat, III, 411). Ils avaient lu les deux pièces publiées par Hauteserre, vu nos deux mss. I et E et lu au moins la biographie qui se trouve dans le premier.(↑)
11. Réimp. Palme, p. 37-44. Les auteurs sont D. Taillandier, Clémencet et Clément.(↑)
12. Ils renvoient bien à un des mss. cités par D. Vaissete (I), mais ils n'avaient certainement pas ouvert ce ms., car ils prétendent que Guillaume y « est placé à la tête de ces poètes [provençaux] et tient le premier rang dans ce recueil » ; or la pièce de Guillaume est à la p. 142.(↑)
13. Millot, Histoire litteraire des troubadours (1774), I, 1-17 ; Papon, Histoire générale de Provence, II (1778), p. 422-30. Tous deux ont travaillé sur les copies de Sainte-Palaye ; ils ont ignoré l'un et l'autre nos pièces II et X, dont la première ne se trouve que dans le ms. N (alors à Toulouse, dans la collection Mac-Carthy), la seconde dans ce ms. et dans a.(↑)
14. Hist. littéraire, t. XIII (1814), p. 42-7.(↑)
15. Leben und Werke der Troubadours, 1829, p. 3-16, Diez a ignoré, comme Millot et Papon (voy p. VI, n. 4), les pièces II et X. — Dans ses Osservazioni sulla poesia dei trovatori, qui parurent la mème année que l'ouvrage de Diez, Galvani a traduit et cité quelques fragments de Guillaume IX (pp. 28, 46, 517).(↑)
16. Histoire de la poésie provençale, 1847, I, p. 452-75. On sait que cet ouvrage se compose de leçons professées en 1831-3 Fauriel, par une erreur de calcul, dit n'avoir connu que huit pièces. Il ne paraît pas avoir consulté l'ouvrage de Diez, bien qu'il l'ait mentionné dans sa leçon d'ouverture (ibid , p. VIII).(↑)
17. Raynouard (Choix, II, p. lxviii) avait aussi donné une sorte de paraphrase de la pièce XI ; mais il est manifeste qu'il a visé plutôt à l'élégance qu'á l'exactitude.(↑)
18. Ueber das Leben und die Werke des Troubadours Wilhem IX, Grafen von Poitiers, Hillesbeim, 1879.(↑)
19. Ueber das Leben und die Lieder des Troubadours Wilhem IX, Graf von Poitou, Leipzig, 1882.(↑)
20. Lieder Guillems IX, Grafen von Peitieu... hersg. v. Ad. Keller, für den Herausgeber gedruckt bei L. F. Fues ; Tübingen, Zu Weihnachten 1848, in-8 de 12 p.(↑)
21. Die Lieder Guillems IX, Grafen von Peitieu... hersg. v. W. Holland und Ad. Keller ; Tübingen, Fues, 1850, in-8 de 32 p.(↑)
22. Il lui manque les pièces II et X et les deux premières strophes de V ; elle a en plus la poésie Enaissi cum son plus car (Bartsch, Verzeichniss, 457, 12). Nullement critique, elle n'est même pas fondee sur une étude personnelle et complète des mss ; Keller eut á sa disposition, outre une copie complète de C et une partielle de E (exécutées par Michelant), quelques extraits de ce dernier ms. communiqués par Diez (p. 4, 5, 30) ; dans les notes, aux leçons des mss. sont mêlées, sans utilité, celles de différentes éditions, lesquelles ne sont souvent que des fautes de lecture.(↑)
23. Bartsch : pièces II, VI, VIII, XI ; Appel : I, IV, V, VIII, IX, X ; Crescini : I, XI.(↑)
24. Annales du Midi, XVII, 161-217.(↑)
25. Jahrbuch für rom. und engl. Literatur, XIV, p. 120.(↑)
26. Op. cit., pp. 38-43. Les observations sur le mot vers, opposé à chanso (v. 40), doivent être supprimées, vers représentant là verus, non versus.(↑)
27. Dans a une seconde version de X est attribuée (p. 241) à Jaufré Rudel : mais cette attribution est contredite plus haut par le même ms. (p. 202), ici d'accord avec N.(↑)
28. Millot, op. cit., p. 16. M. Sachse (p. 21 n.) rappelle que Guillaume n'a pas été fait prisonnier et veut prendre captivitas au sens moderne (a. fr. chaitiveté), comme synonyme de miserias. Mais il se peut que le chroniqueur n'ait eu de la pièce en question qu'une connaissance assez vague.(↑)
29. Romania, VI, 249 ss. ; cf. Chabaneau, op. cit.., p. 7.(↑)
30. Revue des langues romanes, XXIII, 98.(↑)
31. II : mei, trei, crei, fei, mercei, conrei, palafrei ; III : conreis (écrit conres), agueis, preis, deveis, treis, espeis, seis. Dans la pièce III la graphie par e a subsisté pour plusieurs mots (M. Sachse a eu le tort d'y voir de simples assonances), mais l'exemple de la pièce II nous autorise á rétablir partout ei.(↑)
32. Par ex. Cercamon (nº III de l'éd. Dejeanne), Marcabrun, B. de Ventadour, B. de Born, Sicart de Marvejols (Raynouard. IV, 191).(↑)
33. Voir éd. Brossmer (Romanische Forschungen, XIV), p. 21.(↑)
34. Voir Aigar et Maurin, les tableaux des rimes placés à la suite des dissertations de Harnisch et Mann (Ausgaben und Abbandlungen, nos XL, XLI) et le livre d'Erdmannsdoerffer, Reimwörterbuch der Troubadours, Berlin, 1897.(↑)
35. Crescini, Manualetto provenzale, 2º éd., 1905, p 8.(↑)
36. Goerlich, Die südwestliche Dialekte der langue d'oïl (dans Französiche Studien, III), p. 38. En limousin ancien, é reste é ; le son ei, fréquent en limousin moderne, provient de è libre, de è + s devant consonne, ou du suffixe -ensem (voir Chabaneau, Grammaire limousine, p. 25 et 249). — C'est ce qu'a déjà remarqué M. R. Karch, Die nordfranzosiscben Elemente im Altprovenzalischen (diss. de Heidelberg), Darm-tadt, 1901, p. 26.(↑)
37. On pourrait y voir, chez B. de Born et G. de Puycibot, un limousinis me ; mais cette explication ne serait pas valable pour Peire Vidal, Rambaut d'Orange et A. de Pegulhan (Mahn, Gedichte, 604) ; je ne parle pas de Jaufré Rudel, chez qui on pourrait voir là une influence gasconne.(↑)
38. La vocalisation de l finale est normale en Poitou, Aunis et Saintonge (Goerlich, op. cit., p. 20).(↑)
39. Cf. poy de paucum, relevé par M. Goerlich dans le Turpin saintongeais ; M. Settegast, qui a étudié d'une façon si complète l'emploi du mot (Joi in der Sprache der Troubadours, etc, dans Berichte über die Abbandlungen der sächs. Gesellsch. der Wissensch., t. XLI, 1889), n'en a pas recherché avec précision l'origine. Il suppose (p. 152) que joi, jai, gaug appartiennent à trois dialectes méridionaux. M. Crescini (Man, p. 22) attribue joi à une influence française. De même M. Karch, op. cit., p. 27.(↑)
40. Brakelmann, Les plus anciens chansonniers français (Ausgaben, nº XCIV), p. 22. Il y en a aussi quelques exemples dans le ms. B de Girart de Roussillon, que M. P. Meyer localise au sud du Poitou.(↑)
41. Cette explication est un peu différente de celle qu'a donnée M. P. Meyer (Dauret et Beton, p. xlvii). On sait que les mêmes fautes se trouvent aussi dans ce poème, dans Aigar et Maurin. Fierabras et la Chanson de la Croisade. Si l'épopée méridionale s'est formée, comme il est vraisemblable, dans une région limitrophe du Nord, il n'est pas étonnant d'y trouver des emprunts, même fautifs, aux parlers septentrionaux.(↑)
42. C'e-t ce que constate R. Vidal (éd. Stengel, p. 87) ; cf. Appel, Chrest., XXXV. La forme iure (: escriure, etc.) n'est pas septentrionale et M. Karch (p. 31) a tort de la citer. — Estug serait plus correct que estuy (IV, 41).(↑)
43. Con ja se trouve fréquemment à coté de coinda, cuenhda (voir Appel. Gloss.).(↑)
44. Voir Romania, XIII, 21, et XXII, 376. Je ne vois pas, je l'avoue, sur quoi se fonde l'opinion, généralement admise, que Guillaume a composé en limousin, ou du moins que le limousin est le fond de sa langue (Sachse, p. 10). Chabaneau était aussi très affirmatif sur ce point (Revue des langues rom., XXXV, 382). Pourtant je ne trouve aucun limousinisme attesté par la rime, et dans le corps même des vers je ne vois guère a relever que le changement dans certains mots (caractéristiques, il est vrai, comme chantar, jauzir, qui, au reste, serait en limousin jauvir), de c, g en ch, j devant a.(↑)
45. Sur cette forme, voir Diez, Altrom. Sprachdenkmale, p. 122, et mes Origines de la poésie lyrique, p. 397.(↑)
46. A noter dans VIII la présence d'une sorte de refrain intérieur (le mot un au v. 4 de chaque couplet).(↑)
47. Je ne sais comment Sachse (p. 44) a pu rattacher VIII aux formes courtoises.(↑)
48. Il semble que le vers féminin de 7 s. ait été longtemps considéré (la syllabe atone n'étant pas vraiment muette) comme l'équivalent du vers masculin de 8 ; nous avons, comme ici, l'association de ces deux sortes de vers dans une pièce de Cercamon (l de l'éd. Dejeanne), et, ce qui est plus singulier, dans un poème didactique, le Breviari d'Ermengau.(↑)
49. On sait que Bartsch (Zeitschrift für rom. Phil, II, 195) a voulu leur attribuer une origine celtique ; il a été réfuté par d'Arbois de Jubainville et G. Paris (Romania, IX, 177). De nombreux exemples en ont été réunis par Diez (Altrom. Sprachdenkmale, p. 123). Bartsch (loc. cit.) et moi-même (Origines, 343).(↑)
50. Le v. 14, où l'atone est élidée, ne rentre dans aucun des deux cas.(↑)
51. Cette question de la césure avait déjà été traitée par Bartsch (loc. cit.) et Sachse (p. 49) ; si je l'ai reprise, c'est que l'exposition du premier est incomplète, celle du second assez confuse.(↑)
52. Il y a quelques fautes contre la déclinaison, qu'il faut évidemment attribuer aux exigences de la rime : I 13 ; V 9, 59 ; VI 62.(↑)
53. Le mot termine le cinquième vers qui, dans la pièce V, n'a généralement que des assonances.(↑)
54. Voy. Erdmannsdoerffer, op. cit., p. 75.(↑)
55. Op. cit., p. 7.(↑)
56. Op.cit., p. 28 et 31.(↑)
57. Decameron, III, 1.(↑)
58. Des réflexions analogues, présentées sous une forme plus sérieuse et plus âpre, remplissent, on le sait, les poésies de Marcabru, et ne sont pas rares dans celles des premiers troubadours (Cercamon par exemple).(↑)
59. On peut lui comparer, au point de vue du mérite poétique, une strophe (X, III) d'une grâce vraiment délicieuse.(↑)
60. Vov. E. Wechssler, Frauendienst und Vassalitāt, dans Zeitschrift für franz. Sprache, XXIV, 159. L'emploi des expressions escriure en sa carta et retenir (VIII 8, 26) est tout à fait probant.(↑)
61. Cf. les expressions celar et blandir (IX 39).(↑)
62. De même dans la plupart des anciens troubadours : Marcabru, Cercamon et même B. de Ventadour.(↑)
63. Sur quatre chansons d'amour, deux commencent par une description du printemps (VII, X), une par une allusion à l'automne (VIII).(↑)
64. Millot, I, 16 ; cf. Hist. litt., VII, 130. Chabaneau (Revue des l. rom., XXXV, 382) suppose que la cour d'Eble de Ventadour était une école de poésie « où s'étaient peut-être formées antérieurement plusieurs générations de poètes ».(↑)
65. Je me permets de renvoyer à celles que j'ai développées dans la Revue des Deux-Mondes (1er fév. 1903, pp. 669-74).(↑)
66. J'ai collationné moi-même tous les mss. de Paris ; je dois le texte ou les variantes de N à M. Chaytor, de a à M. Bertoni, qui a depuis donné une édition diplomatique de ce ms. (Il Canzoniere provenzale de B. Amoros, Fribourg, 1911).(↑)
67. Les principales sont l'usage fréquent de lh pour l simple à la fin des mots et l'abus de y.(↑)
68. N (les deux copies ne présentent guère de différences) hésite, à la finale, entre tz, z et s, remplace -ier (de -arium) par -er, omet n caduque, note n mouillée par gn ou ign ; — D présente les deux premiers de ces traits, écrit n caduque et t après n, n'écrit presque jamais (comme les autres mss. italiens) u après q; — E note généralement l mouillée par il, ll, ill, n mouillée par in et nh, n'abuse pas de y, n'écrit guère u après c, g (devant a, o, u).
Dans N, les rubriques ne sont écrites qu'une fois et non répétées en tête dc chaque pièce.(↑)
BIOGRAPHIE
Lo coms de Peitieus si fo uns dels majors cortes del mon, e dels majors trichadors de dompnas ; e bons cavalliers d'armas, e larcs de dompneiar. E saup ben trobar e cantar ; et anet lonc temps per lo mon per enganar las domnas. Et ac un fill que ac per moiller la duquessa de Normandia, don ac una filla que fo moiller del rei Enric d'Englaterra, maire del rei jove, e d'en Richart, e del comte Jaufre de Bretaingna.
(Biographies des troubadours, éd. Chabaneau, dans Histoire de Languedoc, éd. Privat, X, p. 214.) |