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Frank, István. Pons de la Guardia, troubadour catalan du XIIe siècle . "Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona", 22 (1949), pp. 229-327.

TABLE DES MATIÈRES
 
 
L'œuvre conservée sous le nom de Pons :
 
Le nom de Pons de la Guardia :
 
Les dames chantées par Pons :
 
Identité de Pons :
 
Pons et l'époque alphonsine de la poésie provençale :
 
Unité de l'œuvre : les neuf chansons :
 
 
PONS DE LA GUARDIA, TROUBADOUR CATALAN DU XIIe SIÈCLE
 
1. INTRODUCTION. — Dans le titre que porte cette étude il n'y a pas un seul terme qui n'ait besoin d'être justifié ; il y en a qui surprendront les connaisseurs de l'ancienne poésie provençale.
Le nom de Pons de la Guardia, sous cette forme ou sous d'autres, nous le verrons (1), n'est pas inconnu ; mais sa patrie, son identité, l'étendue de son œuvre littéraire ont donné lieu, depuis le premier savant qui en a imprimé le nom, depuis Raynouard (2), aux interprétations les plus diverses : on lui a attribué treize chansons (3), puis onze (4), enfin huit (5) ; on a cherché ses origines entre le Toulousain et le Nîmois (6), dans la région de Nice (7), voire dans la famille des vicomtes de Marseille (8).
Ces divergences appellent une double explication concernant le poète et son œuvre : celle-ci, ayant suscité, à ce qu'il semble, peu d'intérêt à son époque, a été conservée par les manuscrits provençaux avec des attributions peu sûres ; et le poète, s'il n'eut pas le don de l'ubiquité, avait des homonymes un peu partout, puisque les familles de la Garde étaient au moyen âge aussi nombreuses que les du Mont, du Val et les du Bois.
De plus, parmi les allusions personnelles qui se trouvent dans ses poèmes, les seuls passages dont on ait tenu compte jusqu'à présent ont pu faire croire «qu'il fréquentait les dames de Toulouse et de Nîmes» (9) et qu'il était en rapport avec «Pons de Thézan, seigneur languedocien mentionné dans les actes de 1210-1226» (10). Or, des dames toulousaines et nîmoises Pons ne parle point et le sirventès où il est question du sire de Thézan n'est pas de lui (11). ()
 
§ 2. L’ŒUVRE POÉTIQUE CONSERVÉE SOUS LE NOM DE PONS : LES MANUSCRITS. — Il convient donc avant tout de déterminer quelles sont, parmi celles que lui attribuent les anciens recueils provençaux, les chansons qui peuvent être légitimement considérées comme siennes.
Pour simplifier notre exposé, nous désignerons les chansonniers par les sigles, et les différentes pièces par les numéros de répertoire, qui leur ont été assignés dans la bibliographie bien connue de Pillet (12).
Les manuscrits ABDIK, MUT, GPQ, Oa¹, H et L ignorent jusqu'au nom de Pons (13). Les pièces qui lui ont été attribuées, à un titre quelconque, se trouvent dans les manuscrits CEJNRSVa, dans l'ordre suivant :
 
[Emplacement]
[Pillet nº]
[Attribution] (14)
ms. C, fol.
80
406,34
Raimon de Miraval
 
158
106,12
Cadenet
 
209
47,8
Berenguier de Palazol
 
222
132,8
Elias de Barjols, dans la Table : Aimeric de Belenoi et Folquet de Romans
 
338
377,3
Pons de la Guardia
 
339
377,5
Pons de la Guardia
 
339
377,2
Pons de la Guardia
 
353
233,3
Guilhem de Saint-Grégoire
ms. E, page
38
406,34
Raimon de Miraval
 
113
63,4
Bernart Marti
 
118
106,12
Cadenet
 
126
132,8
Elias de Barjols
 
165
63,4
Pons de la Guardia (2e fois)
 
165
47,8
Pons de la Guardia
 
166
377,6
Pons de la Guardia
 
166
377,4
Pons de la Guardia
 
167
377,1
Pons de la Guardia
 
167
233,3
Pons de la Guardia
ms. J, fol.
13
 
 
cobl. nos
31-32
377,5
anonyme
ms. N, fol.
95
47,8
Peire Vidal
ms. R, fol.
16
132,8
Folquet de Romans
 
30
377,5
Pons de la Guardia
 
30
132,8
Pons de la Guardia (2e fois)
 
36
47,8
Berenguier de Palazol
 
55
106,12
Cadenet
 
71
377,2
PeireCardenal
 
87
406,34
Raimon de Miraval
ms. S, nos
148
377,7
Pons de la Guardia
 
149
406,34
Pons de la Guardia
 
150
106,12
Pons de la Guardia
ms. V, fol.
58
377,4
anonyme (15)
 
59
377,6
anonyme
 
100
377,3
anonyme
 
101
377,7
anonyme
 
101
47,8
anonyme
 
102
63,4
anonyme
ms. a, fol.
117
47,8
Peire Vidal
 
Trois constatations se dégagent de cette liste, au premier coup d'œil : il y a des sections spécialement consacrées à notre troubadour dans les chansonniers C (fol. 338 à 339), E (p. 165 à 167), S (nos 148 à 150) et V (fol. 100 à 102); les mss. E et V contiennent, à eux deux, le plus grand nombre de ses chansons ; celles dont l'attribution ne rencontre pas de contradiction expresse sont les no377,1 (E), 3 (CV), 4 (EV), 5 (CJR), 6 (EV) et 7 (SV), c'est à dire toutes les pièces (chansons) enregistrées par Pillet sous le nom de Pons, sauf le n° 2 (sirventès). ()
 
§ 3. CHANSONS D'ATTRIBUTION CONTROVERSEE. — Il nous faut maintenant entrer dans les détails pour examiner chacune des attributions douteuses.
Le cas de trois chansons est facile à classer : pour deux d'entre elles (106,12 et 406,34), le ms. S est seul à les rattacher au nom de Pons, contré les mss. ACDEIKMNRTa¹f qui donnent la première à Cadenet (16), et ACDDcEIKMNRUV qui donnent la seconde à Raimon de Miraval (17) ; la paternité de la troisième (132,8) est disputée à Pons de la Guardia (R) par Elias de Barjols (18) (CE), Folquet de Romans (R, 2e fois, et Table de C), Gaucelm Faidit (M), Peire Raimon de Toulouse (a) et Aimeric de Belenoi (Table de C). L'unanimité des suffrages contre le ms. S dans les deux premiers cas, l'isolement et l'hésitation de l'attribution à Pons (ms. R) dans le troisième, nous font exclure de l'œuvre de notre poète ces trois chansons qu'aucun critère interne ne nous invite à prendre en considération.
C'est au contraire à l'examen des caractéristiques intrinsèques que nous devons avoir recours pour trancher le problème que posent deux chansons (47,8 et 63,3) qui nous paraissent attribuables à Pons et une chanson (233,3) et un sirventès (377,2) qui ne nous semblent pas être de lui.
Les manuscrits nous autorisent à le considérer comme l'auteur de la chanson Ben es dreitz qu'ieu fassa ueimai (63,4) que le ms. E place sous son nom et qui dans le ms. V a été transcrite à la fin de la section de ses chansons : ces deux témoignages concordent donc contre celui du même ms. E, qui contient ce texte une seconde fois, cette fois-là sous le nom de Bernart Marti. Notons que les deux copies de E ont des leçons divergentes. Le compilateur de E avait trouvé, sans doute, dans une première source, une chanson anonyme dont la mélodie et la versification lui rappelait une chanson authentique de Bernart Marti (19) : c'est pour cette raison que Ben es dreitz se trouve parmi les chansons de ce troubadour, au fol. 113 d'abord ; à une autre source a été puisé le choix des chansons de Pons de la Guardia — comprenant le même Ben es dreitz — qui a été copié aux fol. 165 à 167.
La petite anthologie ponsienne du ms. E contient, en plus de trois chansons d'une authenticité certaine (377,1, 3 et 6), celle que nous venons d'adjuger à notre troubadour (63,4) et, enfin, la pièce Plus ai de talan que no soill (47,8).
Nous retrouvons le même état de choses dans la section qui lui a été réservée, sans nom d'auteur, dans le chansonnier V : deux chansons sûres (377,3 et 7) et les deux autres, Ben es dreitz et Plus ai de talan. Ceci pourrait suffire, nous semble-t-il, même à défaut des autres facteurs qui viendront confirmer cette double conjecture (20), pour nous faire admettre ces deux chansons dans l'édition de Pons de la Guardia. D'autant plus que les deux autres attributions de Plus ai sont des plus suspectes : C et R le prêtent à un poète roussillonnais, Berenguer de Palazol (ou Palou), attribution qui, vu le peu de confiance que méritent celles de ces deux manuscrits, n'a pas beaucoup de poids contre les mss. E et V, tandis que celle à Peire Vidal, dans N et a, n'a aucune raison d'être (21). Dans a, cette chanson se trouve encadrée de deux autres, l'une de Bernart de Ventadour, l'autre d'Arnaut de Mareuil ; ce groupe de trois pièces forme un bloc hétérogène dans la suite des œuvres authentiques de Peire Vidal (22).
Il importe aussi de noter que dans le chansonnier R, qui contient (avec C, son proche parent) toutes les douze chansons attribuées à Berenguer de Palazol, les mélodies manquent précisément pour les pièces d'attribution douteuse (23) : Aisi com (n° 2, disputé à Berenguer par le Moine de Montaudon, Guilhem de Bergadan, Guilhem Magret et Aimeric de Belenoi), Plus ai (n° 8, donné ailleurs à Peire Vidal et Pons de la Guardia) et S'eu anc (n° 9, à Joan Aguila et Arnaut Catalan).
Les chansonniers E et V nous apparaissent, en somme, par le nombre des textes fournis et par la concordance de leurs témoignages, pourtant indépendants, même dans des cas controversés, comme ceux qui représentent la transmission la mieux assurée de l'œuvre de Pons de la Guardia (24).
La chanson Nueg e jorn ai dos mals senhors (25) nous a été conservée dans deux manuscrits : dans E, à la fin de la section de Pons, et dans C, qui la donne à Guilhem de Saint-Grégoire. Le premier chansonnier a droit, en règle générale, à plus de confiance que le second. Une simple lecture comparée de ce texte et de tous ceux que nous attribuons à Pons de la Guardia montre cependant dès l'abord que ces décasyllabes légers et coulants, les clichés élégants, les exempla littéraires des deux premières strophes, la rhétorique des oppositiones de la troisième strophe — que le ms. E a d'ailleurs fort malmenée — et de la dernière : tout cela tranche nettement sur le portrait stylistique que nous suggère la lecture attentive de ses chansons authentiques (26). Bartsch a eu donc raison de préférer l'attribution de Nueg e jorn à l'autre troubadour plutôt qu'au nôtre. A-t-il été aussi bien inspiré, et Pillet à sa suite, en donnant à Pons la pièce D'un sirventes a far ai gran talen ? Nous ne le pensons pas.
Ce sirventès (377,2) (27) est contenu dans deux manuscrits dont l'un, C, l'attribue à Pons de la Guardia (28), et l'autre, R, à Peire Cardenal. Une fois de plus, ou ne peut lire ces vers, après ceux de Pons, sans se convaincre qu'ils sont d'une toute autre veine poétique : ce sont là des strophes martelées d'une verve de moraliste politicien qui, quand elles ne seraient pas de Peire Cardenal, évoqueraient assez naturellement son nom. Même en admettant la possibilité d'un changement de ton chez un auteur de chansons qui s'essaierait à l'art du sirventès, l'attribution à Pons paraît invraisemblable. ()
 
§ 4. LE CHANSONNIER CATALAN DE VENISE. — Deux chansonniers ont frappé notre attention par le nombre et par l'authenticité des pièces qu'ils contiennent : E et V. Le premier donne, comme on le verra par la suite, des textes très corrects (29). On ne peut pas en dire autant du second qui mérite cependant, pour d'autres raisons, un examen plus approfondi.
On sait que ce chansonnier, conservé à la Marciana de Venise, est le second en date des anthologies provençales que le moyen âge nous a légués (30). Il porte (31) l'explicit suivant : Anno Dominj McclxviijijKalendas iuniiSignum R. Decapelades qui hec scripsit. L'écriture et l'orthographe sont catalanes (32), comme le nom du scribe, R. de Capelades, qui a achevé son travail le 31 mai 1268. L'intérêt de cette copie ne réside pas uniquement dans sa date réelle, mais encore dans la sélection des œuvres qu'elle nous a transmises et dans l'ancienneté de l'époque à laquelle le recueil original qu'elle représente avait dû être constitué.
Le manuscrit de Venise comprenait à l'origine 149 feuillets, au moins ; les premiers 24 sont perdus, les derniers 29 ont accueilli un poème non lyrique (33) que nous laissons de côté. Entre les fol. 25 et 119, l'anthologie lyrique se décompose en deux parties principales (34) :   58  feuillets d'abord, du fol. 25 au fol. 90, renferment des choix plus ou moins étendus des œuvres des plus célèbres troubadours du XIIe siècle. Ce sont, dans l'ordre où ils apparaissent: Arnaut Daniel, Gaucelm Faidit, Raimon de Miraval, Bernart de Ventadour, Guiraut de Borneil, Peire d'Auvergne et Folquet de Marseille. A en juger d'après la partie conservée de ce recueil, le compilateur était un homme de goût : il a réuni là peu de poètes, mais des meilleurs. Quel dommage irréparable que les mélodies que contenait cette anthologie catalane n'aient pas été recopiées sur les portées du manuscrit de Venise, qui sont restées vides (35) ! Quant à sa date, il est permis de considérer cette section du chansonnier V, ou, pour parler plus exactement, de l'original qu'il reproduit, comme constituée dès la première décade du XIIIsiècle : les dates des pièces qu'elle contient ne dépassent pas sensiblement l'an 1200. C'est, parmi tous les chansonniers provençaux, le seul choix de «classiques». Il est regrettable — autre dommage, mais non fatal comme la perte des mélodies — que le texte qu'il nous offre soit si médiocre, si souvent corrompu (36).
La date virtuelle que nous avons acquise pour cette première section du chansonnier V est précieuse pour nous, parce que Pons de la Guardia, dont elle renferme deux compositions, y paraît être placé dans la même période chronologique que les grands troubadours cités (37). Il est même le seul poète de deuxième ordre qui ait été admis à ce Parnasse des Immortels.
La deuxième section est moins étendue : elle compte 29 feuillets, du fol. 91 au fol. 119. C'est un recueil de mélanges (38), où ont trouvé place les auteurs représentés par des pièces éparses. Les compositions que l'on y lit sont toutes des chansons, ce qui cadre bien avec le caractère musical de l'ensemble. Par ailleurs, les auteurs que l'on y rencontre ont été tous, d'une manière ou d'une autre, en rapport avec la Catalogne. Blacasset, le premier, a échangé des coblas (39) avec Uc de Mataplana, à moins qu'il ne s'agisse, par une confusion de noms, de Blacatz (40); Guilhem de Capestany est roussillonnais (41), de même que Berenguer de Palazol ; Uc Brunec, Perdigon et Gausbert de Puicibot fréquentaient la cour d'Aragon (42). Les dates de ces auteurs s'échelonnent entre le dernier quart du XIIe siècle et le premier quart du suivant. Les autres poètes de cette section appartiennent au XIIe siècle : Peirol et Raimbaut d'Orange, qui sont représentés ici par des choix comparables à ceux de la première section (43) ; Folquet de Marseille, qui y figurait déjà et dont une chanson additionnelle a été accueillie ici ; Arnaut de Mareuil, enfin, qui est peut-être dans le même cas (44).
Au résumé, le recueil de R. de Capelades comprend 18 troubadours, dont 10 auteurs classiques du XIIe siècle, représentés chacun par un choix plus ou moins étendu ; puis, parmi les 8 autres, poètes mineurs, 5 figurent avec une (ou deux) compositions (45) ; 3 auteurs, enfin, avec quatre ou cinq chansons, qui sont : Guilhem de Capestany (4 pièces), Perdigon (5) et Pons de la Guardia (4 chansons dans la seconde et 2 dans la première section). Pons est donc le seul troubadour dont l'œuvre ait été à la fois très peu diffusée par ailleurs et abondamment représentée ici.
Au sujet de notre poète, nous retiendrons de cette analyse du manuscrit vénitien les conclusions suivantes : il est certain que son œuvre conservée dans ce recueil est antérieure à 1268, date réelle du manuscrit, voire qu'elle remonte aux environs de 1225, date virtuelle de la seconde section ; il est même possible qu'elle soit du XIIe siècle, date virtuelle de la première section ; par ailleurs, il est certain — en vertu de la remarque que nous venons de faire à la fin de l'alinéa précédent — qu'il était particulièrement connu en Catalogne ; il est même raisonnable de supposer que le pays où il était le moins ignoré était le sien propre. ()
 
§ 5. LE NOM DE PONS DE LA GUARDIA. — Les manuscrits permettent d'ajouter un second argument extérieur en faveur de l'hypothèse des origines catalanes de Pons : c'est la graphie de son nom. Nous y trouvons les variations suivantes : Pons de sa Gardia, Pons sa Gardia (C) et Pons de sa Guardia, Pons sa Guardia (R), en face de Pons de la Gardia (E) et Ponz de la Garda (S). On sait que l'article du type sa, pour la, se rencontre, en provençal, dans la région de Nice (46), et, bien plus largement répandu, dans le domaine catalan (47), hormis le groupe valencien. Nous verrons plus loin (48) le même mélange de formes, avec et sans préposition ou article, celui-ci étant tantôt la, tantôt sa, le nom de lieu soit Guardia, soit Gardia, dans les documents d'archives provenant de la Catalogne du XIIe siècle.
Pour le surnom de Pons, nous avons adopté la forme de la Guardia. On sait que les localités appelées Garde, la Garde, se trouvent sur des hauteurs dégagées et représentent ou représentaient des postes de garde (49). En Catalogne (50), elles se trouvent pour la plupart dans les marches catalanes, sur l'emplacement d'anciens postes de garde fortifiés, remontant à l'époque de la Reconquête (51). Quelle qui soit son identité, le château auquel Pons doit son surnom porte (ou porterait) aujourd'hui la dénomination La Guardia. Notre méthode est d'employer, dans l'onomastique des troubadours, les formes actuelles des noms de lieu identifiés ou identifiables et, s'il y a lieu, de préférer les formes officielles, quand elles sont plus largement connues, aux formes locales. ()
 
§ 6. DETAILS AUTOBIOGRAPHIQUES DANS SES CHANSONS : SES ORIGINES CATALANES. — Quittons l'examen des manuscrits pour tourner notre attention vers les textes eux-mêmes, en commençant par les passages qui sont susceptibles de nous fournir quelque renseignement sur le poète.
Les noms propres, de personne et de lieu, y sont fort peu nombreux : la Provence, le Toulousain, le pays «de Salses à Tremp», voilà pour la géographie ; la comtesse de Burlats, une dame désignée par le pseudonyme On-tot-mi-platz et les Catalanes sont les destinataires de différents vers.
La Provence où l'on est fier d'envoyer ses chansons,
 
c'ades dei voler de mon chan
sia volgutz et auzitz en Proensa
que ben conosc c'a las donas agensa,                         1, 3-5,
 
«je suis toujours heureux de voir mes chansons se faire accueillir et entendre en Provence, car je sais bien qu'elles plaisent aux dames» ; puis le Toulousain, indiqué comme but d'une expédition à laquelle on se prépare,
 
Faray chanzo ans que veinha·l laig tems,
pus en Tolsa nos m'anam tuit essems,                         IV, 1-2,
 
«je ferai une chanson avant l'arrivée de la mauvaise saison, puisque nous partons tous ensemble vers le Toulousain», — ce sont des allusions qui n'ont rien de particulièrement frappant. D'autant plus révélateurs sont les adieux émus que l'auteur adresse au pays qui s'étend entre Salses et Tremp :
 
A Deu cornan tot cant reman de zay:
ploran m'en part, car las domnas am nems.
Tot lo païs, de Salsas tro a Trems,
salv Deus, e plus cel on midon estai,                         Ibid, 3-6,
 
«je dis adieu à tous ceux que je quitte ici : je pleure de m'en aller, car j'aime beaucoup les dames. Dieu garde tout le pays, de Salses jusqu'à Tremp, et surtout la contrée où se trouve ma dame.»
La première nommée est la ville (52) qui servait généralement, à partir (53) de 1178, à définir la frontière catalane (54) du côté français des Pyrénées ; du côté espagnol, c'était Lérida et Tortose : in dicta terra mea a Salsis usque ad Dertosam, dit un acte (55) d'Alphonse II ; totam Cataloniam, videlicet a Saisis usque ad Ilerdam, une charte (56) de son successeur Pierre Ier ; a Gerunda usque ad Salsas signifie, dans divers documents de ce dernier (57), «de part et d'autre des Pyrénées». Si Pons choisit l'humble capitale du bassin de Tremp (58) pour délimiter le pays catalan qui lui est le plus cher, il doit avoir des raisons plus profondes que les nécessités de la rime, et, de toute manière, il doit posséder certaines connaissances de la topographie des basses vallées pyrénéennes, de la Noguera Pallaresa. Il a du chagrin, nous dit-il, de quitter ces régions surtout parce qu'il y laisse sa dame :
 
Tot n'o am mais car ma dona i sai,                         Ibid., 7,
 
«je l'aime d'autant plus, ce pays, que je sais que ma dame s'y trouve.» C'est donc une Catalane.
Celle qui est appelée On-tot-mi-platz dans trois chansons l'est également, puisque ses louanges se confondent avec celles des Catalanes dans une de ces chansons :
 
[On-tot-mi-platz...]
Deus la manteinha mest nos,
que ben parl'e gent acuil,
per qu'esaut sobre·ls milors
sos rics pretz auzitz e sors.                         IX, 45-48,
 
Si pretz s'aibaissa mest nos,
las domnas no·n an tort nuil,
c'anc om no las vi meillors
Catalanas, ni genzors,                         Ibid., 49-52,
 
«Plût à Dieu de garder On-tot-mi-platz parmi nous ; elle est d'un accueil et d'une conversation agréables, c'est pourquoi j'exalte ses hauts mérites par-dessus ceux des meilleures. Si Mérite est en décadence chez nous, la faute n'en est aucunement aux dames, car jamais on ne vit de Catalanes plus louables et plus gracieuses.»
Sur la question d'On-tot-mi-platz nous nous arrêterons plus longuement à l'instant (59), de même que sur l'affaire de la comtesse de Burlats (60) ; affaire que Pons déplore dans des termes qui paraissent le ranger dans le camp des seigneurs catalans :
 
Mas molt soi iratz
e marritz d'un plai
en que nos, de sai,          var. : en que·ls pros de sai
avem pres gran dan                  avem...
en la comtessa prezan,
    dona de Burlatz,
que perdem, so m'es parven,
si Dieus encar no la·ns ren,                         V, 41-48,
 
«Je suis fort attristé et chagriné d'une affaire dans laquelle nous autres, de ce pays (variante : nous, les nobles de ce pays), nous avons subi un grand dommage, au-sujet de l'aimable dame comtesse de Burlats, que nous perdons, ce me semble, si Dieu ne nous la rend pas.»
Devant les trois expressions de son intérêt pour la Catalogne, en regard de l'envoi d'une chanson en Provence, nous devons nous demander : Pons est-il provençal ou catalan ? Est-il un de ces jongleurs qui, dès l'époque de la dame de Burlats, c'est à dire entre 1171 et 1200 — ce sont les seules dates que nous puissions fixer pour le moment (61) — descendaient, nombreux, vers la cour du roi d'Aragon et de ses sujets ? En ce cas, est-ce par gratitude pour un accueil hospitalier, fort prolongé ou souvent réitéré, qu'il montre une préférence marquée pour les dames de cette contrée et sont-ce ces visites qui l'ont familiarisé avec les lieux ? Ou bien, au contraire, est-il catalan ? En ce cas, le pays qu'il quitte à regret, qui abrite sa dame, dont les chevaliers font à la dame de Burlats le tort qui le désole, le pays catalan, en somme, ce serait sa patrie, et les chansons envoyées en Provence, de simples messages de courtoisie.
S'il est permis d'interpréter dans le même sens le témoignage du manuscrit de Venise sur la diffusion de l'œuvre de Pons, les indications des autres manuscrits sur la forme de son nom, les renseignements, enfin, que nous avons tirés de ses vers sur les rapports qu'il entretenait avec différents pays et diverses personnes, la suggestion qui se dégage de ces indices concordants est que Pons de la Guardia est catalan. ()
 
§ 7. CARACTERE CATALAN DE SA LANGUE. — Cette hypothèse est encore confirmée par l'examen linguistique de ses poèmes. En nous en tenant aux rimes, pour être sûrs de ne rien attribuer à l'auteur de ce qui peut être le fait des scribes, nous constatons un certain flottement dans les terminaisons flexionnelles.
Quelques-unes des infractions aux règles s'expliqueraient par différentes conditions particulières : dans
 
... mas vos estatz süau                         IV, 29.
 
on peut, à la rigueur considérer süau comme employé adverbialement ou se rapportant à un antécédent logique qui est féminin ; de même, dans
 
... e sa fresca color                                 III, 27,
m'alumna·l cor...
 
il y a un nom féminin qui est dépourvu du -s flexionnel, cependant qu'on a honors au vers IX, 16. Les noms propres font souvent exception, chez les meilleurs poètes, comme dans
 
... tro a Trems                                          IV, 5,
 
au lieu de Tremp. Prétendre que dans les deux cas suivants, il s'agit d'un cas sujet pluriel, qui n'a pas le signe de la flexion, et d'un cas régime pluriel, au lieu du singulier qu'on attend, ce serait une bien faible excuse (62) :
 
... no·m plagr' oguan
solatz ni deport ni chan                         V, 5,
 
et
 
Mas en leis a tant d'orgueil
qu'eu non sai gaire pejors                         IX, 23,
 
Il reste, enfin, les fautes certaines :
 
1,           ... et es enueitz gran                                          III, 39,
que ja·ls pros s'en meton en plai...
 
2,          C'un gran gaug, complit, coral                         VI, 25,
m'es can la vei...
 
3,          Que las grans beutatz
e·l cor cueind' e gai                                                           V, 26
e·l ric pretz verai
m'a[n] mes en tal latz...
 
4,          si no me val chauzimen...                                    V, 32,
 
A ces incorrections dans la flexion nominale s'ajoute un solécisme de rimes. Ce n'est pas les séries és et ès, ér et èr, ier, véritables traquenards pour les auteurs catalans qui s'y laissent souvent prendre, la distinction de é fermé et de è ouvert n’existant pas dans leur langue maternelle au même sens qu'en provençal ; Pons a évité d'employer ces désinences. Mais la pièce Totz temps (n° IX) contient, au vers 50, le mot nulh (de nullu) qui doit répondre à vuyl (ŏculu), duil (dŏliu), orguil (*orgŏliu), tuil (*tŏleo), suil (sŏleo), acuil (ad-cŏlli[g]o), mais qui ne répondrait pas aux formes normales de ces mots : olh, dolh, orgolht etc. C'est la seule rime incorrecte, elle suffit cependant pour trahir un compatriote de Guilhem de Bergadan (63). ()
 
§ 8. PONS CHEVALIER-POÈTE. — Certaines expressions qu'il emploie dans ses chansons permettent de préciser qu'il appartenait, lui aussi, à la noblesse. Il convient mieux à un chevalier qu'à un jongleur de penser constamment en termes d'alliances et d'hostilités ; la fréquence des mots «amis, ennemis, voisins, nous» atteste cette tournure de sa pensée (cf. I, 22-23, III, 38-40, IV, 2, V, 41-44, VI, 6-7, VIII, 4, 7-8, 22, 28 et 36, variante (64), IX, 45, 52). Un troubadour qui chante pour répondre aux sollicitations répétées non seulement de sa dame (cf. V, 1-8 et II, 1-8), mais des amateurs de la courtoisie, paraît s'adresser à ses égaux dans des vers comme ceux-ci :
 
   Mandat m'es que no·m recreia
   de chantar ni de solatz ;
   e quar plus soven no fatz
   chansos, m'o tenon a mal
sill a cui chans e deportz abelis ;
   et a grat de sos amis
   deu hom far, com que l'en prenda,                         VI, 1-7,
 
«on me demande de ne pas renoncer au chant et à la gaîté et ceux qui aiment les chansons et les divertissements m'en veulent de ne pas en composer plus souvent ; il faut bien répondre aux vœux de ses amis, quoi qu'il en advienne» ; de même dans les admonestations qu'il lance à des nobles qui se déshonorent en se faisant lausengiers, aux vers 36-40 de Plus ai (III) et dans toute la pièce Sitot (VIII). ()
 
§ 9. LES DAMES CHANTEES PAR PONS : AZALAÏS DE BURLATS. — C'est donc en partant du pays catalan qu'il se prépare à l'expédition dans le Toulousain ; c'est en Catalan qu'il désapprouve le tort que l'on fait à la comtesse de Burlats ; c'est une dame de son pays qu'il courtise en la personne d'On-tot-mi-platz. Il nous reste maintenant à tenter de dater la campagne toulousaine, expliquer l'affaire de la comtesse et essayer d'identifier la dame au pseudonyme.
De ces trois problèmes, seul le second peut nous fournir une datation précise.
Il s'agit là d'Azalaïs, fille de Raimond VI comte de Toulouse, mariée, en 1171, à Roger II vicomte de Béziers (65). Elle a été célébrée par de nombreux poètes (66). On l'appelait comtesse du titre de son père ; le surnom «de Burlats» lui vient de ce qu'elle avait été élevée au château de ce nom, près de Castres : era dicha de Burlatz per so qu'ela fon noirida dins lo castel de Burlatz (67).
Cette explication est tirée de la biographie d'Arnaut de Mareuil, son troubadour attitré. S'il faut en croire l'histoire qui est racontée dans cette vida, Arnaut fut congédié par sa dame sur l'ordre d'un redoutable rival : Alphonse II d'Aragon.
De celui-ci, Roger de Béziers avait été le principal vassal en-deçà des Pyrénées, dont la fidélité lui était d'autant plus indispensable qu'elle représentait pour Alphonse une tête de pont capitale dans sa politique d'expansion vers le Midi de la France (68). Le vicomte n'avait cependant qu'un vœu, très banal au stade où en était arrivée la féodalité à la fin du XIIe siècle : secouer les liens qui l'unissaient à son suzerain. Son allié tout désigné était le comte de Toulouse et le gage le plus agréable à recevoir, pour la solidité de cette alliance, ce fut la main de la gracieuse fille de Raimond. On comprend, sans même prêter foi à ce que nous racontent les mauvaises langues, qu'étaient les troubadours et les biographes de troubadours, que le mariage du vicomte de Béziers avec la fille du comte de Toulouse inspirait à Alphonse, dès 1171, des inquiétudes bien fondées.
L'heure des mises au point énergiques sonna en 1179. Une série de documents, datés du mois de novembre de cette année-là, et que l'on peut lire tout au long de cinq colonnes (col. 1371-1375) de la Marca hispanica (69), ou, mieux et plus complets, dans la précieuse édition (70) du Liber Feudorum Maior d'Alphonse d'Aragon (nos 859-865), montrent l'étendue et l'importance de l'affaire et la sévérité implacable du roi. Voici dans quels termes le rédacteur du registre du Liber Feudorum a résumé, sine ira et studio, la teneur du premier acte, du 2 novembre : instrumentum... quo remisit ipse dominus Rex delictum quod Rogerius circa eum fecerat pro eo quia terram, quam per eum et eius antecessores habuerat in feudum... comiti Raimundo Tholosano annuerat et concesserat, necnon dictum dominum Regem guerris et aliis iniuriis irritaverat (71). Ce n'est pas du bon latin, mais tout y est dit.
La chronique scandaleuse de l'époque a d'autres détails à nous révéler. Ils portent la signature d'un batailleur indomptable qui a osé dire ce que les tendres soupirants d'Azalaïs préféraient taire, afin de ne pas froisser Alphonse, leur mécène. Guilhem de Bergadan s'exclame, dans une attaque vigoureuse contre son roi (72) :
 
e pot vos hom ben mostrar e retraire
la comtessa q'es dompna de Beders,
a qui tolgues — qan vos det sas amors —
doas ciutatz e cent chastels ab tors,                         210,17, 19-22,
 
«on peut vous rappeler, dit-il, l'exemple de la comtesse qui est dame de Béziers : vous lui enlevâtes — alors qu'elle vous donna son amour — deux villes et cent châteaux-forts garnis de tours».
Le poète n'exagère point : dans l'acte de reddition du 2 novembre 1179 (L. F. M., n° 854), Roger est obligé d'offrir la soumission de deux villes, Carcassonne et Limoux, dont les homines prêtent serment à Alphonse (n° 862) ; quant aux cent châteaux, le chiffre elliptique reste bien au-dessous de la réalité : il n'est pas de pièce dans ces protocoles où il n'y ait question de omnibus fortitudinibus qui in eis sunt, à savoir dans le Carcassès, le Lauragais, le Minervois, le Razès, dans les pays de Salt, de Termes, de Limoux, el le nombre des nobiles milites dicti Rogerii qui tenaient sans doute ces châteaux et qui, dans l'acte n° 861 (du L. F. M.), jurent fidélité au roi d'Aragon, dépasse quatre cents.
C'est à la lumière des documents de ce dossier et par rapport à la date du mois de novembre 1179 qu'il faut interpréter la strophe citée de Pons : «Je suis fort attristé et chagriné d'une affaire dans laquelle nous, les nobles de ce pays, nous avons subi un grand dommage, au sujet de l'aimable dame comtesse de Burlats, que nous perdons, ce me semble, si Dieu ne nous la rend pas.»
Il résulte de ce passage que Pons de la Guardia avait connu, avant les événements de 1179, la vicomtesse de Béziers. Il est même le seul poète de la cour d'Azalaïs qui ait tenu à exprimer, discrètement, dans les termes atténués que lui imposait la fidélité à son roi, mais avec suffisamment de clarté, qu'il désapprouvait la façon dont celui-ci traitait sa captive. Mais cette discrétion mesurée et cette absence de toute expression directe sont motivées, à notre avis, non seulement par la loyauté de Pons envers son seigneur : poète de chansons amoureuses, il ne pouvait pas, sans sacrifier la pureté du ton, sans mélanger les genres littéraires, parler d'affaires politiques dans une chanso courtoise.
On sait que d'autres auteurs, du type de Peire Vidal, se souciaient bien moins de ce principe d'art, qui nous paraît également tout à fait secondaire, que de l'originalité de leurs compositions. Il existait cependant une école poétique qui tenait cette règle pour essentielle, dont les chansons sont exemptes de toute allusion politique, où l'on ne trouve presque jamais — ou peu s'en faut — un seul vers qui puisse prendre place dans un sirventès. Cette école se rattache, par ses origines, à la manière de Jaufré Rudel et de Bernart de Ventadour (73) ; son chef de file, au dernier quart du XIIe siècle, à l'époque de la «grande génération», nous le voyons précisément en Arnaut de Mareuil (74), le poète d'Azalaïs.
Le respect intégral que ce troubadour avait pour la doctrine de la pureté des genres littéraires explique la contradiction apparente entre le très grand succès qu'il eut parmi ses contemporains et le peu d'intérêt, le sentiment de monotonie qu'il éveille en nous. Dans ses vingt-cinq chansons (dont plus de la moitié ont été répandues dans plus de quinze manuscrits), il n'y a aucun élément autobiographique à saisir, hormis une poignée d'envois à des personnages aussi vaguement désignés que «mon Français» ou «mon Génois» (75) ; pas la moindre allusion à un fait précis localisable dans le temps et dans l'espace, tout est en abstractions courtoises, psychologiques, amoureuses. ()
 
§ 10. ON-TOT-MI-PLATZ. — Pons est un disciple de cette école poétique des chansons amoureuses pures. C'est pourquoi son allusion à un départ en groupe, qui devait être selon toute vraisemblance une des expéditions d'Alphonse dans le Toulousain, sa mention d'une campagne militaire à laquelle il allait prendre part, ne sert qu'à exprimer ses regrets de quitter sa dame. Sa pensée est peut-être tournée de l'avant, vers la vie de bivouacs et vers les batailles que lui réservent les mois à venir, mais son expression est attachée, par le respect des conventions poétiques qu'il suit, à la vie courtoise qu'il doit délaisser.
Aussi nous est-il impossible de conjecturer de quel séjour languedocien d’Alphonse, ou de son successeur, il peut être question ici. Ce séjour se place, de toute façon, après 1172, puisque la chanson est postérieure à cette date (76). Est-ce donc, comme il est probable, la campagne de 1176, qui aboutit au traité de Guernica (77) conclu avec Raimond de Toulouse ? Serait-ce l'action diplomatique et militaire entreprise en 1179 et au cours de laquelle eut lieu l'intermède de la vicomtesse de Béziers ? Ou celles de 1181 — ou 1183 — 1186, 1193 qui conduisaient Alphonse et ses barons à travers le Toulousain ? (78) Son dernier voyage à Perpignan, où il mourut, en 1196 ? L'une des nombreuses excursions de Pierre, son successeur, à travers les Pyrénées ? La dernière, enfin, celle qui s'acheva par sa mort au champ de bataille de Muret ? Nous ne saurions le déterminer. Tout au plus pourrons-nous, en établissant la chronologie relative des chansons de Pons, accorder notre préférence à telle ou telle période (79).
Quelle est donc cette dame pour laquelle Pons verse des larmes au moment de quitter la Catalogne ? Nous n'en connaissons que le pseudonyme courtois, le senhal : elle est nommée On-tot-mi-platz dans trois des chansons que nous avons étudiées jusqu'à présent. Il convient de rassembler les passages qui la concernent.
On a déjà lu les deux envois dans lesquels On-tot-mi-platz apparaît parmi les Catalanes (80) : «Puisse Dieu la maintenir parmi nous ; elle est d'un accueil et d'une conversation agréables, c'est pourquoi j'exalte ses hauts mérites par-dessus ceux des meilleures. Si Mérite tombe en décadence chez nous, la faute n'en est nullement aux dames, car jamais on ne vit de Catalanes plus louables et plus gracieuses.»
Une autre chanson permet de confirmer qu'il ne s'agit pas d'Azalaïs, puisqu'après la strophe consacrée à celle-ci, et que l'on a également lue plus haut, le poète adresse un envoi à sa compatriote :
 
Mas nos avem conort gran
en On-tot-mi-platz,
que sel que la ve soven
non pot aver marrimen,                         V, 349,52,
 
«nous trouvons beaucoup de réconfort en la personne d'On-tot-mi-platz, car celui qui la voit souvent ne peut pas être attristé».
La troisième chanson nous mettra sur la piste. Nous lisons, dans la-dernière strophe :
 
Sel que ma chanso aprenda
—sia loindas ho vezis—
prec que la chant el païs
al bel cors, de lin reial,
gai e cortes de mon On-tot-mi-platz,                         VI, 36-40,
 
«je prie quiconque apprend ma chanson — qu'il soit loin ou près —- qu'il la chante dans ce pays, à ma belle On-tot-mi-platz, de lignée royale, qui est gaie et courtoise».
Les dames catalanes issues d'une famille royale ne sont pas nombreuses à l'époque qui nous intéresse ; d'autant que la dynastie en question ne peut être que la maison d'Aragon : les rois étrangers, péninsulaires ou continentaux n'avaient aucune parente en Catalogne. Notre recherche doit donc porter sur une dame de la famille d'Alphonse lui-même : dans notre choix entre Douce, sa sœur, mariée a Ermengaut, comte d'Urgel (1154-1183), et Marquesa, la fille de ces derniers, mariée (avant 1178) à Pons, vicomte de Cabrera, c'est le point de vue des générations qui nous fait opter pour la plus jeune. ()
 
§ 11. MARQUESA D'URGEL, VICOMTESSE DE CABRERA, ET LES TROUBADOURS. — Marquesa d'Urgel n'est pas une inconnue dans l'histoire des troubadours. Elle a été célébrée par Bertran de Born, Peire Vidal et Guilhem de Bergadan. Le premier envoie, en 1184, son sirventès Quan la novela flors (81) à un ami catalan :
 
Sirventes, vai a·n Raimon Gauceran
lai a Pinos, e ma razo l’espel,
quar tan aut son siei dich e siei deman
de lieis que te Cabrer' e fo d'Urgel,                         80,34, 49-52,
 
«sirventès, va-t'en vers Raimond Gauceran, là-bas, à Pinós, et expose-lui mon message ; sa réputation est brillante de même que la cour qu'il fait à la dame qui tient Cabrera et qui fut d'Urgel». La notice exégétique, la razo qui accompagne ce texte, explique que Raimond Gauceran de Pinós aimait Marquesa d'Urgel, vicomtesse de Cabrera (82). Nous ne pouvons pas savoir si cette affirmation est conforme à la vérité, mais les termes qu'emploie Bertran de Born — mieux au courant de ces choses que nous-mêmes — n'interdisent pas d'y croire.
Malgré son tempérament léger, Peire Vidal se sentait attaché à Alphonse d'Aragon par une véritable amitié. La démonstration du caractère sincère et durable de cet attachement est une des plus belles découvertes de l'étude récente de M. Hoepffner sur Peire Vidal et l'Espagne (83). Une seule fleur flétrie se trouve dans la couronne d'hommages que le troubadour toulousain tressait pour son ami royal pendant toute sa carrière et même après la mort d'Alphonse. La voici (84) :
 
Chanso, vai t'en al bon rei part Cerveira,
Que de bon pretz non a el mon egansa,
Sol plus francs fos vers midons de Cabreira,
que d'autra re no fai desmesuransa,                         364, 40, 43, 46,
 
«Chanson, va-t'en vers le bon roi, au delà de Cervera, qui n'aurait pas son pareil au monde pour la bonne réputation, si seulement il était plus généreux envers madame de Cabrera, car c'est la seule affaire où il se montre injuste. »
Nous avons déjà entendu des reproches semblables à l'adresse d'Alphonse : c'était au sujet d'Azalaïs de Burlats et ils venaient de Guilhem de Bergadan. Le rapprochement entre les deux cas n'est pas arbitraire puisque ce troubadour le fait lui-même dans le sirventès où nous avions puisé l'allusion à Azalaïs. Cette chanson politique a précisément pour objet de blâmer les procédés cavaliers du roi à l'égard de Marquesa de Cabrera, par ailleurs sa propre nièce :
 
Reis, s’anc nuill temps fos francs ni larcs donaire,
ni encobitz per las autrui moillers,
penedenssatz vos en cum hom pechaire :
q’eras lor etz enemics e gerriers,                         270,17 1-4
. . . . . . . . . . . . . . .
Reis, si fos vius lo pros coms, vostre paire,
non fera pas per mil marcs de deniers:
la Marquesa far fondejar ni traire
aissi cum faitz vos ab vostres archiers                         Ibid., 9-12
 
«Roi, si jamais vous fûtes homme généreux et libéral, et amateur des femmes d'autrui, faites-en pénitence comme il convient à un pécheur, car vous êtes à présent leur ennemi, leur adversaire... Roi, si le noble comte votre père vivait, jamais il ne ferait, pour mille marcs d'argent, ce que vous faites, vous : faire assiéger Marquesa et tirer sur elle avec vos archers...»
Une remarque, en passant, sur la présence de l'article devant le nom propre : la Marquesa. Celui-ci, qui se confond avec le titre de noblesse «marquise», apparaît aussi bien dans les textes latins (85) que dans ceux en langue vulgaire tantôt avec, tantôt sans l’article (86). On en trouvera plus loin des exemples et l'explication. Il ne faut donc pas croire que la majuscule (87) dans notre texte soit arbitraire.
Le siège de la vicomtesse de Cabrera eut lieu au printemps (88) de 1192. La date du mariage de Marquesa (avant 1178) et les deux dates auxquelles elle apparaît dans la poésie des troubadours, 1184 et 1192, montrent qu'elle était célébrée à la même époque qu’Azalaïs. Cela confirme l'hypothèse de son identité avec On-tot-mi-platz. ()
 
§ 12. LA CHANSON «BE·M CUJAVA». — Notre hypothèse devient une certitude à la lecture de la quatrième chanson adressée à la dame portant ce pseudonyme :
 
Be·m cujava que no chantes oguan,
sitot m'es grieu, pel dan qu'ai pres, e·m peza
que mandamen n'ai avut e coman
d'On-tot-mi-platz, de midons la Marqueza ;
e pus a lieys ai ma chanso promeza,
ben la dei far cuenhd' e guay' e prezan,                         VII, 1-6,
 
«Je ne pensais pas chanter cette année, à cause du grand dommage que j'ai subi, quoique cela me fasse de la peine, et je regrette d'en avoir reçu l'ordre d'On-tot-mi-platz, de madame Marquesa ; mais puisque je lui ai promis ma chanson, il faut bien que je la fasse gracieuse et gaie et agréable.»
Evidemment, midons la marqueza pourrait être «madame la marquise» ; c'est ainsi que ce vers a été compris par ceux qui l'ont étudié jusqu'à présent (89). Par ailleurs, son éditeur interprétait le début du vers comme une simple «allusion» au senhal (90), où les mots garderaient leur sens propre : «[j'ai reçu l'ordre de madame la marquise], et (cet ordre) me plaît tout à fait». Mais le pseudonyme apparaît, sans équivoque, quelques strophes plus loin (91) et se rapporte manifestement à la marquise, ou dame Marquesa. Celle-ci est donc désignée, dans la chanson Be·m cujava par le même nom d'amitié que celui qu'emploie Pons de la Guardia dans trois de ses compositions. Ce serait bien étonnant qu'un senhal aussi rare — qui ne se rencontre nulle part ailleurs (92) — et d'une facture aussi singulière (93) ait pu être inventé indépendemment, et s'appliquer à deux dames différentes.
Personne n'a conçu de doute sur l'attribution de cette pièce ni sur l'identification de la dame qui y est célébrée. Be·m cujava (Pillet n.º 366,4) se lit dans deux manuscrits, C et R, sous le nom de Peirol (94). Ce poète avait visité le marquisat de Montferrat, en Piémont, et déploré le départ de Béatrice de Montferrat qui s'en alla, en 1220, épouser Gui André, comte de Vienne (95). Quoi de plus plausible qu'il ait chanté, «plus tard», comme le dit un commentateur (96), la même marquise-comtesse ?
Nous n'insisterons pas sur notre gêne d'admettre que Peirol (97), dont les débuts se placent aux environs de 1180, ait pu chanter la comtesse du Viennois «auch später», plus tard que 1220 : ce ne serait plus un très jeune poète amoureux, entre soixante et soixante-cinq ans, mais passons. Ce que nous refusons d'accepter, c'est la vraisemblance de cet emprunt improvisé en Dauphiné, après 1220, d'un senhal employé une quarantaine d'années plus tôt par Pons de la Guardia (98) : rappelons-nous qu'On-tot-mi-platz est nommée à côté d'Azalaïs en 1179. Qui croirait à une réinvention spontanée?
Par ailleurs, cette «belle de haute noblesse»,
 
On-tot-mi-platz, la belha d'aut paratge,                         VII, 45,
 
ressemble de trop près «à !a belle personne, gaie et courtoise, de lignée royale», et du même nom,
 
al bel cors, de lin reial,
gai e cortes, de mon On-tot-mi-platz,                         VI, 39-40,
 
Elles se ressemblent, ces deux On-tot-mi-platz, jusque dans leur manière de commander une chanson à leur poète. Que l'on compare, pour s'en rendre compte, le début de la chanson que l'on vient de lire et la première strophe de Tant soi apessatz :
 
Be·m cujava que no chantes oguan,
sitot m'es grieu, pel dan qu'ai pres,
[e·m peza
que mandamen n'ai avut e coman
d'On-tot-mi-platz, de midons la
[Marqueza :
e pus a lieys ai ma chanso promeza,
ben la deu far cuenhd' e guay' e
[prezan,                         VII, 1-6
 
Tant soi apessatz
et en gran esmai,
que ben crei e sai
que no·m plagr' oguan
solatz ni deport ni chan.
Mas On-tot-mi-platz
vol qu'ieu chan, el es mi gen
que fassa son mandamen,                         V, 1-8,
 
«Je suis tant accablé de soucis et de préoccupations (cf. VII, 2) que jeux, divertissements et chansons, je le sais bien, ne m'auraient point plu cette année (cf. VII, 1) ; mais On-tot-mi-platz veut que je chante (cf. VII, 3-4) et il me plaît d'obéir à ses ordres» (cf. VII, 5-6) (99).
Ces deux On-tot-mi-platz, l'une marquesa, de haute noblesse, et l'autre Marquesa, de lignée royale, ont toutes les chances de se confondre en une seule personne. Celle-ci, contemporaine d'Azalaïs, ne peut être que la vicomtesse de Cabrera.
S'il en est ainsi — et nous ne voyons pas comment il en pourrait être autrement — les vers suivants de Be·m cujava nous engagent à resserrer davantage les liens entre cette chanson et les autres qui ont été destinées à la même dame :
 
et estau sai, don totas mas chansos
tramet ades, quar las vol, per uzatge,
On-tot-mi-platz, la belha d'aut paratge,                         VII, 43-45,
 
«je demeure ici, d'où j'envoie toujours toutes mes chansons, puisqu'elle les veut, par habitude, On-tot-mi-platz, la belle de haute noblesse».
L'auteur de ces vers envoie donc ses chansons «toujours» du même endroit, et, surtout, il les envoie «toutes», «par habitude», à On-tot-mi-platz. Cela ne s'accorde pas très bien avec nos renseignements sur Peirol, troubadour voyageur, dont aucune autre œuvre ne contient ce pseudonyme. Nous ne connaissons qu'un seul poète qui ait adressé à la dame ainsi nommée trois de ses compositions ; il est même vraisemblable qu'il les lui ait destinées toutes, ce qui donnerait aux vers que l'on vient de lire un tout autre relief de vérité. Ce poète est — on l'aura deviné — Pons de la Guardia.
La tentation est grande d'ajouter Be·m cujava à ses huit chansons ; nous y résisterions sans peine si les manuscrits qui nous opposent l'attribution à Peirol n'étaient pas précisément les moins dignes de foi entre tous, C et R.
On sait que ces deux chansonniers sont étroitement apparentés (100), qu'ils reproduisent, à peu d'exceptions près, un original commun, et que, par conséquent, leur témoignage compte pour une seule voix quand il s'agit de le confronter avec des attributions divergentes. Il est également notoire que leurs attributions isolées sont toujours sujettes à caution. C contient deux tables des matières où son scribe a enregistré les chansons d'après les premiers vers, puis d'après les auteurs. Les indications de ces tables contredisent souvent celles des rubriques transcrites à l'intérieur du volume. La chanson Tuit mei consir (Pillet n° 366,34), par exemple, qui est de Peirol (selon 7 mss. sur 11), est donnée à Peire Vidal dans l'une, à Arnaut de Mareuil dans l'autre table, à Peirol, enfin, dans le corps du volume ; le manuscrit R, de son côté, porte également un nom d'auteur erroné, celui d'Arnaut de Mareuil.
Quelque faible que nous apparaisse la valeur du témoignage unique de ces deux chansonniers, en regard des données d'histoire littéraire que nous venons d'exposer en faveur de l'attribution à Pons, nous ne pouvons pas l'écarter, parce que nous n'en avons pas d'autres qui soient documentés. C'est' donc à titre hypothétique que nous avons inclus Be·m cujava dans le collier de chansons amoureuses qui était, même si l'une de ses perles ne provient pas de Pons, destiné à être porté par On-tot-mi-platz, par Marquesa d'Urgel, vicomtesse de Cabrera. ()
 
§ 13. MARQUESA D'URGEL, VICOMTESSE DE CABRERA, DANS L'HISTOIRE. — Puisqu'elle représente pour l'œuvre poétique que nous étudions un intérêt certain, il convient de compléter les renseignements succincts que nous avons précédemment donnés à son sujet.
Elle était, rappelons-le, fille d'Ermengaud (ou Armengol) VII, comte d'Urgel (1154-1184), et de Douce, fille de Raimond-Bérenger IV, comte de Barcelone (1141-1162) ; le mariage de ses parents associa donc les blasons des deux comtés les plus puissants de la Catalogne (101). C'est le frère de Douce, Alphonse, qui réunit, en 1164, le comté de Barcelone, hérité de son père, et le royaume d'Aragon, reçu en donation de sa mère, en y ajoutant, en 1166, le comté de Provence.
Elle fut mariée à Pons III, vicomte de Girona et d'Ager (1168-1198). La famille de celui-ci (102) portait le nom de Cabrera, son château ancestral, situé près d'Igualada (103). Pons de Cabrera, un des plus notables barons du comté d'Urgel, était le fils de Guerau III de Cabrera (1145-1166) et de Berenguera de Queralt (104), issue d'une autre illustre famille, du pays de Bergadan.
Lorsque Marquesa vint s'y installer, le château de Cabrera avait déjà souvent entendu retentir entre ses murs les accents de la poésie des troubadours : le vieux vicomte (105), Guerau, ou Guiraut, était poète lui-même, et un amateur de la littérature provençale et française, dont les connaissances avaient une étendue surprenante. Elles se reflètent dans son célèbre poème didactique, véritable chronique littéraire du jour, adressé à Cabra juglar (106). Cabra était son jongleur personnel, comme l'atteste le sobriquet plaisamment formé sur le nom du seigneur-poète.
Dans l'histoire inédite des comtes d'Urgel, écrite en 1810 par Villanueva, dont le manuscrit est conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris (107) et qui n'a pas été suffisamment utilisée par les historiens de la Catalogne, il y a un document qui atteste que Marquesa et Pons de Cabrera étaient déjà mariés en 1167. Jusqu'à présent, on ne connaissait d'eux de documents communs qu'à partir de 1185. Mais outre que l'âge de leur fils, Guerau, devait faire situer leur mariage au delà de 1175-1179, l'histoire littéraire de la vicomtesse nous aurait fait, de toute manière, remonter avant 1179, année de la première mention datable d'On-tot-mi-platz (cf. notre pièce n° V, Tant soi apessatz). La chronologie intérieure des chansons de son poète nous suggérait également une date plus ancienne de plusieurs années.
La vie de Marquesa ne devait pas se passer toute en chansons. Son mari était un de ces barons catalans frondeurs dont les rébellions exaltaient sans doute les tempéraments guerriers, mais non point dans le sens où l'aurait souhaité Alphonse. En 1184, il s'exila en Castille (108). Les vers cités de Bertran de Born sont de cette année-là ; serait-ce pendant l'absence du vicomte que Raimond Gauceran de Pinós avait mérité les félicitations que lui envoya son ami périgourdin ? De toutes manières, c'est la vicomtesse qui «tenait» Cabrera, en 1184, comme le dit le poète, pendant l'exil de son mari. Celui-ci (109), de retour en 1186, après un pacte de réconciliation concédé par le roi en 1185, s'expatria de nouveau en février 1187, pour rentrer, quelques mois plus tard, et tomber prisonnier entre les mains des lieutenants royaux ; libéré en novembre, la même année, il dut aussitôt reprendre les hostilités jusqu'à la conclusion, en février 1189, d'une convention de trêve qui paraît avoir duré jusqu'en juillet 1190.
En 1191, la révolte de la ligue qui se groupait autour de Pons de Cabrera et du vicomte de Castellbó, et pour laquelle militait Guilhem de Bergadan, entra dans sa dernière phase. Au mois d'août (110), Alphonse se rendit à Lérida pour organiser son expédition punitive. Il conclut, à cet effet, avec le comte d'Urgel, Ermengaud VII, un traité de partage portant sur les terres de Pons de Cabrera. Le comte devait recevoir, entre autres, le château de Montesor, près de Balaguer, castrum de Monte-Sor, quod penitus diruatur.
C'est au château de Montesor que se trouvait Guilhem de Bergadan à un certain moment de l'année 1192, pendant laquelle se déroulaient des opérations dont nous ignorons les détails. Le roi, qui voyageait beaucoup entre Lérida et les Pyrénées, entre Barcelone et ses villes aragonaises, devait participer personnellement à la campagne au printemps (111), de janvier à avril, puis, d'une façon intermittente, à partir du mois de septembre. La fin de l'année 1192 apporta la reddition de la vicomtesse qui se constitua otage entre les mains du roi, le vicomte étant en fuite.
Ad noticiam omnium, — dit le procès-verbal (112) de janvier 1193 — : — Hoc est memoria qualiter za Marchesia mittit se in posse domini Regis per Poncium de Capraria cum III. bus castris, videlicet Castro Montis-Surici (113) et Fenestris et Piniana (114), super illo facto et controversia que est inter dominum Regem et comitem Urgellensis et ipsum P. de Capraria...
Enfin, sur les instances de son neveu et de sa nièce, Rex motus precibus Ermengaudi nobile comitis Urgellense, beau-frère du rebelle, et Marchesie, uxore predicti Poncii, le roi accorda un traité de paix qui fut consigné dans un acte solennel (115) daté du monastère de Poblet, le 28 août 1194.
Les deux adversaires ne survécurent pas de beaucoup à leur réconciliation : Alphonse mourut deux ans plus tard, en 1196, et Pons de Cabrera (116) entre janvier 1198 et mai 1199.
Le 6 juin 1199, Guerau IV de Cabrera, succédant à son père, prêta serment d'hommage au roi Pierre dans des termes qui laisseraient supposer qu'à cette date Marquesa, sa mère, n'était plus vivante (117). D'autres documents (118) attestent qu'elle vivait encore en 1215.
Quoiqu'il en soit de la date de sa mort, elle devait être âgée d'une cinquantaine d'années (119) au déclin du XIIe siècle. Nous ne pensons pas qu'on lui ait adressé des hommages d'amour après cette époque.
Il est recommandable, à notre avis, de distinguer dans les envois des chansons courtoises deux sortes de dédicaces. Celle par laquelle un troubadour offre sa composition, quelqu'en soit la destinataire véritable, à une dame protectrice, nous l'appellerions hommage courtois et nous admettrons volontiers qu'elle puisse être présentée à des femmes de tous âges, à la «jouvencelle de Castille» comme à l'Eléonore d'Aquitaine de ses quatre-vingts ans. Mais les professions de foi amoureuses, les plaintes sentimentales, les requêtes ferventes et les hommages d'admiration, en un mot : les hommages d’amour, nous ne croyons pas qu'il soit de bonne méthode de leur laisser une latitude semblable. Même lorsqu'elle n'était que fiction littéraire, la liaison courtoise devait respecter, pour avoir un sens, un certain degré de crédibilité. Aussi nous semble-t-il peu probable que Pons de la Guardia ait célébré son amour pour Marquesa de Cabrera au delà du tournant du siècle.
C'est la raison, la première, pour laquelle nous considérons Pons comme un auteur du XIIe siècle. Qu'il soit catalan, nous nous sommes efforcés de le prouver dans les pages qui précèdent. Nous l'appelons troubadour, et non jongleur, conformément à la terminologie habituelle (120), parce qu'il nous a paru appartenir à la noblesse. Ainsi se trouvent justifiés les termes du titre que nous avons donné à notre édition. Nous avons également expliqué la forme que nous adoptons pour son nom. Il ne nous reste plus qu'à essayer de retrouver l'homme qui l'a porté. ()
 
§ 14. IDENTITE DE PONS. — La tâche est malaisée et ingrate. Nous avons rappelé, dès la première page de notre étude, que cette fois-ci la difficulté ne réside pas dans l'absence des documents relatifs aux de la Garde, mais, au contraire, dans l'abondance des homonymes.
Il a fallu, afin de pouvoir opérer un tri critique parmi les familles de ce nom, rassembler d'abord le plus possible de matériaux d'archives (121), ce qui rendait la recherche malaisée ; ce qui la rendait ingrate, ce fut la perspective que cette masse documentaire allait être rejetée après la sélection d'une poignée de références. ()
 
§ 15. LES HOMONYMES. — Il convient, pour commencer, d'éliminer les identifications qui ont été précédemment proposées ou qui auraient pu l'être.
Au XIIe siècle, on connaît en Provence un Poncius de la Guarda (122) (de La Garde-Paréol, Vaucluse, ou La Garde-Adhémar, Drôme ?), vivant en Vaucluse en 1166 et 1168 ; en Languedoc, un Ponz de la Guarda (123), du Rouergue, vers 1160 et un Ponso de la Garda (124), vivant à Bonneval (Aveyron), en 1161.
Au XIIIe siècle, un homonyme assez lointain, Poncius Gardus (125), est chanoine au chapitre de Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne), en 1218.
En Catalogne, au XIIIe siècle, Poncius de Guardia (126), à Tarragone, est operarius ecclesie Terrachonensis, en 1298 ; Poncius de Guardia ou Pons Sa Guardia (127), seigneur de Canet, apparaît, entre 1277 et 1296, dans divers actes des rois Pierre III et Jacques III ; «Ponç Sa Guàrdia» (128), chevalier du règne de Jacques Ier, est attesté entre 1240 et 1274 ; «Ponce Çaguardia» (129) figure, chez certains chroniqueurs tardifs, parmi les chevaliers de la bataille de Las Navas de Tolosa, de 1212.
Au XIIe siècle, malgré le grand nombre de personnages attestés qui portent le surnom de Guardia, il n'y a que deux Pons, ce qui limite favorablement nos chances d'erreur. L'un, Poncius de Guardia (130), très effacé, n'apparaît qu'en 1167 et en 1169, vers Barbà et Pons (Pontes) : il est le troisième fils de Guillelmus Petrus de Gardia, ses frères aînés s'appellent Arnallus de Gardia et Guillelmus de Monte-Falco, son frère cadet Geraldus de Gardia, et sa sœur Laureta, épouse de Bertrandus. Reste l'autre Pons (131), plus largement documenté, chevalier de l'entourage du roi. ()
 
§ 16. PONS DE LA GUARDIA, DE LA GUARDIA DE RIPOLL. — Il figure, entre 1154 et 1188, dans treize documents, qui sont de deux sortes : les uns concernent les affaires de sa famille, les autres sont des actes royaux, où il signe en qualité de témoin, à une place éminente.
Le château de La Guardia, ou La Guardia de Ripoll (132), était situé sur les hauteurs du Matamala, dans la commune de Las Llosas (133), au diocèse de Vich, district judiciaire de Puigcerdà, aux confins des comtés de Besalú et de Cerdagne et des terres franches de l'abbaye de Ripoll. Rien ne prouve que ses seigneurs aient été vassaux de leurs voisins (134). Ils paraissent plutôt appartenir, dès le règne de Raimond Bérenger III, à la noblesse aulique (135). Au XIIsiècle, sans être importantes, leurs possessions (136) se trouvaient dispersées depuis les contreforts des Pyrénées, par la plaine de Vich, dans la vallée du Llobregat, jusqu'à Manresa et aux abords de Barcelone. Ce patrimoine composite a dû se constituer par des dons royaux, des achats et des mariages successifs. A l'époque de Pons, la plus grande partie provenait de l'apport de Marquesa de Montesquiu, belle-sœur de ce dernier.
Voici d'abord, pour nous guider dans la biographie documentaire de Pons de la Guardia, un tableau généalogique de sa parenté immédiate (137). ()
 

 

§ 17. LES TREIZE DOCUMENTS. — Les treize documents cités (138) permettent de suivre quelques traces de l'itinéraire de Pons de la Guardia.
[I] Le 31 mars 1154, sa signature figure au bas d'un acte de donation émanant de son père, Raimundus Bernardi de Guardia. Celui-ci avait été un familier du comte Raimond Bérenger III et, en 1130, un de ses exécuteurs testamentaires. Nous ne savons pas si, dès 1154, la présence d'une signature constitue une preuve certaine pour l'âge majeur de celui qui signe. En ce cas, il conviendrait de placer la date de naissance de Poncius en 1133 au plus tard (139). De toutes manières, Pons devait être âgé au moins d'une trentaine d'années au moment où il apparaît dans l'entourage du roi, à une place éminente, à partir de 1177.
 
[II] Le 30 juin 1177, à Lérida, il figure dans une charte donnée par Alfonse en faveur des Templiers. Il est précédé, dans la liste des témoins, par Guillem de Cervera (140), Bernard de Anglerola (141), Raimond de Torroja et Pons de Mataplana (142) ; suivi de Gauceran de Pinós (143).
 
[III] Au mois d'août 1177, au siège de Cuenca, Alphonse II d'Aragon et Alphonse VIII de Castille confirment un traité qu'ils ont précédemment conclu. Parmi les témoins du roi d'Aragon, Pons est précédé, après deux hauts dignitaires ecclésiastiques, par Hugo de Mataplana et suivi par Sancius de Orta, maior domo (144) du roi en 1179, Ferrandus de Darocha et Artaldus de Fos. Zurita, dans ses Anales, fol. 81 verso, reproduit la même liste de seigneurs, avec des additions, pour décrire la suite du roi. Cette charte a dû être rédigée au début du mois, vu la date du document suivant (145).
 
[IV] Le 17 août 1177, Poncius, frère de Raimundus de Guardia, approuve, avec celui-ci, une transaction faite dans les termes de leur fief situé dans la paroisse de S. Stephanus de Vallespirante (146), au lieu dit Masdeu.
 
[V] Le 1er octobre 1177, il donne, avec d'autres membres de sa famille, à l'abbaye de San Cugat del Vallès, un mas sis dans les termes du château de Cervelló (147), dans la paroisse de S. Vincencii de Ortis (148).
 
[VI] Le 30 mai 1779, dans l'acte de l'exécution des dernières volontés de son frère, Raimundus de Guardia, il est nommé non seulement le premier des exécuteurs testamentaires, mais encore il est désigné comme le gardien et le tuteur des deux filles mineures du défunt, Guillelma et Berengaria. Il est, à ce titre, chargé de gérer l'héritage de ses nièces et de les marier quand elles auront atteint l'âge nubile. Dans l'héritage que le testateur laisse à ses enfants on cite Guardia (149), Bages (150), Montfalcho (151), Murede (152) et des possessions non précisées en Cerdagne (153). Guillelma et Berengaria avaient déjà reçu, par le testament de leur mère, Marchesia de Monteeschiu, décédée quatre mois avant son époux, en janvier, les châteaux de Murelise (154), Monteeschiu (155), Macana (156), Cherol (157), Muntmaior (158) et la ville de Manresa (159). C'est un signe des temps qu'au lieu de la vieille abbaye toute proche de Ripoll, Raimond de la Guardia ait élu pour lieu de sépulture le jeune monastère cistercien de Santas Creus (160).
 
[VII] Le 6 février 1180, c'est à dire à peine huit mois plus tard, Poncius de Guardia remet ses pupilles, avec tout leur héritage, à Bernardus de Portella (161), sous la condition que ce dernier épousera Guillalma, ou la sœur cadette si l'aînée devait mourir avant de se marier. La remise des fillettes et de leur héritage se fait sur l'ordre du roi Alphonse et de sa cour : cum voluntate et mandamento domini regis Ildefonsi et curie sue. L'acte est signé par Pons et parmi les témoins on lit le nom de Raimundus Gauceran de Pinós, qui est — rappelons-nous les indiscrétions de Bertran de Born — un des soupirants de Marquesa de Cabrera ; il est entouré ici de ses deux frères, Bernardus et Berengarius. Un autre témoin est Berengarius de Masanos (162) (ailleurs : Macanos), un des familiers des de la Guardia, qui figure dans leurs actes dès 1177 [n° IV ci-dessus], puis dans la confirmation faite le 2 février 1179 du testament de Marquesa ; il est exécuteur testamentaire de Raimond [n° VI], témoin encore aux actes ci-dessous cités de 1184 [XI], 1187 [XII] et de 1188 [XIII].
 
[VIII] Le 30 octobre 1181, à Lérida, le roi Alphonse fait une donation au monastère de Santas Creus ; Pontius de Guardia signe, après quatre évêques, le premier de cinq témoins laïques, les autres étant : Geraldus de Iorba (163), conseiller bien connu de la cour royale, Arnaldus de Herill (164), Artaldus de Alago, alferez régis (165) en 1179, et Pontius de Cervaria.
 
[IX] Au mois de février 1182, à Tortosa, autre donation, en faveur de l'abbaye de Poblet, signée, après le roi, par Poncius de Guardia et par Petrus de Cervïlione (166) et Petrus de Callers.
 
[X] Le 4 décembre 1183, à Vich, Alphonse reçoit l'hommage prêté par Guillelmus de Sancta Columba (167). Celui-ci était, en 1179, vassal de Marquesa de Guardia qui, dans son testament, lui enjoint, ainsi qu'à d'autres kastalios... et alios homines suos, quod essent proprii et fideles Raimundi de Guardia. L'acte est signe par l'intéressé et les siens, puis par Guillelmus de Timor (168), Raimundus  Gaucerandi de Pinós, Poncius de Guardia et Rubeus de Calidis.
 
[XI] Le 20 septembre 1184, Poncius de Guardia est mentionné dans l'acte testamentaire d'un inconnu (168a), décède le 13 avril 1184, qui'est vraisemblablement Petrus de [Monteeschi]uo, parent de Marquesa, sa belle-sœur. Berengarius de Mazanos est le premier témoin du testament.
 
[XII] Le 13 avril 1187, Pontius de Guardia vend au monastère de Santas Creus un mas sis à San Julián de Cosp (169). La charte de vente porte, après la sienne, les signatures d'Agnes, son épouse, de Bernardus de Portella, qui est, depuis 1180, tuteur de ses nièces et fiancé de l'aînée, Raimundus Gaucerandi de Pinós, Berengarius de Maçanos, Raimundi de Sancto Saturnino (170), puis de Guillelma et de Berengaria, ses nièces, filie Raimundi de Guardia.
 
[XIII] Le 4 février 1188, il donne son consentement à la cession faite par Raimundus de Malan (171), d'un mas sis à Montades (172), son fief. L'acte est signé par le cédant — qui avait été, en 1179, l'un des exécuteurs testamentaires de Raimond de la Guardia —, par sa femme et son fils, puis par Poncius de Guardia, Wilelmus de Crexel (173), Hugo de Mataplana, Wilelmus de Tales, Bernardus de Portella, Berengarius de Maçanos et par Bertrandus de Jovanet. C'est le dernier document de Pons.
Lorsque, au mois de mai 1190, à Lérida, le roi Alphonse accorde à Bernardus de Portella son approbation d'épouser la fille de Raimundus de Guardia (sans doute Guillelma, l'aînée) Pons de la Guardia ne signe pas la charte royale, dont l'importance est cependant indiquée par les signatures du roi, de l'archevêque de Tarragone, de l'infant Pierre, fils d'Alphonse, de Guillelmus Raymundus de Montecatano, le sénéchal, de Petrus Ausonensis sacrista (174), que nous retrouverons à l'instant dans le rôle de juge commis pour enquêter sur le testament de Raimond de la Guardia, et d'autres chevaliers de la cour. Pourtant il s'agit là du mariage d'une nièce dont Pons avait été le tuteur.
Il n'intervient pas, non plus, le 20 novembre de la même année (174a), dans la rémission faite par Berengarius de Monte Eschiuo, en faveur de Bernardus de Portella et des deux filles de Raimundus de Guardia, et de Marchesa, des gages qu'il tenait de ces derniers à Minorissa, c'est à dire Manresa. Pourtant, c'était une affaire qui intéressait sa famille à plus d'un titre.
Il n'apparaît pas davantage, le 14 janvier 1191, dans un acte relatif au mariage de sa seconde nièce, Berengaria, mariée à Petrus de Olo (175), témoin du testament de Marquesa et exécuteur testamentaire de Raimond de la Guardia, parents de Berengaria. Nous croyons, en effet, que c'est la fille de ces derniers qui est appelée dans cette charte domina Berengaria filia Bernardi de za Portella, c'est à dire fille adoptive de Bernard de Portella, à qui elle avait été remise par Pons, son tuteur, depuis une dizaine d'années déjà. Pourtant, c'est par ce mariage qu'a pris fin la mission de tutelle que son frère mourant avait confiée à Pons douze ans auparavant.
Il reste également absent, le 23 septembre 1192, à Vich, alors que son témoignage eût été capital, dans une enquête ouverte sur l'ordre du roi au sujet des dernières volontés de Raimond de la Guardia. Une contestation a dû surgir, à la suite du mariage des héritières, sans doute. Deux des exécuteurs testamentaires nommés par le défunt, Guillelmus de Guardia, un vassal du château de ce nom, et Bernardus de Serra, font une déclaration jurée, supra altare Sancti Johanni quod est situm in Ausonensi Sede, c'est à dire à la Cathédrale de Vich, par devant Petrus, Ausonensis sacrista et judice, qui, deux ans plus tôt, en mai 1190, avait été témoin des dispositions royales accordées à Bertran de Portella (176).
L'absence de Pons de la Guardia dans ce groupe de chartes qui concernent des affaires de famille dont il était, jusqu'en 1188, le principal gérant, prouve qu'il n'était pas de ce monde aux environs de l'an 1190. De fait, nous ne trouvons plus sa signature dans les actes postérieurs à cette date.
Plus d'une vingtaine d'années passeront avant que nous rencontrions de nouveau le nom de Ponce Çaguardia. Ce sera dans la liste (177) des chevaliers combattant à Las Navas de Tolosa, le 16 juillet 1212. Nous avons deux points d'appui pour conjecturer la date de naissance de Pons : l'acte-de 1154, qui peut la faire remonter au-delà de 1133, et son apparition dans les actes royaux, en 1177, qui la placerait, de toutes manières, aux alentours de 1142-1147, au plus tard. D'aucune façon il n'est vraisemblable qu'à 65 ou 79 ans, il ait pu prendre part à la célèbre journée de Las Navas. Par ailleurs, c'est manifestement une autre génération qui entoure le nom de Ponce Çaguardia dans cette liste : les représentants de toutes les grandes familles que nous connaissons des actes cités de Pons, les Anglesola, Alaman de Cervelló, Ça Portella, Manlleu, Malan et Centelles, ont changé de prénom.. Le combattant de 1212 est-il apparenté à Pons? Nous ne saurions le dire.
La place qu'il a laissée vide dans l'entourage du roi paraît dévolue à celui même à qui il avait confié ses pupilles, à Bernard de Portella, qui s'y rencontrera, comme Pons, d'une façon intermittente d'abord, en 1188, 1190, 1192 et 1194 auprès d'Alphonse (178), puis, plus fréquemment, auprès de Pierre (179), dès son avènement en 1196.
Ainsi prend fin la carrière du Pons historique. Né vers 1140 (entre 1130 et 1147), cadet des seigneurs de La Guardia de Ripoll, c'est en combattant pour la Reconquista qu'il apparaît pour la première fois dans l'histoire, à la campagne de Cuenca, en 1177 dans l'armée d'Alphonse d'Aragon ; il est dans l'entourage immédiat du souverain. En 1179 et 1180, d'importantes affaires, sur lesquelles le roi est tenu au courant, le rapellent dans sa famille ; en 1181, 1182, 1183, il se trouve à la cour royale. En 1184, puis en 1187 et, pour la dernière fois, en 1188, des documents relatifs à de menues transactions nous ont conservé les traces de sa présence dans ses terres. Après le 4 février 1188, il ne donne plus signe de vie et certains actes de 1190-1192 qui le touchent de très près ne portent pas sa signature. Il a dû mourir aux environs de 1190. ()
 
§ 18. PONS DE LA GUARDIA, LE POETE ET LE CHEVALIER. — Comprises entre 1177 et 1188, les douze années d'activité historique de Pons de la Guardia, chevalier de la cour d'Alphonse, coïncident donc très exactement avec l'activité littéraire de Pons de la Guardia, chevalier-poète catalan. Plusieurs indices, s'ajoutant à la concordance chronologique et à leur situation sociale semblable, confirment l'hypothèse de l'identité des deux personnages.
Nous avons vu que d'après les vers de Bertran de Born, Raimond Gauceran de Pinós courtisait avec succès la vicomtesse de Cabrera. Or, Marquesa de Cabrera est l'On-tot-mi-platz de Pons de la Guardia. Le rival de celui-ci, le noble lauzengier, l'ami qui déçut sa confiance sans ébranler pour autant son inaltérable loyauté envers lui, ce pourrait bien être le même Rainiond Gauceran de Pinós que nous rencontrons effectivement aux côtés de Poncius de Guardia dans trois documents sur douze, tant familiaux que de provenance royale, aux dates de 1180, 1183 et 1187.
Quand Alphonse entreprend l'expédition contre Roger II de Béziers et Azalaïs de Burlats, en 1179, Pons est occupé à régler les questions que pose le double héritage de sa belle-sœur et de son frère, échu aux nièces dont il a la garde. Il peut à juste titre écrire : «Je suis tant accablé de soucis et de préoccupations que jeux, divertissements et chansons, je le sais bien, ne m'auraient point plu cette année ; mais On-tot-mi-platz veut que je chante...» (180). Il peut également, puisqu'il n'accompagne pas le roi, parler au nom des nobles de sai, «de ce côté-ci, d'en-deçà» (181), tandis qu'Alphonse se trouve au delà des Pyrénées.
On comprend qu'à certains moments, après 1183, il n'était pas facile, pour un fidèle serviteur du roi, de rendre visite à l'épouse de l'insoumis Pons de Cabrera. Les regrets de ne pas pouvoir se trouver auprès d'elle reviennent fréquemment dans ses vers :
 
Ai Dieux, e cora la veirai?                         11, 15,
 
«Mon Dieu, quand la verrai-je?»,
 
Lo maltrag don eu plus mi doill
es car ades no·l son denan,                         III, 29-30,
 
«Le tourment qui me fait le plus de mal, c'est que je ne suis pas toujours auprès d'elle...».
C'est loin d'elle qu'il adresse deux chansons à On-tot-mi-platz : Mandat m'es (VI, cf. vers 36-38) et Totz temps (IX, cf. vers 41-42).
C'est cependant la chanson d'attribution hypothétique qui s'exprime dans les termes les plus précis :
 
Dampnatge m'es qu'ar no suy poderos
de lieys vezer...                         VII, 40-41,
 
«Quel dommage pour moi qu'il ne soit pas en mon pouvoir d'aller la voir en ce moment…»
Ces séparations forcées, motivées par des raisons politiques qui retranchaient de temps à autre la cour de Marquesa de celle du roi, l'alternance des accords et des ruptures entre ces deux camps adverses expliquent, enfin, un vers qui sans ce contexte politique paraîtrait étrange. Il y a apparemment contradiction chez un poète catalan qui chante une darne catalane, en pays catalan, lorsqu'il dit :
 
Deus la manteinha mest nos,
que ben parl’ e gent acuil,
per qu’estaut sobre·ls milors
sos rics pretz auzitz e sors,                         IX, 45-48,
 
«Plût à Dieu de la garder parmi nous : elle est d'un accueil et d'une conversation agréables, c'est pourquoi j'exalte ses hauts mérites par-dessus ceux des meilleures.» Puis il continue : «Si Mérite est en décadence chez nous, la faute n'en est aucunement aux dames, car jamais on ne vit de Catalanes plus louables et plus gracieuses.»
On-tot-mi-platz, la Catalane, risque de quitter le cercle des amis catalans, cependant que l'on piétine les règles de la courtoisie sans que ce soit de la faute des dames : cela suggère que la Catalogne est divisée à l'intérieur et que la victime de cette division est une dame. C'est exactement la situation de Marquesa de Cabrera chaque fois qu'un armistice éphémère la rapproche de la cour du roi, son oncle, en attendant que son mari reprenne le chemin de la rébellion. Dieus la manteinha mest nos, cela signifie : «Puisse-t-elle rester avec nous, plût à Dieu que cessent définitivement les hostilités qui nous ont tant de fois privés de sa compagnie.»
L'examen de la chronologie relative des chansons de Pons nous a fait placer ce texte à la fin de son œuvre conservée. Elle se situe donc, par rapport à l'histoire politique du vicomte de Cabrera, à une des périodes de trêve (182) comprises entre 1186 et février 1187, ou entre l'été 1187 et le mois de novembre de la même année ou, enfin, entre février 1188 et juillet 1190. Rien ne permet de fixer notre choix sur l'une de ces trois datations possibles.
Entre 1190 et 1194, la guerre ouverte que faisait Alphonse à son On-tot-mi-platz eût placé Pons dans une situation cornélienne. La mort, qui lui a épargné ce cruel dilemme, le frappa dans la période de février  1189 à mai 1190. S'il nous était permis de prendre de séduisantes fantaisies pour de la réalité, quelle concordance idéale ce serait pour dater son chant de cygne :
 
Domna, no·m partrai de vos,
anz estarai, si com suil:
aixi, entre gaugz e plors,
atendrai vostre socors !                          IX, 37-40
 
«Dame, je ne me séparerai pas de vous : je resterai, comme par le passé, entre joies et pleurs, à attendre votre secours !»
Pons n'aurait pas attendu longtemps. Mors, hélas, vincit,.. Amorem. ()
 
§ 19. PONS ET L'EPOQUE ALPHONSINE DE LA POESIE PROVENÇALE. — Il convient enfin de se rappeler que l'entourage d'Alphonse, où qu'il se trouvât, en Catalogne ou en Provence, était toujours un point de ralliement pour les troubadours. Les cinquante années du règne d'Alphonse et de Pierre, de 1164 à 1213, renferment l'âge d'or de la poésie provençale et dans cette période d'apogée — un medio siglo de oro — le bon roi n'Anfos fut incontestablement le mécène le plus aimé, le plus brillant. «Ils rassemblèrent autour d'eux, écrit M. Jeanroy (183), tout ce que le Midi comptait de vrais poètes.»
Pons de la Guardia, celui de l'histoire, les côtoyait donc constamment, comme les Mataplana (184), les Cervera (185), comme son ami Raimond Gauceran de Pinós (186), comme Albert de Castellvi (187), Miquel de Lusia (188). Il est en somme vraisemblable que ce Pons de l'histoire, compagnon d'armes et voisin de tant de gentilshommes catalans amis des troubadours, ne fasse qu'un avec le Pons de la Guardia de la littérature, poète catalan, compagnon d'armes et voisin (189) de ces mêmes gentilshommes.
Il ne serait point étonnant qu'à côté de Guillem de Bergadan (190), de Guiraut de Cabrera (191), d'Uc de Mataplana (192) et du roi Alphonse lui-même (193), qui ont pratiqué des genres assez variés, un seigneur catalan ait été attiré à la poésie provençale par l'école du «tendre Arnaut de Mareuil» (194). Sans demander à sa Muse ce qu'elle ne pouvait pas lui donner, l'originalité, ce parfait chevalier de la cour cultivait l'art des troubadours manifestement en amateur. C'est pour cela qu'il nous paraît intéressant d'observer dans son œuvre ce que cet amateur catalan avait assimilé de la poésie et de la technique des Provençaux.
On sait que les deux éléments essentiels et inséparables des chansons d'amour provençales étaient le principe de l'amour courtois et la virtuosité de la forme dans laquelle cet amour était célébré. Nous verrons au chapitre suivant, par l'analyse des neuf pièces publiées ici, que Pons a fort bien su tirer parti de la leçon de versification reçue des poètes du Midi de la France. Quant au contenu de leur poésie, quant à l'amour courtois, il en suit fidèlement les règles, mais non toutes. Il y a dans un de nos textes, par rapport à ces règles, des écarts remarquables qui sont révélateurs pour le peu de sérieux que l'on mettait dans le respect de certaines conventions importées, combien peu sérieuses elles-mêmes !
Quel besoin, en effet, y aurait-il de cacher l'identité de la dame, de ne pas donner la clef de son senhal, si c'est elle qui invite le poète à composer ses chansons, du moins Tant soi apessatz (V) et Be·m cujava (VII) ? Dans cette dernière, l'auteur tient à préciser quelle est la dame dont il veut, à sa demande expresse, célébrer les louanges : il chantera, dit-il,
 
d'On-tot-mi-platz = de midons la Marquesa                         VII, 4.
 
Il est rare, en Provence, où l'on ne plaisante pas sur les règles du jeu de la courtoisie, que l'identité du titulaire d'un senhal soit révélée par une équation aussi évidente (195).
C'est que, croyons-nous, Pons veut bien souffrir et pleurer comme il sied aux amoureux courtois, puisque telle est la mode et que cette mode plaît à On-tot-mi-platz. Mais pourquoi s'obstinerait-il à éviter de dire ce que tout le monde suit autour d'elle et qui ne fera que rehausser le renom de Marquesa, à savoir qu'elle est bien la dame pour laquelle il a composé tontes ses chansons ?
Mais il va plus loin encore. Avec une politesse qui dépasse sensiblement là courtoisie du XIIe siècle, après avoir offert sa chanson à la vicomtesse, il envoie, dans la tornade, ses salutations très amicales au vicomte :
 
En Tot-mi-plai, mout vos ai en coratge
et am vos mout, ses totas ochaizos,
qu'apres midons res non am tant quan vos ;
et es ben dregz qu'ilh n'aya l'avantatge,                         VII, 49-52,
 
«Sire Tot-mi-platz, j'ai pour vous beaucoup d'affection et je vous aime beaucoup, sans aucune réserve ; après ma dame, je n'aime personne autant que vous. Il est bien juste qu'elle ait sur vous la priorité.»
Pour lui, le mari de Marquesa n'est pas le jaloux exécrable et redouté ; «Sire Tot-mi-platz» est un aimable voisin dont on divertit la noble épouse en lui envoyant des chansons à la mode.
Cette grâce amicale envers ses amis est, à notre sens, la cause efficiente de la poésie de Pons, de cet agréable gentilhomme, capitaine et homme de cour, qui offrait à la société courtoise des châteaux catalans les chansons amoureuses dont elle était friande. «Pour complaire à ses amis, quoiqu'il advienne» : 
 
et a grat de sos amis
deu hom far, com que l'en prenda,                         VI, 6-7. ()
 
§ 20. L'ART DE PONS. — L'originalité de Pons se limite à la forme extérieure de ses chansons. Comme aucune mélodie ne nous a été conservée, c'est uniquement d'après les formules métriques que nous pouvons juger de son art.
Ce qui caractérise la versification de ces neuves chansons, c'est la diversité dans tous les éléments employés : les neufs schémas de rimes sont tous différents, de même que les neufs schémas syllabiques ; les mètres et leur mélange, le nombre des rimes, l'enchaînement des strophes sont variés. En voici l'analyse synoptique (196) :
 

I

a b a b b a a

8 10’ 8 10’ 10’ 8 10

6 coblas doblas (197) de 7 vers

a : an, e, or.

b : ensa, ia, ire.

II

a b a b c d e

8 8 8 8 8 8 8

7 coblas unissonans (198) de 7 vers et une tornade de  4 vers. Vers 7 : jorn (mot-refrain) (199).

a : ai,   b : e,

c : olh,   d : en.

III

a b b c d e e

8 8 8 8 8 10 10

6 coblas unissonans de 7 vers

a : olh,   b : an,

c : ai,   d : e,   e : or.

IV

a a b a a b

10 10 10 10 10 10

6 coblas singulars (200) de 6 vers, capcaudadas (201)

a : ems, ai, olh, e, au, ort.

b : ai, olh, e, au, ort, âs.

V

a b b c c a d d

5 5 5 5 7 5 7 7

6 coblas unissonans de 8 vers et une tornade de 4 vers

a : atz,   b : ai,

c : an,   d : en.

VI

a b b c d d e

7’ 7 7 7 10 7 7’

6 coblas alternées (202) de 7 vers, capcaudadas

A : eiaenda,   b : atzis,

c : al,   d : isatz,

e : endacia.

VII

a b a b b a a b

10 10’ 10 10’ 10’ 10 10 10’

6 coblas doblas de 8 vers et une tornade de 4 vers, coblas capfinidas (203)

a : an, en, os.

b : eza, aya, atge.

VIII

a a a b c d

10’ 10’ 10’ 10 10 10

6 coblas singulars de 6 vers, capcaudadas, et une tornade de 3 vers

a : ansa, ire, enda, ensa, endre, ia.   b : is.   c : ans.

d : ire, enda, ensa, endre, ia, atge.

IX

a b b a c d e e

7’ 7 7 7’ 7 7 7 7

6 coblas unissonans de 7 vers et deux tornades de 4 et de 3 vers

a : enda,   b : atz,

c : os,   d : olh,

e : ors.

 
Sur ces neuf schémas, un seul, le second, est imité d'un autre auteur, le quatrième et le septième, assez banals, se retrouvent chez d'autres troubadours, tandis que le reste, six schémas, sont des spécimens originaux et uniques (204).
Le n° II, Ben es dreitz, est imité d'une chanson de Bernart Marti, Quan la ploja (63, 7a) (205) ; l'imitation est assurée par l'identité de la dernière rime : orn, correspondant au mot-refrain employé par Pons. Etant donné l'antériorité de ce poète, c'est en Pons qu'il faut voir l'imitateur.
Le n° IV, Faray chanzo, a un schéma trop simple pour que la recherche d'un modèle s'impose. Aucune des six autres pièces bâties sur le même schéma ne reproduit les rimes de Pons ; on y distingue, par ailleurs, deux groupes liés par l'identité des rimes. Ce sont : la chanson d'un inconnu (206), Bels Monruels (Pillet : Bernart de Ventadour, 70, 11) (207), imité par Peire Milo, Aissi m'ave (349, 1) (208), chanson ; Bertran de Born, Ieu m'escondisc (80, 15) (209), chanson, imitée par Peire Vidal, Drogoman senher (364, 18) (210), sirventès, imité, à son tour, par Sordel, Quan qu'ieu chantes (437, 28) (211), sirventès ; enfin, Guilhem Rainol d'Apt, Quant aug chantar (231, 4) (212), romance. Pour compenser la simplicité du schéma, Pons y a introduit l'ornement des coblas capcaudadas.
La formule, également très simple, du n° VII, Be·m cujava, se rencontre dans trois autres compositions, mais avec des rimes différentes. Elles ont cependant avec notre chanson ceci de commun que leur rime b est féminine et qu'elles ont des coblas doblas. Ce sont : la tenson de Guiraudon lo Ros avec un comte inconnu (240, 6a) (213), tenson jugée par le Dauphin d'Auvergne (fin du XIIe siècle (214) ou début du XIIIe), le planh de Peire Bremon Ricas Novas (330, 1a) (215) sur la mort de Raimond Bérenger V, comte de Provence († 1245), et la tenson fictive de Guilhem de Hautpoul (206, 4, de la fin du XIIIe siècle) (216).
La variété qui caractérise ln versification de Pons se manifeste dans tous les détails; Ses strophes sont construites sur deux rimes différentes dans 3 compositions (I, IV, VII), sur quatre rimes dans 2 (V, VIII), sur cinq rimes dans 4 (II, III, VI, IX). Il emploie des strophes monométriques dans 5 chansons (IV, VII, VIII à décasyllabes, II à octosyllabes, IX à heptasyllabes), des strophes bimétriques dans 4 (I et III mélange de vers, de 10 et 8 syllabes, VI de 10 et 7 syllabes, V de 7 et 5 syllabes). Ses strophes ont six vers dans 2 (IV, VIII), huit dans 2 (V, VII) et sept vers dans les autres 5 chansons.
Quant au mode d'enchaînement des strophes, il connaît les quatre types principaux: coblas unissonans dans 4 cas (II, III, V, IX), doblas dans 2 (I, VII), et singulars dans 2 (IV, VIII), où la facilité du système est compensée par l'ornement des coblas capcaudadas ; une chanson (VI) est à coblas alternées qui sont, de plus, également capcaudadas.
Parmi les ornements métriques, il y a encore, dans une composition (VII), l'emploi des coblas capfinidas et, dans une autre (II), l'emploi du mot-refrain (jorn au dernier vers de chaque strophe).
Le nombre des strophes est de 7 dans un (II), et de 6 dans tous les autres cas, mais ce nombre, comme l'absence ou la présence et le nombre des tornades, ont pu être modifiés par la tradition manuscrite.
Parmi les facilités généralement admises, Pons fait un usage assez restreint de l'hiatus (217) : fassa II, 1, meravilla II, 29, dona IV, 7, que VII, 13, IX, 12 ; partout ailleurs, il élide les voyelles atones finales devant voyelles. Il emploie les doublets li IV, 42 (et I, 25) et l’ I, 24, II, 20, 37 ; si II, 36, VII, 13 et s’ VII, 25 ; en (passim) et ne II, 48, n’ IV, 7, IX, 18, 19.
A la rime, les répétitions de mots ne sont pas rares : re II, 25 et 39, fai II, 24 et 45, afans VIII, 10 et 22, beutatz IX, 26 et 43, de même conoisensa II, 2 et 11 et fis VIII, 10 et 22. La rime est aussi facilitée pai l'emploi des doublets (218), fui II, 24, 25, III, 25 et fatz VI, 3, plai II, 36, III, 4, V, 34 et platz VI, 26 et (dans le senhal) V, 6, 50, VI, 40, IX, 42, talen II, 20 et talan I, 1, III, 9, ainsi que par l'admission dans la série en -ia des mots benezia I, 16, amia I, 18, VIII, 33, dia I, 23, partia I, 25 et dans la série en -is, des «poitevinismes» amis VI, 6 et enemis VIII, 4.
Il admet des enjambements que l'on ne trove pas aussi souvent chez les autres troubadours, enjambements de vers (219) du type :
 
           Qu’en tot pretz ajud’ e val
amors trop mais d’autra re, so sapchatz,                         VI, 11-12,
 
et de césure (220), comme par exemple :
 
pos gent onratz | n’es, — a ma conoissensa,                         I, 11
mas bon conort | n'ai, — quan be m'o consire,                      I, 40,
mas aissi falh | hom — en manhta fazenda                           VIII, 17,
 
alors que par ailleurs il n'emploie presque pas la césure féminin(sur 169 décasyllabes, 3 cas seulement : III, 20, VIII, 16 et 29). Il y a même enjambement de strophes entre la quatrième et la cinquième de la Ire pièce.
Son rimarium est très pauvre : il utilise plusieurs fois non seulement les mêmes rimes, mais les mêmes mots à la rime dans différentes compositions. Ses 17 rimes masculines sont: ai, al, an, ans, âs, atz, au, e, ems, en, is, or, orn, ors, os, olh, ort ; ses 10 rimes féminines : aia, ansa, atge, eia, enda, endre, ensa, eza, ia, ire, donc les plus banales, sauf celle en -orn, pour laquelle, précisément, il n'a que le seul mot jorn à employer. Dans la série en -olh, par exemple, les mots dolh, orgolh, solh et olh reviennent dans quatre chansons différentes (II, III, IV, IX).
On voit donc : avec certaines réserves sur la netteté des coupes aux fins de vers, sur l'équilibre des décasyllabes et sur la richesse des rimes, la versification intéressante et variée est le côté fort de la poésie de Pons. Les césures et les vers enjambants pourraient être considérés comme des raffinements métriques. La pauvreté des rimes indique, en revanche, une insuffisance des moyens d'expression.
C'est en effet la rédaction, la rhétorique, qui est sont point faible. La seule fois qu'il s'essaie à l'art de l’annominatio (220), en provençal replicacio (221), c'est à dire répétition et variation de certains mots, on ne peut pas dire qu'il y ait réussi. C'est dans Ben es dreitz (n.° II), fassa, far, faire, (strophe I), aman, aman, am (II), veirai, ve, vei (III), joi, à presque tous les vers, et jauzen (IV), ja aux vers 38 à 41 (V), lauzengiers, lauzengers et lauzenjas (VII). Cet exercice de bravoure fait long feu et est une compensation bien maigre pour le manque d'originalité dans le schéma de la strophe.
Les chevilles de toutes sortes (222) abondent pour remplir les vers ou pour fournir la rime : nous y distinguons 1) le type «à mon avis», «je crois», so cre, so m'es vis, so sapchatz, 2) «par ma foi», ie·us pliu, ses mentir, 3) «par Dieu», «plût à Dieu)), «à Dieu ne plaise», si Dieus me benezia, 4) «quoiqu'il advienne», «de toute manière», com que·m n'an, 5) «je ne saurais pas dire», «que je sache», qu'ieu no sai dire. Les redondances, même en dehors de l'accouplement habituel de deux synonymes, ne se comptent plus : le type ben ni gen, ajud' e val, iratz e marritz est généralement admis, mais mout n’ai ben conort e no·y ay dan ou e s’ieu j·am part de leis ni·m tueill et d'autres constructions semblables n'ont aucune excuse.
Il est curieux de noter comment, chaque fois qu'il s'agit de chanter les louanges de sa dame, Pons tombe dans les lieux communs les plus plats :
 
Don', en cui pretz senhoreia,
ab bel cors plen de bontatz,
complit de totas beutatz,                         V, 15-17,
 
«Dame, en qui mérite abonde, pleine de bonté et parfaite de toutes beautés...»
 
Domna, vos etz manenta de bon lau
e, ses mentir, la gencer c'om mentau,                         IV, 25-26,
 
«Dame, vous êtes riche en bonne réputation et vous êtes, en vérité, la plus belle qui soit.»
L'affirmation péremptoire et constamment répétée de la beauté physique et des qualités courtoises de sa dame est son seul moyen de nous les faire connaître :
 
ab bon cor et ab bona fe
am la meillor dona qu'ieu sai
e la plus bela c'anc Dieus fe,                         II, 9-11,
 
«J'aime, d'un cœur fidèle et d'une foi entière, la meilleure dame que je connaisse, la plus belle que Dieu ait jamais créée.» Cf. I, 23, III, 10, 23, 27, IV, 17, 33, 39, 41, V, 25-29, VII, 29, 35, 47, IX, 26, 29, 43-48, 53-55. C'est un portrait très flou qu'il nous présente de la plus bela : à peine apprenons-nous que son visage était clair (IV, 33), ses yeux beaux et son teint frais (III, 27).
Les réflexions morales qu'il nous communique sur la courtoisie et sur les effets ennoblissants de l'amour sont plus intéressantes, précisément parce que c'est un domaine plus objectif, où l'on demande à l'auteur moins de personnalité et pas d'émotion. Pons a deux strophes didactiques qui sont comme son ensenhamen sur Amour et Courtoisie (223) :
 
Tota corteza fazenda,
solatz, chant e joc e ris,
mou ben d'Amor, so m'es vis.
Qu'en tot pretz ajud' e val
Amors trop mais d'autra re, so sapchatz ;
et ades n'es hom coitatz
de far so que ben esteia,                         VI, 8-14,
 
«Tout acte courtois, gaîté, chants et jeux et allégresse, proviennent d'Amour, à ce qu'il me semble. En toute affaire d'honneur, Amour vous aide bien plus puissamment que toute autre chose, sachez-le. C'est par son effet que l'on est toujours désireux de faire ce qui est bienséant.» «Comment peut-on ne pas aimer !» s'écrie-t-il dans une autre chanson :
 
Que neus cel a qui peitz en vai
—sivals l'en eschai tan de be
que n'es francx e n'a meins d'ergueill —
en vol meils far e plus soven
so don pretz guazanha quec jorn,                         II, 31-35,
 
«Car même celui que l'amour rend le plus malheureux en retire au moins l'avantage de devenir plus courtois, et plus affable, celui-là même s'efforcera de faire de son mieux, et le plus souvent, ce qui lui procure, tous les jours, l'estime des autres.» Cf. encore I, 41-42, II, 3, VI, 6-7 et toute la strophe sur l'honneur que l'amour procure à l'amant courtois, I, 8-14.
En passant du social à l'individuel, au subjectif, les observations qu'il fait sur la psychologie amoureuse sont bien plus nuancées. Le seul souvenir de la dame est pour lui une source de joie (224) :
 
Aquel douz pes me sojorn' e·m reve
et ai n'aüt pessan mant bon jomau,                         IV, 23-24,
 
«Cette douce pensée me réconforte et me réjouit et, dans ces rêveries, j'ai passé bien de belles journées.» Cf. aussi I, 30-31, III, 34-35, mss. CERV.
Ces rêveries donnent lieu à une métaphore curieuse : le désir prête des yeux au cœur du poète ; ce sont «les yeux du cœur» (225), qui ne cessent de contempler l'image de la dame :
 
e si la vei pro en pensan,
qe·ls oils del cor teng ades lai,                         III, 31-32,
 
«mais je la vois si souvent dans ma pensée, car les yeux de mon cœur sont constamment tournés vers elle»,
 
e pes de leis ab lo cor que la ve,                         IV, 22,
 
«je songe à elle dans mon cœur qui la voit.»
Il est heureux quand il a la rare occasion de parler d'elle (I, 30, VII, 39-40), ou quand il entend parler d'elle (I, 22-24, 27-28) ; le moindre signe favorable de sa dame le comble de joie (I, 13-14, II, 36-38).
Une des idées favorites de Pons est le réconfort puisé dans la vue même d'On-tot-mi-platz (226),
 
c'om non pot aver, qui la ve,
ira ni consir ni esmai,                         II, 16-17,
 
«car, en la voyant, nul ne peut être triste ou affligé» ; voyez encore II, 19, V, 51-52, VI, 27-28, VII, 47-48 et I, 32-33, VI, 24-26. Le regard de la dame a le même pouvoir magique :
 
...can m'esgaran sey oil,
ai tant de yoy que del mal no·m sove,                         IV,17-18,
 
«quand ses yeux me regardent, j'ai tant de joie que j'oublie tout mon mal.»
Mais la présence de la bien-aimée, le désir et l'amour qu'il a pour elle, ont encore d'autres effets sur le poète : en même temps qu'ils font naître en lui une joie envahissante, ils le privent de toute force de résistance et de réflexion (227) :
 
Cant ai cor c'ap leis contenda
e remir sas grans beutatz,
aixi sort apoderatz —
non ay poder que·m defenda,                         IX, 25-28,
 
«quant j'ai eu le courage de l'affronter et de contempler sa beauté resplendissante, elle m'enlève toutes mes forces au point que je n'ai plus le pouvoir de me défendre.» Voyez aussi III, 3-4,11, IV, 19-20, V, 22-24, VI, 29-32. Cet état de langueur épuisante fait songer à la mort dont l'idée revient fréquemment dans les chansons de Pons : II, 8, III, 34-35, IV, 11, V, 14-16,21, VI, 18, IX, 29,35.
La dame, cause et fin de ses tourments, peut seule l'en délier (228) :
 
Merce vos clam, bela don' ap clar vis,
qu'ieu non ai, tan soi conquis,
poder qu'estiers m'en defenda,                         VI, 35-37,
 
«j'implore votre pitié, dame au clair visage, car sans elle je n'ai pas le pouvoir de me défendre, tellement je suis livré à votre merci». Cf. III, 10, 18-19, V, 25-32, VII, 21-24.
Telle est la soumission du poète qu'il supporte avec une égale reconnaissance et le bien et le mal qui lui viennent d'elle :
 
lo be·l graesc e·l mal, sitot m'en duil,                         IV, 16,
 
«je lui rends grâce et du bien et du mal, quelque peine que ce mal me fasse» ;
 
tant m'es bel tot can ditz ni fai
que de nul maltrag no·m sove,                         III, 25-26,
 
«tant me plaît tout ce qu'elle dit et tout ce qu'elle fait que je n'ai conscience d'aucun tourment». Tot m'es bel ou tot mi platz : cette résignation à tout ce qui vient de sa dame, c'est là le sens du pseudonyme choisi par Pons : On-tot-mi-platz, «en qui tout me plaît», même l'orgueil (III, 15-16), même les ruses féminines (V, 37-38), même les caprices ou l'insensibilité (IV, 29, VI, 18, VII, 30-31, VIII, 33-35, IX, 15-16). Pons le chanteur d'On-tot-mi-platz, est le poète de la soumission totale, de la résignation à la fatalité de l'amour.
Ces idées, comme les autres que nous venons de citer, ne lui sont pas particulières ; la façon dont il les exprime l'est à peine davantage. On pourrait composer une liste de citations toutes pareilles tirées des œuvres d'autres troubadours. Cet arsenal de thèmes amoureux était déjà constitué avant Pons ; il y puisait comme allaient y puiser plus tard Pétrarque et ses imitateurs, tous les sonnettistes pétrarquisants, tous les madrigalistes espagnols. L'on ne saurait dire dans quelle mesure, insignifiante ou non négligeable, l'activité poétique de Pons de la Guardia a contribué à renforcer les innombrables chaînons par lesquels les poètes lyriques de la Péninsule se rattachaient à l'école des troubadours provençaux. ()
 
§ 21. UNITE DE L'ŒUVRE : LES NEUFS CHANSONS. — Avant de passer aux textes, il convient de reprendre, à la lumière du dernier chapitre, un problème que nous n'aurions pu épuiser au début de notre étude sans anticiper largement sur les menus détails que l'on vient de lire.
En lisant les notes qui précèdent, le lecteur a dû se rendre compte que les traits caractéristiques relevés dans plusieurs textes à la fois se rencontrent aussi bien dans les six chansons dont l'attribution est sûre que dans les deux autres (Ben es dreitz, n° II, et Plus ai, n° III) dont la provenance a paru jusqu'à présent douteuse et que dans Be·m cujava (nº VII), d'attribution hypothétique.
Dans le caractère de leur schéma métrique, ces trois compositions n'ont rien qui les oppose aux autres ; le nombre des rimes, des mètres, des vers, le mode de l'enchaînement des strophes y est conforme au reste de l'œuvre de Pons. La faiblesse de la coupe et l'absence presque totale de la césure féminine dans ses décasyllabes, qui sont des phénomènes assez marqués, témoignent en faveur de l'inclusion des chansons III et VII dans son chansonnier. De même, la pauvreté des rimes et certaines répétitions (en olh) dans les pièces II et III.
Pons ne recule pas devant la reprise des rimes déjà employées par lui. Il reprend aussi fréquemment les idées déjà exprimées et cela dans les six chansons authentiques aussi bien que dans les trois autres : l'examen de la fréquence des chevilles et des remplissages (II, III, VII), des expressions typiques (la beauté de la dame : II, III, VII), des idées préférées (la vue réconfortante de la dame : II, VII) et des images favorites (les yeux du cœur : III) est également favorable à notre hypothèse sur l'attribution des pièces citées.
A ce faisceau d'éléments dont le témoignage ne saurait être méconnu, il faut ajouter deux points d'analogies particulières.
D'une manière générale, les chansons amoureuses des troubadours s'adressent à la dame, en l'apostrophant à la deuxième personne, ou bien elles parlent de leur destinataire à la troisième personne ; fréquemment encore la dame y est citée à la troisième personne jusqu'à là où les dernières strophes qui son adressées directement à elle. À ce point de vue, les compositions de Pons ont ceci de particulier que le mélange du elle et du vous ne suit aucune des trois normes citées : l'apostrophe y apparaît brusquement, insérée entre des passages à la troisième personne, souvent au milieu d'une strophe. Hormis les chansons II, V et VIII (la chanson du médisant), où le poète n'interpelle pas sa dame, il en est ainsi dans toutes les autres.
 
 
Strophes à la troisième personne :
à la deuxième personne :
I : I-II, III, 1-2, IV et suivantes
III, 3-5,
 
III : I-II, III, 1-2, IV et suivantes
III, 3-7,
 
IV : I-IV, VI
V,
 
VI : I-II, IV, V, 1-4, VI,
III, V, 5-7,
 
VII : I-III, IV, 1-4, VI et suivantes
IV, 5-8, V,
 
IX : I-IV, V, 1-4, VI et suivantes
 
Il y a dans les poésies de Pons des allusions à un événement et à deux personnages qui ont eu un rôle à jouer dans son histoire amoureuse : le baiser, On-tot-mi-platz et le lausengier. Certes, d'autres troubadours ont reçu de leur dame un baiser mémorable qu'ils ont célébré, comme Pons, à travers plusieurs chansons ; ils se sont également acharnés, comme lui, contre les médisants ou contre leurs lausengiers particuliers ; on peut néanmoins considérer ces trois éléments de sa poésie comme des allusions typiques qui resserrent l'unité des neuf chansons. ()
 
 
Les pièces [nos
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX]
font allusion :
au lausengier :
I
II
III
IV
 
 
 
VIII
 
 
au baiser :
 
 
III
IV
V
 
 
 
 
 
à On-tot-mi-platz :
 
 
 
 
V
VI
VII
 
IX
 
 
 

 22. LE ROMAN D'AMOUR DE PONS ET DE DAME «ON-TOT-MI-PLATZ». — Tout se passe donc comme si les neuf chansons que nous publions plus loin avaient été composées par Pons de la Guardia pour célébrer son amour, son unique amour, sa liaison courtoise avec la dame qu'il désigne par le pseudonyme On-tot-mi-platz, «Où-tout-me-plaît». A une lecture attentive, ces neufs chansons se rangent d'elles-mêmes en un cycle : elles son autant de messages de confidences sur les joies et sur les chagrins du troubadour. Dans la mesure où il est permis de prendre les accents de ces joies et de ces chagrins pour l'expression de sentiments réels et chronologiquement solidaires, nous pouvons considérer les poésies de Pons comme différents chapitres tirés du roman de son amour ; d'un roman épistolaire, dont chaque chanson constituerait une lettre qui nous apporterait sa part de révélations confidentielles sur les heurs et les malheurs du poète. Relisons nos neufs textes dans l'ordre dans lequel les classe la fiction de l'unité de l'amour qu'ils chantent. Des notes placées au bas de ces résumés donneront la justification de notre classement.

[I] La chanson De chantar est l'expression de la joie que ressent l'auteur aux débuts d'un nouvel amour [vers 1-2] : la dame qui vient d'agréer ses hommages est d'une si haute valeur que son agrément seul, sans toute autre récompense, est pour lui un gran honneur [12-14] qui l'engage à une fidélité inconditionnelle et inaltérable [17-18]. Et cela malgré les intrigues des médisants [36-37], malgré les efforts d'un d'entre eux [38-39] en particulier.

[II] Après un si heureux départ, son amour, nous dit-il dans Ben es dreitz, lui procure des joies toujours plus parfaites [6-7]. Auprès de sa dame, les journées paraissent trop courtes [14] ; mais, pour l'instant, le poète n'ose pas lui avouer ses sentiments, il attend encore le jour propice [20-21]. Pour rappeler l'attente de ce grand jour, ou en souvenir de celui où il la vit pour la première fois, les strophes de cette chanson se terminent toutes pour le mot-refrain jorn. L'ombre du médisant est la seule tâche sombre dans ces sentiments sereins [43-45] qu'elle n'arrive cependant pas à troubler : notre soupirant a confiance dans l'échec des intrigues de son rival [45-46].
Depuis la composition de Ben es dreitz, il y a eu une rencontre intime entre le poète et sa dame : le grand jour des aveux a dû arriver. L'attitude de la dame est devenue plus nuancée. Les sentiments du poète aussi.
[I-II] portent toutes les marques des débuts d'une liaison courtoise. Aucun souvenir de chagrins antérieurs n’y émerge qui nous obligerait à placer ces textes après l'un ou plusieurs des suivants.
 
[III] Faray chanzo est un congé ; non pas au sens plein du terme, indiquant une rupture entre les amants, mais une chanson de séparation quand même, puisque le chevalier quitte, à regret, son pays et sa belle, pour suivre ses compagnons dans une expédition vers des terres étrangères [1-7]. C'est pour lui l'occasion de faire le point du progrès de son amour. Il protesté de sa fidélité, engagée pour la vie [9-10] et jusqu'à la mort, si tel est le bon plaisir de sa dame [11-12]. Aux preuves de son agrément, elle a mêlé capricieusement les manifestations d'un orgueil distant : l'amant, sous le charme de ses yeux éblouissants, accepte avec une égale joie le bien et le mal [15-18], il refuse même de prendre conscience du mal [13-14]. Pourtant la dame paraît contempler les tourments du poète avec indifférence [29]. Dans un vers timide et discret, mais qui dit tout de même ce qu'il a sur le cœur, il ne cache pas enfin qu'à son avis... elle a tort... un peu... [30]. Cependant, son lausengier attitré aura perdu sa peine : le poète est sûr d'atteindre au bonheur, grâce à la dame elle-même. Car elle lui en a donné un gage qui ne trompe pas : elle a accepté qu'il lui baisât les mains [35-36].
Peut-être était-ce un baisemain d'adieu.
[III] La discrétion des reproches exprimés au vers 30 nous permet de classer cette chanson entre les précédentes, d'une part, chansons joyeuses et confiantes, et celles qui suivent, d'autre part, où l'expression de l'amour se fera do plus en plus tourmentée.
 
[IV] Très semblable dans son ton est la chanson Plus ai de talan. Il semble qu'il a reçu de la dame, dans l'entre-temps, un nouveau gage d'affection qui a resserré les liens qui l'attachent à elle. Dès la première strophe, nous l'entendons parler de quelque chose de plus que d'un simple baisemain : un baiser — reçu, donné ou échangé, nous ne le savons pas — a fait de lui un esclave de sa dame, qu'il aime d'un amour de plus en plus profond [8-10]. Nulle contrariété ne peut diminuer son ardeur [15-16]. Ce qui le tourmente le plus, c'est de ne pas être constamment auprès d'elle [29-30]. Quant aux médisants, il paraît s'être résigné à son sort, avoir accepté l'existence du rival indiscret, mais il trouve répugnant que des chevaliers nobles puissent s'abaisser jusqu'à se faire lausengiers [36-39].
[IV] Le ton confiant paraît ranger cette chanson à la suite des précédentes pour former aveu elles les quatre morceaux du «cycle du médisant» (cf. la fin du § 21).
 
[V] Tant soi apessatz ouvre une nouvelle époque dans l'autobiographie sentimentale de notre auteur. Ce texte est d'ailleurs le seul où percent [str. V] des soucis étrangers à sa liaison avec On-tot-mi-platz. C'est sur la demande expresse de cette dame qu'il accepte, comme pour remplir un devoir, de composer sa nouvelle chanson [6-8], alors que son esprit est sous l'emprise de préoccupations qui ne laissent pas de place à la gaîté [1-5]. Cela donne une chanson passablement froide, où les hommages obligatoires sont agrémentés par de l'ironie : son amour va de mal en pire et si c'est là tout le profit qu'il peut en retirer, il eût mieux valu pour lui de mourir, quand il en avait encore le cœur tout joyeux, que de vivre dans le malheur [13-16] ; agrémenté aussi par un dernier rappel du baiser qu'il lui était permis de prendre pour un signe d'engagement de la part de la dame [33-36] ; enfin, par un compliment qui l'est à peine : c'est une trompeuse, sa dame, mais elle ment avec tant de grâce qu'elle fait passer ses mensonges pour de la vérité [37-40]. Après une strophe consacrée aux tribulations de la vicomtesse de Béziers [41-48], la tornade s'adresse à On-tot-mi-platz, qui a, malgré tout, le pouvoir de rendre la joie à celui qui la voit souvent [49-52].
A partir de cette chanson, à laquelle il nous est par ailleurs possible d'assigner la date de 1179, le poète semble avoir pris son parti du sort que lui réservait On-tot-mi-platz : il est loin déjà des débuts heureux de son amour [chansons I et II], il a même largement dépassé le stade de la sérénité confiante où, tout en reconnaissant les difficultés qui se dressaient sur son chemin, il ne perdait aucun espoir [III à IV], lorsqu'il était encore sûr de l'échec du lausengier, son rival [I à IV], sûr aussi de la promesse que renfermait pour lui le baiser de la dame [III à V]. Dorénavant, il nous contera d'autres tourments que celui, le seul avant 1179, de ne pas voir sa dame assez souvent.
[V] marque, en 1179, un tournant dans les sentiments exprimés, ouvre la série des pièces où dominent les chagrins, les reproches, l’amertume et la résignation. Elle clot en même temps le groupe de trois chansons du «cycle du baiser» (cf. Ibid.). Le senhal apparait pour la première fois.
 
[VI] C'est encore une chanson faite sur demande que Mandat m'es, sur la demande de ses amis cette fois-ci [1-7]. Après quelques vers sentencieux sur les pouvoirs d'Amour [8-14] et après la gerbe de fleurs qui s'impose pour s'adresser à sa dame [15-17], c'est un cri de reproche et de découragement: «Je meurs, mais peu vous en chaut !» [18]. Puis il ajoute à sa dialectique amoureuse un argument d'un genre nouveau, l'argument de celui qui accepte son échec mais qui ne se résigne pas au succès d'autrui : personne, dit-il, ne saura jamais aimer la dame avec une fidélité semblable à la sienne, voilà ce qu'elle devrait comprendre [19-21]. Il recommande à ceux qui apprendront sa chanson de la chanter à On-tot-mi-platz [36-42]. Entendra-t-elle ses plaintes sur les lèvres d'autres chanteurs ?
[VI] A partir de cette composition, ce sont des détails de ton et d'expression qui nous ont guidé dans notre classement. On perçoit un crescendo dans les trois chansons successives qui se parent du nom d'On-tot-mi-platz : V, VI et VII.
 
[VII] Du moins a-t-elle, une fois de plus, demandé à son troubadour une nouvelle chanson : Be·m cujava. Une fois de plus, c'est dans un état d'esprit dépourvu d'allégresse qu'il obéit aux vœux de sa dame [1-4]. A cause d'elle, sa vie n'est que soupirs et pleurs, tandis qu'elle ne partage point les peines qui le tourmentent [29-31]. Il n'a aucun ami qu'il puisse charger d'aller témoigner auprès d'elle de l'état dans lequel il se trouve [32], tout au plus a-t-il un confident à qui il peut en parler et reparler, c'est là son unique plaisir [39-40], jusqu'à lasser de ses plaintes le compagnon [33-38]. Puisqu'il ne peut pas aller la voir, il transmet sa chanson, comme toutes les précédentes, dit-il, à On-tot-mi-platz [41-45].
[VII] Dans cette pièce, il est question d'un confident, du seul ami auquel le poète puisse ouvrir son cœur.
 
[VIII] L'amertume que nous avons vu transparaître dans les trois dernières compositions, l'amertume de la fidélité et de la confiance déçues, de la résignation à l'inflexible destin, elle se déverse dans Sitot no·m ai. Il n'y est plus question de lutter pour son bonheur, ni même de se plaindre de ses adversités : il s'agit désormais de cacher sa misère pour ne pas mettre en joie ses ennemis [3-4]. La plus cuisante déception, celle qui a donné lieu à ces vers, c'est la trahison d'un ami, le seul sans doute qui ait été dans la confidence du poète [7-11]. Serait-ce le même que le confident de Be·m cujava ? C'est fort probable. Sitot no·m ai est une «chanson de médisant», quatre strophes sur six sont spécialement consacrées à l'ami déloyal. Le poète ne désespère cependant pas de le voir s'amender [19-22]. La fin de la chanson nous donne comme un résumé de sa carrière amoureuse : trahi par le seul allié qu'il croyait avoir, il se retourne contre les deux auteurs de son infortune : «Je me plains d'Amour et de mon Amie que j'ai si longtemps servie ; je n'ai eu d'autre récompense que mes tourments» [33-35].
[VIII] La place de cette chanson par rapport à la précédente s'impose avec évidence, puisque son thème est la trahison du confident.
 
[IX] Totz tems nous a paru se rapporter à la trahison du confident : jamais plus, dit le poète, il ne croira à ce qu'on lui dit, à ce qu'il n'a pas vu de ses yeux [1-8]. Le rappel de cette affaire est cependant bien moins direct que dans la chanson précédente : là, c'était la réaction vive et immédiate ; ici, avec sagesse et aigreur, il semble en avoir tiré la leçon qui s'imposait. Il y a, par la suite, d'autres réminiscences des choses que nous avons entendues précédemment : ses souffrances ne font pas honneur à la dame [13-16] ; les «mensonges» de celle-ci excitent son ironie : elle n'a plus rien à apprendre dans l'art de mentir qu'elle pratique sous des apparences angéliques qui masquent l'orgueil le plus endurci [17-24]. Mais tout cela n'a pu, pas le moins du monde, entamer la fidélité que l'amour courtois impose à Pons envers On-tot-mi-platz. Avant de lui offrir sa chanson, avec les compliments d'usage [41-48, 53-55], le poète s'écrie, dans des vers qui par suite de notre classement nous apparaissent comme son chant de cygne : «Jamais, madame, je ne me séparerai de vous : je resterai toujours, comme par le passé, entre joies et pleurs, à attendre votre bon secours» [37-40].
[IX] Notre dernière pièce paraît également se rapporter à la déception causée par de faux témoignages. Son ton atténué sur ce point et le caractère de somme tirée de toutes les œuvres antérieures nous l'ont fait classer à la fin du chansonnier publié ici. ()
 
NOTES
 
(1). Voy. plus loin, § 5. Dans nos renvois d'un paragraphe à l'autre, nous nous servirons des appels de note pour situer de plus près les passages indiqués. — Par suite de diverses circonstances, nous n'avons pas pu assurer nous-mêmes la correction des épreuves contenant les notes, ni surveiller la mise en page. M. Martín de Riquer a eu d'obligeance d'assumer ces taches ingrates. Pour l'aide généreusement offerte, nous tenons, dans la première de ces notes dont il a bien voulu suivre l'impression, à lui exprimer notre entière reconnaissance. ()
 
(2). RAYNOUARD, Choix des poésies originales des troubadours, Paris, 1816-1821, 6 vol. Nous ne citerons ici que pour mémoire l'opuscule de l'abbé MILLOT, Histoire littéraire des troubadours, Paris, 1774, 8 vols. in-12, qui, sur la foi des matériaux rassemblés par et pour La Curne de Sainte Palaye, parle d'onze pièces mais ne s'intéresse qu'au seul sirventès conservé sous le nom de Pons : t. III, p. 311-312. ()
 
(3). RAYNOUARD, t. V, 1820, p. 359. ()
 
(4). Histoire littéraire de la France, t. XV, 1820, p. 400-462, notice de Guiguené, inspirée de celle de Millot. ()
 
(5). K. BARTSCH, Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Literatur, Elberfeld, 1872, p. 180, nº 377 ; PILLET, Bibliographie der Troubadours, p. 342, nº 877. ()
 
(6). Histoire littéraire de la France, t. XV, p. 400. ()
 
(7). CHABANEAU, dans Histoire générale de Languedoc, t. X, 1865, p. 375 et note 2. ()
 
(8). H. de GÉRIN-RICARD et E. ISNARD, Actes concernant les vicomtes de Marseille..., Monaco et Paris, 1926, p. XLI, note 11. ()
 
(9). Histoire littéraire de la France, t. XV, p. 461. ()
 
(10). JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 414. Pour les dates citées par M. Jeanroy, cf. ci-dessous § 15, note 2. ()
 
(11). Cf. plus loin, § 3 et notes 12-18. ()
 
(12). Citée à la Bibliographie, § 26 ci-dessous. ()
 
(13). Il est à remarquer que les familles de manuscrits énumérées sont toutes d'origine italienne. ()
 
(14). Nous soulignons les attributions (justifiées ou non) qui s’écartent  de celles qui ont été enregistrées par Pillet aux numéros indiqués. ()
 
(15). Le chansonnier V ne donne pas de nom d'auteur pour les deux compositions des fol. 58 et 59: elles se trouvent cependant dans la section réservée à Bernart de Ventadour. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les indications fournies par Pillet aux articles 377,4 et 6 concernant le manuscrit V. Cf. encore la note 9 au § 4 ci-dessous. ()
 
(16). Ed. C. APPEL, Der Trobador Cadenet, Halle, 1920, p. 54. ()
 
(17). Publiée par A. KOLSEN, dans Neuphilologische Mitteilungen, t. 42, 1941, p. 71. ()
 
(18). Ed. S. STROŃSKI, Le troubadour Elias de Barjols, Toulouse, 1906, p. 35. Nous ne voyons pas les raisons qui ont amené les scribes de R et de S à attribuer ces deux chansons à Pons ; pas plus que M. Stroński, p. XXXV. Peut-être était-ce, pour la chanson 182,8, la ressemblance de la première strophe avec le début de nos pièces V et VII. ()
 
(19). Il s'agit de la pièce 68,7a, publiée dans l'éd. E. HOEPFFNER, Les poésies de Bernart Marti (Classiques français du moyen Age, 61), Paris, 1929, p. 27. Il est intéressant de noter que ce texte nous a été conservé par le seul manuscrit de Bernart Amoros (a¹) ; mais la confusion qui s'est produite dans le chansonnier E prouve que le compilateur de celui-ci, ou de son modèle, le connaissait également. Cf. plus loin § 20 et note 10. ()
 
(20). Cf. plus loin § 21. ()
 
(21). C'est peut-être l'allusion au baiser qui a provoqué la confusion. Sur les chansons de Peire Vidal formant le «cycle du baiser», voy. E. HOEPFFNER, Le «baiser volé» de Peire Vidal, dans Mélanges Krepinski (Casopis mod. filol., Prague, 1946), p. 140-145 ; sur un cycle semblable chez Pons, voy. ci-dessous la fin du § 21. ()
 
(22). Voy. l'édition diplomatique de ce ms. dans Revue, t. 44, 1901. p. 224 et suiv., nºs 115 et 116 (Peire Vidal), 117 (Bernart de Ventadour, 70,28), 118 (Pons de la Guardia, 47,8), 119 (Arnaut de Mareuil, 30,6), 120 et suivants, jusqu'à 128 (Peire Vidal, sauf le nº 122). ()
 
(23). Elles se trouvent transcrites, dans le ms. R, en dehors du groupe homogène des chansons authentiques. Parmi celles-ci figure encore la chanson S'ieu sabia, la quatrième, qui est dépourvue de mélodie, mais dont l'emplacement garantit l'authenticité. Au point de vue de la versification, l'on notera chez cet auteur l'emploi exclusif des chansons à cinq strophes unissonans. Les pièces où le nombre des strophes ou leur mode d'enchaînement sont différents de ces normes sont d'attribution douteuse: 47,2, 8 et 9. ()
 
(24). Cf. plus loin § 4, note 1. ()
 
(25). Pièce 233,8, publiée par C. APPEL, Provenzalische Inedita, p. 152. ()
 
(26). Voir § 20. La composition de l'œuvre de Guilhem de Saint-Grégoire est incertaine ; cf. APPEL, dans Archiv., t. 147, 1924, p. 220-223. On lui doit, à ce qu'il semble, en plus d'une tenson avec Blacatz (nº 5), une sextine (nº 2) et une chanson à rimes rares (nº 4) qui a retenu l'attention de Pétrarque (cf. sa canzone «Lasso me», str. I, dernier vers). Quoiqu'il en soit de leur auteur, l'originalité de ces deux chansons montre au moins qu'on considérait Guilhem de Saint-Grégoire comme un poète peu banal. Il a donc plus de droit que notre Pons à revendiquer la pièce Nueg e jorn. ()
 
(27). En attendant l'édition complète de Peire Cardenal, actuellement sous presse, duc à M. René Lavaud, voy. MAHN, Werke der Troubadours, t. III, p. 208 et la traduction dans A. JEANROY, Anthologie des troubadours, Paris [1927], p. 138. ()
 
(28). La raison de cette erreur, il est permis de la voir dans une fausse lecture du nom de P. Card., abrégé. ()
 
(29). C'est ce chansonnier qui nous a fourni notre manuscrit de base pour quatre pièces sur cinq qu'il contient.
Voici par ailleurs un tableau récapitulatif des manuscrits des neuf chansons que nous publions plus loin : ()
 
 
C
E
J
N
R
S
V
a
 
I
-
E
-
-
-
-
-
-
1
II
-
E
(2)
-
-
-
V
-
3
III
C
E
-
N
R
-
V
a
6
IV
C
-
-
-
-
-
V
-
2
V
-
E
-
-
-
-
V
-
2
VI
-
E
-
-
-
-
V
-
2
VII
C
-
-
-
R
-
-
-
2
VIII
C
-
J
-
R
-
-
-
3
IX
-
-
-
-
-
S
V
-
2
 
4
6
1
1
3
1
6
1
28
 
 
(30). Le plus ancien chansonnier est celui de Modène qui, dans sa première partie (D.) est daté de 1254. ()
 
(31). Fol. 148 ; publié par V. CRESCINI, Il canzoniere provenzale della Marciana, dans son volume Per gli studi romanzi, Padoue, 1892, p. 121. ()
 
(32). Voyez le fac-similé d'un feuillet dans A. CAVALIERE, Cento liriche provenzali, Bologne, 1986, planche VII et, sur la graphie, l'étude citée de CRESCINI, p. 122, de même que les observations de STICKNEY, p. 10-11 de l'ouvrage suivant. ()
 
(33). C'est le Poème sur les vertus cardinales par Daude de Prades, publié par A, STICKNEY, The romance of Daude de Pradas on the Four cardinal virtues, Florence, 1879. ()
 
(34). L'organisation matérielle du manuscrit est intéressante. Elle apparaît sous sa forme initiale, dépouillée des additions ultérieures, dès qu’on relève, pour la première section, les noms d'auteurs effectivement transcrits (cf. note 9 ci-dessous) et les folios où ils se trouvent. R. de Capelades semble avoir réservé dix ou quatorze feuillets à chacun de ses poètes:
1. [— ? —], [fol. 2 ?], [feuillets perdus],
2. [Arnaut Daniel ?], [16?], incomplet du début,
3. Gaucelm Faidit, fol. 26, 14 feuillets,
4. Raimon de Miraval, 40, 10 feuillets,
5. Bernart de Ventadour, 50, v°, 14 feuillets.
6. Guiraut de Borneil, 64, 14 feuillets,
7. Peire d'Auvergne, 78, 4 feuillets, [lacune ?],
8. Folquet de Marseille, 82, 10 feuillets.
Mais les textes dont il disposait pour chacun des troubadours ne remplissaient pas les feuillets qu'il avait destinés. Sur les pages restées vides, il a ajouté des pièces de deux auteurs, également classiques, Bertran de Born et Arnaut Daniel. Plus tard, des scribes italiens (car le manuscrit a tôt émigré en Italie) ont encore parsemé les espaces disponibles de chansons de divers auteurs. Au sujet de tes secondes additions, que la médiocre édition diplomatique de GRUETZHACHER, Archiv, t. 86, 1804, p. 879 et suiv., ne signale pas, voir  BARTSCH, dans Jahrbuch für englische und romanische Literatur, t. 11, 1870, p. 59 et suiv., GROEBER, dans Romanische Studien, t. 2, 1877, p. 596 et l'étude citée de CRESCINI. ()
 
(35). Cf., sur les manuscrits musicaux de la Catalogne, antérieurs et contemporains à celui-ci, l'ouvrage magistral de Mgr. H. ANGLÈS, La música a Catalunya fins al segle XIII (Biblioteca de Catalunya, Publicacions del Departament de Música, 10), Barcelone, 1985, in-4°, p. 180-184. ()
 
(36). C'est la raison pour laquelle, contre toute attente, nous n'avons pas pu le prendre pour base de notre édition. ()
 
(37). Leurs noms sont transcrits dans des rubriques ainsi conçues : Aisi comenzon las chansons d'en... Ces rubriques sont dues au second scribe catalan, à celui qui a copié le long poème de Daude de Prades. Les deux chansons de Pons sont précédées de dix-sept compositions de Bernart de Ventadour et suivies de huit autres dont les six dernières terminent le chansonnier authentique de ce poète. Les deux chansons qui suivent immédiatement celles de Pons sont de Guilhem de Saint-Didier (234,11 et 15), troubadour du Velay, de la seconde moitié du XIIe siècle (on consultera à son sujet l'édition préparée par M. Aimo Sakari). Le fait que les chansons de Pons forment avec ces dernières un groupe hétérogène au milieu du recueil de B. de Ventadour n'infirme en rien les considérations chronologiques que nous suggère leur présence ici. ()
 
(38). Les trois rubriques (Aisi comenson las chansons de...) de cette deuxième section montrent qu'à l'origine elle ne formait qu'un avec la première (cf. note 6 ci-dessus), dont elle se distinguait cependant par la diversité du nombre des feuillets réservés aux trois auteurs:
9. Peirol, fol. 92, 12 feuillets, [lacune].
10. Gausbert de Puicibot, 104, 7 feuillets [2 pièces : 178, 8 et 6],
11. Raimbaut d'Orange, 111, 9 feuillets.
Sur les pages restées en blanc, R. de Capelades a ajouté, sans ordre préconçue cette fois-ci, des pièces variées. On notera qu'elles appartiennent toutes au genre des chansons, ce qui montre l'intérêt que portait le compilateur au caractère musical de son recueil. Parmi les nouveaux poètes, tous, à l'exception du seul Blacasset, sont des «auteurs de chansons» (donc compositeurs), n'ayant pas cultivé d'autres genres lyriques.
12. Blacasset, fol. 91, 1 pièce (96,11),
13. Guilhem de Capestany, 98, 4 pièces (213,5,2,8,1),
14. Pons de la Guardia, 100, v°, 4 pièces (cf. § 2).
15. Uc Brunec, 105, 1 pièce (450,3),
16. Guiraut de Salignac, 105, vº, 1 pièce (249,5),
17. Arnaut de Mareuil, 106, 1 pièce (80,9),
18. Berenguier de Palazol, 106, vº, 1 pièce (47,4),
19. Perdigon, 107, 1 pièce (370,3),
(8) Folquet de Marseille, 107, vº, 1 pièce additionnelle (155,2),
(19) Perdigon, 108, 1 pièce add. (370,18),
(9) Peirol, 108, v°, 1 pièce add, (366,7),
(19) Perdigon, 108, vº, 3 pièces add, (370,14,4,10).
Ces notes ont été faites d'après un microfilm, sans examen direct du manuscrit. Sur les points où la composition des cahiers peut avoir un rôle à jouer, il convient donc de les utiliser avec les réserves qui s'imposent. CRESCINI, œuvre cité, p. 124-125, dit que le ms. est formé de cahiers de 4 feuilles doubles, mais il signale des exceptions et n'en donne pas de tableau précis ; il constate égalaient des lacunes après le fol. 65 et entre les fol. 98 et 108. ()
 
(39). Pièce 454,2, publiée par O. KLEIN, Der Troubadour Blacassetz, programme de la Städtische Realschule de Wiesbaden, 1886-1887, p. 11 et, incomplètement, dans MILÁ, De los trovadores en Epaña, p. 331, note 5. ()
 
(40). SOLTAU, dans Zeitschrift, t. 28, 1899, p. 215, faisait déjà des réserves sur la participation de Blacasset à cet échange de coblas. La confusion est fréquente entre ce troubadour et Blacatz. Celui-ci a rencontré Pons de Mataplana au moins une fois, en 1176, dans l'entourage du roi Alphonse, comme le montre un acte du Liber Feudorum Maior, nº 893 (lire Blanchaz d'Alps, d'Aups) ; cf. les nos 894 et 899 (corriger Raimundo de Baucio, [suppléer la virgule] Blanchaci[o], [haplographie] Otgerio de Riets). ()
 
(41). Voy. l'édition de M. A. LÅNGFORS, Le troubadour Guilhem de Cabestanh, Paris, 1924, introduction. Sur Berenguier de Palazol, voir M. de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, Barcelone, 1948, p. 178-179. ()
 
(42). Pour les troubadours ayant visité la cour d'Alphonse et de Pierre, voir la note de M. JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 191, note 3 ; cf. aussi la Liste bibliographique, Ibid., p. 326-485, au nom de chacun des auteurs cités. ()
 
(43). Leurs recueils sont surmontés de la même rubrique que ceux des autres troubadours classiques, nos 3 à 8 de notre table ci-dessus (note 6). ()
 
(44). Il est possible, en effet, que le recueil d'Arnaut de Mareuil ait figuré à la tête de l'anthologie (n° 1 de notre table). ()
 
(45). Voy. ci-dessus, note 10. ()
 
(46). C'est ce qui a suggéré à Chabaneau la conjecture dont nous avons fait état dans la note 7 au § 1. Conjecture un peu hâtive, étant donné que le parler actuel de Nice ne connaît pas cette forme et qu'à l'époque ancienne son expansion était bien plus considérable. Au XIIe siècle, son domaine pyrénéen se reliait au domaine provençal, de la Provence proprement dite, par de nombreux îlots dont l'existence a été révélée par le recueil de M. Clovis BRUNEL, Les plus anciennes chartes en langue provençale, Paris, 1926 ; voir l'introduction, p. XXII et suivantes. ()
 
(47). Cf. en particulier P. ROKSETH, L'article majorquin et l'article roman dérivé de «ipse», dans Biblioteca filològica, t. 13, Barcelone, 1921, p. 86-100, C. BRUNEL, dans Annales, t. 84, 1922, p. 255 et E. HOEPFFNER et P. ALFARIC, La Chanson de sainte Foy, Paris, 1926, t. I, p. 118-119. ()
 
(48). Voy. § 17. Dans un document en langue vulgaire publié dans Boletín, t. 13, 1913, p. 166, le même personnage est appelé deux fois Arnall de Guardia, puis Arnall de Ca (lire Ça) Guardia et Arnall de la Guardia. ()
 
(49). MEYER-LÜBKE, dans Butlletí de dialectologia catalana, t. 11, 1923, p. 15. Sur le toponyme garde en général, voir A. LONGNON, Les noms de lieu de la France, Paris, 1920-1929, p. 477, nos 2268-2272 ; C. ROSTAING, Les noms de lieux, Paris, 1945, in-12, p. 96. ()
 
(50). Voici une liste des (La) Guardia en pavs catalan. Voir à ce sujet : le Nomenclator de España de l'Institut géographique et statistique, Madrid, 1904, 8 vol. in-4° ; le Nomenclator de les Ciutats, Viles i Pobles de Catalunya, Barcelone, 1918 ; le Diccionari nomenclàtor de pobles i poblats dee Catalunya du Centre Excursionista, Barcelone, 1931; la Geografia general de Catalunya, publ. sous la direction de F. CARRERAS Y CANDI ; l'édition du Liber Feudorum Maior, par M. l'abbé MIQUEL ROSELL, t. II, p. 501-502 (précieux pour les châteaux du moyen âge) ; et le répertoire manuscrit de F. de SAGARRA (Bibl. Centrale de Barcelone, ms. Nº 749, 3 vol.). 1. La Guardia, près Arenys del Mar, prov. de Gerona, 2 près Sagas, Lérida, 3 près Subirats, Tarragona, 4 près Terradas, Gerona, 5 La Guardia ou La Garrotxa Ampurdanesa, près Empurias, Gerona, 6 La Guardia de Arcs ou del Vescomptat, pays d'Urgel, Lérida, 7 La Guardia de Ermenir ou de Oromir, La Segarra, Lérida, 8 La Guardia de Montserrat ou S. Pau de la Guardia, près Bruch dans le Montserrat, Barcelone, 9 La Guardia dels Prats, près Montblanch, Tarragona, 10 La Guardia de Puig Agut, près Tagamanent, Gerona, 11 La Guardia de Rialp, près Pons, Lérida, 12 La Guardia de Ripoll, près Las Llosas, Gerona, 13 La Guardia de Sadaona, près Guisona, Lérida, 14 La Guardia de Sonsa, près Bages, Barcelone, 15 La Guardia de Tremp, près Tremp, Lérida, 16 La Guardia de Tresaric, La Segarra, Lérida, 17 La Guardia de Urgel, près Tornabous, Lérida, 18 La Guardia Grossa, près La Vansa, Lérida, 19 La Guardia Lada ou Guardiolada, près Montoliu de Cervera, Lérida, 20 La Guardia Pilosa, près Pujalt, Barcelone, 21 Guardia-Sivinas, près Cervera, Lérida. ()
 
(51). Voy. J. BALARI Y JOVANY, Orígenes históricos de Cataluña, Barcelone, 1899, in-4°, p. 286-290. ()
 
(52). Salses, ou Salces, Pyrénées-Orientales, arrondissement de Perpignan, canton de Rivesaltes, près de l'étang de Leucate. Sur l'importance de ce lieu comme nœud du réseau routier, voir les recherches de M. J. CAMPARDOU, Étude cartographique de la Voie Domitienne de Narbonne à Salces, dans Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne, t. 20, 1930-1940, p. 215-301. ()
 
(53). A partir du rattachement du Roussillon à la couronne d'Aragon, en 1172. Ce qui fournit un terminus a quo fort plausible pour la datation de notre chanson. ()
 
(54). Voy. MIRET Y SANS, dans Boletín, t. 6, 1911-1912, p. 50-51 et F. SOLDEVILLA, Història de Catalunya, t. I, p. 142-148. ()
 
(55). Cité par MIRET Y SANS, Ibid., p. 50. ()
 
(56). P. de MARCA, Marca hispanica, Paris, 1688, in-fol., col. 516 (à 1194) et col. 1388, nº 490, de 1198. ()
 
(57). P. ex. L. F. M., nos 797 et 801-802. ()
 
(58). Dans la moyenne vallée de la Noguera Pallaresa, en amont du Montsech, au bassin appelé Cuenca de Tremp. Sur le toponyme voir MEYER-LÜBKE, dans Butlletí de dialectologia catalana, t. 11, 1923, p. 27 (origine inconnue). La tradition locale fait dériver Tremp de Templum ; cf. M. LLEDÓS Y MIR, Historia de la antigua villa hoy ciudad de Tremp, Barcelone, 1917. ()
 
(59). Cf. § 10 à 13. ()
 
(60). Cf. § 9. ()
 
(61). Cf. plus loin § 9 et note 1, ainsi que la note 2 ci-dessus. ()
 
(62). Cf. aussi pièce VIII, vers 28 et la note à ce vers. ()
 
(63). Voir sur la langue des troubadours catalans les notes de M. CORNICELIUS, So fo e·l temps c'om era iays, dissertation, Berlin, 1888, p. 66-72 et F. A. UGOLINI, dans Archivum Romanicum, t. 28, 1930, p. 87, note au vers 34, p. 46, note au vers 5 et notre note au vers 8 de la pièce que nous publions à l'Appendice ci-dessous. ()
 
(64). E·l guizardos no volgra fos afansNi apres mi a hom de mon linhatje (VIII, 35-36, ms. R), «Et je ne voudrais pas que ce chagrin fût la seule récompense, ni pour moi ni, après moi, pour personne de ma lignée.» ()
 
(65). Voy. Histoire générale de Languedoc, t. VIII, col. 278, charte n° 8. Elle mourut en août 1199 ; cf. Ibid., col. 453, n° 71. ()
 
(66). Cf. F. BERGERT, Die von den Trobadors genannten oder gefeierten Damen (Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie, 46), Halle, 1913, p. 20-22 ; JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 165. ()
 
(67). Voy. C. CHABANEAU, Les biographies des troubadours en langue provençale, dans Histoire générale de Languedoc, t. X, p, 219, en attendant que paraisse, dans la Bibliothèque méridionale, l'édition critique de toutes les vidas due à M. Jean Boutière. La biographie d'Arnaut de Mareuil est imprimée aussi dans l'édition R. C. JOHNSTON, Les poésies lyriques du troubadour Arnaut de Mareuil, Paris, 1935, p. XIII. Burlats se trouve au département du Tarn, arr. de Castres, cant. de Roquecourbe. ()
 
(68). Sur la politique étrangère d'Alphonse, voy. le discours de réception de J. MIRET Y SANS, Discurso leído en la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, el día 3 de junio de 1900, et la monographie de F. E. MARTIN, La politique hors d'Espagne d'Alphonse II, roi d'Aragon, Mâcon, 1902. ()
 
(69). Cité à la note s du § 6. ()
 
(70). Citée à la Bibliographie, § 26. ()
 
(71). Ed. citée, t. II, p. 829, nº 854. ()
 
(72). Pièce publiée ci-dessous, à l'Appendice. ()
 
(73). Dans la copieuse littérature récente qui traite de ces deux poètes, voyez surtout l'introduction de l'édition jumelée que leur a consacrée M. Salvatore BATTAGLIA, Jaufre Rudel e Bernardo di Ventadorn, Canzoni (Speculum, Raccolta di testi medievali e moderni, 8), Naples [1er fasc.] s. d. [1949]. ()
 
(74). Voy. l'édition JOHNSTON citée ci-dessus à la note 8. ()
 
(75). Ibid., p. 171 et p. XXX. ()
 
(76). Cf. § 6, note 2. Antérieurement à cette année, il y avait eu la campagne de 1167, lancée pour la prise en possession de la Provence ; voir Histoire générale de Languedoc, t. VI, p. 25, L. F. M., nº 794 et Itiner., p. 262-264. ()
 
(77). Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 68, L. F. M., nos 899, 894, 893, 892 et Itiner., p. 306-400. Le fait que le poète parle d'un départ vers le Toulousain n'exclut pas cette identification, puisqu'il' s'agissait de régler les différends qui opposaient son roi au comte de ce pays. ()
 
(78). Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 94, 102, 117, p. 150 (1193), t. X, p. 805, note 2 (1184) ; L. F. M., nos 867-868 et 854-865 (1179), 891 (1180 ?), 900 (1184) ; Itiner., p. 414 (1181), 417 (1182 [ ?]), 419 (après Tortosa, 1184), 438 (1186), 446 (1188 [?]), 450-451 (1189-1890), 461-464 (1198), 465 (1194). Sur lu date de 1181, dle toute première importance pour l'histoire des rapports entre Alphonse et plusieurs troubadours, voyez les doutes exprimés d'abord par MIRET Y SANS, Itiner., p. 414-415, ainsi que les notes de M. R. ARAMON I SERRA, Sobre l'atribució d'Arondeta de ton chantar m'uzir, dans Estudis Romànics, t. I, 1947-1948 [p. 49-67], p. 59-61 et les observations critiques de M. Martín de RIQUER, En torno a Arondeta de ton chantar m'azir, dans Boletín, t. 22, 1949, § 10. ()
 
(79). Cf. plus loin § 22. D'après notre classement chronologique, cette chanson se situerait avant 1179 et en vertu du terminus a quo indiqué au § 6, note 2, après 1172. ()
 
(80). Pièce nº IX, vers 45-52. ()
 
(81). Pièce 80,34, publiée en dernier, lieu par C. APPEL, Die Lieder Bertrans von Born (Sammlung romanischer Übungstexte, 19-20), Halle, 1932, p. 58. Sur la date, voir C. APPEL, Bertran von Born, Halle, 1931, p. 42, note 2 (où cependant les vers qui nous intéressent ont été laissés de côté dans la traduction et dans le commentaire) et L. E. KASTNER, Notes on the poems of Bertran de Born, dans Modern Language Review [t. 27 à 32, 1932 à 1937], t. 32, 1937, p. 176-177. Quant aux frères Gauceran et Raimon d'Urtz qui ont intrigué MlLÀ Y FONTANALS (De los trovadores, p. 101, note 21), STIMMING (Bertran von Born, 2e éd., 1918, p. 178) et APPEL, (éd., p. 138), il s'agit de Raimundus et de Gaucerandus de Urg., en Cerdagne, attestés en 1133, 1188 et 1192 (L. F. M., nos 628, 624, 630 et 632). Le sirventès de Bertran de Born n'est pas le seul document où leur nom se trouve associé à celui de Raimond Gauceran de Pinós. Dans une charte de ce dernier, relative à des droits qu'il possédait à Puigcerdá, Raimond, l'aîné des deux frères, apparaît comme premier témoin. Cette charte est datée de 1185, publ. dans L. E. S. C., nº 278. ()
 
(82). Voy. l'édition de la razo, en dernier lieu, chez APPEL, Die Lieder Bertrans von Born, p. 57. Dans son commentaire, cité à la note précédente, M. KASTNER inclinerait à interpréter cette allusion an succès de Raimond Gauceran de Pinós autour de la dame de Cabrera dans un sens politique : il s'agirait, à propos des difficultés entre le roi et le vicomte, d'une intervention en faveur de Marquesa et de son mari. ()
 
(83). E. HOEPFFNER, L'Espagne dans la vie et dans l'œuvre du troubadour Peire Vidal, dans Mélangés 1945, II, Etudes littéraires (Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg, 165), Paris, 1946, p. 39-88. ()
 
(84). Ed. J. ANGLADE, Les poésies de Peire Vidal (Classiques franc. du m. â., 11), Paris, 1923, p. 36. Le troubadour continue, après le dernier vers cité : «Tout homme puissant qui fait tort à ses barons perd l'affection et l'estime de ses meilleurs fidèles. Je dis cela au roi parce que j'ai pour lui un amour loyal» E totz rics hom, quan destrui sos baros, —
N'es meins amatz e prezatz dels plus pros, — Et eu o dic car li port fin’amansa, 864, 40, 47-49. ()
 
(85). Voy. plus loin § 13, notes 12 et 18. ()
 
(86). Voy. le texte de Guilhem de Bergadan publié ci-dessous à l'Appendice, vers 34, et la note à ce vers. ()
 
(87). Voy. ci-après la pièce n° VII, vers 4 et le commentaire au § suivant. ()
 
(88). Cette précision peut être déduite des vers 5-6 du sirventès publié a l'Appendice. ()
 
(89). Cf. BERGERT, Die von den Trobadors... gefeierten Damen, p. 91 ; APPEL, Provenzalische Inedita, p. 354 ; C. CHABANEAU et J. ANGLADE, Onomastique des troubadours, dans Revue, t. 58, 1915, p. 283, sous Tot-mi-plai. ()
 
(90). APPEL, imprime, au vers 4, d'on tot mi platz ; de midons la marqueza et, dans une note, Anspielung au den Verstecknamen. Mais alors pourquoi l'apostrophe dans don ? ()
 
(91). Au vers 45. Ici et au vers 49, APPEL (p. 354) préférait voir dans le nom Tot-mi-platz un «nom poétique» plutôt qu'un senhal (Versteckname, oder besser dichterischer Name). ()
 
(92). Voyez la liste fournie par BERGERT dans les tables de son ouvrage cité, p. 111 et 137, ainsi que l'Onomastique des troubadours cité a la note 1 ci-dessus. ()
 
(93). Voir, sur les senhals, JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 317-320. Les senhals formés de phrases, c'est à dire comprenant un verbe, sont rares : on n'en connaît guère, à côte d'On-tot-mi-platz, que Tort-n'avetz chez Peire Rogier, 356,4, 5, 6 et 9 (Dreit-n'avetz, dans 4), Ben-s'eschai chez Arnaut de Mareuil, 30,2, au XIIe siècle et, au XIIIe, Qual-que-siatz chez Raimon de Tors, 410,5. Be·lh-sostenh’-Amors, chez Guilhem Uc d'Albi, 237,1, est douteux et pourrait être Belh-Sostenh. ()
 
(94). Une édition de cet auteur a été annoncée par Mlle. M. Dumitrescu et R. A. Aston. ()
 
(95). Pièce 366,20, publié dans MAHN, Werke der Troubadours, t. II, p. 11 ; cf. JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 181-182 et 236-237. Le problème de sa date a été discuté à fond par VOSSLER, en appendice a son étude sur Peire Cardinal (Sitzungsberichte der königl. Bayer. Akad. der Wissensch , philos.-philol. und histor. Klasse, 1916, nº 6), p. 173-179. Etant donné qu'elle est imitée, en 1205, par Peire Cardenal (pièce 335,6), la chanson de Peirol ne peut être postérieure à cette année. Vossler propose donc soit de voir dans la strophe relative au départ de la marquise une addition, faite en 1220 au texte d'avant 1205 : soit d'identifier cette dame avec l'une des deux sœurs de Boniface de Montferrat et son départ avec un simple voyage, d'agrément ; soit encore de chercher d'autres marquises ayant quitté leur pays pour le Viennois. Ou d'autres Marquesa, ajouterions-nous : comme la fille de Gui VII, comte d'Auvergne, qui portait ce nom et qui fut mariée à Adhémar III de Poitiers, comte de Valentinois. ()
 
(96). BERGERT, Die von den Trobadors... gefeierten Damen, p. 91. ()
 
(97). En attendant que l'édition signalée à la note 6 ci-dessus nous apporte une étude sur la vie de ce troubadour, l'on se reportera, pour les dates, à JENAROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 412. ()
 
(98). L'emprunt d'un senhal par Peirol à Pons de la Guardia est d'autant plus invraisemblable que celui-là était à l'époque postulée par cette hypothèse, en 1220, un troubadour célèbre, alors que la renommée de celui-ci avait toujours été des plus restreintes. ()
 
(99). Il est impossible que ces deux strophes, qui contiennent le même senhal et expriment exactement les mêmes idées aient été composées indépendamment l'une de l'autre. Il n'est pas possible qu'un poète de profession et de vocation comme Peirol ait imité de si près, soit vers 1220, en Dauphiné, soit même vers 1180, en Catalogne ou ailleurs, un gentilhomme poète amateur comme Pons. L'inverse n'est pas plus probable, tellement l'imitation serait servile. Ce qui est bien plus crédible, c'est la répétition des mêmes idées par le même auteur, surtout chez un auteur qui se répète constamment, comme on le verra plus loin, aux § 20-21. ()
 
(100). Voy. les remarques de M. JEANROY, dans Romania, t. 34, 1905, p. 503 ; de BERTONI, I trovatori d'Italia, Modène, 1915, p. 188 et note 2 ; les nôtres, dans Neuphilologische Mitteilungen, t. 47, 1946, p. 154. ()
 
(101). Pour l'histoire du comté d'Urgel, nous renvoyons au vieil ouvrage de D. MONFAR Y SONS, Historia de los condes de Urgel (Colección de documentas inéditos... de BOFARULL, t. IX-X), Barcelone, 1853, 2 vol. Cf. aussi ci-dessous note 7. ()
 
(102). Il n'existe pas de monographie sur les vicomtes de Cabrera, c'est à dire de Gerona et d'Ager, mais jusqu'à la fin du XIIe siècle, les études de MIRET Y SANS et de M. Lluis NICOLAU D'OLWER, citées à la note 5 ci-dessous, donnent des renseignements substantiels. Pour le XIIIe siècle, l'on se reportera à l'ouvrage de MONFAR. ()
 
(103). Cf. Joan SEGURA, Història d'Igualada, Barcelone, 1907. ()
 
(104). Cf. Arturo MASRIERA, Próceres catalanes de vieja estirpe, La casa de Queralt, Barcelone, 1916. ()
 
(105). Sur le troubadour de Cabrera, voy. les importantes recherches de J. MIRET Y SANS, Notes per la biografia del trobador Guerau de Cabrera, dans Estudis Universitaris Catalans, t. 4, 1910, p. 299-331 et l'identification fournie par M. Lluis NICOLAU D'OLWER, Clarícies per la història dels vescomtes de Girona-Cabrera, dans Anuari Heràldic, 1917, p. 99-129. ()
 
(106). Pillet 242a,1. Ed. dans MILÁ, De los trovadores en España, p. 273 ; E. MONACI, Testi antichi provenzali, Rome, 1889, col. 82. Il est dommage que l'édition commode de V. DE BARTHOLOMAEIS, Insegnamenti pe' giullari di Giraut de Cabrera, di Giraut de Calanson e di Bertran de Paris, Rome, 1905, édition faite pour les exercices philologiques de la Faculté de Rome (Testi romanzi per uso delle scuole, fasc. 16), soit pratiquement inaccessible ailleurs qu'à la bibliothèque de cette Faculté. ()
 
(107). Département des manuscrits, fonds espagnol, nº 520, Memorias Cronológicas de los Condes de Urgel, par J. VILLANUEVA, de 360+2 ff., avec 44 pièces justificatives. Le document en question, tiré des archives épiscopales d'Urgel et transcrit au fol. 258, est le testament d'Ermengaud VII, rédigé le 3 août 1167, à Ciudad Rodrigo (vers la frontière portugaise). Il y est dit : Et si obierit predictus filius meus (le futur Ermengaud VIII) absque legitima prole, revertatur totus predictus honor meus ad filiam meam et ad maritum suum Poncium de Cabrera. Selon MIRET Y SANS, p. 308 de l'étude citée à la note 5 ci-dessus, Marchesia apparaîtrait pour la première fois à côté de Pons en 1185, dans un acte publié par le même auteur, Investigación histórica sobre el vizcondado de Castellbó, con datos inéditos de los condes de Urgell y de los vizcondes de Ager, Barcelone, 1900, p. 101. Les actes qui permettent d'établir la date de naissance du jeune Guerau ont été imprimés dans le Liber Feudorum Maior, t. I, p. 485, nº 414 et p. 436, nº 416 (aux pages 434, 435, 436, 438 et au t. II, p. 420 [au n° 416], lisez Marchesia, avec majuscule). ()
 
(108). Les multiples séjours que fit Pons de Cabrera en Castille s'expliquent sans doute, nu moins en partie, par un exile volontaire ou forcé. Les points les plus obscurs de son histoire sont cependant les mobiles de ses querelles menées tantôt contre le comte d'Urgel, son beau-frère, tantôt contre le roi lui-même ; celui-ci appuyait, pour des motifs également peu clairs, tour à tour l'un ou l'autre des adversaires. On connaît (MIRET Y SANS, Notes, p. 308) le pacte d'amitié conclu par le comte et le vicomte en février 1187, à Valladolid. Ils se trouvaient donc tous les deux en Castille. Un document inédit, des Archives d'Ager, d'après VILLANUEVA qui l'a copié dans ses Memorias (Bibl. Nat., ms. esp. 520, fol. 259), montre que deux mois avant d'être capturé et livré au roi par Albert de Castellví (MIRET Y SANS, Notes, p. 310), Pons de Cabrera confirma son traité avec Ermengaud d'Urgel, le 19 mars 1187 ; à S. Michaelem de Castilione, c'est à dire à Castelló, sans doute Castelló de Farfaña ; cf. ci-dessous note 13. ()
 
(109). Nous résumons, dans les lignes qui suivent, les Notes abondamment documentées de MIRET Y SANS. ()
 
(110). Voy. le texte, du traité d'Alphonse et d'Ermengaud dans BOFARULL, Colección de documentos inéditos, t. VIII, p. 76, n° 28. ()
 
(111). D'où l'expression, dans le sirventès de Guilhem de Bergadan (Appendice, vers 5-6) : «la première sortie, à l'époque des premières fleurs». C'est à la campagne contre Pons de Cabrera que se rapporte, sans aucun doute, la datation d'une charte passée au mois de janvier apud obsidionem Castilionie (Itiner., p. 457), à Castelló, où avait été signé, en 1187, le pacte d'amitié du vicomte de Cabrera et d'Ermengaud d'Urgel (cf. ci-dessus, note 8, in fine). Pour les déplacements du roi entre le traité d'août 1191 (confirmé d'ailleurs en avril 1192, à Tarragona, pendant la campagne, sans doute) et janvier 1193, voir Itiner., p. 456, 1re alinéa, à p. 460, Gerona. ()
 
(112). Document inédit, daté de Gerona, aux A.C.A., Alf. I, nº 646 ; extrait dans MIRET Y SANS, Notes, p. 311. — Notons à la phrase suivante l'article catalan devant la forme latinisée du nom Marquesa ; plus loin, dans le même texte, on lit encore zamarchesia, mais la signature est Ego Marchesia. Ce nom paraît être très à la mode dans lu bonne société catalane de la génération d'On-tot-mi-platz. Sur l'adoption de certains titres de noblesse comme noms propres de femme, voy. P. AEBISCHER, Essai sur l'onomastique catalane du IXe au XIIe siècle, extrait de l’Anuari de l’Oficina Romànica, Barcelone, 1928, p. 45 et 75, et cf. les notes intéressantes de BERGERT, Die von den Trobadors... gefeierten Damen, p. 86, note 4 et p. 88, note 5, donnant des exemples italiens de Donnella, Contessina et Marchesella, d'après les Tables de LITTA. ()
 
(113). C'est le Monte-Sor du document de 1191 cité a la note 10, Montesor dans le sirventès de Guilhem de Bergadan, au vers 32 de notre Appendice. Ce château et celui de Castilione supra Balagarium (cf. ci-dessus notes 8 et 11) devaient être les points de résistance les plus efficaces pendant la campagne de 1191-1192 ; voy. la rubrique du doc. n° 418 du L.F.M. ()
 
(114). Finestras, à l'Ouest d'Ager, dominant le confinent de la Noguera Ribagorzana et du Benabarre ; Piñana, sans doute dans la Sierra Piñana, sur l'autre rive et en aval sur la Noguera Ribagorzana. L'hostilité des châteaux cités, situés dans la zone frontalière de la Catalogne et de l’Aragon, devaient gêner les communications entre ces deux provinces. ()
 
(115). Voy. un extrait, sans indication de source, dans MIRET Y SANS, Notes citées, p. 312 ; la fin du document est dans le L.F.M., t. I, p. 434, nº 413. ()
 
(116). Voir MIRET Y SANS, Notes, p. 315. Au sujet de la charte de 1199 citée par MIRET à l'endroit indiqué, voy. la note suivante. ()
 
(117). L'acte du 6 juin 1199 dit : Ad noticiam omniumperveniat quod ego Geraldus de Capraria, vicecomes, qui fui filius dompne Marchisie… Publ. dans Liber Feudorum Maior, t. I, p. 430, nº 416. ()
 
(118). Voy. les documents cités par MIRET Y SANS, Notes, p. 315-319. Celui du 2 février 1205 est signé: s[ignum] za Marchesie, matris eius. ()
 
(119). De 40 à 45 ans, à en juger d'après l'âge de son fils, qualifié de mineur, en 1194, n'ayant pas atteint la majorité de vingt ans (L.F.M., nº 414), et majeur en 1199 (L.F.M., n° 416) ; Marquesa devait avoir 50 ans environ en 1200, si nous considérons qu'elle était déjà mariée en 1167, d'après te document cité à la note 7 ci-dessus et dont nous ne sommes pas en mesure de vérifier l'authenticité. ()
 
(120). Elle n'est pas conforme, bien entendu, à la distinction de troubadours-auteurs et jongleurs-exécutants du moyen âge (cf. JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 132-139). Cependant, dans les littératures ibériques, la distance était sensiblement plus grande que dans le Midi de la France entre les poètes issus de la noblesse et leurs confrères des autres classes sociales. L'expression de cette distance est particulièrement fréquente et tranchée dans la poésie gallégo-portugaise. En Catalogne, jusqu'au milieu du XIIIe siècle, à peu d'exceptions près, les troubadours se recrutaient dans l'aristocratie ; du moins ceux que nous connaissons à l'époque de Pons appartenaient à la noblesse. ()
 
(121). Tirés, en ce qui concerne les documents inédits, des inépuisables richesses des Archives de la Couronne d'Aragon. Pour l'ensemble des fonds d'archives catalans relatifs aux rapports catalan-provençaux, on trouvera un excellent guide dans l'orientation succincte donnée par M. Fernand BENOIT, Recueil des actes des comtes de Provence appartenant à la Maison de Barcelone (1196-1245), Monaco et Paris, 1925, 2 vol., t. I, p. CIX et suiv., nos 29-44. ()
 
(122). Le Marquis de RIPERT-MONCLAR, Cartulaire de la Commanderie de Richerenches de l'Ordre du Temple (1136-1214), (Mémoires de l'Acad. de Vaucluse, 1), Avignon et Paris, 1907, p. 95 et 109. Un P. de la Garda, ayant des droits sur le fief d’Aubaret, figure dans une charte de la fin du XIIe siècle du commandeur de Gap-Francès ; voy. le texte, en langue vulgaire, dans Revue des Sociétés savantes, 6e série, t. 5, 1877, p. 195 et suiv., doc. nº II, ligne 9. ()
 
(123). C. BRUNEL, Les plus anciennes chartes en langue provençale, Paris, 1920, nos 91 et 92. ()
 
(124). Ibid., nº 99 ; cf. nos 267 (1192) et 254 (vers 1190), à Florac, en Gévaudan. ()
 
(125). Histoire générale de Languedoc, t. VII, p. 578. ()
 
(126). F. DE SAGARRA, Sigil·lografia catalana, Barcelone, 1916-1932, 5 vol. in-4º, t. II, p. 398, nº 2925 ; cf. t. III, p. 172, n° 3030. ()
 
(127). J. DELAVILLE LE ROULX, Cartulaire général de l'Ordre des Hospitaliers de S. Jean de Jérusalem (1100-1310), Paris, 1894-1906, 4 vol. in-fol., t. III, p. 691 ; C. BAUDON DE MONY, Relations politiques des comtes de Foix avec la Catalogne, Paris, 1896, 2 vol., t. I, p. 228 et 242, t. II, p. 160, 179-180 et 236 ; Gesta comitum Barcinonensium, éd. L. BARRAU-DIHIGO et J. MASSÓ TORRENTS, Barcelone, 1925, p. 92, chap. 52 ; A. LECOY DE LA MARCHE, Les relations politiques de la France avec le Royaume de Majorque, Paris, 1892, 2 vol., t. I, p. 160, 185, 449 et 452 ; F. MONSALVATJE Y FOSSAS, Noticias históricas del condado de Besalú, Olot, 1880-1918, 26 vol., t. XXVI, p. 255 (est-ce le même personnage ?). ()
 
(128). Voir J. MIRET Y SANS, Itinerari de Jaume I «El Conqueridor», Barcelone, 1918, p. 145 et 508. ()
 
(129). Tomic, Beuter et Feliu de la Peña. Voy. Historias e conquestas dels excellentissims e catholics reys de Arago... compiladas per lo honorable historic mossen Pere Tomic, caualler... any .M.D.XX.IIIJ., Barcelone, 1886, p. 157 ; Pedro Antonio BEUTER, Cronica general de toda España y especialmente del Reyno de Valencia, Valence, 1604, in-fol., p. 107 et Narciso FELIU DE LA PEÑA, Anales de Cataluña, 1709, 2 vol., t. II, p. 25. Pour la connaissance des combattants de Las Navas, il est du plus haut intérêt de noter la confirmation qu'apporte la liste de Beuter à celle, la plus ancienne, de Tomic. Toutes les deux énumérations remontent, indépendamment, à une charte solennelle où les noms des témoins étaient disposés sur plusieurs colonnes. Beuter reproduit lu disposition même de ce document inconnu, que Tomic avait utilisé avant lui en y puisant les noms qu'il cite selon un certain ordre. ()
 
(130). A.C.A., Alf. I, nº 51 (1167) et J. VILLANUEVA, Viage literario a las Iglesias de España, (Madrid, 1808-1852, 22 vol., t. XI, p. 210, nº 18 (1109). Il s'agit sans doute de La Guardia de Rialp (nº 11 de notre liste, § 5, note 5), à une dizaine de Km., au Nord de Pons, sur la route de Lérida à Seo de Urgel, au Sud-ouest de Solsona, sur lequel on peut consulter  CARRERAS Y CANDI, Geografia general de Catalunya, t. II, p. 586. ()
 
(131). Il est curieux de noter qu'entre les années 1166 et 1170, il y avait cinq Pons de la Guardia, au moins, dont trois en France et deux en Catalogne. Les 2e et 3e (d'après les appels de note) ne se confondent pas entre eux, ni avec les 9e et 10e, qui sont également distincts et apparaissent bien autochtones aux pays où nous les rencontrons. Le cas du 1er est moins sûr, car il y a de nombreux témoins catalans dans les chartes de la Commanderie de Richerenches.
Les deux longs chapitres que nous allons consacrer au 10e Pons, avec les nombreuses notes explicatives que nous serons amenés à y ajouter, vont-ils nous entraîner dans une identification en quelque sorte malgré nous et comme par la seule richesse, toute relative, de notre documentation sur ce personnage et l'obscurité des autres ? Nous ne le pensons pas. En étudiant le Pons de la Guardia qui émerge un peu de l'histoire catalane du XIIe siècle, nous le trouverons à chaque pas au contact des mêmes événements que le Pons de la Guardia que l'histoire littéraire nous laisse entrevoir. Aurons-nous réussi à superposer le portrait assez flou que nous présente un petit groupe de documents historiques et celui, assez vague, que nous offre une poignée de chansons courtoises ? ()
 
(132). Voy. Geografia general de Catalunya, t. III, Provincia de Gerona, par J. BOTET Y SISÓ, p. 858-859. ()
 
(133). En catalan Les LLoses ; Loces dans les actes de 1178, janvier 1179 et Lazes (?) dans celui de 1184 cités parmi les sources de notre table généalogique. ()
 
(134). Dans aucun document il n'est question de leurs suzerains. Cependant, à une époque antérieure, les comtes de Besalú disposaient du château de La Guardia, ainsi que des châteaux voisins de Malan, Castellae et Portella ; Bernard le lègue à ses fils en 1021 (L.F.M., nº 497, t. II, p. 9, 3e lingne) ; Guillem l’engage à Raimond Bérener Ier de Barcelone (1035-1076) (voir MONSALVATJE, Noticias históricas, citées, 5, XV, p. 278 et 280, nos 2192-2193) ; ses fils le possèdent encore après 1070 (L.F.M., nº 500, t. II, p. 15, 3e alinéa). — La succession des seigneurs de La Guardia de Ripoll donnée par MONSALVATJE, Ibid., t. XXVI, p. 253-257, n'est rien moins qu'assurée. Nous n'avons pas pu établir avec certitude leur filiation au-delà de 1131. Les noms que ce savant historien offre pour le XIIIe siècle sont plus que douteux, puisque nous ne connaissons pas les enfants de Pons et que Raimond, son frère aîné, n'a pas eu d'héritiers mâles portant son nom. Les mêmes réserves s'appliquent également à la chronologie fournie par CARRERAS Y CANDI, Notes dotzentistes d’Ausona. Los castells,  dans Boletín, t. 6, 1911, p. 141, Castell de Guardia. ()
 
(135). La plus ancienne mention du château de la Guardia se trouve dans le testament de Bernard, comte de Besalú, du 13 octobre 1021 (L.F.M., nº 497 cité) : …in comitatu Bisuldunensecastellos quos dicunt Melanno (Malan) et Guardia [de Ripoll], et ipsam turrem et castellar (lire : de Castellar), et ipsum castellum quem dicunt Portella… (t. II, p. 9, 3e ligne). ()
 
(136). Comparez aussi J. MIRET Y SANS, Los vescomtes de Cerdanya, Conflent y Bergadà (Memorias de las R. Acad. de B. L. de Barcelona, 1901), p. 21. On y lit, p. 59, la description, du XIVe siècle, de la viguerie de Ripollés que voici : La vegueria de Ripollés partez de Riba-Mala sobre Ripoll e va entro a Lussanes e entro al mas de Sa Sala, e al coll de Borreda e entro al coll de Sa Lena, e compren  Duo-Castella, e torna a Sent-Quirze, e puia entro a Malany e la honor del abat de Ripoll, e tot lo terme de Sa Guardia e de Mataplana. ()
 
(137). Les abréviations employées dans l'indication des sources sont les suivantes : A.C.A. = Archives de la Couronne d'Aragon, cf. § 26 ; Cartul. gén. Temple = Cartulaire générale de l'Ordre du Temple, éd. du Marquis d'ALBON, Paris, 1913-1922, 2 vol. in-4º ; C. P. = Cartulari de Poblet, cf. § 26 ; C.S.C.V. = Cartulario de «Sant Cugat» del Vallés, cf. § 26 ; Itiner. = Itinerario del rey Alfonso I, cf. § 26 ; L.B.S.C. = «Llibre Blanch» de Santas Creus, cf. § 26 ; L.F.M. = Liber Feudorum Maior, cf. § 26 ; Marca hisp. = Marca hispánica, cf. § 6, note 5. — Dans ces références aux sources, les chiffres romains placés devant les dates sont ceux qui seront employés au § suivant pour désigner les treize documents de Pons. ()
 
(138). Les chiffres romains renvoient aux références données pour les Sources dans notre Tableau généalogique. ()
 
(139). La donation dont il s'agit ici se fait en faveur des Templiers et porte sur omnem nostrum honorem qui est in parrochia Sancti Stephani de  Vallespiranti, in loco vocato Rocha de Pugal… et dont les limites sont : ab oriente in torrente que discurrit de Collo Sancti Stephani, a meridie in aquam putidam, ab occidente in torrente de Ruire, a circio in stratam que vadit de Collo Sancti Stephani ad Archers. ()
 
(140). Sur la maison de Cervera, voir J. FRANQUESA GASOL, Anales de Cervera, Barcelone, 1899, 3 vol. Guillem III de Cervera, le signataire de notre document, épousera plus tard Elvire de Subirats, veuve d'Ermengaud VIII d'Urgel, belle-sœur d’On-tot-mi-platz. Cf. aussi § 19, note 3. ()
 
(141). Conseiller de la cour ; cf. L.F.M., nos 484 (1168), 225 (1180) et J. MIRET Y SANS, Cartoral dels Templers de les Comandes de Gardeny y Barbens, Barcelone, 1899, p. 17 (doc. de sa famille, 1181). Un B. de Anglerola est qualifié de castellanus de Balaguer en 1184, dans A.C.A., Alf. I, nº 369. — Raimond de Torroja, fils d'un familier du comte Raimond Bérenger IV (L.F.M., nos 692 [1134] et 494 [1162]), qui était gendre de la sœur de celui-ci (MONSALVATJE, Noticias, t. XI, p. 491, nº 535 [1164]), figure souvent dans l'entourage d'Alphonse II. ()
 
(142). Voir, sur la famille de ce personnage ainsi que du suivant, la monographie de M. l'abbé J. SERRA BALDÓ, Baroniers de Pinós i Mataplana ( Biblioteca històrica de la Biblioteca de Balmes, II, 2 et 19), Barcelone, 1930-1947, 2 vol. Cf. aussi § 4, note 12 et § 19, note 2. Sur Uc de Mataplana, qui figure dans l'acte nº III ci-dessous, voir § 19, note 10. ()
 
(143). Le vieux Gauceran de Pinós avait été, en 1130, exécuteur testamentaire de Raimond Bérenger III, ensemble avec le père de Pons de la Guardia et avec Berenguer de Queralt, oncle de Pons de Cabrera. Sur Raimon Gauceran, son fils, voy. § 19, note 4. ()
 
(144). Cf. L.F.M., nº 35. Les deux autres personnages sont, comme celui-ci, des seigneurs aragonais de la cour royale : Ferrando Roderici... senior in Calataiub et in Darocha, en 1191 (cf. Itiner., p. 456, à Calatayud) ; Artaldus de Foz (Hoz) est sans doute un des aïeus directs de Thomas Periz de Fozes, poète de l'école catalano-toulousaine du XIVe siècle. ()
 
(145). Gauceran et Raimond Gauceran de Pinós, qui avaient passé l'année 1177, comme Pons, dans l'entourage du roi, jusqu'au siège de Cuenca (cf. Itiner., p. 400 à 404 et notre doc. n° II), paraissent également être rentrés dans leurs domaines, puisque le 30 août, ils signent une charte en faveur de Santas Creus (L.B.S.C., nº 1190). ()
 
(146). Bernardus Rog de Beviure (fils de Rubeus de Benevivere, commandeur des Templiers de Cerdagne et bénéficiaire de notre acte nº XII), donne au Temple la dîme qu'il possède in ipso honore quem Raimundus de Guardia et Poncius donaren prescripte Milicie. ()
 
(147). Sur cette famille, voir M. DE RIBERA, Genealogía de la ilustre casa de Cervelló, Barcelone, 1743. Le premier des témoins est Gerallus Alamagni de Cervelló. Cf. aussi l'acte nº IX. ()
 
(148). San Vicente dels Horts, à une quinzaine de km. à l'Ouest de Barcelone. Guillem de Cervelló, témoin, après son père, de cet acte, fera allusion à la donation qui en forme l'objet, en 1193 ; voir C.S.C.V., nº 1199. ()
 
(149). La Guardia de Ripoll : cf. § 16 et note 1. ()
 
(150). Aujourd'hui San Fructuoso de Bages, à quelques km. au Nord de Manresa. ()
 
(151). Il y a eu plusieurs châteaux de ce nom. Vu la dispersion des localités énumérées dans ce testament, l'on ne saurait opter pour l'un ou l'autre des Montfalcó. ()
 
(152). Ou Muredeu. Le castalius du castrum de Muredine était Guillem de Santa Coloma, comme on le voit dans son testament de 1195 ; cf. ci-dessous l'acte n° X et la note 30. ()
 
(153). Seules les possessions cerdagnoles vont à Estefania, fille issue des premières noces de Raimond. Pons ne reçoit que la dîme de Pardinas, localité de la Cerdagne située à quelques km. à l'Est de Ribas. ()
 
(154). Non identifié. ()
 
(155). A une quinzaine de km. au Sud de Ripoll. Quant à la famille de Marquesa, nous n'avons pas réussi à élucider les rapports de parenté qui la rattachent, ainsi que sa soeur Catalana, à leurs contemporains portant le même surnom : Petrus (A.C.A., Alf. I, n° 202, cf. aussi ci-dessous le doc. nº XI) ; Berengarius, avec Clareta, sa femme, Ermengaudus et Berengarius, ses fils, Petrus Ermengaudi, son petit fils, Bernardus Ferrer, son frère (A.C.A., Alf. I, nos 225, 565). L'un des deux Berengarius est qualifié de baiulus de Minorisa, en 1191 (Itiner., p. 456, à Barcelone) : Raimond et Marquesa de Guardia lui avaient engagé, en 1178, Manresa et Sovelles (A.C.A., Alf. I, nº 225). ()
 
(156). La Massana, au Sud et tout près de Ribas, sur la route de Puigcerdà à Ripoll. ()
 
(157). Il convient de distinguer, étymologiquement, les Querol des Queralt ; mais la confusion des formes latinisées est constante dans les chartes. Aussi nous est-il impossible de déterminer de quel château il s'agit ici. ()
 
(158). Montmajor, à quelques lieues au Sud-ouest de Berga (?). Le château de Montmajor apparaît cependant parmi les possessions léguées par Guilhem de Bergadan, le troubadour, dans son testament de 1187 (cf. MILÁ, De los trovadores, p. 285, note 1), de même que dans un de ses sirventès (pièce 210, 6a, strophe V ; éd. Diplomathique dans Studj di filologia romanza, t. 8, p. 481). ()
 
(159). Nous noterons ici que le premier témoin du testament de Marquesa de Guardia est Roig de Benviure (Rubeus de Benevivere) qui joue le même rôle dans l'acte de Guilhem de Bergadan que nous venons de citer. ()
 
(160). Cf. les remarques pertinentes de M. Udina, L.B.S.C., introduction, p. XXX. Dans son testament inédit de 1167, cité § 13, note 7, le comte d'Urgel Ermengaud VII demande d'être enseveli dans l'autre abbaye cistercienne, de fondation récente, à Poblet. Y es sin duda el primer príncipe q. esto hizo, note Villanueva, fol. 138 de ses Memorias cronológicas citées. ()
 
(161). Son voisin de La Portella, commune de La Quart, à une vingtaine de km. au Sud-ouest de La Guardia. Il est difficile de le distinguer rie son père, appelé également Bernard. L'un ou l'autre, probablement le père, fut le premier des exécuteurs testamentaires du vieux Guilhem, vicomte de Bergadan, en 1183 (cf. MIRET Y SANS, Los vescomtes de Cerdanya, Conflent y Bergadà, p. 48) ; l’un ou l’autre, probablement le fils, remplit le même office amical dans le testament du jeune Guilhem de Bergadan, le troubadour, à la date de 1187 (et. Ibid., p. 49 et MILÁ, De los trovadores, p. 285, note 1). Cf. aussi ci-dessous les notes 41 et 42. ()
 
(162). Nom de lieu non identifié. ()
 
(163). Son nom figure dans le L.F.M. entre 1146 (nº 321) et 1180 (nº 225), dans le L.B.S.C. jusqu'en 1188 (nº 303), au bas d'un grau nombre d'actes. Ce fut un ami de Guilhem de Bergadan ; voir le sirventès Chanson ai comensada, pièce 210,7, vers 28 (texte incomplet dans  MILÁ, De los trovadores, p. 318). ()
 
(164). Sur cette famille, voir MIRET Y SANS, dans Anuari Heràldic, 1917, p. 181 et suiv. ; VALLS TABERNER, dans La Revista, 1918, p. 310 et suiv. ()
 
(165). L.F.M., nos 34-35, de même en 1191 (nº 22). — Pour Pons de Cervera, cf. la note 3 ci-dessus. ()
 
(166). Cf. supra, note 10. — P. de Callers ou de Calders (à une quinzaine de km. au Nord-est de Manresa) apparaît aussi parmi les exécuteurs testamentaires de Guilhem de Bergadan, à côté de Bernard de Portella (A.C.A., Alf. I, nº 451, analysé par MIRET Y SANS et par MILÁ, dans leurs études citées à la note 24). Un extrait de notre doc. IX a été imprimé dans E. MORERA Y LLAURADÓ, Tarragona cristiana, Tarragona, 1897, 2 vol., t. I, p. XX, nº 15. ()
 
(167). Santa Coloma de Cervelló, comme il résulte de son testament du 20 novembre 1195 ; voir C.S.C.V., nº 1208. ()
 
(168). Seigneur qui figure dans les actes du monastère de Poblet entre 1166 et 1205 (pour la première de ces dates, voir C.P., nº 226 ; pour la seconde, nos 224 et 220) ; il était frère (cf. nº 152) du Raimond de Timor qui est cité dans le sirventès de Guilhem de Bergadan publié ci-dessous, à l’Appendice, vers 15. ()
 
(168a). La lecture du nom du testateur est hypothétique, le parchemin étant abîmé ici et en de nombreux autres endroits. La mention de Pons et de son frère se rapporte à une dette qu'ils avaient envers le défunt. Or, un créancier du même nom figure effectivement dans le testament de Raimond de Guardia (nº VI ci-dessus). Par ailleurs, nous notons dans l'héritage légué diverses possessions à Las Llosas (gage tenu pour le vicomte de Bas), à S. Stephani de Vallespirans (cf. note 2 ci-dessus) et à S. Saturnini de Sobellas (cf. note 18, in fine). ()
 
(169). Commune de La Quart, près de La Portella, à une dizaine de km. à l'Est de Berga. ()
 
(170). De San Sadurni de Sobellas, appartenant aux domaines des Guardia ; cf. note 18. ()
 
(171). Voisin des Guardia ; cf. § 16, notes 4 et 5. ()
 
(172). A quelques lieues au Sud de Santa Coloma de Queralt. ()
 
(173). Guillem de Creixell, chevalier de la cour (cf, L.F.M., nos 21 et 226, de 1192 et 1198) ; sur H. de Mataplana, voir note 5 ci-dessus ; Guillem de Tales est inconnu (un Pontius de Talcs figure dans un acte des vicomtes de Cabrera, de 1164, dans MONSALVATJE, Noticias, t. XI, p. 491, nº 535). Du nom de [Bernardi de P]ortella, on ne lit que la fin dans la charte qui est détériorée a cet endroit. Sur B. de Maçanos, voir le doc. VII ci-dessus. Bertrand de Joanet avait été témoin, en janvier 1179, au testament de Marquesa de Guardia ; sans doute de Joanet, commune d'Arbucias, à une trentaine de km. au Sud-est de Vich. ()
 
(174). Ce révérend personnage cultivait, a sa manière, l'art poétique. Voici sa signature léonine qu'entourent celles du roi Alphonse, du sénéchal Guilhem Raimon de Montcada, Guerau de Jorba, Guilhem de Cervera, Raimon de Vilademul, autant d'amis des troubadours : Scripta libens ista, Petrus confirmo sacrista (C.S.C.V., nº 1031, confirmation, à une date inconnue, d’un acte de 1160). ()
 
(174a). A cette date, le mariage de Bernard de Portella et de Guillelma de Guardia, autorisé par le roi au mois de mai, ne paraît pas encore avoir en lieu. ()
 
(175). Oló, château du Moyanés (L.F.M., t. II, p. 535, à ce nom). L'acte cité permet d'établir que deux frères de Petrus de Olo s'appelaient Berengarius et Arnallus ; leur père Petrus et leur mère Dulcia ; les frères de Petrus le vieux Guillelmus et Berengarius, tous trois fils d’Arnaldus. Petrus, le fils ou le père, figure parmi les juges délegués par le roi Alphonse pour arbitrer une affaire du monastère de Poblet, en 1185 (C.P., nos 47 et 350). ()
 
(176). Le sort du testament de Raimond de Guardia est assez obscur. Le 30 mai 1179 (L.B.S.C., Nº 223), il y a un sacramentale établi au lendemain du décès et signé par les exécuteurs testamentaires. En 1192 (c'est le document dont il s'agit ici: A.C.A., Alf. I, nº 634), deux de ces derniers déclarent: ...quod procuratores quos dictus testator prehelegit curam minime adhiberant, nec nos per ignorantiam similiter ; et ideomandato Domini Regis, qui hec omnia movit et voluirt quod voluntatem huius testatoris publicaremus coram dicto judice. Le texte des deux actes est identique : celui de Santas Creus est une copie, (translatum, daté du 2 juin 1179) faite lors de l'enterrement du testateur : celui de 1192 est une reproduction fidèle sans doute du même original. Les intentions qui ont motivé l'établissement de ce second texte et son préambule bizarre nous échappent. — Déjà, le 30 janvier 1179, le testament de Marquesa de Guardia avait ceci de surprenant que le scribe, oublieux d'avoir écrit, à la fin do texte (A.C.A., Alf. I, n° 262) : et ab hoc seculo discessit, commença la série des signatures par celle de la défunte : signum Marchese qui hec mandavit scribere et ordinare sicut scribuntur. ()
 
(177). Cf. § 15, note 8. ()
 
(178). Voyez, pour les années indiquées, L.F.M., nos 622 (1188, cf. Itiner., p. 440) ; 348, A.C.A., Alf. I, nos 548, 552, 565 (1190) ; L.B.S.C., nos 355, 362 (1192) ; 372, L.F.M., nos 413-414, C.P., nº 265 (1194). En décembre 1194, il est, avec Albert de Castellví, l’un des deux intimes du roi assistant à la rédaction du testament de celui-ci ; voir Itiner., p. 469. ()
 
(179). Voir A.C.A., Pedro I, nº 26 (1198) ; L.F.M., nº 801 (1197) ; nos 798-799, A.C.A., Pedro I, nº 44 (1198) ; L.F.M., nº 416 (1199) ; A.C.A., Pedro I, nº 196 ( 1204) ; cf. Itinerario del rey Pedro I, aux années 1202, 1205 et 1207 ; B. J. ALART, Privilèges et titresde Roussillon et de Cerdagne, Perpignan, 1874, p. 105 (1213). ()
 
(180). Voy. plus loin, pièce V, vers 1-8. ()
 
(181). Ibid., vers 43 ; cf. variantes. ()
 
(182). Cf. ci-dessus § 13 et note 9. ()
 
(183). La poésie lyrique des troubadours, t. I, p. 191. ()
 
(184). Cf. la monographie citée § 17, note 5. Pons de Mataplana apparaît en compagnie de son homonyme de La Guardia dans notre document nº II, de 1177. Il figure dans l'entourage du roi notamment en 1172, à Montpellier (L.F.M., nº 870), en 1176 en Provence (n° 803), dans l'expédition contre Azalaïs de Burlats, en 1179 à Carcassonne (cf. § 9; L.F.M., nº 856 et 860), puis jusqu'en 1185 (L.B.S.C., nº 273). C'est le fameux marqués des sirventès que lui décochait Guilhem de Bergadan avant l'émouvante palinodie que constitue le planh de ce troubadour sur En Pons, lo pros de Mataplana (pièce 210,9 dans MILÁ, De los trovadores, p. 314 et A. SERRA-BALDÓ, Els trobadors, Barcelone, 1934, p. 121). Cf. aussi note 10. ()
 
(185). Cf. § 17, note 3. Le château des Cervera devait êtje fort hospitalier envers les troubadours, surtout sous les auspices de Pons de Serveira, Valen e de bona manieira (Raimon Vidal de Besalú, Abrils issia, vers 837-838, éd. W. BOHS, dans Romanische Forschungen, t. 15, 1904, p. 204 et suiv.). ()
 
(186). Cf. l'étude historique citée § 17, note 5. Dans ses nombreuses chartes personnelles, entre 1178 et 1196 (L.B.S.C., nos 208 et 387), les témoins sont fréquemment les mêmes que dans celles des Guardia. Il apparaît souvent à la cour royale, à côté, puis dans la succession de son père ; et notamment dans les actes relatifs à la conclusion de l'affaire Cabrera, en 1194 et 1199 (L.F. M., nos 413 et 416). Nous avons rappelé (§ 11 et notes 1-2) le message amical que lui a adressé Bertran de Born. Il compte également au nombre des protecteurs de Raimon Vidal qui dit : En Raimon Gauseran s’estranh De tot mal faire a Pinos (Abrils issia, éd. Citée, vers 798-799). Guilhem de Bergadan lui a destiné un des ses sirventès (pièce 210,4a ;éd. Diplomatique dans Studj di filologia romanza, t. 8, p. 432) qui se rapporte aux guerres de Cabrera. Il est encore cité parmi les chevaliers catalans qui ont accueilli Peire Vidal à la cour d’Alphonse (voir la note suivante). A trois reprises, enfin, nous le rencontrons côte à côte avec Pons de la Guardia, dans nos documents nos VII, X et XII (cf. § 17 et 18). ()
 
(187). Arbertus de Castro Vetulo dans de nombreux documents, p. ex. dans le L.B.S.C., entre 1149 (nº 42) et 1197 (nº 390) ; Albertz de Castelvielh dans la littérature provençale (Raimon Vidal de Besalú, Abrils issia, éd. citée, vers 804 ; vida de Peire Vidal, éd. ANGLADE, p. 158). La biographie de Peire Vidal raconte comment, après la mort du comte de Toulouse († 1166), ce poète toulousain portait deuil pour son seigneur jusqu’au moment où, l’année suivante, Alphonse d’Aragon et ses chevaliers vinrent en Provence et l’accueillerent dans leur cour. De fait, les documents prouvent la venue en Provence, dans la suite du roi, d’Albert de Castellví et de Guilhem Raimon de Moncada (cf. L.F.M., nº 794 et Itiner., p. 262-264) ; la vida cite toutefois onze noms parmi lesquels plusieurs ont été manifestement empruntés à des époques plus tardives. ()
 
(188). De Luesia, en Aragon, à 25 km. au Nord-est de Tudela. Son nom se lit dans les documents d’Alphonse à partir de 1192 (L.F.M., nº 21), et jusqu’à la bataille de Muret, sous Pierre, en 1213 (cf. la Chanson de la Croisade contre les Albigeois, vers 3015 ; voir éd. Paul MEYER, Paris, 1875-1879, 2 vol., t. II, p. 162, note 2). Pour Raimon Vidal de Besalú, Miquel, en Arago, suffisait à le désigner et Peire Vidal célébrait en lui un de ses protecteurs les plus chers : En Luzi’ a tal Miquel Que·m val mais que cel del cel (pièce 364,11, vers 73-74, éd. ANGLADE, p. 50). Il n’a pas pu, comme le prétend la vida de ce troubadour, accompagner le roi dans l’expédition  provençale de 1197. ()
 
(189). Cf. ci-dessus § 3 sur les expressions de caractère aristocratique dans sa poésie ; les remarques qui suivent ici tendront à corroborer ce que nous avons dit au § 8. ()
 
(190). Le plus ancien troubadour catalan connu. Il fait cependant allusion à un prédécesseur, Ot ou At de Moncada (pièce 210, 7, vers 4, dans MILÁ, De los trovadores, p. 319). Quoiqu'il nous ait laissé des chansons d'amour, il est essentiellement, comme son «Fraire» Bertran de Born, un auteur de sirventès. — Nous connaissons par ailleurs trois autres noms de troubadours catalans et aragonais, contemporains de Pons, sans connaître les œuvres auxquelles fait allusion la célèbre satire littéraire de Peire d'Auvergne qui cite ces noms : Guilhem de Ribas (en Cerdagne), Peire de Monzón (Aragon) et Gonzalvo Ruiz (également aragonais, Gozalvo Rodriz dans L.F.M., nos 31 et 32, de 1158 et 1170) ; voir le texte notamment dans C. APPEL, Provenzalische Chrestomathie, 6e éd., Leipzig, 1930, n° 80 ; CAVALIERE, Cento liriche provenzali, p. 95 ; R. T. HILL et T. G. BERGIN, Anthology of the Provençal Troubadours, New Haven, 1941, p. 71, M. de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, p. 208. Cf. les commentaires de M. W. PATTISON, The Background of Peire d’Alvernha’s Chantarai, dans Modern Philology, t. 31, 1934-1935, p. 19 et suiv., et The Troubadours of Peire d’Alvernha’s Satire in Spain, dans Publications of the Modern Language Association, t. 50, 1935, p. 14-24. ()
 
(191). Cf. supra, § 13 et notes 5-6. ()
 
(192). Il figure à côté de Pons de la Guardia dans notre document nº III, de 1177. Sa cour brillante toute proche de La Guardia, en Cerdagne, a été aimablement décrite par Raimon Vidal de Besalú —autre voisin des seigneurs de La Guardia— pour qui la vie à Mataplana fut la belle époque : «Ce fut au temps où l'on était heureux… » So fo el temps qu’om era jays, voir l’éd. CORNICELIUS citée (§ 7, note 2) et cf. Abrils issia, vers 641-644 (éd. BOUS citée § 17, note 3). Uc était, de plus, poète lui-même (cf. PILLET, Bibliographie, nº 454 ; MASSÓ TORRENTS, Repertori, p. 152-154 et Mmlle. A. CABONI, Le poesie di Uc de Mataplana, dans Cultura Neolatina, t. 1, 1941, p. 216-221). Il échangea des sirventès avec Raimon de Miraval et des coblas avec Blacassct (cf. cependant § 4, notes 11 et 12). ()
 
(193). Nous avons de lui une gracieuse chanson d'amour et une tenson avec Guiraut de Borneil. Voy., en dernier lieu, les textes et le commentaire de M. Martín de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, p. 310-317. — Il conviendrait de citer encore l'œuvre originale et variée de Raimon Vidal de Besalú (PILLET, Bibliographie, nº 411 ; MASSÓ TORRENTS, Repertori, p. 155-162) ; mais l'époque de Pons de la Guardia, les dernières décades du XIIe siècle ne s'y reflètent qu'à titre de souvenirs. ()
 
(194). Le men famoso Arnaldo jouissait auprès de ses contemporains d'une réputation bien plus brillante de ce que l'on lui accorde aujourd'hui. Pétrarque lui-même, qui l'appelle «le moins célèbre des deux», par rapport à Il primo fra tutti, Arnaldo Daniello (Trionfi, Triomphe de l’Amour, III, 40 et 44), le cite cependant au premier rang de son défilé de troubadours. L'auteur inconnu de la Leandreide lui confie, dans son imitation dantesque, le rôle de Virgile pour se faire présenter le nombreux aréopage des poètes provençaux. Plus près de l’époque et de la contrée de Pons, Raimon Vidal de Besalú vante les mérites d'un jongleret fort courtois et fort instruit qui sait réciter des contes et chanter des chansons. S'il insiste sur le genre narratif, les novas, c'est qu'il s'en était fait le principal propagateur ; pour la poésie lyrique, il ne préconise que deux maîtres: E d'en Guiraut [de Borneil] vers e chansos, E d’en Arnaut de Maruelh mays, E d’autres vers e d’autres lays Que ben deuri’ en cort caber (Abrils issia, éd. citée, vers 44-47 ; c’est encore Arnaut qu’il cite trois fois en exemple au cours de la même composition. Telle était la renommée du chanteur d'Azalaïs dans les cours de Cerdagne et de Besalú. ()
 
(195). Evidente, s'entend, pour l’entourage du poète et de sa dame. A l'égard des étrangers, la fiction du secret était peut-être sauvée, malgré tout, par le fait de l'homonymie avec le nom commun, le titre de noblesse. ()
 
(196). La première colonne représente les schémas des rimes et des mètres; la seconde décrit l'étendue des pièces ; la troisième énumère les rimes (désinances). ()
 
(197). Les rimes sont identiques dans des groupes de deux strophes. Voir Las Leys d'amors, éd. J. ANGLADE, Toulouse, 1919-1929, 4 vol., t. II, p. 184. ()
 
(198). Toutes les strophes ont les mêmes rimes. Voir Ibid., p. 137. ()
 
(199). Le vers 7 (dernier) de chaque strophe se termine par ce mot. ()
 
(200). Toutes les strophes ont des rimes individuelles. Voir Las flors del Gay Saber, éd. GATIEN-ARNOULT, Monuments de la littérature romane, Toulouse, 1841-1848, 3 vol., t. I, p. 166. ()
 
(201). La dernière rime de chaque strophe est reprise comme première à la strophe suivante. Voir Ibid., p. 168. ()
 
(202). Les strophes impaires, d'un côté, et les strophes paires, de l'autre, ont des rimes communes. ()
 
(203). Le dernier mot de chaque strophe est reprise au début de la strophe suivante. Voir Las Leys d’amors, t. I, p. 142. ()
 
(204). En attendant la parution de notre Répertoire métrique de la poésie des troubadours, on consultera la liste de F. W. MAUS, Peire Cardenal's Strophenbau, Marbourg, 1884, appendice. (10). Cf. ci-dessus § 3, note 4. ()
 
(205). Voy. chez PILLET, art. cité, les références aux nombreux ouvrages où l'attribution de cette jolie chanson a été discutée. ()
 
(206). Publ. en dernier lieu par MASSÓ TORRENTS, Anuari [de l’] Institut d’Estudis Catalans, 1907, p. 428 : cf. C. APPEL, éd. de Peire Rogier, Berlin, 1882, p. 88. ()
 
(207). Publ. par APPEL, dans Revue, t. 39, 1896, p. 190. ()
 
(208). Publ. par APPEL, éd. citée, p. 8, puis, dans divers recueils récents : SERRA-BALDÓ, Els trobadors, p. 110 ; CAVALIERE, Cento liriche provenzali, p. 121 ; HILL et BERGIN, Anthology of the Provençal Troubadours, p. 38 ; M. de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, p. 445. ()
 
(209). Ed. ANGLADE, p. 40 ; publ. en dernier lieu dans CAVALIERE, Cento liriche provenzali, p. 167 : HILL et BERGIN, Anthology, p. 96. ()
 
(210). Ed. C. DE LOLLIS, Vita e poesie di Sordello di Goito, Halle, 1896, p. 156; en dernier lieu dans F. A. UGOLINI, La poesia provenzale e l’Italia, Modène, 1939, p. 84. ()
 
(211). Publ. par A. KOLSEN, Dichtungen der Trobadors, Halle, 1916-1919, p. 61. ()
 
(212). Publ. par H. SUCHIER, Denkmäller der provenzalischen Literatur und Sprache, t. I, seul paru, Halle, 1888, p. 383. ()
 
(213). A. JEANROY, La poésie lyrique des troubadours, I, p. 358. ()
 
(214). Publ. par N. ZINGARELLI, Intorno a due trovatori in Italia, Florence, 1809, p. 41. ()
 
(215). Publ. par P. MEYER, Les derniers troubadours de la Provence, Paris, 1871 (Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. 30-31), p. 43. ()
 
(216). Cf. A. PLEINES, Hiat und Elision in Provenzalischen, Marbourg, 1886. ()
 
(217). Cf. ibid, pour les formes élidées, et K. ERDMANNSDOERFER, Reimwörterbuch der Trobadors, Berlin, 1807, introduction, de même que P. LIENIG, Die Grammatik der provenzalischen Leys d’amors, verglichen mit der Sprache der Troubadours, t. I, seul paru, Breslau, 1890. ()
 
(218). Voir également II, 1-2, III, 18-19, VI, 3-4, VIII, 16-17. ()
 
(219). Voir aussi I, 21, 23, 25, II, 35, III, 21, 28, IV, 6, 16, VII, 46, VIII, 3, 4, 12, 25, 30, 31, 37. Notons encore que les rimes féminines sont sensiblement moins nombreuses que les rimes masculines : il y en a 69 sur 169 décasyllabes et 24 sur 112 vers de sept syllabes, soit au total 93 rimes féminines dans 413 vers. ()
 
(220). Voy. E. FARAL, Les arts poétiques du XIIe siècle, Paris, 1923, p. 93-97. ()
 
(221). Cf. Las Leys d'amors, éd. ANGLADE, t. II, p, 129 ; l'exemple donné par Molinier est un spécimen de la répétition des lettres, c'est à dire de l'allitération. Il y a peut-être un essai du même genre chez Pons au n° I : joi et jauzen (str. I, 2, 6, 7), honor, onratz (II, 8, 11, 13), am, amor, amiga (III, 15, 17, 18, 19, 20) ; mais la tentative ne va pas plus loin. ()
 
(222). Cf. pour le 1er type : I, 11, 20, 40, II, 46, IV,11, 30, V, 47, VI, 10, 12, 19, IX, 3, 8, 12 — 2e type : II, 13, 39, 47, IV, 26, VII, 24, 50, VIII, 10 — 3e type : I, 16, 19, 87, II, 11, 15, 22, 29, 41, VIII, 37, IX, 45 — 4e type: I, 18, III, 19, VI, 7, VII, 50, VIII, 15, IX, 4 — 5e type : I, 32, II, 10, 44, IX, 23. Cf. aussi III, 21, 31, VIII, 23, 30. ()
 
(223). Sur les strophes à caractère didactique chez Bernart de Ventadour, voir l'éd. APPEL, 1915, p. LXXVII. L'analyse que donne Appel, p. LXXIII-LXXXVIII de son introduction, sur les idées professées par ce troubadour, pourrait s'appliquer presque telle quelle, et dans tous les détails, aux chansons de Pons de la Guardia. Ce ne sont là cependant pas toujours des lieux communs généralement répandus. Cf. encore une strophe didactique chez Arnaut de Mareuil, pièce 30, 31, vers 1-6. — Nous indiquerons, dans les notes qui suivent, quelques points de contact entre les chansons de Pons et celles de Bernart de Ventadour, fondateur de l'école du «trobar doux», et d'Arnaut de Mareuil, principal représentant de celte école à l'époque de Pons. Voyez, pour le premier, l'éd. APPEL, pour le second, l'éd. JOHNSTON, déjà citées. Nous ne signalerons, pour les textes, que les publications qui ne sont pas citées dans la Bibliographie de PILLET. ()
 
(224). Cf. Bernart de Ventadour, 70,40, vers 41-42 (publ. aussi par F. EGIDI, dans Nozze Hermanin-Hausmann, Perugia, 1904, p. 38-36). ()
 
(225). Voy. l'article de O. SCHULZ-GORA, «Augen des Herzens» im Provenzalischen und Alt-französischen, dans Zeitschrift, t. 29, 1905, p. 337-340. Cf. Bernart de Ventadour, 70,41, vers 41-44 (aussi dans C. APPEL, Die Singweisen Bernarts von Ventadorn, Halle, 1984, p. 15 ; M. de RIQUER, Bernatz de Ventadorn, Barcelone, 1940, p. 94 ; le même, La lírica de los trovadores, t. I, p. 304) ; Arnaut de Mareuil, 30,21, vers 28 et 30,17, vers 34-35. ()
 
(226). Cf. Bernart de Ventadour, 70,48, str. III (aussi dans SERRA-BALDÓ, Els trobadors, p. 76 ; APPEL, Die Singweisen Bernarts von Ventadorn, p. 6 ; BERTONI, Antiche poesie provenzali, Modène, 2e éd., 1989, p. 33 ; CAVALIERE, Cento liriche provenzali, p. 45 ; de RIQUER, Bernatz de Ventadorn, p. 100 ; HILL et BERGIN, Anthology of the Provençal Troubadours, p. 45 ; de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, p. 271 ; A. RONCAGLIA, Venticinque poesie dei primi trovatori, Modène, 1949, p. 69) ; 70,15, vers 46-49 (aussi dans HILL et BERGIN, Anthology, p. 86 ; de RIQUER, Lírica, t. I, p. 255 ; RONCAGLIA, Venticinque poesie, p. 60) ; 70,35, vers 29-30 ; 70,40, vers 33-36 (cf. note 30 ci-dessus). ()
 
(227). Cf. Bernart de Ventadour, 70,4, vers 19-24 (aussi dans APPEL, Die Singweisen, p. 82) ; 70,8, vers 13-14 (Ibid., p. 84) ; 70,42, vers 11 (Ibid., p. 41) ; 70,31, str. VI (aussi dans SERRA-BALDÓ, Els trobadors, p. 84 ; APPEL, Die Singweisen, p. 18 ; BERTONI, Antiche poesie provenzali, p. 85 ; CAVALIERE, Cento liriche provenzali, p. 57 ; de RIQUER, Bernatz de Ventadorn, p. 64 ; HILL et BERGIN, Anthology, p. 89 ; de RIQUER, Lírica, t. I, p. 467). ()
 
(228). Cf. Bernart de Ventadour, 70,21, vers 45-48 ; Arnaut de Mareuil, 30,5, vers 19-21 (aussi dans de RIQUER, Lírica, t. I, p. 462) ; 30,2, vers 15 ; 30,17, vers 8-10 ; 30,24, vers 24-25. ()

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