2. NOTES
1. INTRODUCTION
Mon dessein n'est pas de reprendre une étude qui a fait déjà l'objet de tant de travaux ( 1), mais de réunir, pour ceux que peut intéresser le développement de la pastourelle, les œuvres que le genre a produites dans la littérature occitane. Tel qu'il est, pourtant, ce recueil n'est pas absolument complet. J'ai, en effet, rejeté toutes les pièces qui n'ont de la pastourelle que l'allure générale ou le début, et qui sont en réalité des sirventès ( 2), des romances ( 3), des panégyriques ( 4) ou des parodies grotesques ( 5). J'ai de même exclu de cette édition une pastourelle véritable, qui semble appartenir plutôt au domaine d'oïl, et dont la graphie provençalisée serait due, selon M. Gauchat, à une méprise du copiste ( 6).
A l'exception de ces onze pièces, qui, d'ailleurs, ont été publiées, on trouvera donc dans ce recueil toutes les pastourelles des Troubadours.
Les manuscrits ( 7). — Les vingt-quatre textes qui suivent proviennent en majeure partie des chansonniers de Paris, en particulier de C, E, I, K, R, T, f. Quelques pièces se trouvent en même temps dans des manuscrits étrangers : I (Marcabru) dans N et a² ; II (Giraut de Bornelh) dans Sg ; V (Cadenet), VII, VIII (Gui d'Ussel) dans Dª ; VI (Gui d'Ussel) dans a². Les deux pastourelles de Serveri de Gérone figurent uniquement dans Sg. Enfin, le nº XXIV (anonyme) ne se trouve dans aucun chansonnier proprement dit, mais est intercalé dans le texte des Leys d'Amors. Treize manuscrits par conséquent entrent en considération. Ils ont tous été utilisés, sauf, pour les n os V et VIII, le ms Dª.
Quinze pièces de notre recueil sont des unica : IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII (C), XVIII (E), XIX, XX (Sg), XXI, XXII (C), XXIII (f). Le nombre des manuscrits des autres varie de deux à huit : I (8) ; II (3) ; III, IV, (2) ; V (5) ; VI (3) ; VII, VIII (5) ; XXIV (2).
Les éditions ( 8). Aucune de ces pièces n'est inédite, mais quelques unes seulement ont fait l'objet d'une édition critique satisfaisante. Cependant, à l'exception des pièces XIX et XX, j'ai evu les manuscrits et établi moi-même un texte, en prenant C comme base ( 9). J'ai toutefois conservé le plus souvent les corrections des éditeurs précédents. On trouvera dans les Variantes de chaque pièce l'indication précise de ces emprunts.
Les attributions. — L'attribution des pastourelles de ce recueil ne soulève en général aucune difficulté. Il y a cependant lieu de noter que le n° V est attribué à Cadenet par trois chansonniers ( Dª, I, K) et à Thibaut de Blazon ( 10) par deux autres ( C R). L'attribution proposée par Dª I K me paraît absolument certaine, les vers 10-19 exprimant une idée qu'on rencontre assez fréquemment dans l'œuvre du troubadour ( 11). Les copistes de C et de R, qui trouvaient dans leurs manuscrits une chanson de Thibaut, Amors je ne me planch mia, et n'ignoraient sans doute pas que le trouvère avait vécu longtemps dans le Midi, ont pu, d'autre part, être trompés par les ressemblances d'une pastourelle de Thibaut avec celle qu'ils copiaient ( 12).
Pour des raisons analogues, j'ai attribué à Gui d'Ussel les nos VII et VIII de cette édition, quelques vers de ces pièces me paraissant faire allusion à la mala domna, et rappeler le vers 26 du nº VI. J'ai donc rejeté, d'accord avec Dª I K, l'attribution à Guillem Figueira, proposée par C R pour le nº VII, et l'attribution à Peire Vidal (R et table de C) pour le nº VIII.
Enfin le nº XVIII de ce recueil ne porte aucun nom d'auteur dans le manuscrit, mais est inscrit par Bartsch sous le nom de Guiraut d'Espagne. La seule raison qu'il soit possible d'invoquer en faveur de cette attribution est la place que cette pastourelle occupe dans E, où elle est intercalée entre des œuvres du troubadour toulousain. Je serais tenté d'admettre pour ma part, que l'imperfection de cette pièce au point de vue de la rime est le résultat d'altérations successives, et, comme le récent éditeur de Guiraut d'Espagne, M. Hoby, j'accorderais au moins quelque vraisemblance à l'attribution préposée par Bartsh.
Les auteurs : les dates. Des vingt-quatre pièces de ce recueil, deux seulement sont anonymes (XXIII, XXIV) ; — quatorze ont pour auteurs des troubadours connus : Marcabru (I), Giraut de Bornelh (II), Cadenet (V), Gui d'Ussel (VI, VII, VIII), Guiraut Riquier (IX, X, XI, XII, XIII, XIV) et Serveri de Gérone (XIX, XX) ; — huit sont l'œuvre de poètes moins célèbres: III, IV (Gavaudan) ; XV, XVI, XVII (Johan Estève) ; (XXI Joyos de Tholoza) ; XXII (Guillem d'Autpolh) ; XVIII (Guiraut d'Espanha).
Neuf pièces sont datées dans le manuscrit C ; IX (1260), X (1262), XI (1264), XII (1267), XIII (1276), XIV ( 13) (1282) ; XV (1275), XVI (1283), XVII (1288) ; mais on peut assez exactement déterminer l'époque à laquelle certaines autres ont été composées.
Les trois pastourelles de Gui d'Ussel (VI, VII, VIII) font allusion à l'abandon de l'auteur par sa Dame comme à un événement peu éloigné. Or, c'est en 1203 ou 1204 que Gui fit la chanson contre la mala domna : c'est donc vers cette époque qu'il faut placer la composition de ces trois pièces.
D'autre part, dans l'envoi des n os XIX et XX, Serveri de Gérone nomme deux personnages, dont l'un. l'Infant, permet de dater approximativement ces deux pièces. Il ne peut s'agir, en effet, que de Pierre III, à qui Guiraut Riquier adresse une chanson, en 1268 ( 14), et dont Paulet de Marseille fait l'éloge dans sa pseudo-pastourelle (1266) : à cette époque, l'Infant venait de s'illustrer avec son frère dans la campagne de Murcie ; c'est par conséquent entre 1269 et 1279, date de l'avènement de Pierre III, qu'il faudrait situer les deux pastourelles de Serveri, écrites à peu de distance l'une de l'autre (cf. XX, 17).
De même la composition de la pièce XXII peut être placée aux environs de 1280, puisque le vers 77 renferme une allusion aux sermons du célèbre Frère Jean d'Olive (1247-1298?), dont l'action se fit principalement sentir à ce moment là ( 15).
Quant au nº XXIV, dont un couplet est cité presque au début des Leys d'Amors, il est vraisemblablement antérieur de quelques années à 1324, date à laquelle Guillem Molinier entreprit la rédaction des Leys ( 16).
Les sujets. Les Leys d'Amors donnant à la pastourelle des noms différents, selon que la jeune paysanne est une bergère ( pastorella), une gardeuse d'oies ( auquiera), une vachère ( vaquiera), une porchère ( porquiera) ( 17), les pièces de ce recueil se répartissent de la manière suivante : vingt-deux pastorellas (I-XIV, XVIII-XXIII) ; une vaquiera (XVII); une porquiera (XXIV). Il faut cependant remarquer que les pastorellas de ce recueil ne sont pas toutes du type classique, c'est à dire n'ont pas toutes pour sujet un débat amoureux entre le poète et une fille des champs :
Deux mettent en scène un berger, avec lequel l'auteur entreprend une discussion sur l'utilité des jaloux (V), ou sur le devoir pour un amant de ne point prendre au sérieux les propos des médisants (VI).
Le nº VIII conte, avec beaucoup de grâce et d'humour, une mésaventure de Gui d'Ussel : une bergère s'avance vers lui, l'arrête, et veut lui faire un mauvais parti, parce qu'il a dit du mal d'une Dame. Le berger Robin, attiré par le bruit, s'informe, puis assure le chevalier de sa protection tout en réprimandant l'irrascible bergère ; mais un mot de celle-ci l'amène à composition, et le poète assiste à leur joyeuse réconciliation.
Le nº XVI enfin nous fait assister aux débats amoureux d'une bergère et de son ami, auxquels le troubadour éprouve bientôt le besoin de révéler sa présence, pour leur faire un peu de morale.
Cette tendance à moraliser se manifeste d'ailleurs plus nettement encore dans trois ou quatre autres pièces de ce recueil: aux prières amoureuses de Guiraut Riquier, la bergère réplique par un véritable sermon (XII, XIV) ; de même, la vachère de Johan Estève répond au salut du poète par un signe de croix, et cédant à une fantaisie ridicule, l'invite à se bien préparer à la mort, car celui « qui meurt en état de péché perd la douce joie parfaite du Ciel (XVII 63-64). » De même encore, dans la pastourelle de Guillem d'Autpolh (XXII), la jeune paysanne se rappelle, au moment opportun, les recommandations du frère Jean d'Olive, et renvoie le jongleur qu'elle avait si bien accueilli.
Il me semble enfin que la tornada du nº XXIV s'adresse à la Vierge : les expressions Flors humils no si deslassa De vos purtatz ne beleza et flors de nobleza font en effet songer aux formules ordinaires des litanies.
Cette transformation de la pastourelle s'explique aisément par le bouleversement profond que la Croisade contre les Albigeois provoqua dans les moeurs méridionales : après la défaite, la décadence de la littérature profane s'accentue au midi, tandis que la poésie religieuse se développe au contraire avec plus de force. Je ne pense cependant pas que Guiraut Riquier, Johan Estève, Guillem d'Autpolh ou l'auteur anonyme de la porquiera des Leys aient voulu simplement suivre la mode du jour quand ils ont mêlé à leurs récits la religion ou la morale. Je crois plutôt — car la pastourelle avait alors une réputation détestable ( 18) — qu'ils ont eu l'intention de se disculper ainsi par avance des accusations qu'on pourrait porter contre leur œuvre. Et quant à Johan Estève, il semble bien qu'il ait voulu se moquer, par surcroît, d'un zèle religieux qui lui paraissait excessif.
Quelle que soit, d'ailleurs, l'intention secrète du poète il est certain que l'immixtion des choses religieuses donne à la pastourelle une allure lourde et guindée ( 19), qui contraste singulièrement avec la verve pétillante de Marcabru, ou la grâce mélancolique de Gui d'Ussel.
A vrai dire, cette transformation était la conséquence à peu près inévitable d'une conception un peu fausse du genre.
Les œuvres ; leur caractère ( 20). Même à la campagne, les troubadours sont restés, de leur plein gré, des poètes de salon. Ils ont eu moins le souci de peindre la vie des champs, que celui de dépayser leurs théories pour mieux juger de leur effet. Ils se sont plus à opposer l'humble condition de leurs héroïnes et les idées qu'elles expriment, et leurs bergères se sont ainsi éloignées, chaque jour davantage, de leurs modèles campagnards.
Cependant Marcabru me parait être resté assez près de la réalité ; certes, la vilana qu'il nous présente « a terriblement d'esprit pour une fille des champs ( 21) » ; mais, si la vivacité de ses répliques est un peu déconcertante, son langage, il faut bien l'avouer, ressemble beaucoup à celui d'une gardeuse de troupeau. La pièce du troubadour Gascon est, à mon avis, plus voisine de la poésie populaire qu'on ne pourrait le supposer tout d'abord, et la bergère de certaine pastourelle Limousine ( 22), par exemple, n'a pas moins d'esprit que cette jeune vilaine : ses réparties sont aussi fines, son langage aussi savoureux. Je serais alors tenté de croire, comme le suppose M. Jeanroy ( 23), que le biographe ancien, lorsqu'il parle des pastoretas a la usanza antiga de Cercamon, a pu, songeant aux pastourelles de Marcabru attribuer au maître, par distraction, les œuvres du disciple ( 24).
Avec Giraut de Bornelh (II), le genre a déjà subi l'influence des milieux méridionaux. La bergère se mêle de juger les nobles Dames, et proteste même contre la soumission que ces camjairitz prétendent exiger de leurs adorateurs ; de même, l'héroïne de Gui d'Ussel (VIII) s'en prend au poète de ses chansons contre les Dames, comme si les filles des champs avaient le loisir de s'occuper de poésie !
Les bergers aussi, dans les deux pièces dont ils sont les principaux personnages, ont des occupations bien étranges, et tiennent des propos bien surprenants. Celui de Cadenet (V) maudit les lauzengiers qui « séparent maints amants » ; celui de Gui d'Ussel (VI) se plaint des aussi médisants, et fait des allusions aux œuvres du troubadour.
Tous ces paysans sont bien artificiels, et les tentatives des troubadours pour leur donner une apparence de vérité sont restées vaines ; confidences de Gui d'Ussel (VII), notations pittoresques ( 25) de Guiraut Riquier, indications précises de temps et de lieu, rien n'y fait : la scène et les personnages gardent toujours quelque chose de conventionnel.
Les Troubadours ont été incapables de rajeunir la pastourelle ( 26) ; tous leurs efforts n'ont abouti qu'à exagérer les défauts du genre : la monotonie d'une part ; de l'autre, la grossièreté (XXIV).
La métrique ( 27). C'est surtout à la perfection extérieure que les poètes méridionaux ont donné leurs soins. La pastourelle semble avoir été pour eux, en même temps qu'un aimable divertissement, un véritable exercice de versification. Les formes métriques de ce recueil sont en effet extrêmement variés :
I. — Douze Coblas doblas de sept vers de 7 syllabes :
a a a b a a b
b est rims unissonans ; le mot vilana revient à la rime au 4e vers de chaque strophe. Deux tornadas unissonans de 3 vers de 7 syllabes : aab sur les rimes des strophes XI et XII. Cf. Maus, op. cit., nº 46.
II. — Six coblas doblas de 10 vers :
a8 b8 b8 c7 c7 d7 d7 c7 d7 c7
(a c d sont rims unissonans) et deux tornadas de 5 vers, toutes les deux unissonans, d7 d7 c7 d7 c7, suivies de deux autres tornadas de 4 vers :d7 c7 d7 c7. Cf. Maus, op. cit., nº 668 [exemple unique].
III. — Huit coblas unissonans de 9 vers de 8 syllabes :
a b a b c d e e c
et 2 tornadas unissonans de 3 vers de 8 syllabes :
e e c
Cf. Maus, op. cit., nº 409 : le nombre des syllabes est inexactement donné [exemple unique].
IV. — Six coblas unissonans de 8 vers de 8 et 7 syllabes :
a3 b8 a8 b8 c8 d7 d7 c8
et une tornada de 4 vers c8 d7 d7 c8. Cf. Maus, op. cit., nº 397 (5).
V. — Quatre coblas unissonans de 9 vers, de 7, 5 et 4 syllabes :
a7 b5 a7 b5 c5 c7 c4 b7 b7
Cf. Maus. op. cit., nº 345 [exemple unique].
VI. — Cinq coblas unissonans de 10 vers de 7 syllabes :
a b a b a b b a b b
et deux tornadas de 4 vers : b a b b ; cf. Maus, op. cit., nº 251.
VII. — Six coblas doblas de 9 vers :
a5 b5 b5 b5 c7 c7 d5 d7 d10
Rimes : Str. I et II : va, e, la, en
Str. III et IV : re, er, ra, i
Str. V et VI : sa, ag, da, ort
et deux tornadas de 5 vers : c5 c7 d5 d7 d10 sur les rimes des strophes V et VI ; cf. Maus, op. cit., nº 616 [ex. unique ; le nombre des syllabes est inexactement indiqué.]
VIII. — Cinq coblas unissonans de 11 vers :
a7 b7 b5 b7 a7 b5 b7 b3 a7 b7 b7
et 2 tornadas de 5 vers : b7 b3 a7 b7 b7. Cf. Maus, op. cit., nº 607 [exemple unique].
IX. — Six coblas singulars de 14 vers de 5 syllabes :
a b c a b c b b c b b c c c
et une tornada de 8 vers : b b c b b c c c sur les rimes de la Str. VI. Cf. Maus, op. cit., nº 725 [2 exemples : G. Riquier].
X. — Six coblas singulars capcaudadas de 10 vers de 10 syllabes :
a b a b a c c a a c
c de la Str. VI = a de la Str. I. Cf. Maus, op. cit., nº 271 [ex. unique].
XI. — Cinq coblas singulars de 14 vers de 5 syllabes (cf. IX) et une tornada de 8 vers (cf. IX).
b de chaque strophe est rim unissonan avec a de la strophe suivante.
XII. — Six coblas singulars de 12 vers de 7 syllabes :
a b c a b c c b b c c b.
b de chaque strophe est unissonan avec a de la suivante ; c de la 5e Str. = a de la 1er Str. ; b de la 6e Str. = a de la 1er Str. Cf. Maus, op. cit., nº 728 [deux exemples, tous les deux de Riquier ; le nombre des syllabes est inexactement indiqué pour cette pièce-ci].
XIII. — Cinq coblas singulars capcaudadas de 16 vers de 5 syllabes :
a b c a b c a b c a b c c d c d
d de la Str. V et a de la Str. Isont rims unissonans. — Cf. Maus, op. cit., nº 724 [exemple unique].
XIV. — Six coblas singulars de 16 vers de 6 et 5 syllabes :
a5 b5 c6 a6 b5 c6 b6 b6 c6 b6 b6 c6 d6 c6 d6 c6
et une tornada de 10 vers : b6 b6 c6 b6 b6 c6 d6 c6 d6 c6. Cf. Maus, op. cit., nº 726 [exemple unique].
XV. — Six coblas doblas de 16 vers :
a b a b a b(8) c c c c (4) d d (2) c8 d2 d2 c8
et une tornada de 6 vers : d d (2) c (8) d d (2) c (8) sur les rimes de V et VI. — Cf. Maus, op. cit., nº 263 [exemple unique. Le nombre des syllabes n'est pas indiqué.] Rimes : Str. I et II : or, ar, en, ia ; Str. III et IV : an, ir, o, da ; str. V et VI : atz, elh, i, ensa.
XVI. — Cinq coblas singulars de 14 vers :
a (8) a b (4) a (8) a b (4) a (8) a b (4) c c c d (5) d (4)
les rimes en d sont dérivées grammaticalement, dans chaque strophe, des deux premières rimes en c de la stophe [bella, belh, pastorella, pastorelh etc...]. Deux tornadas [Roemer, une] de 5 vers : c c c d d (4), sur les rimes de la Str. V. — Cf. Roemer, op. cit., p. 31, 8 [nombre de vers inexactement indiqué]. Doit être intercalé dans Maus, op. cit., [nº 91 bis].
XVII. — Cinq coblas singulars de 14 vers:
a b a b b (7) c2 b7 d5 e e (3) f5 e e (3) f5.
et deux tornadas de six vers : e e (3) f5 e e (3) f5, sur les rimes de Str. V. — Dans la Str. IV, b rime en or estreit, d en or larg ; d est rim estramp. Cf. Maus, op. cit., nº 307 [exemple unique].
XVIII. — Un respos, sur des rimes différentes de celles de la pièce :
a a a b (5 syllabes)
et cinq coblas singulars de 8 vers, de 7 et 5 syllabes ; il est à peu près impossible de figurer la composition métrique de cette pastourelle, où les rimes sont parfois remplacées par des assonances. Pour plus de clarté, nous indiquerons les assonances, dans les tableaux ci-dessous par la lettre α.
Str. II : a7 d5 c7 b d d e d (5)
Str. III : a7 b5 c7 b d d e f (5)
Str. IV : a7 b5 c7 b d d d e (5)
Str. V et VI : a7 α5 c7 α d d d e (5)
Peut-être serait-il préférable d'imprimer en 2 vers seulement les 4 premiers vers de chaque strophe : a = 1 + 2 ; b = 3 + 4 (?).
XIX. — Cinq coblas singulars de 11 vers, de 7 et 8 syllabes :
a (7) a (8) b (7) a a (8) b b b (7) a a (8) b (7)
et trois tornadas : deux de 5 vers : b7 b7 a8 a8 b7 (sur les rimes de la strophe V) ; une de 3 vers : a8 a8 b7 (sur les mêmes rimes). Doit être ajouté à la liste de Maus, op. cit., nº 94 bis.
XX. — Six coblas singulars de 8 vers, de 8 et 6 syllabes (a = 8 ; b = 6), rims encadenatz :
a b a b a b a b
La strophe VI est formée de rimes en er estreit (a) alternées avec des rimes en er larc (b).
Deux tornadas de quatre vers [ a = 8 ; b = 7]:
a b a b
et une tornada de deux vers : a8 b7.
Exemple à ajouter à la liste de Maus, op. cit., [nº 211, 2].
XXI. — Trois coblas singulars de trente-deux vers: [a = 8 ; b = 5 ; c = 4 ; e = 4].
a b a b a b a b a b a b a b a b c c d d4 d2 d2 d2 d6 b e e f4 f2 f2 f2 f9 b
Cf. Maus. op. cit., nº 216.
XXII. — Quatre coblas doblas de vingt vers :
a b a b a b a b (8) c (4) c c b (5) c (4) c c b (5) d d c d (7)
Rimes : Str. I et II : il, elh, enta, ay
III et IV : ens, ut, ura, ort
et deux tornadas unissonans de quatre vers : a a b a (8) sur des rimes étrangères à la pièce : a = o ; b = da.
Exemple à ajouter à la liste de Maus, op. cit., [nº 215 bis].
XXIII. — Cette pastourelle, dont Paul Meyer renonçait à traduire la métrique en schémas, est, selon E. Levy (Revue des Langues Romanes, 1882, p. 57-59) d'une construction très régulière, « à une petite exception près ». En effet, les strophes sont des coblas doblas, mais, mais le 3e vers des strophes I-III-VI n'est pas bâti sur la même rime que le 1er vers de ces mêmes strophes, et cette nouvelle rime devient la rime de départ du groupe de strophes qui suit (sauf en ce qui concerne la str. VI). Le changement de rime à la Str. VI (3e vers) et non, comme on s'y attendrait, à la str. V, n'est pas dû, selon Levy, à une négligence : il a pour but de nous indiquer que nous n'avons « plus à attendre un groupe nouveau où g tiendrait la place de a », et que V-VI forment le groupe final.
D'autre part, la Str. VI, n'a pas, comme l'avait cru P. Meyer, un vers de trop. « On n'a qu'à couper, écrit E. Levy, le 7e vers qui est de huit syllabes,... et à mettre à part les deux derniers, et on aura une strophe très régulière, suivie d'une tornada de deux vers, présentant, comme la règle l'exige, les rimes des deux derniers vers de la strophe précédente ». Pour arriver à ce résultat, Levy corrige la graphie de certains vers et ajoute au vers 61 les deux syllabes qui lui manqueraient (cf. Variantes).
Six coblas doblas (?) de 10 vers; voici le schéma de chacune d'elles :
I |
a7b5 c7 bb (5) b6 aa (4) a8 b6 |
|
RIMES : ieu, ela, i |
II |
a b a bb b aa a b
|
|
RIMES : ieu, ela |
III |
c d e dd d cc c d |
|
RIMES : i ia, or |
IV |
c d c d d d c c c d |
|
RIMES : i, ia |
V |
e f e f f f e e e f |
|
RIMES : or, age |
VI |
e f g f f f e e ef |
|
RIMES : or, age, ar |
et une tornada de deux vers : e (8), f (5). On remarquera que les rimes sont placées de la même manière dans les groupes : I-III-VI ; et II-IV-V.
Maus cite la forme métrique de: I, III et VI [nº 738]. Pour les strophes II, IV et V, cf. nº 293, où le nombre de syllabes est inexactement donné. [Exemples uniques].
XXIV. — Sept coblas retrogradadas per acordansa (Leys d'amor, I, p. 256), de 13 vers de 7 syllabes :
a b a b c d d c e e f f g
et une tornada de 5 vers de 7 syllabes :
g f f e e.
Maus ne mentionne pas cette disposition [nº 402 bis].
En resumé, sur les vingt-quatre pièces qui composent ce recueil, vingt ont des formes métriques particulières à leurs auteurs ( 28), trois emploient des dispositions de rimes peut courantes ( 29), une seule est construite sur un compas dont on a des exemples assez nombreux ( 30).
Cette richesse et cette originalité des rythmes justifieraient, il me semble, une édition des pastourelles occitanes, si le mouvement dramatique de certaines pièces ( 31), et l'aimable fantaisie de la plupart n'y suffisaient déjà. Mais quels commentaires vaudraient à cet égard la lecture des poètes eux-mêmes ? ( ↑)
« Aujatz, Senhors, cum an parlat ( 32). »
(1). Cf. en particulier : Jeanroy, Origines, p. 30 sq. — Schultz, in Zeitschrift für rom. Phil, VIII, p. 106 sq. — Römer, Die volkstümlichem Dichtungsarten p. 30 sq. — Pillet, Studien zur Pastourellen, 1902 — et E. Faral, La Pastourelle (in Romania, XLIX, p. 204-59). (↑)
(2). Par exemple : L'autrier, a l'issida d'Abriu de Marcabru [Gr. 29], Lo dous chans d'un auzel de Giraut de Bornelh [Gr. 46], L'autrier m'anav'ab cor pensiu, de Paulet de Marseille [Gr. 6], Pres d'un jardi de Serveri de Gérone, qui sont des sirventès politiques ; et une satire contre un jongleur du nom de Ruquet : Garin d'Apchier, L'autrier trobei tras un foguier [Gr. 3], éditée par Appel (Poésies inédites des mss. d'Italie). (↑)
(3). Nous désignons ainsi les pièces dans lesquelles le poète met en scène des personnages allégoriques. Cf. Bertolome Zorzi (édit. Levy Nº 10) et Serveri (Kleinert nº III). (↑)
(4). L'autrier fui a Caleon. [Gr. 461, 147], et quant escavalcai l'autrier [461, 200] cf. Torraca, Le donne italianne nella pœsia provenzale Florence 1901 (Biblioteca crit. della lett. ital., XXXIX). (↑)
(5). C'est le cas pour la pièce L'autrier cuidai aver druda, Gauchat, loc. cit. p. 301 [Gr. 461, 146]. (↑)
(6). L'autrier m'era levatz[Gr. 461, 148]; cf. Bartsch, Romanzen und Pastourellen, II, 13, et Gauchat, loc. cit., p. 380. (↑)
(7). On trouvera l'explication des sigles par lesquels je désigne les manuscrits dans l'ouvrage de M. Jeanroy: Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux, Paris, 1915 (Class. fr. du M. A., 16). (↑)
(8). Cf. à ce sujet les Variantes de chaque pièce du recueil. (↑)
(9). Sauf en ce qui concerne les nos VII et VIII, pour lesquels j'ai reproduit le texte imprimé dans mon édition des poésies des quatre troubadours d'Ussel. (↑)
(10). Les manuscrits portent « Thibaut de Blizon ». Cf. sur cette question d'attribution : Appel, der Trobador Cadenet, p. 74. (↑)
(11). Cf. Notes, V, 12. (↑)
(12). Cf. Romanzen und Pastourellen III, 2. (↑)
(13). Je ne crois pas, comme le pense M. Pillet, op. cit , p. 115, n. 2, que les dates du manuscrit pour les six pièces de Guiraut Riquier soient purement imaginaires. Les allusions faites par la bergère aux préoccupations morales de Riquier, et la mention de la campagne contre l'émir de Grenade, fournissent la preuve du contraire. M. Anglade, qui combat l'opinion de M. Pillet, op. cit., p. 233. n. 1, pense cependant que la cinquième pastourelle de Guiraut Riquier (XIII) doit être plutôt datée de 1281. Je ne partage pas cet avis, parce qu'il serait bien surprenant qu'un an après, (la pièce suivante portant la date de 1282 le poète déclarât ne pas reconnaître la bergère (XIV, 5). Les faits historiques ne sont d'ailleurs pas en contradiction avec l'indication du manuscrit. C'est en effet, au milieu de 1276 que le roi Alphonse X proposa une trêve à l'Emir Mohamed II : mais le Roi de Castille avait regagné Tolède le 2 janvier 1276, avec l'intention d'aller prendre la tête de ses troupes (cf. las Crónicas de los Reyes de Castilla, Madrid 1900, tome I). (↑)
(14). Cf. Anglade, op. cit., p. 239, n. 1. (↑)
(15). Cf. l'allusion aux Frères mineurs, XVII, 47. (↑)
(16). M. J. Anglade a bien voulu revoir pour moi, en ce qui concerne cette pièce, le Manuscrit de l'Académie des Jeux Floraux, à Toulouse. Je lui en exprime ici mes bien vifs remerciments. (↑)
(17). Edit. Gatien-Arnoult, I, p. 346. (↑)
(18). Cf. Leys d'Amors, Edit. Gatien-Arnoult, I, p. 346 : « se deu gardar en acquest dictat majoramen, quar en aquest se pecca hom mais, que hom no diga vils paraulas ni laias, ni procezisca en son dictat a degu vil fag... » Il est assez piquant de noter que le traité qui fixe de telles règles, nous a conservé la plus répugnante des pièces que nous connaissions dans le genre. (↑)
(19). Le charmant roman échafaudé par Guiraut Riquier se passerait fort bien des deux dernières pastourelles (XIII, XIV), qui n'ont d'autre intérêt, à mes yeux, que celui de faire admettre les précédentes à un milieu imbu d'idées orthodoxes. (↑)
(20). Je réserve les questions de langue pour les notes ; à part, du reste, les deux pièces de Serveri de Gérone, où l'on peut relever quelques catalanismes, il n'y a d'important à signaler que la transformation de z en r dans les mots : mar = mas ; gleira = gleiza ; aire = aize. Cf. en particulier, à ce sujet, la Note du vers 42 de la pièce nº XIV. (↑)
(21). Jeanroy, Origines, p. 30. (↑)
(22). Chants et chansons populaires du Limousin, recueillis et notés par Léon Branchet, J. B. Chèze, J. Plantadis, p. 82 ; cf. également p. 84 :
— « Entrons, Nanon, entrons sous ce feuillage »
— « Nani, Moussur, cranhi pas lou soulelh !... »
— « Dis-moi, Nanon, permets que je t'embrasse. »
— « Lou chioul del che, Moussur, tant que voudretz !... » (↑)
(23). Les poésies de Cercamon, Paris, 1922 (Class. fr. du M. A., nº 27), p. VI, note 1. (↑)
(24). Je donne ainsi à l'expression pastoretas a la usanza antiga le sens de pastourelles à la manière ancienne, c. à d., telles qu'on en faisait avant la transformation de ce genre populaire en une poésie aristocratique tout à fait conventionnelle. (↑)
(25). Cf. en particulier XIV, 3. (↑)
(26). Les Leys d'Amors, pour renouveler le genre, ont recours à ses distinctions puériles : e d'aguesta pagela son vaquieras, vergieras, porquieras, auquieras, crabieras, ortolanas, monjas, et en ayssi de las autras lors semblans.. « Gatien Arnoult, op. cit, I, 346. Cf. une classification un peu analogue dans la poésie grecque : αίπολιχα, βοχολιχά, ποιμενιχά. (↑)
(27). Cf. Roemer, die Volkstümlichen Dichtungsarten... p. 31-32, où la métrique de la pastourelle est étudiée sommairement avec, d'ailleurs, quelques inexactitudes, et surtout Maus, Peire Cardenals Strophenbau. (↑)
(28). Ce sont les nos II, III, V, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII ( ?), XIX, XXI, XXII, XXIII ( ?), XXIV. Les nos XVIII et XXIII, dont la forme métrique est assez compliquée, sont, en fait, des unica. (↑)
(29). Nº I, IV, XX. Pour chacune de ces dispositions de rimes Maus ne cite qu’un autre exemple de syllabes identiques. (↑)
(30). C'est le nº VI (9 autres exemples). (↑)
(31). Par exemple les nos I, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XXIII. (↑)
(32). Planh de Sant Esteve, v. 32. — Je tiens à remercier ici d'une façon toute particulière MM. Alfred Jeanroy, Edmond Faral et Abel Lefranc, qui se sont spécialement intéressés a ce travail. (↑)
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