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Meyer, Paul. Les derniers troubadours de la Provence d'après le chansonnier donné à la Bibliothèque Impériale par M. Ch. Giraud . Paris: Librairie A. Franck, 1871.

TABLE DES MATIÈRES

I. De la poésie des troubadours à son déclin, et de sa chute.

II. Le chansonnier Giraud.

III. Description du chansonnier Giraud ; son histoire — Jehan de Nostre-Dame.

IV. Dialecte du chansonnier Giraud.

V. De la méthode suivie dans le présent mémoire.

ADDITIONS ET CORRECTIONS.

Notes.

 

 

A

M. CH. GIRAUD

ANCIEN MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

MEMBRE DE L’INSTITUT

 

CE MÉMOIRE EST RESPECTUEUSEMENT DÉDIÉ

 

 

INTRODUCTION.

§ I.

De la poésie des troubadours à son déclin, et de sa chute.

 

Lorsqu’on observe l’état de la poésie des troubadours à son déclin, on la voit se localiser en un certain nombre de centres qui peu à peu s’isolent les uns des autres, s’affaiblissent et disparaissent. Parmi ces centres, les plus brillants sont les cours d’Alphonse X de Castille, des rois d’Aragon Jacques Ier, puis Pierre III, et des ducs d’Este. Viennent ensuite les petites cours des comtes de Rhodez, des vicomtes de Narbonne, des comtes de Foix. C’est hors du pays où elle était née et où elle avait opéré son plus grand développement que cette poésie recevait le plus d’encouragements. Dans cet état de choses, les conditions nécessaires à son existence se trouvaient interverties. Transportée en des pays où se parlaient des idiomes apparentés, mais non identiques au provençal, elle y avait pu vivre et prospérer pendant un siècle grâce à de continuelles immigrations qui, venant de la mère patrie, la vivifiaient sans cesse. Elle avait obtenu ce succès presque sans égal qu’elle imposait sa langue aux poètes des pays où elle s’établissait ; et en Lombardie comme en Catalogne, tant qu’il y eut des troubadours venus des pays de langue d’oc, on composa en langue d’oc. Alphonse II et Pierre III d’Aragon, Guilhem de Bergadan, Hugo de Mataplana, Raimon Vidal de Besaudun, Serveri de Girone, ne chantaient point en catalan, ni Sordel, Lanfranc Cigala, Bonifaci Calvo, Ferrari, en lombard ou en toscan. Mais lorsque la dernière génération des troubadours venus d’au-delà des Pyrénées fut épuisée, les idiomes locaux reprirent leurs droits, et de la poésie provençale il ne resta plus qu’une tradition classique dont longtemps encore l’effet se fit sentir en Espagne comme en Italie.

Les derniers troubadours qui passèrent les Pyrénées ou les Alpes avaient connu dans leur première jeunesse les beaux temps de la poésie de cour et en retrouvèrent comme un reflet auprès d’Alphonse le Sage ou des ducs de la maison d’Este. Ceux qui restèrent en France ou s’y formèrent depuis leur départ y rencontrèrent des conditions bien moins favorables. La puissante maison de Toulouse, depuis si longtemps la protectrice des troubadours, avait perdu son prestige, et bientôt (1249), cédait la place à un frère du roi de France. Le comté de Provence, encore plus mal partagé, tombait, en 1246, sous la main d’un autre frère du même roi qui n’effaça point par ses actes l’antipathie qu’excitait son origine. Les seigneuries secondaires qui avaient conservé leur indépendance purent prolonger pendant quelque temps l’existence de la poésie de cour, mais non la maintenir dans son ancienne splendeur. Ainsi, cette poésie périssait en France faute de soutien, tandis qu’à l’étranger, où elle obtenait un meilleur accueil, elle se transformait, empruntant la langue des pays où elle s’était réfugiée.

M. Diez a fort bien montré comment la poésie de cour, étant le produit de l’esprit chevaleresque tel qu’il régnait parmi les seigneurs du midi, au XIIsiècle, se trouvait soumise aux vicissitudes du système féodal et devait tomber avec lui (1). Cette raison, parfaitement suffisante, dispense d’en chercher d’autres, et par exemple de supposer de la part du public un dégoût pour une poésie qui, ayant épuisé son cercle d’idées, n’aurait plus vécu que de lieux communs. Diez encore, a parfaitement répondu que cette explication, admissible si toute la poésie de cour avait consisté en chansons amoureuses, ne pouvait s’appliquer au sirventes ni au conte (non plus qu’à bien d’autres genres) qui ne furent jamais si florissants qu’au XIIIe siècle, c’est-à-dire au déclin même de cette poésie.

La chute de la poésie des troubadours, en tant que poésie de cour, était donc en quelque sorte fatale. N’eût-elle pas été déterminée par les événements dont le Midi fut le théâtre au XIIIe siècle, qu’elle serait arrivée un peu plus tard, et plus lentement aussi, par suite du développement naturel de la société. Mais devait-il arriver nécessairement que la fin de cette poésie entraînerait celle de la littérature provençale ? En d’autres termes, la protection accordée aux troubadours était-elle la condition indispensable de tout mouvement littéraire au midi de la France ? En thèse générale, on ne saurait le prétendre. Ce serait réduire les lettres à un seul mode d’existence et oublier que les phases des littératures sont marquées par une succession de genres qui sortent les uns des autres, se proportionnant aux circonstances du temps et du lieu. La plupart des littératures ont été, pour un temps, poésies de cour, et, les conditions de cette période cessant, se sont développées dans un autre sens. Est-ce donc parce que, dans les pays de langue d’oc, la poésie, de populaire qu’elle était, s’était élevée d’elle-même, sans influence extérieure, au rang de poésie de cour ; est-ce parce qu’à ce degré elle avait montré une puissance et une fécondité dont on chercherait vainement l’équivalent en France, en Italie ou en Espagne ; est-ce, en un mot, pour avoir été la plus forte en son genre, que seule elle devait succomber au sortir de cette période, impuissante à se transformer, incapable de laisser après elle une littérature provençale ?

Évidemment, des circonstances spéciales au Midi de la France peuvent seules expliquer un fait aussi isolé ; et ces circonstances, il ne faut point les chercher ailleurs que dans l’établissement de la domination française dans les provinces méridionales.

Ici, l’on ne prétend point que les persécutions qui furent la suite de la croisade albigeoise aient recherché les écrivains du Midi ou proscrit leurs ouvrages, et l’on ne veut pas dire non plus que les populations aient oublié leur langue puisque, maintenant encore, elles n’y ont pas renoncé, puisque, dans les classes supérieures mêmes, l’emploi du français comme idiome courant de la conversation ne remonte pas à plus d’un siècle ou un siècle et demi. Mais, ce qui est incontestable, c’est qu’à partir de la poésie des troubadours, l’évolution littéraire se fit dans le sens français et bientôt en français. Les romans de Blandin de Cornouailles et de Guillaume de la Barre, au commencement du XIVe siècle, sont de plates imitations des romans d’aventure français (2). Gaston II, comte de Foix (1315-1343) encourage la composition de l’Elucidari de las proprietatz de todas res naturals, vaste compilation mêlée de prose et de vers ; mais, au milieu du XIVe siècle, son fils, Gaston Phœbus, écrivait en français le Traité de la chasse, et, dès les premières années du règne de Charles VI, le prieur de Salon, Honoré Bonnet, composait en français son Arbre de batailles, qui du reste ne laissa pas d’exciter au Midi quelque intérêt, puisqu’il en existe une traduction contemporaine en provençal (3). En ces temps-là, la littérature était l’œuvre d’un petit nombre et s’adressait à un public restreint. Il eût été bien difficile aux écrivains méridionaux de trouver une voie indépendante et de se soustraire à la pression du goût français quand on voit avec quelle puissance elle s’exerçait hors de France. L’école de Toulouse l’essaya au commencement du XIVe siècle, mais ce mouvement de réaction aurait eu besoin, pour réussir, d’avoir son point de départ dans le sentiment national, et non pas dans des idées littéraires étroites et arriérées. Mais le sentiment national, peu développé au Moyen-âge, n’avait pas encore pris la langue pour signe extérieur. Ce n’est que de nos jours qu’on voit des nations privées de leur indépendance s’attacher à maintenir la pureté de leur idiome et la perpétuité de leur littérature. Aussi, pourrait-on dire que, malgré les siècles écoulés depuis l’annexion des pays de langue d’oc à la France, la formation et l’expansion d’une littérature originale dans les provinces du Midi ont plus de chances de réussite aujourd’hui qu’au XIVe siècle.

Cependant, les circonstances qui annihilèrent la littérature provençale en l’entraînant dans le courant de la littérature française, pour s’être manifestées en peu d’années, ne durent pas produire leur effet en un temps aussi court. Pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, les troubadours, bien que la plupart du temps sans protecteurs, n’ont pas dû cesser subitement leurs chants. Au même temps et durant la première moitié du XIVe siècle, avant que l’influence française eût tout à fait pris le dessus, il est certain qu’une littérature plus bourgeoise que la poésie de cour et possédant encore, au moins par la langue, une certaine indépendance, a cherché à s’établir. Malheureusement, sur tout le mouvement littéraire de cette période, en dehors de l’école de Toulouse, dont les manuscrits ont été soigneusement conservés, nous avons peu de renseignements. La littérature provençale, qui nous est parvenue dans un état si fragmentaire, a peut-être subi plus de pertes pour sa dernière époque que pour le temps de son apogée. Assurément, nous n’avons qu’une faible partie des poésies que composèrent les troubadours de la période qu’on pourrait appeler classique, celle qui s’étend entre le milieu du XIIe siècle environ et la croisade albigeoise ; il ne faut pas perdre de vue que nos chansonniers ne sont que des anthologies, et si nous n’avons que vingt-cinq pièces de Folquet de Marseille ou quarante-six de Peire Vidal, il n’en faut rien conclure, sinon que ceux qui, vers le milieu du XIIIe siècle, s’occupèrent les premiers de recueillir les poésies des troubadours, n’en connaissaient pas davantage. Mais, après tout, si nous considérons que de l’immense majorité des pièces de l’époque classique nous avons plusieurs copies, nous serons autorisés à conclure que la poésie de ce temps nous est parvenue à peu près dans l’état où on pouvait la connaître au temps d’Alphonse de Poitiers et de Charles d’Anjou. Nous avons le choix dont on se contentait alors. Autre chose à partir de ce temps. Guiraut Riquier, les troubadours de Béziers, Nat de Mons, Folquet de Lunel, Serveri de Girone, et la plupart de ces poètes de la fin du XIIIe siècle de chacun desquels nous n’avons qu’une ou deux pièces, figurent dans deux collections seulement : le chansonnier toulousain, conservé à la bibl. imp. sous le nº 856 du fonds français, et le chansonnier d’Urfé (La Vall. 14), qui dans beaucoup de cas se répètent, ayant apparemment puisé à la même source. D’autre part, en dehors des troubadours, les compositions de ce temps nous sont bien rarement arrivées en plusieurs exemplaires. Il n’existe qu’une copie des nouvelles de Raimon Vidal, de Flamenca, de Blandin de Cornouailles, de Guillaume de la Barre, des vies de sainte Enimie, de saint Alexis, etc. (4) Et comme ces ouvrages, et bien d’autres qu’on pourrait citer, ne sont mentionnés par aucun contemporain, le souvenir même s’en serait perdu sans la chance qui nous a conservé les mss. uniques où ils sont transcrits. Il fallait assurément que les compositions provençales fussent tombées en discrédit, pour qu’on apportât si peu de soin à en multiplier les copies. Et par là on juge de ce qui doit s’être perdu des œuvres de ce temps. ()

 

§ II.

Le chansonnier Giraud.

 

Un manuscrit, donné en 1859 à la Bibliothèque impériale par M. Ch. Giraud, de l’Institut, permet de réparer quelques-unes de ces pertes. C’est un chansonnier qui, dans son état actuel, contient environ 185 pièces, plus un assez grand nombre de ces couplets isolés qu’on appelait coblas esparsas. Il va sans dire que la plupart sont déjà connues par d’autres recueils, que souvent même on en possède un texte supérieur à celui du manuscrit de M. Giraud. Mais il paraît que le compilateur de ce chansonnier a puisé à des sources négligées jusqu’à lui, ou plutôt qu’il a emprunté largement à la tradition orale, car il ne nous a pas conservé moins de 32 pièces (sans compter quelques coblas) qu’on chercherait vainement ailleurs. Toutes ces compositions, sauf une chanson de Guilhem de Saint-Didier, appartiennent à la période comprise entre 1270 et 1310 environ, et apportent ainsi un important supplément aux notions éparses que nous possédions jusqu’à présent sur l’état de la poésie provençale à cette époque. Ce chansonnier a été exécuté en Provence, — ce qu’on peut savoir de son histoire confirme pleinement les indices tirés du dialecte, — et par conséquent il n’est point surprenant que les pièces nouvelles dont nous lui devons la connaissance se trouvent être l’œuvre de provençaux, toutes les fois que nous en pouvons vérifier l’origine. Cette circonstance ne leur donne pas un médiocre intérêt. La Provence en effet, est faiblement représentée dans les deux recueils mentionnés plus haut, qui à eux seuls fournissent à peu près tout ce que nous possédons jusqu’à présent des troubadours de la dernière époque. Depuis la mort de Blacatz (1236 ou 1237 (5)) toute la littérature de la Provence consiste, d’après les sources jusqu’ici utilisées, en quelques pièces de Blacasset, Bertran de Lamanon, Boniface de Castellane, Granet, Paulet de Marseille, Raimon de Tors de Marseille, Duran de Carpentras, Guilhem d’Hyères, Bertran Carbonel de Marseille, auxquelles il faut ajouter la Vie de saint Honorat, de Raimon Féraut (6). À ces noms viendront désormais se joindre ceux de Daspols, de Jacme Mote d’Arles, de Rostanh Berenguier de Marseille, de Ponson, de Moter, de Berenguier Trobel, de Johan de Pennes, de Guilhem de Lobevier, d’Albaric, de Guibert, de Peire Trabustel, de Rainaut de Tres Sauses. Pour certains de ces personnages, nous n’avons rien de plus que leurs noms et quelques indices d’où peut se déduire leur origine provençale, mais pour d’autres les renseignements sont plus abondants. L’une des deux pièces de Daspols étant un planh sur la mort de saint Louis est par le fait datée de 1270. La pièce où Jacme Mote, s’adressant à Charles II, rappelle les maux que le règne de son prédécesseur a causés à la Provence et exprime l’espérance d’un régime meilleur, date sans doute du premier voyage de Charles II en Provence, c’est-à-dire de 1291. Enfin Rostanh Berenguier, le plus habile peut-être des troubadours que nous révèle le ms. de M. Giraud, vient se placer dans les premières années du XIVe siècle, puisqu’il fait l’éloge du grand-maître Foulque de Villaret, l’illustre vainqueur de Rhodes. D’autres pièces se laissent également dater avec plus ou moins de précision. Ce sont là de précieux jalons pour l’histoire littéraire. La vie de ces représentants attardés de la poésie de cour serait intéressante à connaître ; malheureusement nous sommes mal renseignés à cet égard. Vivaient-ils, à la façon des anciens troubadours, des dons que leur faisaient les personnages qu’ils visitaient ? Ou bien étaient-ce, comme les lauréats de Toulouse, d’honnêtes artisans qui charmaient leurs loisirs par le culte des muses ? Il est à croire qu’ils s’efforçaient de maintenir la tradition, aussi bien quant à la rémunération due au troubadour qu’en ce qui avait rapport à son art; mais il se peut bien que la rémunération se soit parfois fait attendre un peu plus que de raison. On le croirait du moins, à lire l’envoi un peu impatient de la tenson adressée par Bertran Carbonel au comte d’Avellino. À vrai dire, il n’y avait plus alors de protecteurs de la poésie tels qu’avaient été Barral de Marseille, le marquis Boniface VIII de Montferrat, Guillaume IV d’Orange, Blacatz, et tant d’autres. On envoyait bien ses poésies à tel ou tel grand personnage, mais il n’en résultait pas, comme jadis, une protection permanente. La tornada ou, pour parler français, l’envoi de ces compositions remplissait simplement le rôle qui, dans la littérature en prose, était dès lors et fut bien longtemps encore dévolu aux dédicaces. Somme toute, ces troubadours de la dernière heure devaient mener une vie médiocrement brillante. C’étaient cependant, selon toute apparence, des poètes de profession, car si on compare leurs compositions avec les produits récompensés à Toulouse, on y trouvera encore trop de distinction, trop de littérature surtout pour en faire l’œuvre de simples artisans.

Plusieurs de ces troubadours appartiennent à la région des bords du Rhône, et, par exemple, un fait, assurément fort inattendu que nous révèle le ms. Giraud, c’est qu’il y avait à la fin du XIIIe siècle ou au commencement du XIVe une sorte de petit centre poétique à Tarascon.

Cette petite ville, qui n’a jamais joué un grand rôle en quoi que ce soit, n’a pas laissé cependant de fournir son petit contingent à l’histoire des troubadours. On connaissait trois poètes tarasconais, des moins célèbres, il faut l’avouer : Ricaut ou Richart de Tarascon (7) Tomier et Palazin (8). Rigoureusement, le ms. Giraud ne nous autorise à ajouter aucun nom à cette courte liste ; toutefois il ne serait pas téméraire de considérer comme habitants de Tarascon, Johan de Pennes, qui déclare, et ce ne devait pas être un médiocre éloge, qu’il n’est pas dans Tarascon de dame plus belle que sa « guerrière ». — car tel est le surnom qu’il donne à sa bien aimée, — et Ponson qui préfère l’amour de sa dame à Beaucaire et à tout le territoire d’Argence (sur la rive droite du Rhône, en face Tarascon).

Entre les noms nouveaux que le ms. Giraud ajoute à l’histoire des troubadours, il en est deux qu’on connaissait par les Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux  de Jehan de Nostre Dame (Lyon, 1575), ceux de Jacme Mote d’Arles et de Rostanh Berenguier de Marseille. Mais à vrai dire, le témoignage de Nostre Dame ne fournissait que leurs noms, car les récits qu’il en fait, et qui seront rapportés en leur lieu, sont si visiblement fabuleux que la critique ne pouvait que les rejeter absolument. La comparaison de ces récits avec les renseignements authentiques que fournissent les pièces de Jacme Mote et de Rostanh Berenguier, montre une fois de plus la mauvaise foi ou la sottise de Nostre Dame ; car les deux alternatives peuvent être soutenues, selon qu’on regarde ce procureur au parlement d’Aix comme l’inventeur des faits qu’il avance, ou qu’on admet la réalité du moine des îles d’Or et de Hugues de Saint-Cezari, ces prétendus biographes de l’autorité desquels il se couvre sans cesse. Réservons présentement la question de l’autorité qu’il convient d’attribuer à Nostre Dame. Elle est trop compliquée pour être traitée incidemment ici. Tout à l’heure, elle se représentera lorsque nous aurons à faire l’histoire du ms. de M. Giraud, et nous pourrons alors, sans prétendre l’épuiser, réunir quelques faits d’où résultera une conclusion plus précise et plus sûre que les opinions assez vagues qui ont jusqu’à présent régné sur ce sujet (9).

Le ms. Giraud se trouve à un autre égard en connexion avec Nostre Dame. Sur quelques espaces laissés blancs aux folios 21 et 22 une main qui paraît du XVIe siècle, mais qui cherchait certainement à se faire plus ancienne, a transcrit trois pièces provençales, trois sonnets qui, pour être mis sous les noms de Jacme Mote, de Blacasset et de Bertran de Lamanon, ne sont néanmoins guère plus anciens que la main qui les a tracés (10). Ce sont des faux qui paraissent apparentés de très près à ceux que J. de Nostre Dame a semés avec une si déplorable abondance en ses Vies des poètes provençaux. Les uns et les autres semblent sortir d’une même fabrique. Faut-il croire que leur auteur commun est J. de Nostre Dame lui-même ? On verra tout à l’heure que cette proposition ne manque pas de vraisemblance, quoiqu’elle ne puisse être prouvée. ()

 

§ III.

Description du chansonnier Giraud ; son histoire.

— Jehan de Nostre Dame.

   

 

Les observations qui précèdent ont eu pour but d’indiquer d’une façon générale l’intérêt qu’offre l’étude du manuscrit qui a fourni la matière du présent mémoire. Il est temps maintenant de passer à la description de ce chansonnier et de rapporter ce que je sais de son histoire. Viendront ensuite quelques remarques sur le dialecte dans lequel il est écrit, et alors commencera le mémoire proprement dit dans lequel j’étudierai les pièces nouvelles de ce recueil, groupant ensemble toutes celles du même auteur, et classant autant que possible les auteurs par ordre chronologique. En appendice, je donnerai pièce par pièce la table du ms. Giraud et celle d’un autre recueil beaucoup plus important, le ms. d’Urfé qui n’a pas été jusqu’à ce jour décrit en détail (11).

Le manuscrit donné à la Bibliothèque impériale par M. Giraud est un volume en fort papier de coton, contenant en son état actuel 73 feuillets, y compris deux feuillets de garde en partie écrits. Il a une double pagination : la première, qui peut remonter au XVe siècle, ne s’étend pas à la moitié du ms. et, de plus, est tout à fait irrégulière (12) : notons cependant qu’elle commence par le chiffre 4 ; la seconde est du XVIe siècle, et s’étend de 4 à 79, constatant l’absence des feuillets 1-3, 43-45 et 70-71. De plus, il manque à la fin du volume un nombre de feuillets que nous ne pouvons déterminer. En tête du feuillet chiffré 4, maintenant le premier après le feuillet de garde, on lit ces mots écrits au XVIIe siècle : « Livre patois où sont cités plusieurs personnages de Provence et distingués », ce qui montre que la mutilation du ms., au moins en ce qui concerne le début, n’est pas récente. Les feuillets de garde et trois feuillets ajoutés à la fin contiennent des essais d’index et la copie de quelques vers du chansonnier. Ce chansonnier est écrit à longues lignes, et d’une seule main, sauf quelques pièces dont il sera parlé dans un instant. L’écriture est assez cursive et peut être rapportée à la première moitié du XIVe siècle. Il n’y a ni peintures, ni lettres ornées, ni rubriques. Il se divise en deux parties. La première comprend les feuillets numérotés 4 à 22. Les deux derniers de ces feuillets et le bas du fol. 20 vº, étant restés blancs, ont été remplis, 1º, vers le milieu du XIVe siècle, par deux tensons et trois couplets isolés écrits de deux mains différentes que je désigne par β et γ (13) ; 2°, au XVIe siècle, par les pièces fausses dont il a été dit quelques mots ci-dessus. La seconde partie comprend le reste du ms. Les pièces y sont numérotées selon une série continue qui va de j à cliiij (14).

La bibliothèque de Carpentras renferme parmi les additions à la collection Peiresc un recueil de notes sur des sujets variés d’histoire et d’archéologie, entre lesquelles se trouvent cinquante-cinq feuillets relatifs à l’histoire de Provence. L’écriture, qui est remarquablement nette, paraît devoir être rapportée au milieu ou à la seconde moitié du XVIe siècle. Elle m’a paru être identique à celle des ébauches de table qui ont été tracées sur des feuillets de garde, tant à la fin qu’au commencement du ms. Giraud. Selon feu Lambert, le regrettable bibliothécaire de Carpentras, cette écriture serait celle de Jehan de Nostre Dame, l’auteur des Vies des poètes provençaux (15). Si le fait était prouvé, il aurait une importance réelle pour la critique des sources auxquelles a puisé l’infidèle historien des troubadours. En effet, l’auteur des notes contenues dans le ms. de Carpentras a très-certainement possédé notre chansonnier. Il le cite à plusieurs reprises comme lui appartenant. C’est ce qu’il fait notamment lorsqu’il traduit les deux pièces de Daspols (voy. ci-après, § IV). Ailleurs, à propos du troubadour Hugues de Pena, il mentionne comme se trouvant dans son chansonnier « un dialogue de luy et de sa dame qu’il appelle ma doulce guerrière », allusion manifeste à la pièce de Johan de Pennes que contient le ms. Giraud, fol. 26 v°, et qui ne se trouve, non plus que les pièces de Daspols, nulle part ailleurs. Mais si Jehan de Nostre Dame a possédé notre ms., il a donc été à même de puiser à une bonne source. Il en aurait pu tirer, sur bon nombre des troubadours qu’il a étudiés, des renseignements, sinon suffisants, du moins valables et, le plus souvent, en contradiction complète avec ce qu’il nous rapporte des mêmes personnages. Il les a négligés de propos délibéré, grave présomption contre sa bonne foi. On est, par là, amené à croire que ses récits, lorsqu’ils diffèrent des notions fournies par les sources authentiques, ce qui est le cas ordinaire, ont été imaginés à plaisir, en dépit de ces mêmes sources qu’il connaissait au moins en partie ; qu’en un mot les chansonniers ne lui ont guère fourni que des noms et un petit nombre de traits auxquels il a ajouté toutes les inventions qui lui ont paru propres à glorifier son pays (16). Je le répète, il faudrait prouver que les fragments de Carpentras sont bien de J. de Nostre Dame, et aucune preuve ne serait plus facile à fournir, s’il subsistait quelques échantillons certains de l’écriture de ce personnage, ce que j’ignore. Toutefois, je ne puis me dispenser d’indiquer certains faits qui tendent à confirmer la conjecture (si ce n’est qu’une conjecture) de M. Lambert. L’auteur des notes en question mentionne à plusieurs reprises un chansonnier appartenant « au seigr comte de Sault (17) ». Or, Jehan de Nostre Dame assure dans sa préface (p. 12-3) « avoir veu et leu deux grands tomes divers escripts en lettre de forme sur parchemin illuminez d’or et d’azur, qui sont dans les Archifs du seigneur Comte de Sault, auxquels sont descrites en lettre rouge les vies des Poëtes Provensaux (qu’ils nommoyent Troubadours) et leurs Poësies en lettre noire, en leur idiomat, en nombre de plus de quatre-vingt... (18) ». Notons en outre ce petit fait que dans les deux textes le troubadour appelé ordinairement dans les mss. Arnaut de Marail ou de Maruelh, est devenu Arnaud de Meyruelh. Mais, dira-t-on, comment expliquer la contradiction qui existe entre le livret imprimé de Nostre Dame et les notes manuscrites de Carpentras ? Car ces dernières contiennent des renseignements généralement empruntés à de bonnes sources et le livret est tout fables. Il ne faudrait pas dire que notre ms. a pu ne venir entre les mains du procureur d’Aix qu’après la publication du livre (1575), car à défaut de ce recueil, il avait du moins les deux volumes du comte de Sault qui certes lui auraient fourni tout autre chose que les faussetés dont il a encombré l’histoire des troubadours. Il faut de toute nécessité admettre que Nostre Dame a eu sous les yeux de fort bons documents : les mss. du comte de Sault et tous ceux qu’il indique vaguement dans sa préface (p. 18), au nombre desquels il faut, selon toute apparence, comprendre notre chansonnier ; qu’il a d’abord, avec assez de bonne foi (19), recueilli des notes pour son usage personnel (notes de Carpentras) ; qu’ensuite, pour rédiger son ouvrage imprimé, il a mis de côté tout ce qu’il possédait d’indications exactes afin de donner libre cours à sa fantaisie. Dans cette hypothèse, les pièces apocryphes dont abonde son livre pourraient, avec une grande vraisemblance, lui être attribuées, de même que les trois sonnets de notre chansonnier, qui seraient alors de son écriture (20).

 

Depuis le XVIe siècle je ne trouve plus trace de notre ms. jusqu’au moment de la Révolution. À cette époque il appartenait à la famille de Simiane. Lorsqu’elle partit pour l’émigration, ce précieux volume fut, avec les archives de la famille, enfoui dans la cour du château au pied d’un olivier. La terre de Provence a été légère au vieux chansonnier. C’est à peine si les bords un peu usés des feuillets (et qui l’étaient peut-être auparavant) attestent un séjour de plusieurs années au-dessous du sol. En 1836, Mme la marquise de Simiane l’offrit à M. Giraud, qui le communiqua à Raynouard. L’illustre philologue, qui depuis longtemps avait publié son premier Choix des poésies des troubadours, et venait probablement d’achever l’impression du second (21), se trouvait alors engagé dans d’autres poursuites, notamment dans la composition d’un grand travail qui devait servir d’introduction à son Nouveau Choix. Il ne put tirer du nouveau chansonnier qu’on lui présentait tout le parti qu’il n’eût pas manqué d’en tirer quelques années plus tôt, et se contenta d’en publier dans l’Annuaire de la Société de l’Histoire de France pour l’année 1837, deux couplets qu’il attribua à Richard-Cœur-de-Lion. C’était une erreur. La pièce anonyme d’où ces deux couplets sont extraits est à la vérité placée à la suite de la célèbre chanson de Richard : Ja nus hom pris ne dira sa raison, mais, depuis 1829, Diez avait prouvé que cette chanson est française et non provençale (L. u. W. p. 101) ; l’autre pièce du même prince (Daufin ieus voil deresnier) est également française, et Raynouard aurait pu hésiter à attribuer une chanson incontestablement provençale au roi anglais. Le fait est qu’elle est de Cercamon (22).

En 1859, M. Giraud fit don de son manuscrit à la bibliothèque où il fut inscrit sous le n° 5351 du supplément français, et lorsque le Supplément fut réuni à l’Ancien fonds, il reçut le n° 12472 qu’il porte actuellement. ()   

 

§ IV.

Dialecte du chansonnier Giraud.

 

Le dialecte du scribe qui a exécuté ce ms. était celui de la Provence. Là dessus point de doute. Aller plus loin, chercher à déterminer où ce dialecte se parlait, serait beaucoup s’aventurer. Les éléments d’une pareille recherche sont peut-être plus rares pour la Provence que pour aucun des autres pays de langue d’oc. Là, en effet, les documents diplomatiques, qui ailleurs fournissent la principale base de l’étude des dialectes, font a peu près complétementdéfaut. Jusqu’à son dernier jour la chancellerie des comtes de Provence a expédié ses actes en latin. Les municipalités ont en général suivi son exemple. Les coutumes étaient rédigées en latin, et les textes provençaux que nous en avons ne sont que des traductions (23). Telle était la force de l’habitude que même les délibérations des conseils de ville étaient rédigées en latin. À Tarascon, par exemple, c’est seulement à la date du 19 mars 1519 que le conseil, considérant que la plupart des conseillers étaient illettrés et n’entendaient pas le latin, délibéra que ses décisions seraient désormais rédigées en langue vulgaire, c’est-à-dire en provençal (24) ; et l’emploi de la langue du pays ne devait pas durer longtemps, car dès 1540 le français venait remplacer définitivement le provençal dans la rédaction des mêmes actes. Les seuls documents diplomatiques ou administratifs dans lesquels on puisse étudier l’idiome de la Provence sont : 1° les actes d’hommage, qui, pour des motifs que j’ai ailleurs essayé de déterminer (25), ont été dans tous les pays de langue d’oc rédigés en tout ou en partie en langue vulgaire. Ils sont très-peu nombreux ; 2° les règlements de métiers et ordonnances de police ; 3° les livres de cadastre ou compoids, les registres d’impôt, les comptes et pièces à l’appui et autres documents du même genre qui remontent rarement au-delà du XIVe siècle.

À ces textes, qui sont encore pour la plupart inaccessibles aux linguistes, viennent se joindre quelques mss. de provenance assez certaine pour fournir une base à l’étude des variétés locales du provençal de Provence. Je citerai notamment la vie de sainte Douceline, écrite peu après la mort de la sainte, c’est-à-dire dans le dernier quart du XIIIe siècle (26), et le ms. Bibl. imp. 1049, qui renferme entre autres textes la vie de Barlaam et Josaphat, et qui a été écrit à Aix un peu avant le milieu du XIVe siècle (27).

Tout ce que je puis dire de la langue de notre chansonnier en général, c’est qu’elle ne présente pas certains caractères qui au XIVe siècle s’observent dans les documents provençaux des bords du Rhône, soit d’Arles ou de Tarascon. Tout au contraire, il a plusieurs points communs avec le ms. d’Aix ci-dessus indiqué, mais non point assez pour qu’on puisse conclure que le copiste était le concitoyen du scribe à qui est dû le ms. 1049. Ce qui complique encore la difficulté de cette recherche, c’est que le chansonnier Giraud n’offre pas partout les mêmes caractères, ayant plus ou moins conservé les formes usitées dans le recueil ou les recueils où il a puisé. Les faits ci-après exposés ont été à peu près tous relevés dans les pièces qui seront publiées dans ce mémoire. Étant presque toutes d’auteurs provençaux et d’une époque relativement récente, ces poésies peuvent avoir été recueillies de la tradition orale ; aussi le caractère du dialecte provençal y est-il plus fortement marqué que dans le reste du ms. (28).

prend la place d’o dans lur, I, 42, 48 ; VII. 42, etc., et dans murir, I, 8. Dans le premier cas il répond à o tonique latin, dans le second à o avant la tonique. Dans l’un et dans l’autre cas le prov. mod. admet invariablement ou (29).

Au commencement des mots o tonique, venant de u latin, et uei tonique, développent au devant d’eux un v dans von (unde), IV, I, 49, VIII, II, 30, 67 ; vueilhs (oculus), IX, 6, 14, etc. Il ne faut pas songer à prononcer uon : il est sans exemple que u latin soit devenu uo, et d’ailleurs il faut bien que dans vueilhs la première lettre soit une consonne. La prosthèse de v devant o initial s’observe en prov. mod. dans vounte (unde), l’ancien on ou von, dans vounch (unctum, oint) et mots dérivés, dans vounge (undecim). Remarquons que dans tous ces exemples la voyelle est en position (30). — La forme ordinaire on se rencontre aussi dans notre ms., par ex. I, 38 ; IV, II, 2, etc. — Jusqu’à présent von (ou vont) n’a été rencontré que dans la traduction en vers de l’Évangile de l’Enfance (voy. Bartsch, Denkmœler d. prov. Literatur, note sur 279, 33). La copie qu’on possède de cette version a été exécutée par un homme du nord, un certain Simon Bretel, de Tournai (Denkm., 305, 34), mais probablement d’après un texte écrit en Provence.

étymologique et tonique, se dissout en uo devant c : luoc, I, 1 ; IV, I, 70 ; II, 26, 51 ; luocx, VII, 4 ; — en ue devant deux consonnes formant position ou devant l : puecs, puesc, IV, I, 12, 19 ; nueh (nox), VIII, I, 20 ; erguell, IV, II, 12 ; VI, 31 ; vuell, VI, 59.

eu prend la place de v latin dans vieure, VII, 52, et mots analogues, fait ordinaire ailleurs encore qu’en Provence, au XIVe siècle. Voy. Bartsch, Denkmœler, note sur 105, 3.

se rencontre parfois, non pas seulement à la place d’i semi-voyelle (eysemple, malvays), ce qui n’a rien que d’ordinaire, mais aussi à la place de la consonne j dans yoyos, IV, I, 5, où le premier y représente g latin et ne peut être autre chose qu’une notation bizarre de ; dans yos (jusum), IV, I, 17, à côté duquel on rencontre aussi jos, IV, II, 30 ; dans corayos, IV, I, 38, qui devrait être corajos puisque le ms. porte toujours corage, linhage, viage, IV, II, 34, 36, 40 ; dans yai (jacet), X, 48. — Ce qui me semble prouver que y peut exprimer le son du j (prononcé dj ou dz), c’est qu’on trouve envega, VII, 13 (ou le g remplace un j) et enveya I, 8. D’ailleurs nous allons voir que pour noter le son de g dur le copiste emploie non pas g simple, mais gu, même devant a et o.

Il faut considérer comme tout à fait exceptionnel dans notre ms. l’emploi de g au lieu de ch dans gantaire : Si vuelh ieu esser gantaire, f. 7, v° ; g est dans ce cas pour j, et on a d’autres exemples de j pour ch (31).

gu devant a et o est d’un emploi presque constant : guastan, X, II d, 10 ; guardar, V, 31 ; guardas, IV, I, 43 ; guarda, IV, II, 40 ; guaire, IV, I, 25 ; preguara, I, 33 ; reneguar, IV, I, 41 ; — lenguas, IV, I, 63 ; — Araguon, III, 18 ; — seguon, VI, 10 ; guolias, X, II d, 14 ; guovern, IV, I, 14 (32) etc.

Le t final est le plus souvent conservé dans les substantifs, les participes présents et les adverbes en ment ; voir les rimes cc de V. Souvent il est ajouté à tort, pour la rime, ainsi legent attire la rime sent (sensus) V, 20-1. — Même fait dans le ms. 1049 et dans la Vie de Douceline, avec la différence que dans ce dernier ouvrage les adverbes reçoivent l’s adverbial (mens au lieu de ment).

initial tombe dans d’ostre pour de vostre, VII, 16, 34 ; XII, II, 3 ; XIII, 22 ; dans c’os pour que vos; XII, II, 8. Comme la mesure du vers serait rompue si on rétablissait la forme complète, il faut attribuer cette aphérèse non au copiste, mais aux auteurs. Jacme Mote, dont la pièce a dû être composée vers 1291, Ponson et Moter sont les seuls chez qui elle se rencontre.

final, ne formant pas position (33), persiste la plupart du temps ; ainsi le copiste de notre chansonnier écrit en (in) et non e, — ben, bens, ren, et non be, bes, re,— camins, IV, I, 42, et non camis, etc. Cette nasale, qu’on ne trouve guère écrite que dans la partie orientale des pays de langue d’oc, c’est-à-dire en Provence, où elle se conserve encore dans le même cas, était faiblement prononcée ou même pouvait ne pas se prononcer du tout, car elle ne compte pas à la rime ; companhons rime avec nos, IV, I, 27-8 ; les rimes cc de la tenson de Peire et de Guilhem (§ VI) sont en e, quoique le copiste ait écrit ren-fren 23-4, manten-se 32-3, cre-ten 41-2, aperten-coven 50-1, ajoutant la nasale aussi souvent qu’il le pouvait. À la vérité, ces exemples sont empruntés à des auteurs dont l’origine provençale n’est que probable, mais nous savons d’ailleurs que le même fait peut être observé dans des poésies certainement composées en Provence (34).

est ordinairement redoublé dans annar, II, 12 ; III, 27 ; IV, II, 45. — De même dans le ms. 1049, voy. Prov. Leseb. 167, 5 ; 169, 22, 31 ; 171, 2, etc.

et l mouillés sont ordinairement notés par inh, ilh : Aynes (Agnès) VIII, I, 18 ; guazainhet, X, I, 21 ; guazainh, même pièce, 70 ; enseinhament, même pièce, 17, 60 ; reinhon, IV, II, 6 ; seinher, même pièce, passim; seinhor, I, 27 ; X, 49, etc. — trebailhat, IV, II, 39 ; ergueilhs, X, II d, 5, hueilhs, même pièce, 6. — Cependant ill et ll étaient employés aux mêmes fins que ilh : trebaill, VI, 26, erguell, VI, 11, 15, 31.

r précédé de s tombe parfois à la fin des mots : drechuries, IV, I, 61 ; senhos, IV, II, 1. C’est la marque d’une prononciation assez ancienne, car déjà dans Bertran de Born on trouve flors rimant avec jos (S’ieu fos aissi senher e poderos, dern. coupl.). Voy, Bartsch, Prov. Leseb. note sur 41, 9-10, et Denkm., notes sur 55, 12 ; 293, 36 ; 298, 20.

prend ordinairement la place de tz à la fin des mots, ce qui n’est pas particulier à la Provence, mais est assez général dans les pays de langue d’oc dès la fin du XIIIe siècle : annas, II, 12 ; blasmas, III, 11 ; solas, III, 20 ; aves, II, 7 ; vers (virides), X, II d, 8. Cependant etz se montre assez souvent : prenetz, III, 28 ; creiretz, IV, I, 58 ; volretz, IV, I, 62. Il est à remarquer que les participes conservent toujours le tz : forratz, IV, I, 21 ; restauratz, VII, 9 ; mortz, IV, I, 12 ;  VII, 12 ; aunitz, VII, 18 ; tengutz, VII, 18.

venant de d latin tombe facilement lorsqu’il est entre deux voyelles : chaer, VII, 48. Il persiste constamment lorsqu’il vient de c, comme dans plazer.

s’introduit entre deux voyelles, sans motif étymologique, dans glizeiza (= glieiza, église), IV, I, 23 ; prozeza, IV, II, 69. On trouve beaucoup d’exemples analogues dans les textes en provençal de Provence du XIVsiècle, par ex., dans le ms. 1049, azondos (Chrest. prov., 345, 21), où il serait absurde de dire que le b latin s’est changé en ; voy. Bartsch, Denkm. notes sur 51, 4, et 196, 19.

se rencontre au devant de mots où il n’est nullement étymologique : hel (=elo), X, I, 36, 69 ; hen (in), X, III, 35 ; hi (ibi) I, 7 ; hill (illi), X, II d, 16 ; hueilhs, IX, 26, 29, 32, 36, 37, 38, 41,47 ; ho (aut), V, 6, IX, 6 ; hufre, X, II d, 10 ; hufri, X, II, 36 ; hon (unde), IX, 24 ; hotra (ultra), X, III, 23. — Dans d’autres mots, la présence de l’h pourrait sembler justifiée par l’étymologie, si on ne savait que dans toutes les langues romanes le h initial latin a disparu dès les premiers monuments, et ne se montre que dans les mots de formation savante. Aussi, dans les mots qui suivent, et qui, dans des textes plus anciens, commenceraient par la voyelle, représente-t-il, non l’aspiration traditionnelle venant des Latins, mais une aspiration récemment produite : ha (habet), X, I, 50 ; han (habent), X, II d, 17 ; hac (habuit) X, I, 14, 34, 37 ; haya (habeat), X, II d, 18 ; ho (hoc), VIII, I, 30 ; X, II d, 11, 12 ; honor, X, I, 6 ; deshonors, X, II d, 9 ; hostal, X, I, 5. — Le même fait s’observe dans d’autres mss. du même temps, par ex. dans celui de Guillaume de la Barre ; voy. mon mémoire sur ce poème, p. 35.

Dans ce ms, li est parfois employé comme cas sujet de l’art. fém. sing. : li mort, IV, I, 3. Ce qui n’est ici qu’accidentel est constant dans certains mss. provençaux, par ex. dans celui de la Vie de Douceline. J’en ai aussi noté quelques exemples dans Flamenca (p. XXXII-III). ()

 

§ V.

De la méthode suivie dans le présent mémoire.

 

Il me reste à dire quelques mots de la méthode que j’ai suivie dans le présent mémoire. Les poésies du même auteur, quelle que soit leur place dans le ms., sont groupées ensemble, mais, n’ayant aucun moyen de déterminer la succession chronologique des pièces de chaque troubadour, je les ai rangées dans chaque groupe selon l’ordre que leur assigne le ms. La succession chronologique des auteurs est, je crois, sûrement établie pour les huit premiers chapitres. Au § IX je n’ai déjà plus que des présomptions assez vagues pour placer la tenson de Girart et de Peironet avant Rostanh Berenguier, troubadour dont l’époque est fixée avec certitude aux premières années du XIVe siècle. Pour les pièces publiées dans les chapitres qui suivent, tout indice chronologique m’a manqué ; j’ai donné en premier lieu celles dont l’auteur est nommé, réservant pour la fin les poésies écrites par β et γ, et les pièces fausses.

J’ai tenu à reproduire avec une entière exactitude  la leçon du ms., sauf dans les cas où il y a eu de la part du copiste une méprise évidente, par ex. IV, I, 31, 70, 75. Les restitutions qui ne me paraissent pas absolument certaines, je me suis borné à les proposer en note. J’ai fait aussi, au moyen de crochets (pour marquer les additions de lettres) et de parenthèses (pour indiquer les suppressions), un petit nombre de corrections grammaticales. En somme, je n’ai voulu corriger que les fautes imputables à l’inattention ou a l’ignorance du copiste, mais non point les formes qui dépendent du lieu où le ms. a été exécuté. J’ai donc partout laissé subsister les caractères du dialecte, lors même qu’ils troublent la rime. Il serait illogique de les supprimer à cette place et de les conserver dans le corps du vers. En outre, sans parler de la réserve qu’il convient de garder dans une édition princeps, ces marques dialectales ont aussi leur intérêt.

La transcription des abréviations donne lieu ici, comme avec bien d’autres mss., a certains doutes. La seconde syllabe des mots senher, linhage est surmontée d’un trait dont je n’ai pu tenir compte. Le même trait, dans , , etc., peut en certains cas se traduire aussi bien par n que par m. En effet, dans certains mss., devant un mot commençant par p ou b, l’n final passe à l’m, et d’autre part m devient facilement n en provençal de Provence ; c’est même la règle actuelle : avem est devenu aven en prov. mod. ; il y a quelques exemples de ces faits dans notre chansonnier (35), toutefois, comme ils sont loin d’être constants, je m’en suis, en cas d’abréviation, tenu à l’étymologie, écrivant par exemple non pour le latin non, et nom pour nome.

Je donne les noms des troubadours sous leur forme originale (cas régime), et les noms des lieux sous leur forme actuelle. ()

 

ADDITIONS ET CORRECTIONS.

 

J’ai parlé précédemment (Introduction, § III) d’un recueil de notes sur certains poètes provençaux conservé parmi les mss. de Peiresc, et attribué par feu Lambert, le bibliothécaire de Carpentras, à J. De Nostre-Dame. J’ai signalé une coïncidence qui confirme l’opinion du savant bibliothécaire : à savoir que l’auteur de ces notes s’était servi du chansonnier du comte de Sault, que J. de Nostre-Dame mentionne dans ses Vies (p. 12-3). Enfin j’ai établi que l’auteur des notes, ainsi identifié avec J. de Nostre-Dame, avait possédé le chansonnier qui est l’objet principal du présent mémoire. Depuis que tout cela a été écrit et imprimé, j’ai revu le recueil de Carpentras (36), j’en ai comparé l’écriture avec diverses notes du XVIe siècle qui se rencontrent çà et là sur les marges (par ex. ff. 8 vº, 9, 15, 20 vº, 28 vº, 29, etc.) ou sur les feuillets de garde du ms. Giraud, et cet examen m’a convaincu que l’écriture est la même de part et d’autre. Il est à remarquer que les pages attribuées à J. de Nostre-Dame dans le recueil de Carpentras présentent deux écritures fort différentes, quoique évidemment de la même main. L’une, employée pour le texte, est une jolie gothique très-fine, telle qu’on l’écrivait au XVIe siècle ; l’autre, qui sert pour les rubriques marginales (manchettes), est une italique très-soignée, assez semblable aux impressions Aldines. Ces deux écritures, surtout la seconde, se reconnaissent manifestement dans les endroits ci-dessus mentionnés du ms. Giraud. On y trouve aussi sur l’un des derniers feuillets de garde, entre autres essais de plume, ce début d’une requête, qui trahit le procureur au Parlement : « A Nossrs de Parlement supplie humblement Pierre de Castellane ».

Le ms. Giraud est donc bien incontestablement l’une des sources auxquelles a puisé J. de Nostre-Dame. Une autre de ses sources, et probablement la plus importante, a été, comme il le dit lui-même en un passage que j’ai rapporté au § III, le chansonnier en deux volumes du comte de Sault. J’ai établi à ce propos (note 18 (37)) que ce chansonnier ne pouvait être identifié avec aucun de ceux qui nous sont parvenus. Il est maintenant possible de dépasser ce résultat purement négatif. M. Bartsch a donné dans le Jahrbuch für romanische und englische Literatur (XI, 19) la description du ms. 2814 de la Bibliothèque Riccardi à Florence (celui que je désigne par S), déjà décrit, mais d’une manière insuffisante par le docteur Grüzmacher (Archiv, XXXIII, 427-33), et il a établi que ce ms. était la copie partielle, faite à la fin du XVIe siècle ou au commencement du XVIIe, d’un recueil dont l’étendue devait être fort considérable. Le compilateur de ce recueil était un clerc nommé Bernart Amoros, de Saint-Flour, qui se fait connaître dans une curieuse préface heureusement conservée par le ms. Riccardi, et reproduite successivement par M. Grüzmacher et par M. Bartsch. Le ms. Riccardi nous a aussi conservé la table des troubadours qui figuraient dans l’original. Cette table, imprimée pour la première fois par M. Bartsch, contient un certain nombre de noms qui ne se retrouvent dans aucun de nos chansonniers : Bermon Rascas, Reforzat de Tres, Luquetz Gatelus, Calega Panza, N’Amoros dau Luc, Porceval (l. Perceval) Doria, Peire de Castelnou, Engenim Durre (sic) de Valentines, Bertrant de Pessatz, Pel estort, Pomairol, Vaquier, Rubaut, Peire de Mont-Albert (38). Or il se trouve précisément que trois au moins de ces noms sont aussi mentionnés par Nostre-Dame : ceux de Bernard (39) Rascas (Vies, etc., p. 220), de Perceval Doria (p. 130) et de Peire de Castelnou (p. 142). Les récits que Nostre-Dame rattache aux noms de ces personnages ont tout l’air d’avoir été inventés à plaisir, mais nous savons que tel était  l’usage de notre procureur en la Cour de parlement de Provence, et il ne ressort pas moins de la présence de ces trois noms une forte présomption qu’il a eu à sa disposition le recueil de B. Amoros : en d’autres termes, que ce recueil (ou un tout semblable) était compris dans les « deux grands tomes » du comte de Sault dont Nostre-Dame parle dans son « proesme au lecteur ».

D’autres indices conduisent à la même conclusion. Le ms. Riccardi contient une courte notice sur Guillem Montanhagol ou de Montanhagout qui ne se trouve point ailleurs, et qui est ainsi conçue :

Guillem de Montanghaguout (sic) si fo uns cavallers de Proenza, fon bon trobador et grant amador ; e entendia se e ma dona Jauseranda del castel de Lunel, e fes per leis maintas bonas chanzos (40).

C’est à n’en pas douter de ce texte que Nostre-Dame a fait sortir ce qui suit :

.....fut amoureux de Iausserande du Lunel, fille (ainsi qu’aucungs ont escript) de Galserand ou Iausserant Prince de Frette et de Gaulcier (sic) qu’estoit une des plus excellentes dames en prestance et beauté de corps, et des illustres en vertus et bonnes conditions, qui ayt vescu de son temps. A la louange de laquelle il feist maintes bonnes chansons, qu’il adressa à Ildephons, premier du nom... (Les Vies, etc., p. 35) (41).

Une dernière preuve. J’ai parlé au § IX du présent mémoire d’un partimen de Simon Doria et de Lanfranc Cigala qui a été connu de J. de Nostre-Dame et qui pourtant (voy. Intr., § III, note) ne se retrouve actuellement que dans le ms. du Vatican 3208 dont il ne paraît pas que notre auteur ait jamais pu avoir connaissance. Mais cette pièce se trouvait aussi dans le recueil de Bernart Amoros, comme on le voit par la table qu’a publiée M. Bartsch (Jahrbuch, XI, 17, ligne 4).

On pourrait relever d’autres indices conduisant, à la même conclusion. En résumé, le chansonnier en deux volumes du comte de Sault, consulté par Nostre-Dame, paraît n’avoir point été différent du grand recueil compilé au XIIIsiècle par Bernart Amoros, et dont le ms. Riccardi 2814 est une copie partielle.

Par suite de deux erreurs que j’avais commises en dressant la table du ms. d’Urfé (I), et dont je ne me suis aperçu qu’à la correction des épreuves, tous les renvois faits à ce ms. dans la table de E (42) à partir du n° 611 sont inexacts. Pour les rectifier il faut ajouter 13 jusqu’au nº 642, et 14 à partir du nº 643. ()

 

Notes :

 

1. Die Poesie der troubadours, p. 63-4 (traduct. p. 65). ()

2. Voy. Bartsch, Prov. Leseb., p. XX, et Denkmœler der prov. Lit., p. IX-X. ()

3. Bibl. imp., fonds fr. 1277 (anc. 78072). Un extrait en a été publié par M. Bartsch, Chrest. provenç. col. 391-4. ()

4. Il n’y a guère entre les ouvrages provençaux de la décadence, que le Breviari d’amor et la Vie de saint Honorat dont on ait d’assez nombreuses copies. ()

5. Voy. Diez, Leben u. Werke d. Troubadours, p. 476. ()

6. Il est fort probable que parmi les troubadours dont on ne peut déterminer l’origine, quelques uns appartiennent à la Provence, mais, naturellement, je ne cite que ceux dont l’origine provençale est certaine. ()

7. Richartz est la forme donnée par le ms. du Vatican 5232, f. 166, et par 1592, f. 106, mais les autres mss. portent Ricautz ou Richautz (voy. 854, f. 122 et 154 ; 856, f. 387 ; 1749, p. 219 ; Este, pièce 220). Ce troubadour, dont il ne nous reste qu’une chanson (Parn. occit., p. 385), et encore lui est-elle disputée par Gui de Cavaillon (ms. 856, f. 387), et une tenson (Ged. 531-2), était, d’après sa Vie, un chevalier, c’est-à-dire une personne noble. On peut donc, avec toute probabilité, l’identifier avec un Ricauus de Tharascone qui figure en 1226 parmi les chevaliers de Tarascon traitant avec le comte Raimon Bérenger de la vente du consulat et de certains droits. La liste des chevaliers, au nombre de 74, qui figurent dans cet acte est donnée pour complète : « nos omnes milites Tharasconis, tam domini quam alii milites et filii militum, omnes et singuli infrascripti habitantes in castro Tharasconis, scilicet... » (Orig. aux archives de Tarascon, AA, 1). ()

8. Tomier et Palazin étaient, selon leur Vie, deux chevaliers de Tarascon qui faisaient des sirventes sur le comte de Provence, sur celui de Toulouse et sur celui de Baux, et sur les affaires qui se passaient en Provence. Deux chansons, conservées chacune par un seul ms. (854, f. 191, et Este, pièce 720), portent les noms réunis de ces deux personnages (cf. Ch. V, 274 et 447). Dans la liste citée à la note précédente figurent « R. Thomerius et frater ejus ». ()

9. Diez est, je crois, le premier qui ait résolument rejeté les récits de Nostre Dame (Leben u. Werke d. Troub., p. 607, cf. p. 604), quoique, en un endroit (p. 121, n. 1), il ait paru admettre l’authenticité d’une pièce ridiculement fausse que cite cet auteur. Les avertissements de Diez n’ont pas empêché plusieurs de ceux qui sont venus après lui d’accepter avec confiance quelques uns au moins des contes de Nostre Dame, et j’ai dû récemment, à l’occasion d’un livre déplorable publié sur les troubadours par un professeur de faculté, discuter quelques unes des assertions de l’historien provençal et en démontrer la fausseté (Rev. crit. 1867, art. 56). Diez pensait cependant que tout n’était pas à rejeter « mais, [dit-il], entre tant d’invraisemblances et d’évidentes erreurs, comment démêler  le vrai » ? Nous verrons tout à l’heure qu’il est maintenant possible d’arriver sur ce point à des résultats positifs et non plus seulement négatifs, mais qu’en dernière analyse ce qui peut être accepté de Nostre Dame se réduit à un petit nombre de noms propres qu’il faut, au préalable, dépouiller de tous les renseignements biographiques joints par l’auteur. ()

10. Ces pièces sont publiées à la fin du présent mémoire. ()

11. Voici le motif particulier qui me détermine à donner ici la table du ms. d’Urfé. Il est d’un format énorme et contient ordinairement huit à neuf pièces par feuillet. Il serait donc trop peu précis de citer par feuillet, et il vaut mieux assurément citer les pièces par une série continue de numéros allant de la première à la dernière. J’ai dressé, depuis longtemps, de ce ms. une table ainsi numérotée, et c’est aux chiffres de cette table que se réfèrent les renvois au ms. d’Urfé, tant dans la description du ms. Giraud que dans celle du chansonnier 269 de la collection Douce à Oxford, que j’ai récemment publiée (Arch. des Missions, 2e série, V, 251-66). J’annonçais dès lors (p. 251) que cette table, sans laquelle mes renvois seraient inintelligibles, ne tarderait pas à être publiée. C’est cette promesse que je veux maintenant remplir.

Pour épargner la place je désignerai dorénavant, et notamment dans les tables dressées à l’appendice, les chansonniers par des lettres. Présentement, il ne me paraît pas possible d’arriver à grouper ces recueils par familles (voir ce que je dis à cet égard Arch. des Missions, 2e série, V, 165-6). C’est pourquoi, au lieu d’adopter le classement de M. Bartsch (Peire Vidal’s Lieder, p. LXXXVI-XCI), qui ne me satisfait pas, ou d’en proposer un nouveau qui ne pourrait guère être plus satisfaisant, je range les chansonniers par bibliothèques, les disposant sous chaque bibliothèque selon l’ordre de leurs nos. Ainsi la question du classement se trouve réservée.

Je néglige le ms. de Bologne, qui est identique à F J, et celui de la Bibl. Riccardi, n° 2981, qui est la copie d’O. — A B C D sont décrits dans le t. I du Cat. des mss. fr. de la Bibl. imp. (je suis responsable des notices d’A et de B). E est le ms. Giraud dont la table sera donnée à l’appendice du présent mémoire. F est, sauf de très-légères différences, identique à A. G (anc. suppl. fr. 2033, plus anciennement Val. 3794) n’a pas été décrit, mais, sauf la pagination, la notice de Val. 3205, donnée par le Dr Grüzmacher peut lui être appliquée. H (anc. suppl. fr. 683), peu important, sinon pour Peire Cardinal, n’a pas encore de notice publiée. I (La Vallière 14, ou ms. d’Urfé), sera, comme il a été dit plus haut, décrit à l’appendice. Les chansonniers des bibliothèques italiennes ont tous été (sauf le ms. d’Este, maintenant en Autriche) décrits par le Dr Grüzmacher, dans l’Archiv für das Studium der neueren Sprachen d’Herrig, de 1862 à 1864, à savoir : J, XXXV, 84 ; K, XXXIV, 418 ; L, XXXIV, 385 ; M, XXXIV, 368 ; N, XXXIV, 141 (cf. des extraits publiés XXXIII, 312 et 434, et XXXIV, 161) ; O m’est connu par une notice de M. Guessard ; c’est l’original du ms. Riccardi 2981, décrit par Grüzmacher XXXIII, 425 ; P, XXXIII, 299 ; Q, XXXV, 363 (publication intégrale) ; R, XXXIII, 407 ; S, XXXIII, 427 ; T, XXXIII, 412 ; U a été décrit par M. Mussafia, Acad. de Vienne. Sitzungsberichte. t. LV (1867) ; V, XXXVI, 379 (publ. intégr. ; cf. une notice paléographique XXXV, 99) ; W, XXXII, 389 (cf. des extraits publiés XXXV, 100) ; X, XXXII, 423 ; Y (ms. de sir Thomas Phillipps) n’a pas encore été décrit ; un certain nombre de pièces dans les Ged. d. Troub. de Mahn ; Z, Arch. des Missions, 2e série, V, 251. ()

12. Elle s’accorde avec la seconde jusqu’au fol. 10, puis elle poursuit ainsi : 20, 20, 30, 40, 50, 60, 70, 80, 90, 70, 80, 90, 70, 72 — 93. Le 93e feuillet correspond au fol. 42 de la seconde pagination. ()

13. Ces deux écritures, quoique fort distinctes, paraissent contemporaines. Néanmoins, il n’est pas difficile de voir que γ est venu après β ; en effet, c’est γ qui a écrit le couplet français qui se trouve au milieu du fol. 22, et ce couplet n’a évidemment été mis à cette place que parce que la moitié supérieure de la page était déjà occupée par β. — Cette dernière main a ajouté en quelques endroits (ff. 5 rº, 13 vº, 15 rº) des titres à diverses pièces. ()

14. On verra dans la table donnée à l’appendice que cette numérotation n’est pas exempte d’erreurs. ()

15. « Ces fragments, compris en 55 feuillets sans ordre, paraissent être de la main de Jean Nostradamus et font partie des documents dont s’est servi César Nostradamus pour composer son histoire de Provence. Il est constant que plusieurs des passages qu’ils contiennent se trouvent isolés textuellement dans cette histoire dont le ms. original existe à Carpentras. » (Catal. des mss. de Carp., III, 152). J’ai vérifié l’exactitude du fait rapporté en dernier lieu par M. Lambert, toutefois il faut dire qu’il y a souvent des variantes considérables, non-seulement de rédaction, mais encore de faits entre le texte des feuillets en question et celui de l’Histoire et Chronique de Provence de César de Nostre Dame. ()

16. Cela pouvait déjà être soupçonné rien qu’à voir l’artifice avec lequel Nostre Dame sait profiter d’une lointaine analogie de noms, faisant de Jaufre Rudel de Blaye un Jaufre Rudel de Blieux (Basses-Alpes) (Vies, etc. p. 23). C’est de même, comme nous le verrons tout à l’heure (p. 17, note), que le moine de Montaudon est devenu chez lui le moine de Montmajour, et d’auvergnat, provençal. ()

17. F. 65 : « ...Mais je trouve au chansoner (sic) du seigr comte de Sault qu’il (Hugues de Pena) a faict quatre fort belles chansons doctes et de bon sens, en l’une desquelles il appert qu’il estoit amoureux de Beatrix, comtesse de Prouvence, femme dud. Charles roy de Sicille, et la nomme Beatrix comtesse de Prouvence, en la louant qu’elle est la première dame vertueuse de ce monde ; et toutes ces chansons il les adresse, partie à Monsr Barral seigneur de Marseillas, et des Baulx, et partie à messire Ysnard d’Entravenes comte de Sault. Et en mon chansonier... » (le reste de la phrase concerne Johan de Pennas et est cité au § XI). — Ailleurs (fol. 89), l’auteur des mêmes notes, parlant de la comtesse de Burlas au sujet de laquelle il commet de bien graves erreurs (voir ci-après, p. 16 note), dit qu’« Arnaud de Meyrueilh, fameux poète provençal, en a fait de fort belles et bonnes chansons, ainsi qu’elles se treuvent tant au chansoner du seigr comte de Sault que au myen au nombre de quatorze ».Puis il traduit la Vie de ce troubadour. —Le comte de Sault dont il s’agit ici est François d’Agout, en faveur de qui la seigneurie de Sault fut érigée en comtépar lettres patentes du 22 avril 1561, voy. d’Expilly au mot Sault, p. 661 a b et 676 b. ()

18. Il serait intéressant de savoir si les deux volumes du comte de Sault peuvent être identifiés avec quelqu’un des chansonniers actuellement connus, ou s’ils sont perdus ; mais les indications fournies tant par le livre de Nostre Dame que par les notes du ms. de Carpentras ne donnent pas les éléments nécessaires à la solution de ce petit problème. Dans les notes de Carpentras, citées ci-dessus, il est question d’un seul chansonnier ; dans la préface de Nostre Dame il est parlé de « deux grands tomes divers ». I1 est, à mon avis, vraisemblable qu’il s’agit de deux chansonniers, et non d’un seul qui aurait formé deux volumes. Tous les chansonniers connus, aussi bien en français qu’en provençal, sont compris en un seul volume. Cette explication admise, notre recherche doit se limiter aux seuls recueils qui contiennent les Vies écrites en vermillon, c’est-à-dire aux mss. 854, 12473 (ces deux volumes étant, comme on sait, deux exemplaires du même chansonnier), 1592 et 12474 de la Bibl. imp., et 5232 du Vatican. Éliminons d’abord 1592 et 12474 qui ne peuvent prétendre à être qualifiés de « grands tomes » et sont très-loin de contenir les œuvres de plus de quatre-vingts poètes. Éliminons encore 12473 et Vat. 5232 qui, au temps de Nostre Dame se trouvaient l’un et l’autre en Italie où l’un d’eux est encore, et il ne restera plus que le ms. 854 qui contient en effet plus de quatre-vingts troubadours. Mais pour certains détails, il ne répond pas aux indications fournies par les notes du ms. de Carpentras. Ainsi, le chansonnier du comte de Sault aurait contenu quatre pièces d’Ugo de Pena, et le ms. 854 n’en renferme qu’une : Cora quem desplagues amors, fol. 140 (publiée d’après Vat. 5232, A. XXXIV, 179), et c’est même la seule pièce qu’on possède de ce troubadour. En outre, on verra au § 9 de la seconde partie du présent mémoire que Nostre Dame connaissait un partimen de Simon Doria et de Lanfranc Cigala qui présentement ne se trouve que dans le ms. 3208 du Vatican, chansonnier qui d’ailleurs ne répond pas aux indications de Nostre Dame puisqu’il ne contient pas les Vies. De cela il résulterait que l’un au moins des deux chansonniers du comte de Sault (admis qu’il y en avait deux) est perdu. Ce qui complique la difficulté c’est que, nous en aurons la preuve tout à l’heure, les assertions contenues dans les notes de Carpentras ne méritent pas une confiance absolue. Il se pourrait, à la rigueur, que des quatre chansons d’Ugo de Pena alléguées plus haut trois n’aient jamais existé. Le plus sûr, quant au chansonnier ou aux chansonniers du comte de Sault, est jusqu’à présent de ne rien affirmer. ()

19. Il est certain que l’auteur, quel qu’il soit, de ces notes, n’a pas apporté à son travail une entière bonne foi, ce qui nous ramène encore à Jehan de Nostre Dame. Dans les quelques lignes consacrées à A. de Mareuil, il est dit (f. 89) que la protectrice de ce troubadour, la comtesse de Burlas, épousa en secondes noces « Jan de Burlas », ainsi appelé du nom de sa femme, personnage qui « feust en credit envers Charles roy de Sicille ». C’est là une assertion qui ne repose absolument sur rien, qui est même entièrement absurde, et n’a été inventée que pour rattacher A. de Mareuil à la maison d’Anjou. La comtesse de Burlas, fille de Raimon V, comte de Toulouse, ne paraît pas avoir survécu plus de six ou sept ans à son mari, Roger II, vicomte de Béziers (†1194) ; elle était certainement morte en avril 1201 (voy. D. Vaissète, III, 92). Non seulement elle ne se remaria point, mais l’eût-elle fait, il serait bien invraisemblable que son second mari eût connu Charles d’Anjou, surtout comme roi de Sicile. Cette fantaisie n’a point pris place dans la vie, d’ailleurs entièrement fabuleuse, que J. de Nostre Dame a écrite d’A. De Mareuil (Les Vies, etc., p. 65), mais le poète y est entièrement rattaché à la Provence puisqu’au lieu de le faire naître à Mareuil, en Périgord, conformément au témoignage de la vie authentique, l’auteur suppose qu’il prit son nom du lieu de Meyrueilh, près d’Aix (maintenant Meyreuil). C’est une invention substituée à une autre. ()

20. Comme l’écriture en est à dessein vieillie, on ne peut utilement la comparer à celle des fragments de Carpentras. — Il y aurait une autre manière d’expliquer la contradiction entre les notes du ms. de Carpentras et le livre de Nostre Dame. Ce serait de supposer que, par une erreur de critique à la rigueur admissible, il aurait, pour la composition de son ouvrage, donné la préférence aux renseignements fournis par le moine de Montmajour, le moine des Iles d’Or et Hugues de Saint-Cezari, ses autorités favorites. Mais je pense que les deux derniers de ces personnages sont de pure invention, et ce qui me conduit à cette opinion, c’est que pour le premier, le moine de Montmajour, la fraude est palpable. M. Diez a déjà remarqué (Leben u. Werke d. Tr., p. 607) que ce personnage doit être identifié avec le moine de Montaudon dont la satire (Pus Peire d’Alvernh’a chantat) aurait été postérieurement allongée, mais il est de toute évidence que c’est Nostre Dame lui-même qui a 1° attribué ce troubadour à la Provence en changeant Montaudon (Auvergne) avec Montmajour (tout près d’Arles), 2° fait produire au sirventes beaucoup plus qu’il ne contient, une fois à l’aide d’un emprunt au sirventes analogue de Peire d’Auvergne (cf. Chantarai d’aquetz trobadors, coupl. 3 dans Ch. IV, 298, avec Les Vies, etc., p. 146, dernières lignes), mais le plus souvent à l’aide d’inventions plus ou moins absurdes. En déclarant dans sa préface (p. 18-9) qu’une grande partie de ses mss., et notamment les œuvresdu moine de Montmajour, du moine des Isles d’Or et d’Hugues de Saint-Cezari lui ont été dérobées lors des troubles de 1562, maître Jehan prenait ses précautions contre ceux qui auraient pu lui demander la production de ses pièces. ()

21. L’Avertissement placé par M. J. Paquet en tête du Nouveau choix qui forme le tome I du Lexique roman, est daté du 15 février 1838, et ce volume était imprimé, sauf l’introduction qui demeura inachevée, lorsque Raynouard mourut à Passy le 27 oct. 1836. ()

22. L’erreur de Raynouard a été reproduite par M. Th. Wright, Biographia britannica litteraria, anglo-norman period, p. 327. ()

23. Tel est le cas notamment de la coutume de Manosque qui a été publiée en latin et en provençal dans le Bulletin du Comité, IV (1857), 224-32. ()

24. Archives de Tarascon, registre coté BB 13. ()

25. Revue des Sociétés savantes, IVe série, t. X, p. 479 ; rapport sur une communication de M. Blancard. ()

26. Ms. unique à la Bibl. imp., fonds fr. 13503. Je publierai prochainement cet ouvrage qui est très important, non pas seulement pour l’histoire de la langue, mais encore pour celle du mouvement franciscain dans le midi de la France. — On en trouvera un extrait dans la Chrest. prov. de Bartsch, col. 299. ()

27. Pour les détails, voir Barlaam u. Josaphat, franzœsisches Gedicht von Gui de Cambrai, hgg. von H. Zotenberg u. Paul Meyer (Stuttgart, 1864), p. 352. ()

28. Dans les renvois qui accompagnent les formes ci-après rapportées, le premier chiffre (grandes capitales) désigne le §, le second (petites capitales), le nº de la pièce lorsqu’il y en a plus d’une dans un chapitre, le troisième (chiffre arabe), le n° du vers. ()

29. Voy. mon mémoire sur l’o en provençal, §§ 1 et 4 (Mém. de la Socitté de linguistiquede Paris, t. I). ()

30. Cette prononciation n’est pas générale : dans la Haute-Provence on dit plutôt ounte, et le plus souvent mounte, mais elle existe à tout le moins dans le Var. ()

31. Dans une prière en vers à la Vierge, qui a été écrite vers le commencement du XIIIe siècle sur la garde d’un ms. de Carpentras, il y a Can jantarai (=cantarai) ta orazon. Même en français, j a été accidentellement employé pour ch. Il y a jholt (=calidum) dans le fragment de Valenciennes, voy. Littré, Hist. de la langue fr., II, 32. ()

32. Même forme. Bartsch, Denkm., 118, 28. ()

33. C’est l’n séparable de Diez. Gram. I. 392 ; cf. Flamenca, p. XXIX-XXX. ()

34. Ainsi fe (fides) rime avec sosten dans la complainte sur la mort du comte Robert : Denkm., 57, 7-8. ()

35. Ainsi, m pour n : em paradis, IV, i, 71 ; — n pour m : con, IV, i, 3 ; an (pour am, avec) IV, i, 17 ; viven (pour vivem) IV, i, 14 ; vieuran (pour vieurem, nous vivrons) IV, I, 52. Tous ces mots sont écrits en toutes lettres. ()

36. J’ai profité de cette circonstance pour collationner les extraits que j’ai imprimés de ces notes, et j’ai trouvé dans l’un d’eux quelques inexactitudes. P. 14, n. 2 ; au lieu de « F. 65 », lisez : « F. 69 de l’anc. pagination, ou fol. 89 de la nouvelle ». —Trouve, l. treuve. — Av. dern. l. de la note, Marseillac, l. Masseilhe (Marseille). ()

37. Dans cette note j’ai dit que le ms. 854 ne renfermait qu’une pièce d’Ugo de Pena, ce qui est vrai, mais j’ai eu tort d’ajouter que c’était la seule qu’on possédât de ce troubadour. Il y en a deux autres dans le ms. d’Urfé (I 213-4). ()

38. Je ne joins pas à cette liste, comme l’a fait M. Bartsch, le nom de Gaudi, auteur d’une tenson avec Albert, parce que ce Gaudi n’est probablement pas différent du G. Godi dont une pièce est conservée par les mss. 856 et d’Urfé (1792). ()

39. Bernard dans Nostre-Dame, et non Bermon comme dans le ms. Riccardi, mais il y a certainement ici une de ces fautes d’impression qui sont si fréquentes dans le livre de Nostre-Dame, et qui parfois vont jusqu’à troubler le sens. Dans le ms. souvent cité de Carpentras, il y a (fol. 80 de l’anc. pagin., fol. 104 de la nouvelle), une note assez longue de Nostre-Dame sur Laurette de Sade, note dont la substance a passé en partie dans l’Histoire et Chronique de Provence de César de Nostre-Dame (p. 364). Selon lui cette femme célèbre aurait été la nièce de Phanette, dame de Romanin, « qui depuis, par la corruption du mot, la nommoyent la Phade ou la fée de Romanyn ». Nostre-Dame donne ensuite la liste des dames et des poètes qui se réunissaient alors pour disputer sur des matières de poésie. Parmi ces poètes figure Bermond Rascas.

Ce passage n’est d’ailleurs pas sans intérêt. On y voit à l’état d’embryon l’idée des cours d’amours, bien que le mot ne soit pas prononcé. Nostre-Dame dit simplement que Laurette de Sade et sa tante « en la présence des plus souverains poètes se trouvoyent souvent en grandes disputes de la poésie, et avec elles l’accompagnoyent :

Huguette de Forcalquier, dame de Trectz,

Briande d’Agoult, comtesse de la Lune,

Beatrix d’Agoult, dame de Sault,

Douce de Moustiers, dame de Clumant (?),

Ysoard de Roquefueille, dame d’Ansoys,

Anne, vicomtesse de Thalard,

Beatrix de Cadenet, dame de Lambesc,

Rixende de Puyverd, qui fut femme d’Arnaud de Villeneuve,

Phanette ou Estephanette, dame de Romanyn, qui depuys a esté nommée la Phade de Romanyn,

Et plusieurs autres qui se tenoyent la pluspart du temps en Avignon lorsque la cour romeyne y residoit.

Et les poètes provensaulx estoyent ceulx-cy :

Bertrand de Lamanon, IIe du nom, filz du premier Bertrand,

Albertet de Sisteron,

Bermond Rascas,

Bertrand de Pena, seigneur de Romoles et de Mostiers en partie,

Arnaud de Villeneufve, chevalier, sage es drois, qui fut podestat d’Avignon, seigneur de Autz (?),

Bertrand de Masseilhe, sieur d’Evenes,

Jaume Motte d’Arles. »

Je me borne au sujet de ce passage (où les anachronismes abondent) à noter que la liste des dames de Romanin est fort différente de celle que le même Nostre-Dame donne à la p. 131 de ses Vies. ()

40. Cette vie a été donnée par Raynouard (Ch. V, 202), non en original, mais d’après une traduction italienne assez moderne. ()

41. Au lieu de Guillem de Montanhagout que portait son ms., Nostre-Dame dit Guilhem de Agoult, rattachant ainsi ce troubadour, qui était toulousain, à une célèbre famille provençale. ()

42. Et dans celle de Z que j’ai imprimée dans les Archives des Missions en 1868. ()

 

 

 

 

 

 

 

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