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Dejeanne, Jean Marie Lucien. Poésies complètes du troubadour Marcabru . Toulouse: Édouard Privat, 1909.

INDEX:

Avant-propos.

Biographies.

 

 

AVANT-PROPOS

 

Le docteur Dejeanne n'aura pas eu la joie de voir paraître ce volume, auquel il consacrait, depuis plusieurs années, avec une juvénile ardeur, des loisirs trop rares et des forces que nous ne savions pas, hélas! si près de s'épuiser (1). C'est en 1903 ou 1904 qu'il m'entretint pour la première fois de son projet de publier les poésies de Marcabru. Il semblait craindre de ma part des objections, ou du moins des réserves. Je l'encourageai, au contraire, de toutes mes forces. Il me parut en effet que c'était là une de ces entreprises ardues devant lesquelles reculent indéfiniment les professionnels, trop soucieux de n'attacher leur nom qu'à des œuvres définitives, et qui peuvent beaucoup attendre de la patience tenace et du zèle éclairé d'un amateur. Notre ami, au reste, n'était-il pas beaucoup plus qu'un amateur ? Nourri dans la pratique des patois gascons et béarnais, lecteur passionné des poètes dialectaux des trois derniers siècles, intrépide déchiffreur de documents d'archives, doué d'une pénétration peu commune que la difficulté aiguisait encore, il avait acquis une sorte d'instinct divinatoire qui lui a permis d'élucider des textes fort obscurs et lui faisait toujours apercevoir, en face d'un passage inextricable, des solutions plausibles. Lui-même, au reste, en était venu à se défier de cette sorte de flair linguistique qui ne peut suppléer à la science : sentant très vivement le besoin de compléter des études faites un peu à bâtons rompus, il s'était mis sérieusement, en dépit des maigres ressources que lui offrait sa petite ville, à l'école des provençalistes allemands et italiens, et cela avec un succès dont témoignent les éditions de Cercamon, d'Alégret et de divers autres textes, tous d'origine gasconne, qu'il avait données aux Annales du Midi. Son ambition eût été de réimprimer ces éditions, en les corrigeant, d'y joindre les œuvres de Marcabru et de quelques autres « poetae minores », et de constituer ainsi le « Corpus » des poètes gascons du moyen âge. C'est le rêve qu'avait déjà caressé jadis un autre esprit curieux et sagace, un autre ami passionné des antiquités locales, qui lui non plus n'aura pas donné toute sa mesure, l'abbé Léonce Couture.

Le docteur Dejeanne ne considérait pas au reste cette édition comme définitive : son but était seulement de fournir aux travailleurs futurs des matériaux bien ordonnés, sur lesquels ils pussent exercer leur ingéniosité : la traduction qu'il a tenu à y joindre avait surtout pour objet, dans sa pensée, d'aiguillonner, et, autant que possible, d'orienter cette ingéniosité. Elle est souvent hardie et conjecturale, son auteur lui-même s'en rendait compte : quand furent imprimées les dernières feuilles de ce volume, il commençait à se reprocher cette hardiesse et à regretter de n'avoir pas multiplié davantage encore les points d'interrogation. Voilà ce qu'il se promettait d'expliquer dans cet Avant-propos, qu'il m'en coûte de devoir écrire à sa place, mais dont il m'avait si souvent entretenu que je suis sûr de ne pas trahir sa pensée.

Il se proposait aussi d'y remercier toutes les personnes qui, par leurs conseils, leurs encouragements ou une aide effective, l'avaient aidé dans l'accomplissement de son œuvre, et que je ne suis pas sûr de pouvoir nommer toutes. Je puis nommer au moins MM. G. Bertoni, qui lui avait envoyé des copies du manuscrit de Modène; J. Anglade, qui, en revoyant les épreuves, lui avait suggéré quelques interprétations nouvelles ; P. Dalléas, professeur honoraire de l'Université, qui lui avait prêté son concours pour la préparation du manuscrit en vue de l'impression. J'adresse mes remerciements personnels à M. P. Dalléas et à M. J. Bistos, professeur d'espagnol au collège de Bagnères-de-Bigorre, qui ont pris la peine de transcrire le glossaire, resté sur fiches, d'en revoir avant moi les épreuves, et m'ont fourni diverses indications pour la liste bibliographique que l'on trouvera ci-après.

A. JEANROY.

 

Note :

1. Le docteur Jean-Marie-Lucien Dejeanne, décédé subitement à Bagnères-de-Bigorre le 15 février 1909, y était né le 19 octobre 1842. Il n'avait guère quitté sa ville natale que pour aller à Paris terminer ses études. Il y a exercé avec grand succès et un inlassable dévouement la profession médicale de 1865 à sa mort ; durant les douze années qu'il passa à la tête de l'administration municipale (1889-1901), il a rendu à ses compatriotes les plus signalés services. Sur son œuvre administrative on trouvera des détails dans les discours prononcés sur sa tombe, qui ont été recueillis dans le Courrier républicain du 18 février 1909 ; sur son œuvre scientifique, voyez une courte notice insérée dans les Annales du Midi (avril 1909, p. 270). Je donne à la fin de cette notice la liste à peu près complète de ses publications. ()

 

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BIOGRAPHIES

 

I

 

Ms. : A 27a.

Imprimés : Chabaneau, Biographies des Troubadours, p. 9; Studj di filologia romanza, III, p. 63.

 

Marcabruns si fo gitatz a la porta d'un ric home, ni anc no·n saup hom qui·l fo ni d'on. E n'Aldrics del Vilar fetz lo noirir. Apres estet tant ab un trobador, que avia nom Cercamon, qu'el comensset a trobar : Et adoncs el avia nom Panperdut; mas d'aqui enan ac nom Marcabrun. Et en aquel temps non appellava hom canson, mas tot quant hom cantava eron vers. E fo mout cridatz et auzitz pel mon, e doptatz per sa lenga; car el fo tant mal dizens que a la fin lo desfeiron li castellan de Guian[a], de cui avia dich mout gran mal.

 

I. Marcabru fut jeté à la porte d'un homme puissant, et jamais on ne sut quel il était [son origine], ni d'où il venait. Et sire Audric du Vilar le fit élever. Ensuite, il resta avec un troubadour qui avait nom Cercamon, jusqu'à ce qu'il commença à « trouver », et alors il avait le nom de Pain-perdu ; et, à partir de ce jour, il eut le nom de Marcabru. En ce temps, on n'appelait pas chanson, mais bien « vers », tout ce que l'on chantait. Il fut très renommé, écouté de par le monde et redouté pour sa langue, car il fut si médisant, qu'à la fin, il fut mis à mort par les châtelains de Guyenne dont il avait dit un très grand mal.

 

II

 

Ms. : K fº 102.

Imp. : Biogr. des Troub., p. 9.

 

Marcabruns si fo de Gascoingna, fils d'una paubra femna que ac nom Marcabruna, si com el dis en son chantar :
 
Marcabruns, lo fills na Bruna,
Fo engendraz en tal luna
Qu·el saup d'amor cum degruna
— Escoutatz ! —
Que anc non amet neguna,
Ni d'autra no fo amatz.
 
Trobaire fo dels premiers c'om se recort. De caitivetz serventes fez e dis mal de las femnas e d'amor.

 

II. Marcabru fut fils d'une pauvre femme de Gascogne qui eut pour nom Marca Brune, comme il le dit lui-même dans son chant : « Marcabru, fils de dame Brune, fut engendré sous une étoile telle qu'il sait comme Amour se déroule, écoutez ! car jamais il n'aima nulle femme, et d'aucune ne fut aimé. »
Il fut un des premiers troubadours dont on se souvient. Il fit de chétifs vers et de chétifs sirventès et il médit des femmes et d'amour.

 

 

 

 

 

 

 

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