Il est difficile de reconstituer la vie de Daude de Pradas. La vida qui, dans les manuscrits ABIK, précède ses vers, repose, comme il arrive souvent, sur des bases extrêmement fragiles. Même les pièces d’archives où paraît le nom de notre personnage sont loin, malgré leur assez grand nombre, de nous donner les résultats souhaités, et les hypothèses occuperont, dans cet exposé, plus de place que nous ne l’eussions voulu.
La biographie est ainsi conçue:
Daurde de Pradas (deude IK) si fo de Rozergue (rosergue BIK), d’un borc que a nom Pradas que es (q. e. manque IK) pres de la ciutat de Rodez quatre leguas (legas IK) e fo canorgues de Magalona. Savis hom fo (Iajoute mol, K molt) de letras e de sen natural (IKajoutent : e de trobar) ; e saup (e si s. B, saub IK) mout la natura dels auzels prendedors ; e fetz chanssos per sen de trobar, mas no moviant (movian IK, n. m. ben B) d’amor, per que non avian sabor entre la gen, ni non foron cantadas (ni manque IK, ni n. f. c. ni grazidas B) ; et aqi son escriutas de las soas chanssos (Aseul).
Il y a au moins un point sur lequel l’auteur de ces lignes s’est trompé : il nous dit que Daude fut peu apprécié de ses contemporains ; or ses chansons se trouvent dans une vingtaine de manuscrits (v. Table des mss.) et deux pièces (III, VIII) se rencontrent dans treize d’entre eux. De plus, la partie du Ms f comprise entre les folios 49-69, signalés par Groeber comme florilège des poètes les plus connus, contient (fol. 58) deux chansons authentiques (III, XIV) de Daude (1).
Ajoutons que notre poète a été cité dans le Breviari d’Amor parmi les troubadours appréciés. Dix pièces se trouvent également dans R, chansonnier préparé pour la notation musicale, et elles y sont surmontées de portées. La biographie a donc tort de dire que ses vers ne furent pas chantés (2).
Où le biographe a-t-il puisé ces renseignements ? Comme d’habitude, dans l’œuvre même du troubadour. Il a interprété littéralement les vers :
e si mos chans non es molt amoros
ja non rept’ hom mas amor et merce (XII, 6-7).
comme indiquant que ses chansons « no moviant d’amor ». De même le vers :
assatz deu esser plus grazit (V, 5)
lui semblait prouver qu’elles n’avaient pas été « grazidas », d’où la conclusion qu’elles ne furent pas chantées. Nous reconnaissons ici la façon de raisonner de la plupart des auteurs de biographies. En revanche, la vida est dans le vrai quand elle présente Daude comme expert sur les oiseaux de chasse.
En dehors de ces renseignements, l’auteur de la biographie nous en fournit deux autres : Daude était d’un village nommé Pradas (3), situé à quatre lieues de Rodez, et il fut chanoine de Maguelonne. La première indication est vraisemblable ; il y a, au S.-E. de Rodez, à une vingtaine de kilomètres de la ville, un petit village dénommé Prades (canton de Pont-de-Salars), et l’on peut invoquer, à l’appui de l’origine rouergate du poète, ses relations avec le rouergat Uc Brunenc et le fait qu’il fut chanoine de Rodez. Sur sa qualité de chanoine de Maguelonne, nous aurons à revenir plus loin.
Ces maigres indications peuvent heureusement être complétées par la mention, dans les poésies, de divers noms de personnes et de lieux, et surtout par la découverte, due à M. Lyon (v. l’article cité à la note 3), de plusieurs pièces d’archives où figure le nom de notre troubadour (4). Nous allons analyser celles que M. Lyon n’a indiquées que sommairement, ainsi que plusieurs autres que nous avons trouvées dans les archives départementales de l’Aveyron. Nous suivons l’ordre chronologique:
1214, juillet, Archives de l’Aveyron, G. 934 ; Lyon, p. 391. Convention entre l’évêque de Rodez et Simon de Montfort, au siège de Casseneuil, pendant la guerre albigeoise. Un des témoins s’appelle Deodatus de Pradas. Il n’a pas de titre et vient l’avant-dernier, suivi seulement du clerc de l’évêque, André.
1214, 7 novembre ; Lyon, op. cit., p. 387 ; Hist. gén. de Languedoc, VIII, pp. 655-658 ; Bonal, Comté et comtes de Rodez, p. 170 : hommage rendu à Simon pour le comté de Rodez. Daude est quatrième, qualifié chanoine de Rodez.
1214, 16 novembre (mêmes renvois) : hommage de l’évêque de Rodez à Simon pour certains châteaux. « Actum in obsidione Severiaci, ad concilium et ammonitionem Thedisii, canonici Januensis, in presentia Clarini, cancellarii Ruthenensis ».
1227, Archives de l’Aveyron, Cartulaire de Rodez, G 9 (Registre du XIVe siècle), fol. 54 : acquisitio mansi de Veirac ; un nommé Guillaume de Flavin cède une propriété à l’évêque. Parmi les « augusti testes », le premier est Magr. D. de Prad. suivi de A. de Brosinhac et Ugo Guilhelmus, « canonici Ruth[enenses] ».
1234, J. L. Rigal et P. A. Verlaguet, Documents sur l’ancien hôpital d’Aubrac, p. 40 (tome I, dans les Archives historiques du Rouergue, t. IV (1913-1917) : quittance du prieur de N.-D. de Millau pour quatre sous de cens et quatre setiers de vin. Acte en langue vulgaire : Magister D. de Pradas est troisième témoin, précédé de B. de Torundels, « major capellanus », et Willelmus Borzés, « presbiter », qui appartient au prieuré de Millau.
1242, Cartulaire de Maguelonne, publié par J. Rouquette, t. II, p. 573 ; M. Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises, Paris, 1891, t. II, pp. 9-10 : statuts accordés à la Faculté des Arts de Montpellier par Jean de Montlaur, évêque de Maguelonne. Je cite, in extenso, la liste des témoins: « [Praesentibus] magistro Bertrando Volcas, decano, magistro Germano, rectore dicte Universitatis, magistro Deodato de Pratis, Berengario Arnaudi, archipresbytero, Pontio de Vicinobrio, priore Sancti Marcelli, Hugone de Gilibriaco, priore Sancti Vincentii, Pontio de Soregio, conresario, Guiraudo Petri, canonico Magalonensi, Raymundo de Ulmo, bajulo et officiali predicti domini episcopi et Bernardo de Fisco, notario ..... » Voici les remarques que suggère ce document : Le Deodatus de Pratis nommé en troisième lieu n’était pas chanoine de Maguelonne. Il figure en effet avant un membre du clergé séculier et c’est plus bas qu’est nommé un représentant du chapitre (Guiraut Peire). Il n’y a aucune vraisemblance que ce personnage soit identique à notre poète : si celui-ci avait été amené à Montpellier par des circonstances fortuites (sa présence chez les seigneurs du voisinage, dont il sera question plus loin), il ne figurerait pas avant les représentants du clergé et du chapitre de la ville. Le prénom de Deodatus était fréquent dans la région et les localités dénommées Prades n’y manquent pas (5). Enfin, ce qui rend suspecte l’affirmation de la vida, c’est que je n’ai rencontré qu’une fois dans le cartulaire de Maguelonne (6), la mention d’un personnage dénommé Daude de Pradas, et celui-ci n’était pas chanoine.
1244, Affre, Biographie aveyronnaise, p. 158. Acte en langue vulgaire, au sujet duquel Affre a écrit : « C’est peut-être de ce troubadour qu’il est question dans un acte, que nous avons sous les yeux, passé sur le pont de Millau le 5 des nones d’octobre 1244. Par cet acte Uc de Deu fait don à la Charité de Creissels de deux setiers de froment, déclarant faire cette bonne œuvre « per amor de Deu e de la soa arma e de la arma de mestre D. de Pradas ». On se demande s’il s’agit d’un homonyme et s’il faut comprendre que le Daude de Pradas dont il est question dans cette pièce était mort ou vivant. Nous n’avons pas réussi à retrouver ce document.
1256, Archives de l’Aveyron, liasse Laloubière. Échange de possessions entre le chapitre et Hugues, comte de Rodez. Notre personnage paraît comme agissant (« nos magr. D. de Pratis »), ce que nous n’avions pas vu jusqu’ici ; il est dixième dans une liste assez mélangée de personnes avec ou sans titres, mais faisant tous partie de la catégorie : « canonici et capitulum Beate Marie Ruthenensis ». A partir de cette date les documents sont plus nombreux.
1258, Archives de l’Aveyron, Cartulaire de Rodez, G. 11, fol. 43. Hommage du seigneur Pierre Tinel à Frère Vivien, évêque de Rodez, pour le « locus et villa des Esfornatz ». Témoins : d’abord le chapelain du château des Esfornatz (« capellanus eiusdem castri »), ensuite magr. Deodatus de Pradis, canonici Ruth[enenses].
1262, Archives de l’Aveyron, liasse du Prieuré de la Capelle-Mouret (cote provisoire). Lausime, en langue vulgaire, au nom de Daude lui-même : « Ieu maistre D. de Pradas, officials de Rodez ». C’est la première mention de ce titre (7).
1263. Bibliothèque Nationale, coll. Doat, t. 132, fol. 289. Voici l’analyse de Rigal et Verlaguet (op. cit., I, 18) : « Transaction passée par l’entremise de D. de Pradas, official de Rodez, et Beranger de Landorre, procureur général du chapitre de Rodez (8), entre Jauzionde, abbesse du monastère de Saint-Sernin, et le chapitre de Rodez sur des redevances ».
1264, avril, Archives de l’Aveyron, liasse Anet-le-Château. Acte en langue vulgaire passé par Brenguier de Landorre en son nom et en celui de « maistre D. de Pradas que es ab me procuraire ». Ce Daude ne portant aucun des titres official, chanoine, etc., il se peut que ce soit une autre personne.
1264, novembre, même liasse. Bail à cens, passé par le même Brenguier et D. de Pradas (« Ieu maistre D. de Pradas ») comme chanoine et « procurador del capitol ». Daude remplit les fonctions d’official en collaboration avec Brenguier.
1266, juin, Bibliothèque Nationale, collection Doat, t. 133, fol. 37. Échange entre le chapitre de Rodez et Agnès, abbesse de Nonenque, de plusieurs villages et terres. A la fin, nous trouvons ceci : « ... et venerabilis vir magister Deodatus de Pradis, officialis Ruthenae... suum interposuit decretum et authoritatem... et nos dictus officialis, ad instantiam dictarum partium sigillo curiae Ruthenae publicum Instrumentum fecimus sigillari ».
1266, Calendes de juillet, Archives de l’Aveyron, G. 652 ; voir aussi Inventaire sommaire, p. 366. L’évêque de Rôdez, alors à Viterbe, près du pape, considérant qu’Arnaud, son vicaire général, est surchargé de travail, à la demande de ce même Arnaud, confie à Daude de Pradas (« discreto viro mgo. D. de Pradis, officiali nostro et canonico ») ladite charge pour le spirituel et le temporel ( « spiritualia atque temporalia »).
1266, juillet, Archives de l’Aveyron, liasse Anet. Le chapitre donne au chanoine Atizald la baylie d’ Anet. « D. de Pradis, officialis Ruth. », y figure comme témoin, au milieu de la liste.
1268, Archives de l’Aveyron, G. 638 : « Notum sit quod nos, magister D. de Pradis, vicarius generalis reverendi patris domini episcopi Ruth., recepimus litteras dicti episcopi Ruth. directas venerabili viro domino Arnaldo archidiacono Ruth....., capellano, quondam vicario eiusdem episcopi. » Le reste du document montre que Daude agit « tant pour lui que pour Guibert de Vigouroux, chevalier, vicaire temporel de l’évêque absent, et ce en exécution de lettres dudit évêque » (Inventaire, p. 350).
1269, mars, Archives de l’Aveyron, Cartulaire de Rodez, t. 9, fol. 70. Hommage du seigneur de Castelmary à l’évêque de Rodez et reconnàissance de certains droits de justice. « Dominus D. de Prat’, offic. Ruth. » est le premier mentionné, mais il ne porte pas le titre de vicaire général.
1269, juillet (9), cartulaire de Rodez, t. 10, fol. 5. Comme le document de 1268, celui-ci se rapporte à la famille de Morlhon, et à ses différends avec l’évêque. A la fin on trouve ceci : « Fo fah e la ciutat de rodez e la sala de mo seinhor lauesqz desus dih. » Parmi les témoins « maestre D. de pradas » est le dernier, avec les titres de « canorgues et officials ».
1269, novembre, Archives de l’Aveyron, fonds Bozouls. Bail à cens de la terre du Mas de Psals par l’entremise de Daude : « Nos Deodatus de Pradis, officialis Ruth. »
1274, Archives de l’Aveyron, G. 652. Voici l’analyse de l’Inventaire, p. 365 : « Procès entre l’évêqùe de Rodez, Raymond de Calmont, et les frères Ergolius et Fortanier de Morlhon. L’affaire se plaide par-devant Me. Dorde de Pradas, chanoine de Rodez, juge spécialement nommé par l’évêque pour connaître de cette affaire ». Ce devait être une affaire importante, à en juger par l’énorme dossier, qui consiste en une série de feuillets cousus ensemble et formant un rouleau de plus de vingt mètres de long. La forme Dorde ne doit pas nous étonner. Daurde se trouve dans le manuscrit A, et l’alternance de au et o est un phénomène connu : Morlhon se présente le plus souvent sous la forme de Maurlhon.
1275, Bibliothèque Nationale, coll. Doat, t. 146, fol. 45-59 ; Rigal et Verlaguet, op. cit., I, p. 288 : « procès-verbal des différends survenus entre Bertrand de Valentrec, prieur et recteur des églises de Saint-Jean et de Saint-Martin de Najac, et les consuls de la ville de Najac. Sentences rendues par Me. Deodat de Pradas, subdélégué de l’évêque de Rodez, délégué du Pape. »
1277, mai, Archives de l’Aveyron, Compositions du chapitre. Le « discretus vir D. de Pratis, noster cocanonicus », qui a comme bénéfice l’église de Bozouls, doit payer certaines redevances.
1277, juin, De Marlavagne, Hist. de la cathédrale de Rodez, p. 24. C’est un procès-verbal de la pose de la première pierre de la nouvelle cathédrale. A la fin on lit : « et hoc fuit factum in presentia multorum canonicorum, scilicet domini Marchan precentoris, magistri Deodati de Pratis, canonici et operarii predicte ecclesie ... »
1281, Archives de l’Aveyron, G 8, fol. 5. Composition entre le chapitre de Rodez et l’évêque sur la dotation des principaux officiers du chapitre. Le « chanoine ouvrier (10) » y reçoit le prieuré de Saint-Georges de Camboulas.
1282, Archives de l’Aveyron, liasse Bozoul. Échanges de diverses églises entre l’évêque et le chapitre. « Magister D. de Pratis », sans aucun titre, y figure comme le deuxième parmi les témoins. C’est la dernière pièce que j’aie réussi à trouver sur le chanoine de Rodez. Il existe un très grand nombre d’actes de cette année, mais il n’y figure aucun official. En 1283, d’après le cartulaire de Rodez (t. IX, fol. 79), paraît un nouvel official, « Johannes Vayssa, decretorum doctor ».
Il s’agit maintenant de rechercher si toutes ces mentions concernent le même personnage, et si celui-ci est bien le poète dont nous publions les œuvres.
Contre la première hypothèse, la fréquence, dans la région qui nous intéresse, du prénom de Daude, et celle, beaucoup moindre, du nom de lieu de Pradas (11), ne constituent pas une très forte objection ; leur union sur une même personne est un fait assez rare ; dans les nombreux documents montpelliérains que j’ai consultés, je n’en ai trouvé qu’un exemple. Dans les pièces analysées ci-dessus, il n’y a guère qu’un cas (signalé en son lieu) où nous ayons peut-être affaire à un homonyme. Les autres actes nous présentent une succession de charges et dignités parfaitement normale ; il est naturel que le même personnage, d’abord chanoine en 1214, soit devenu magister, ensuite officialis, puis vicaire général et juge subdélégué de l’évêque (12). La seule objection réside dans la longévité qu’il faudrait lui attribuer : il ne pouvait guère être chanoine avant l’âge de 20 ans, ce qui le ferait naître en 1194, et il serait mort âgé de 88 ans.
L’identité entre le dignitaire ecclésiastique et le troubadour n’a rien non plus d’impossible. Les vers qu’on lira ci-dessous témoignent d’une sérieuse culture scolastique et de remarquables qualités de logicien. D’autre part, il n’était pas sans exemple, à cette époque, que des gens d’église s’abandonnassent, en vers, à des fantaisies choquantes (13). Qu’il suffise de l’appeler ici que le Moine de Montaudon fut prieur et Gui d’Ussel chanoine. Ce singulier cumul finit, au reste, par n’être plus toléré et paraît avoir cessé au début du XIIIe siècle. Mais nous verrons précisément ci-dessous que la carrière poétique de Daude semble avoir pris fin dans le premier quart de ce siècle. (↑)
II
Ses protecteurs.
Emeric David (14) a dit que Daude, « avec ses talents variés (poète, légiste, connaisseur en fauconnerie) a dû se faire ouvrir plus d’un château ». Plusieurs chansons (I, II, XVII) sont dédiées aux seigneurs de la famille de Roquefeuil-Anduze, dont voici la généalogie, d’après Gaujal (15) :
Appel (16) a hésité à se prononcer sur la question de l’identité des « dos fraires de Rocafuoill » à qui est dédiée une pièce (I).
C’est une question capitale à étudier, puisque l’identification de ces personnages nous fournirait des données chronologiques assurées.
D’après Barrau (I, p. 67) et le Dictionnaire de la noblesse, deux frères de ce nom auraient figuré dans le testament de leur tante Marie de Montpellier, reine d’Aragon, par lequel ils auraient été désignés à la succession de la seigneurie de Montpellier. Mais cet acte n’a pas été retrouvé.
Raimond II de Roquefeuil est mentionné plusieurs fois au cours du XIIIe siècle. Voici ces mentions dans leur ordre chronologique :
1215. Chanson de la Croisade contre les Albigeois, v. 3358 ss., éd. P. Meyer, II, p. 180. Raimon de Roquefeuil parle au concile de Latran en faveur du jeune Raimon Trencavel de Béziers et demande qu’on le remette en possession de ses terres.
1217. Bibliothèque Nationale, coll. Doat, t. 169, f. 192 ; Hist. générale de Languedoc, VIII, col. 695 ; Rouquette et Villemagne, Cartulaire de Maguelonne, II, p. 354. Le comte de Toulouse donne au même Raimon le château de Brissac.
1225. Gallia christiana, VI (1739), p. 762. Analyse d’une pièce d’affaires : « Praesens fuit, eodem anno, obsequio regi et ecclesiae praestito ab Raimundo de Rocafolio, qui Raimundi Tolosani comitis partes sustinuerat ».
1226. Teulet, Layettes du Trésor des Chartes, Nº 1747. Acte de soumission au légat du pape. Raimond avait été excommunié pour avoir aidé le comte de Toulouse dans la croisade albigeoise. Parmi les châteaux donnés comme caution par le seigneur de Roquefeuil est « Casluz in diocesi Rutenensi ». Dans la chanson III, v. 52, « Casluz e Rocafuoill » est un cri de guerre.
1227. Gallia christiana, loc. cit. Échange de certaines possessions entre Bernard de Mèze et Raimon de Roquefeuil : « quaedam praedia permutavit cum Raimundo de Rocafolio ».
1230. Gaujal, op. cit. : Isabeau, fille de Raimon II de Roquefeuil, épouse Hugues IV, comte de Rodez.
1246. Hist. gén. de Languedoc, VIII, col. 120. Testament de sa fille : « Ego Raimunda, filia quondambonememorie nobilis viri Raimundi de Rocafolio, scio et cognosco et manifeste profiteor quod tam domina Dalphina mater mea quam dominus Hugo, Dei gratia comes Ruthenensis, pariter cum domina Isabella, eadem gratia comitissa Ruthene et sorore mea. » C’est le terminus ad quem de la mort du comte et, par conséquent, celui de la chanson I dédiée aux deux frères.
Arnaud, lui aussi, est nommé dans quelques documents.
1219. Hist. gén. de Languedoc, VIII, col. 696. Arnaud est témoin du don d’un fief à un seigneur.
1228. Dictionnaire de la noblesse, s. v. Roquefeuil. Arnaud épouse Béatrix d’Anduze, veuve de Sanche IV, roi de Navarre.
1241. Archives du Gard, Inventaire E 937 (17). Testament d’Arnaud.
En dehors de Caslus, deux localités sont mises, dans les chansons, en relation avec les seigneurs de Roquefeuil : Anduze (III, 50) et Sauve (I, 42).
Anduze, arr. d’Alès, était, depuis le mariage de Bernard d’Anduze avec Adelaïde de Roquefeuil (v. la généalogie), une possession de la famille. En revanche, Sauve, arr. du Vigan, où l’on voit encore aujourd’hui les ruines d’un château, semble avoir joué un plus grand rôle. C’est à cette localité que fait allusion le vers:
Nous ne savons si Daude a eu d’autres protecteurs. Anglade (19) a été frappé de l’absence de documents sur ses relations avec les comtes de Rodez et il est arrivé à la conclusion suivante : « Il ne semble pas qu’il [Daude] ait été protégé par Henri I ou Hugues IV », fait d’autant plus singulier que ce prince est connu comme protecteur des derniers troubadours et qu’il était le mari d’Isabeau, fille du principal protecteur de notre poète. On pourrait imaginer des hypothèses plus ou moins vraisemblables ; la plus admissible est que Daude se consacra, pendant la dernière partie de sa carrière, à ses fonctions ecclésiastiques, devenues de plus en plus importantes. Peut-être, comme il est arrivé pour Gui d’Ussel, lui a-t-on fait comprendre que la poésie amoureuse ne convenait pas à un dignitaire de l’Église. Le mieux est de s’abstenir de spéculations, d’autant plus qu’il existe dans les chansons de Daude des allusions à éclaircir : on ne saurait dire qui est cet « amic qe fai meils tot qan deia, De nul baro qez hom auda ni veia » (VIII, 41), et si c’est le même « amic » qui est mentionné dans les vers suivants :
Amics, nostre Seinher vos guit
car en vos son bon aip complit,
e vos mantenez veramen
prez e valor, joi e joven... (V, 45.)
Dans ce passage :
Lai on om ditz « Si’ a randa »
vuoill que ma chanso·s retraia (VI, 33-4.)
le problème est d’un autre genre. Il est si difficile d’établir un texte intelligible, malgré l’accord des manuscrits, que je ne saurais dire s’il faut accepter la leçon « sia randa », ni ce qu’elle signifie. Peut-être est-ce un cri de guerre ou une devise. Je n’ai trouvé à ce sujet aucun renseignement. (↑)
III
Ses relations poétiques. — Les senhals.
Daude fait mention de deux poètes contemporains, Gui d’Ussel et Uc Brunenc, tous les deux ecclésiastiques. Celui-ci, né à Rodez, était simple clerc ; celui-là, chanoine de Brioude et de Montferrand. Le planh sur la mort de Brunenc est une des pièces les plus connues. Elle est envoyée à « Salas », où Uc envoyait « chanssos e vers e sirventes ». Appel (20) a proposé d’identifier cette localité avec Salles-Comtaux, qui figure dans un accord entre Hugues de Rodez et l’évêque de cette ville. Or l’accord a été passé en 1238, après la mort d’Uc Brunenc (21), et le comte de Rodez ne pouvait posséder cette localité du vivant du troubadour. M. Brunel (22) propose, avec plus de raison, Salles-la-Source, canton de Marcillac, arrondissement de Rodez. Pour Gui d’Ussel, nous n’avons que peu de précisions. Daude lui envoie une chanson en s’attribuant le senhal de Fol Conseil. Mais, chose curieuse, ici Fol Conseil semble être l’expéditeur, et dans la pièce suivante, il est le destinataire. Ce qui est singulier, c’est que le senhal n’a jamais été attribué, à notre connaissance, à aucun des troubadours d’Ussel, lesquels, au reste, ne font pas la moindre allusion à Daude. Quelle est la solution de cette énigme ? Je croirais volontiers que notre troubadour, pour qui la chanson était un exercice de scolastique amoureuse, a suivi un procédé qui lui était bien connu, et imaginé, d’après un modèle célèbre, un senhal réciproque (23).
Les senhals de Daude, en général, ne nous disent pas grand chose. La dame qui, dans ses chansons d’amour, est désignée par le nom de Joi Novel ne semble pas avoir existé en chair et en os. Bel Desir et Bels Sirventes doivent être de la même catégorie. Ce dernier se trouve dans une chanson (IX), non dans un sirventés. Il est vrai qu’il s’agit d’une satire, mais elle est toute de convention et les lausengiers qu’il attaque ne sont que de vaines abstractions. (↑)
IV
Pièces d’attribution douteuse.
La pièce
Al temps d’estiu, qan s’alegron l’ausel
(Bartsch, 124, 9) ; texte d’après C dans Mahn, Ged. 596).
n’est attribuée à Daude que par C, qui contient tant d’attributions erronées. Dans L et N elle est anonyme ; au reste, L ne contient, parmi les pièces attribuées à Daude, que deux chansons, et ce sont celles dont l’attribution est incertaine. H l’attribue à Guillem de Berguedan, mais il est extrêmement douteux que celui-ci ait voyagé en Italie, comme l’a fait l’auteur de cette pièce :
qu’en Poill’anei, ni laisei, s’eu non faill (v. 41.)
Milá y Fontanals (24) suppose l’existence d’un autre Guillem de Berguedan, postérieur à celui-ci. D’autre part les procédés ordinaires de la versification de Daude ne se retrouvent pas dans cette chanson. On ne voit pas, chez lui, de vers à « césure épique » comme celui-ci :
e·ll prat s’alegron, qe·s veston de verdor.
Il évite enfin les rimes produites par la répétition du même mot.
Il est fort difficile de déterminer l’auteur de la cobla dobla, D’ome fol ni desconoisen (Bartsch, 461, 86), attribuée par f seul à « Deaude de Paradis », déformation évidente de notre auteur. De même, on ne peut savoir si ce Bernart de Pradas que mentionne la table de C comme auteur des pièces 65, 1-2-3 de Bartsch est identique à notre chanoine de Rodez. Appel, qui a publié les deux premières chansons dans son édition de Bernart de Ventadour (pp. 304-310) et la troisième dans les Pariser Inedita (p. 37), est d’avis que nous avons affaire à deux personnages différents.
Quant à la chanson Belha m’es la votz autana (Bartsch, 124, 5) (25) nous croyons qu’il faut l’écarter de cette édition. Voici l’opinion d’Anglade (26) : « Nous convenons... que l’attribution à Daude de Pradas de cette chanson est fort douteuse, pour de multiples raisons. L’autorité d’un seul manuscrit (C 169) où il y a bien d’autres attributions erronées, le fait que la chanson est anonyme dans un autre (W), les renseignements donnés par la biographie, l’époque où composa Daude de Pradas, qui paraît bien être plutôt le début du XIIIe siècle que le dernier tiers du XIIe, tout cela est bien loin de plaider en faveur de la paternité de Daude. » Pour préciser l’argument d’Anglade sur la date, nous n’avons qu’à nous reporter à la biographie du troubadour : il a pu composer ses vers pendant presque tout le XIIIe siècle, mais il est plus probable que les chansons furent écrites pendant sa jeunesse et à l’époque de son amitié avec les seigneurs de Roquefeuil. En tout cas, il n’a pu écrire la chanson Belha m’es la votz autana, car Guillaume de Dôle date des environs de 1200 et les chansons citées dans ce roman devaient être connues dans le nord bien auparavant. (↑)
V
Ses autres œuvres.
Daude est l’auteur d’un poème didactique sur les Quatre vertus cardinales (27) dédié à Etienne de Chalançon, évêque du Puy de 1220 à 1231 (28). Il a écrit aussi un long poème (3600 vers) sur les oiseaux de chasse (29), dont nous ne connaissons pas la date. (↑)
LES MANUSCRITS
Vingt-trois chansonniers provençaux ont conservé des pièces sous le nom de Daude de Pradas. Le tableau suivant permettra de se rendre compte du contenu des divers manuscrits et de l’ordre où les pièces s’y présentent.
A (Studj, III, pp. 163). 376, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388). III, XII, XI, I, II, X, V, VI, VIII, IX, IV, XVII, XIV.
B (Studj, III, p. 700). VI.
C f. 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170. VI, XIV, IX, XI, XV, App. I, I, VIII, X, XII, III, App. II, XVI, VII, II, IV, V, XIII.
D f. 56, 57, 58, 168, 169. I, II, X, V, VI, VIII, XVI, IX, IV, XVII, XIII, III, XII, XIV.
Dc (Annales du Midi, XIV, pp. 197, 198). III, XI, XII, VIII (fragments).
E f. 121, 122, 123, 124. X, VI, V, VIII, IX, IV, XIV, I.
F f. 58. III.
G (Bertoni, Ambros., pp. 272, 273, 430). III, XII, App. III.
H (Studj, V, pp. 373, 374, 376, 377, 378, 391, 484). I, II, X, V, VI, VIII, App. II, IX.
I f. 111, 112, 113. III, XII, XIV, IV, IX, VIII, II, XI, XVI.
J (Studj, IX, p. 577). App. III.
K f. 96, 97, 98. III, XII, XIV, IV, IX, VIII, II, XI, XVI.
L f. 35, 144. App. II, App. III.
M f. 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173. I, XI, XII, XIII, X, III, II, V, VI, VIII, XVI.
N f. 100, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135. App. III, I, XIII, II, III, X, XI, XII, V, VI, VIII, IV, XVI, IX, XIV, App. II.
O (Atti. R. Ac. Lincei, Série IV, t. II, pp. 21, 22, 78). III, XIV, XI, XII.
P (Archiv, XLIX, p. 67 ; L, p. 276). VIII, App. III.
Q f. 107. App. III.
R f. 22, 30, 31, 33. V, VIII, I, XI, XII, XIII, X, III, VI, II, IV.
Post-scriptum. Lorsque j’ai commencé cette édition, M. W.-P. Shepard, qui avait eu à un moment donné l’intention de la faire lui-même, m’a cédé un grand nombre de copies faites sur plusieurs manuscrits de Paris et sur celui de Cheltenham. Ces copies m’ont beaucoup facilité la préparation du texte et je remercie vivement ce provençaliste de marque, qui a bien voulu s’intéresser à mon projet. M. T. Fitzroy Fenwick, possesseur du chansonnier N, a bien voulu, à plusieurs reprises, me communiquer divers textes non compris dans les copies de M. Shepard.
Je désire remercier ceux qui ont bien voulu m’aider au cours de ce travail. En premier lieu, M. Alfred Jeanroy, Professeur à la Sorbonne, Membre de l’Institut, qui a montré une inlassable patience à faire comprendre à un débutant étranger comment doit se présenter une édition dans une collection française. J’aurais voulu atteindre de plus près l’idéal qu’il me faisait voir. Tout ce qu’il a fait pour moi, je l’apprécie coralmen. M. J. Boutière, de la Faculté des Lettres de Dijon, et lui ont revu mon manuscrit et les épreuves, et m’ont suggéré mainte correction. J’ai eu l’occasion de passer des heures bien agréables à discuter avec le savant éditeur de Ricas Novas les passages difficiles de notre texte. Que tous deux trouvent ici l’expression de ma vive reconnaissance.
Je tiens à ajouter ici le nom de M. B. de Gauléjac, archiviste de l’Aveyron, qui a trouvé lui-même plusieurs documents se rapportant à Daude de Pradas et m’a aidé à en trouver d’autres.
Grâce à une bourse qui m’a été décernée par le Conseil des Sociétés savantes américaines (American Council of Learned Societies), j’ai pu faire il y a un an un voyage essentiel en France. Je désire exprimer aussi à cette organisation mes vifs remerciements.
1. Une troisième pièce se trouve à la feuille 34, mais c’est la cobla dobla, D’ome fol ni desconoisen, dont l’attribution est douteuse. Sur la valeur du ms f, voir l’étude de Groeber, Romanische Studien, II, p. 360 ss. (↑)
2. Emeric David exprime cette même opinion, Hist. litt., XVIII (1835), p. 559. (↑)
3. Ce mot se trouve latinisé sous la forme Pradis et Pratis. Dans les chansonniers, il prend les formes Prades (HKM), Prodas (G) et Pradas (ABCDDcEFIKRa2d). Voyez E. Lyon, Mélanges de linguistique et de littérature offerts à M. Alfred Jeanroy, Paris, 1928, pp. 387-92. (↑)
4. Ce nom, d’après M. Lyon, se présente le plus souvent sous la forme Daude (Mss. CEGR Brev.) mais on trouve aussi Daurde (AB), Deaude (f), Deode (D), Deude (HIKMd), Deudes (DcHF), Baude et Vaude (Aa2). Il est latinisé sous la forme Deodatus. (↑)
5. Il y a Prades-de-Salars et Prades d’Aubrac (Aveyron), Prades-le-Lez et Prades-sur-Vernazobre (Hérault), sans compter les Prades dans les départements suivants : Ardèche, Ariège, Lot-el-Garonne, Pyrénées-Orientales, Tarn (Joanne, Dictionnaire géographique de la France). Voy. une étude sur Prades-de-Ségur, près de Rodez, devenu fief du comte de Rodez en 1173, par B. de Gauléjac, dans Journal de l’Aveyron, 27 juillet 1930. (↑)
6. Le cartulaire comprend plusieurs registres (j’en ai consulté six) qui paraissent dater du XIVe siècle. Malheureusement, la partie publiée par l’abbé Rouquette laisse beaucoup à désirer. Elle est pleine de lacunes. Le choix des chartes a été fait sans méthode et sans indication de ce qui a été laissé de côté. Le travail sur place a été, par conséquent, tout à fait nécessaire. (↑)
7. On sait que l’official était un « clerc qui, n’ayant par lui-même aucune juridiction, exerce en vertu d’un mandat la juridiction spirituelle d’un dignitaire ecclésiastique dont il tient tous ses pouvoirs ». (P. Fournier, Les officialités au m. â., pp. 3 et 20). La procédure s’étant fort compliquée au cours du XIIIe siècle, il fallait pour cette charge un légiste. L’official qui remplacera Daude sera un docteur en décret. Ce dignitaire occupait un rang élevé ; comme socius de l’évêque, il avait le droit de dîner à sa table. (↑)
8. Le procureur remplissait pour la procédure temporelle le rôle que tenait l’official pour le spirituel (Fournier, op. cit., p. 3). (↑)
9. M. Lyon, op. cit., 390, s’est trompé en lisant 1260. Le chiffre ressemble, en effet, à un zéro refait en un 9, mais le manuscrit porte, en chiffres romains, dans le texte même, la date 1269. Il faut lire aussi : fol. 5, et non 55. (↑)
10. C’est la façon de traduire operarius adoptée par Marlavagne (op. cit., p. 26), Affre (Biogr.aveyronnaise, p. 158) et l’Inventaire sommaire de l’Aveyron (Séries G., p. 162) : « Dignitas in collegiis canonicorum et monasteriorum cui publicis operibus vacare incumbit. » (↑)
12. Si le poète était de famille noble, il avait même pu être pourvu d’un canonicat avant sa vingtième année. Le concile de Montpellier défendu aux évêques de donner des cures aux adolescents ou à des clercs n’ayant que des ordres mineurs, ce qui se faisait surtout au profit des familles nobles (D’Aigrefeuille, Hist. ecclés. de Montpellier, Montpellier, 1739, p. 46 ; Carstens, Tenzonen, p. 12). Il n’aurait acquis que tardivement le titre de magister, qui lui est attribué en 1227, pour devenir apte à des fonctions plus hautes. (↑)
13. C’est cette catégorie d’ecclésiastiques qui était visée par un édit du concile de Montpellier en 1214 : « Nullus canonicus cathedralis vel conventualis Ecclesiae vel alius clericus de beneficio ecclesiastico vivens frenis et calcaribus deauratis utatur, nec frequentet curias vel hospicia vel colloquia mulierum, quod dominare vulgariter appellatur (Labbe, Sacro-sancta Concilia, t. XIII, col. 891-2 ; éd. Colet, 1730). Il leur était également défendu d’avoir des oiseaux de chasse (aves venatorias). (↑)
17. Cet inventaire, qui date du XVIIIe siècle, est, d’après une obligeante communication de M. l’archiviste du Gard, une liste de documents pour la plupart disparus. (↑)
18. Les leçons, pour ce vers, sont très divergentes : daus AlbiAD, vas Arles C ; variantes explicables, en dehors des raisons paléographiques, par le fait que ces deux villes sont bien plus connues, que Sauve. Quant au château de Roquefeuil, dont les ruines subsistent sur le mont Saint-Guiral, il se trouvait aux limites des communes de Dourbies, d’Arrigas et d’Alzon, à quelques kilomètres à l’est du Vigan (P. Meyer, Chanson de la Croisade, II, p. 180, note d’après G. Durand, Dict. topographique du Gard). (↑)