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Ricketts, Peter T. Les poésies de Guilhem de Montanhagol, troubadour provençal du XIIIe siècle. Toronto: Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1964.

225,004- Guilhem de Montanhagol

DATE DE LA PIÈCE : 1233 ou 1234.
 
Ce poème, adressé au comte de Toulouse, Raimond VII (cf. vv. 46, 47), le met en garde contre le clergé. Je ne crois pas, comme le suggère Coulet (p. 20), que “membre·l que fag li an” se rapporte directement à “l’humiliation du traité de Meaux,” car, à l’occasion de ce traité, le roi ne dépouille pas Raimond, tout au moins pas de son vivant. Il convient de se rappeler que la première phase de l’union du Languedoc à la France se fait par le Traité de Paris, trois mois plus tard, en avril 1229, par lequel Alphonse de Poitiers, fiancé avec Jeanne, fille de Raimond VII, succédera à celui-ci à la mort du comte (cf. Belperron, pp. 388, 389). Il rentrera dans l’unité de l’Eglise par ce traité, mais ce n’est pas le clergé qui le lui a imposé. La pièce est certainement postérieure à 1229, date de l’établissement de l’Inquisition. Mais l’Inquisition ne passa sous l’influence directe du clergé qu’à partir de 1233. Jusque-là elle avait été laïque, dirigée par les baillis (cf. Belperron, p. 393). Ce n’est qu’avec la résurgence générale de l’hérésie dans le Toulousain que le pape Grégoire IX résolut de confier le travail de l’Inquisition à des inquisiteurs proprement dits, les Dominicains. Les attaques de Montanhagol sont dirigées contre les Frères-Prêcheurs :
 
e meron mal clerc e prezicador, (cf. v. 5)
 
et comme s’il parle d’un fait récent, il dit :
 
Ar se son fait enqueredor (cf. v. 19)
 
La pièce serait donc de peu postérieure à l’établissement véritable de l’Inquisition, en avril 1233. Elle date de 1233 ou 1234.
 
 
NOTES.
 
4. laor. Sur la signification de ce mot, cf. Coulet (p. 91, note au v. 4), “laor à dû signifier non seulement ce que produit le travail de la terre, mais aussi tout profit, toute richesse.” Cette interprétation semble s’imposer, d’autant plus que Levy (SW, IV, 294, à labor 6) = Gewinn) l’accepte et cite cet exemple.
 
5. prezicador. Les Dominicains, ou Frères-Prêcheurs, dirigent, après avril 1233, l’Inquisition établie par Grégoire IX du jour où la résurgence de l’hérésie albigeoise en Languedoc rend difficile le travail des évêques et de leur clergé qui souvent apportent de la mauvaise volonté à poursuivre les hérétiques (cf. Hist. Lang., VI, 673 et Belperron, p. 404).
 
11. Coulet fait remarquer que la phrase qu’ieu o sai “n’est pas... une déclaration d’orthodoxie de la part du poète, mais une formule sans grande valeur” (p. 91). Ce qui semble important est la première partie de ce vers, qui n’est autre chose qu’une déclaration d’orthodoxie destinée à rassurer les gens d’Église sur son attitude (cf. la note aux vv. 21-24). Remarquons en même temps qu’il s’oppose sur ce point à la croyance des Albigeois, qui détestaient tout ce qui est chair, particulièrement s’il s’agissait de Dieu (cf. S. Runciman, The Médieval Manichee (Cambridge, 1955), pp. 151, 152).
 
11-13. Coulet donne une explication satisfaisante pour cette leçon du ms. de base ; cf. sa note aux vv. 11-13 : “on n’a qu’à donner à la conjonction e, au vers 13, un sens un peu différent. ...Il faut l’entendre au sens de et pourtant,” et celle du v. 16 : “Doncx ben es fols reprend le sujet exprimé au vers 12” (p. 92).
 
18. Je reste d’accord avec Coulet pour sa traduction de sai e lai par ‘dans ce monde ou dans l’autre’ et fais remarquer que l’exemple, tiré d’une pièce de Peire Cardenal, cité par Coulet (p. 93) :
 
A totas gens dic e mon sirventes
Que si vertatz e dreitura e merces
Non governon home en aquest mon
Ni sai ni lai no cre valors l’aon. (Tostemps azir...)
 
est confirmé par la traduction de M. R. Lavaud (p. 499).
 
19. fait. Coulet donne faitz. Il explique le cas sujet, enqueredor, par la nécessité de la rime et trouve qu’il faut le cas régime à l’attribut. Mais, comme l’a affirmé Jeanroy (AdM, X, 349) : “Après les locutions comme se far, se dar, se tener, se clamar, l’attribut est plus souvent construit au cas sujet. “Il donne de nombreux exemples attestés par la rime : cf., d’ailleurs, Levy (SW, III, 386, 26)) :
 
Be m’enueja, per St. Salvaire,
D’ome rauc que·s fassa chantaire.
 
20. Jusqu’en 1233, l’Inquisition avait été dirigée par les baillis, mais l’établissement des Frères-Prêcheurs comme inquisiteurs fit que ses jugements devinrent de plus en plus sévères (cf. Belperron, p. 408 sq.).
 
21-24. Coulet trouve que ces vers renferment “une précaution que prend le poète contre l’Inquisition” (cf. p. 93 et sa note aux vv. 21, 22). Il a raison ; cf. la remarque d’Appel (Zeitschr., XXIII, 554) : “Die Inquisitoren sollten Irrtümer des Glaubens verfolgen (das giebt der Dichter willig zu, der Veranlassung haben mochte die Inquisition über seine religiösen Ansichten nicht im Zweifel zu lassen).”
 
23. Coulet veut voir là une allusion possible à “la modération dont usaient les ‘parfaits’ albigeois” (p. 93). On pourrait dire plus précisément que Guilhem, de façon ironique, veut suggérer que les inquisiteurs réussiraient beaucoup mieux en adoptant les méthodes des parfaits, qui, sans vouloir absolument convertir les gens, y parvenaient quelquefois par leur modération même.
 
26. gazan. Selon Coulet (pp. 93, 94), la forme en est due à la rime, ce qui est vraisemblable. Cf. aussi la note de Jeanroy (AdM, X, 349, 350) qui voit là-dedans une influence dialectale où n mouillée rime avec n simple : “dans le toulousain actuel, n mouillée finale est réduite à n.”
 
43. La correction proposée par Tobler (Archiv, CI, 464) paraît juste. Il est difficile d’admettre que so puisse signifier ipsum, comme le veut Appel (Zeitschr., XXIII, 556). Cette interprétation ne convient guère au sens de la phrase. Il est d’ailleurs à remarquer que l’ipsum latin était exprimé en général par eis ou meteis en provençal (cf. F. Diez, Grammatik der romanischen Sprachen (Bonn, 1882), p. 820).

 

 

 

 

 

 

 

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