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Ricketts, Peter T. Les poésies de Guilhem de Montanhagol, troubadour provençal du XIIIe siècle. Toronto: Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1964.

225,003- Guilhem de Montanhagol

DATE DE LA PIÈCE : milieu du mois d’octobre 1242.
 
Cette pièce se rattache de près aux événements du soulèvement de 1242. Raimond VII, mécontent de la perte de ses domaines qu’il avait été obligé de céder au roi Louis IX par le Traité de Paris, s’allie avec Hugues de Lusignan, comte de la Marche. Celui-ci est un homme considérable, car il a pour femme Isabeau, comtesse d’Angoulême, mère d’Henri III, roi d’Angleterre. Pour montrer ses bonnes intentions, Raimond demande en mariage la fille du comte de la Marche. En même temps, il fait entrer dans la ligue plusieurs de ses vassaux et les rois espagnols (Hist. Lang., VI, 735). A l’époque où est écrite cette pièce, le comte Raimond a déjà perdu plusieurs de ses alliés. Le comte de la Marche a le premier négocié la paix avec Louis, et Hugues sera, en effet, suivi par les comtes de Foix et de Rodez (ibid., 746, 747). Mais Raimond continue à lutter : tout n’est pas perdu encore, selon Guilhem. Aux alliés infidèles, il oppose le valeureux comte de Toulouse (cf. les vv. 10-15, 19, 20).
La composition de cette pièce se place donc entre la soumission du comte de Foix et celle du comte de Toulouse (le 20 octobre). L’allusion de la tornade moqueuse à la défaite des Anglais sous Taillebourg et à Saintes est déjà une indication assez précise pour placer la date de la composition “au mois d’octobre ou de septembre 1242,” comme le dit Coulet (p. 26). Mais on peut préciser davantage. Jeanroy, dans son article sur ce soulèvement (“Le Soulèvement de 1242 dans la Poésie des Troubadours,” AdM, XVI, 311-329), donne comme date de la soumission du comte de Foix le 5 octobre 1242. La composition de la pièce se situe donc entre le 5 octobre et le 20 octobre.
 
 
NOTES.
 
1. aug refrim. Il convient de retenir la correction de Coulet de la leçon du ms. C, uey refrim, d’après la table de C : j’ai vérifié cette leçon. La table avait été dressée d’après les sources de C.
 
2. s’escrim. Cette forme est bien à l’indicatif. Il est difficile de voir pour quelle raison Tobler (Archiv, CI, 465) avait besoin de faire remarquer que s’escrim ne venait pas du verbe escrimar mais du verbe escrimir. Coulet avait bien vu qu’il s’agissait de celui-ci (cf. p. 79).
 
3. prim. On l’a déjà traduit de diverses façons : Raynouard, ‘menu’ (LR, IV, 643) ; Coulet, “d’une façon menue et serrée, à traits pressés” (p. 79, note au v. 3) ; Jeanroy, “excellent, juste” (AdM, X, 349) ; Tobler, “fein, scharf” (Archiv, CI, 466) ; Levy, “scharf, genau” (SW, VI, 548). Il convient de retenir les dernières suggestions et de traduire : “d’une façon juste, précise.”
 
5. nostri. Le ms. donne une forme intéressante. En général, la forme du pluriel est nostre (cf. Altprov. Elem., p. 77). Serait-ce une influence latine ?
 
10. esprim. Selon Levy (SW, III, 277), l’infinitif de ce verbe serait esprimar et il signifie ‘critiquer’.
 
14. l’aussor. La correction de Coulet (p. 81) semble mieux convenir au sens de la phrase que la leçon du ms. lauzor.
 
16. a un talh. Le sens de cette expression, longuement discuté par divers critiques, est interprété dans l’ensemble de la phrase des façons suivantes. Coulet, dans sa note : “à tranches... en masse, sans choix... Montanhagol prie Raymond VII de ne pas, plus tard, admettre dans son amitié ceux qui l’ont trahi, sans mettre de différence entre eux et ses vassaux fidèles” (cf. p. 82, note au v. 14) ; dans son glossaire : “d’une même façon, sans distinction” (p. 236) ; à sa traduction : “celui qui aujourd’hui vous offense ne soit plus jamais aveuglément accueilli par vous comme ami” (p. 179). Jeanroy Remarque : “La note à ce vers est peu claire. Il est tout naturel que talh du sens de ‘taille’, ‘coupe’, passe à celui de ‘forme’, ‘façon’ ; donc, a un talh = de la même façon” (AdM, X, 349). Levy (SW, VIII, 27) suggère qu’il devrait y avoir une comparaison (“Auf dieselbe Weise wie wer sonst ?”) et rejette l’explication donnée dans la note de Coulet, “entre eux et ses vassaux fidèles” (“von den letzteren ist nirgends die Rede”). Finalement, la phrase lui paraît peu claire, à moins qu’on ne comprenne un pluriel aux deux derniers vers. Il traduit donc : “vorausgesetzt dass alle die Euch jetzt im Stiche lassen in derselben Weise, einer wie der andre, ohne Ausnahme in Zukunft bei euch keine Aufnahme finden.” Mais il faudrait, ajoute-t-il, exprimer cet alle dans la phrase provençale. Donc, la critique de Levy n’est pas dirigée contre la traduction de Coulet mais contre celle de Jeanroy, de la même façon, qui implique une comparaison. Il faudrait retenir le premier sens donné par Coulet dans son glossaire, ‘sans distinction’ et, dans sa traduction, “ne soit plus jamais aveuglément accueilli par vous comme ami,” quoique “comme ami” semble inutile.
 
19. La Marcha. Hugues V de Lusignan, comte de la Marche, est celui qui a vraiment fait éclater la révolte et qui y a entraîné Raimond VII (Hist. Lang., VI, 734). Celui-ci savait que Hugues pouvait lui être très utile puisqu’il avait pour femme Isabeau, mère d’Henri III. Dès 1242, Hugues prit les armes contre le roi Louis, mais après la soumission des places qui lui restaient, il fut obligé de demander la paix qui fut conclue au mois d’août de la même année (ibid., VI, 742). Il entra en négociations avec le roi et se soumit à la fin de juillet 1242.
Foys. Roger IV, comte de Foix, s’était uni à Raimond VII par un traité fait à Toulouse le 5 avril 1242. Mais pendant que Raimond assiégeait le château de Penne en Agenais, le roi gagna Roger qui fit la paix avec lui. Le 5 octobre, de Pamiers, il adressera une lettre de défi à Raimond VII, dans laquelle il se déclare vassal de la couronne. A la suite de cette lettre, une guerre qui durera plusieurs années s’allumera entre lui et Raimond.
Rodes. Hugues V, comte de Rodez, se ligua, comme le comte de Foix, avec Raimond VII, dont il était vassal, par le traité du 5 avril. Mais sa défection fut aussi prompte que celle du comte de Foix.
 
25, 26. en tal sonalh an mes batalh. Cette expression est attestée dans un poème de Bertran de Born :
 
Guillems de Gordon, fort batalh
Avetz mes dins vostre sonalh.
Un sirventés on motz no falh...
 
Avec raison, Coulet a relevé une réminiscence de B. de Born dans l’expression de Guilhem, d’autant plus que cette expression se rencontre rarement. Cf. la remarque d’Appel (Zeitschr., XXIII, 554) : “greift er [Guilhem] mit einer Schärfe an, die an Bertran de Born erinnert, wie denn dieses kampfesfrohe Sirventes in der That unter Bertrans unmittelbarem Einfluss steht.”
Mais il n’est guère possible d’attribuer à cette expression le sens de ‘commencer à faire quelque chose’, comme le veut Coulet (p. 83). Pour sa démonstration, Coulet part de l’expression, attacher le grelot, qui n’a rien à voir avec l’expression provençale sinon que les deux expressions se rapportent aux cloches. L’expression française signifie, d’après Larousse (cf. sous attacher), “se risquer dans une affaire difficile.” L’explication de Coulet est plutôt obscure, et, comme le remarque Jeanroy (AdM, X, 349), d’une “interprétation subtile et forcée.” L’interprétation donnée par Jeanroy semble meilleure : “Ils ont fait rendre à leur cloche un tel son (c’est-à-dire que le bruit du crime qu’ils viennent de commettre fera en sorte) que jamais Honneur ne les accueillera.” Cette traduction est notée chez Levy (SW, VII, 813), ainsi que la remarque de Crescini (Giornale storico della Letteratura italiana, XLVII, 338-9 et la note 2) : “nell’imagine, che vediamo presso Bertran de Born e Guilhem Montanhagol, del mettere nel sonaglio, nella campana, tal battaglio che non vada, per alludere al dire ed al compiere parole ed azioni biasimevoli.”
 
28. desencrim... hom. Appel (Zeitschr., XXIII, 557) se montre peu satisfait de la construction. Il trouve qu’une strophe qui aurait été placée après le vers 27 a disparu de la tradition manuscrite, à moins de supposer simplement que la strophe V ne soit placée avant la strophe IV. Il s’explique mal comment hom peut être sujet de desencrim (v. 28). Mais la difficulté paraît illusoire. D’abord, il est vrai que si la strophe V était à la place de la strophe IV, desencrim aurait un sujet, reys Jacmes. Mais il semble invraisemblable de mettre dans la bouche de Guilhem la suggestion que Raimond VII serait le seigneur de Jacques d’Aragon ; cf. les vv. 34, 35 :
 
quar qui defalh,
ni a senhor falh,
 
Très simplement, hom (du v. 31) est sujet de desencrim, où il s’agit d’une simple inversion, les vv. 29 et 30 étant une réflexion à part.
 
30. Caym. Je garde l’orthographe du ms. Cf. l’exemple tiré de la Provenzalische Chrestomathie d’Appel (2Auflage : Leipzig, 1902), p. 114, no. 77, vv. 9 et 10 :
 
Li ric home an pietat tan gran
de l’autre gen, quon ac Cayms d’Abel. (P. Cardenal)
 
33. tuelha. Il ne semble pas nécessaire de remplacer le subjonctif du ms. par l’indicatif, comme le suggère Coulet (p. 84), qui entrevoit la possibilité d’une “proposition relative comme dans les propositions latines, où il [le subjonctif] exprime non une qualité réelle, mais une possibilité, une capacité de, &c ; qui étant alors synonyme de talis ut.” Plus qu’une possibilité, c’est une certitude. Donc, hom qui signifie ‘un homme tel, qu’il peut, etc.’ ; cf. la remarque d’Appel (Zeitschr., XXIII, 556) : “im Relativsatz zu beachten.”
 
34, 35. defalh... falh. D’après Jeanroy, falhir a avec le datif a le sens de ‘faire défaut à’ (AdM, X, 349). Coulet traduit, cependant, par “commettre une faute... offenser quelqu’un,” au glossaire (p. 219), et dans sa traduction (p. 179), il donne : “qui fait défection à son seigneur ou manque à ce qu’il lui doit,” ce qui est plutôt le cas. On peut traduire : “car celui qui fait défection à son seigneur et qui l’offense,” où les deux verbes ont comme datif a senhor.
 
37, 38. Si·l reys Jacmes, etc. Jacques Ier, roi d’Aragon (1213-1276). Coulet nous apprend (p. 84) qu’il y avait “un bruit qui courait que le roi d’Aragon viendrait à l’aide,” et que dans ses recherches, il n’a rien trouvé qui suggère une coalition entre Raimond VII et Jacques. En effet, comme le dit très bien Coulet, Raimond chercha l’appui du roi d’Aragon mais ne l’obtint pas. Non seulement, “il ne fut pas question... d’une alliance offensive contre le roi de France” (p. 85), mais encore, Molinier (Hist. Lang., VI, 726) donne les détails de la rencontre de Raimond et de Jacques à Lunel (charte du 18 avril 1241) : “Ils se liguèrent envers tous et contre tous, pour la défense de la foi catholique et de l’Église romaine, nommément contre les hérétiques et tous les autres ; excepté de la part du roi contre le roi de Castille et le comte de Provence, et de la part du comte contre les rois de France et de Castille.” Jeanroy (“Le Soulèvement de 1242,” AdM, XVI, 320) note qu’il y a une accusation plus précise contre le roi d’Aragon, “celle d’avoir manqué à ses engagements : or, aucun engagement précis avant 1241 ne l’avait lié ni à Raimon VII ni à aucun des barons méridionaux” et cf. la note (ibid., A 1) : “On n’a pas trouvé la trace d’une alliance offensive conclue entre Raimon et Jacques contre le roi de France (voy. Coulet, Montanhagol, p. 84, 5) mais les contemporains ne mirent pas en doute l’existence de cette alliance.”
Le reproche de Guilhem semble donc injuste et résulterait du bruit qui courait à l’époque et des préjugés d’un vassal fidèle de Raimond VII.
 
46. Ce que dit Coulet de la participation du roi anglais, Henri III, au soulèvement, n’est pas tout à fait clair. L’interprétation des événements jusqu’au traité de Bordeaux, ne présente pas de difficultés. En effet, Henri était intervenu, à la demande de Hugues de Lusignan, son beau-frère, mais malgré plusieurs victoires, il fut finalement vaincu le 19 juillet sous Taillebourg. Il se retira à Bordeaux, où Raimond VII vint le rejoindre. Un nouveau traité y fut conclu le 28 août, par lequel ils promirent de ne traiter avec le roi de France que d’un commun accord. Mais, au contraire de ce que dit Coulet (p. 86), c’est Raimond qui le premier fit la paix avec le roi Louis. Quoiqu’il prît l’offensive en assiégeant le château de Penne en Agenais, il fit au roi des propositions de paix dès septembre 1242 (cf. Hist. Lang., VI, 748 et VII, 99, note 34), mais elles furent rejetées et il se soumit sans condition le 20 octobre. Henri, cependant, se plaint à l’empereur Frédéric de ce que Raimond a fait la paix et à son tour conclut une trêve avec la France, mais seulement au printemps suivant, le 7 avril 1243 (cf. ibid., VI, 756 et Jeanroy, AdM, XVI, 311).

 

 

 

 

 

 

 

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