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Coulet, Jules. Le troubadour Guilhem Montanhagol. Toulouse: Imprimerie et Librairie Édouard Privat, 1898.

225,001- Guilhem de Montanhagol

1. Lunel lutz una luna lumens. — Ces répétitions de mots de même racine étaient très usitées chez les troubadours. Les Leys d'amor (I, p. 250) en font la caractéristique d'un genre de strophes, les coblas refranchas. Elles se poursuivent parfois durant tout un couplet (cf. Bertran Carbonel, Vil sirventes de vil ome vuelh far) & parfois même durant plusieurs (cf. Bernart de Tot-lo-Mon, Lo players qu'als plazens plai). — La comparaison que nous avons ici n'a rien d'original: assez fréquemment les troubadours comparent à l'éclat de la lune la beauté de leur dame. (Cf. Stoessel, Bilder u. Vergleiche der altprov. Lyrik, p. 49.) Ici elle était en quelque sorte imposée au poète par le pays même de la dame. L'idée du jeu de mots se retrouve dans les armoiries de Lunel, aujourd'hui chef-lieu de canton du département de l'Hérault: d'azur au croissant d'argent, accompagné en chef d'une étoile d'or. — Sur la seigneurie de Lunel & les rapports des seigneurs avec le comte de Toulouse, cf. l'Introduction, La vie de Montanhagol.
 
6. La forme Tolza représente le latin tolosanum, « toulousain », & se retrouve aujourd'hui encore soit dans des noms de famille: Toulza, soit dans des noms de lieux: Cuq-Toulza (Tarn), Gaillac-Toulza. (Haute-Garonne), &c. Le mot, dans l'ancien provençal, était, non pas adjectif, mais substantif, & c'est ce qui explique que, comme les noms de pays, il soit employé sans article.
 
9. Les jeux de mots sur les noms propres sont un des procédés de développement les plus aimés des troubadours. Montanhagol l'a souvent employé (cf. V, 8-11; XI, 37-45), expliquant même plusieurs fois le même nom & dans des pièces différentes. Cf. VI, 36-40; VII, 46-48; IX, 41-44.
 
10. aitan... com = autant... comme. — Aitan doit être entendu ici au sens restrictif: «autant... & pas plus, seulement, précisément.» Parfois, pour bien marquer ce sens, on ajoute ses plus, comme dans ce vers de Sordel:
 
Aitan ses plus viu hom quan viu jauzens.
(Édition De Lollis, XX.)
 
Mais aitan, comme le latin tantum, pouvait, sans doute, avoir par lui-même cette valeur. Aitan... com signifie donc ici seulement... que: « le nom de Jausserande ne veut pas dire autre chose que... &c. »
 
11. Pour remplacer la leçon évidemment fautive gai seran escos, qui ne donne aucun sens & rompt la rime, nous proposons de lire gai seran e sors. Raynouard, en effet (Lexique roman, V, 268), au mot sorger, sorzer, mentionne une forme de participe passé sors = * sursus pour surrectus, avec le sens de exalté, relevé, qui convient très bien ici. Il est vrai qu'aucun des deux exemples cités par lui n'est concluant. Dans le vers de Bertran de Born:
 
lo sors Enrics dis paraula corteza,
 
il est certain que sors n'est pas le participe de sorzer, mais la forme française correspondante au provençal: saur, roux, fauve. Nous avons là une allusion à la chanson française de Raoul de Cambrai, & lo sors Enrics n'est pas, comme le voudrait Raynouard, l'élevé, le grand Henri, mais Henri le Roux, que nous savons étre un des héros de la chanson. (Cf. Stimming, Bertran de Born, p. 281.) Quant à l'autre exemple de Raimbaut de Vaqueiras, le vers cité ne se trouve pas dans tous les manuscrits. Le Parnasse occitanien (p. 71), qui reproduit la pièce No m'agrad' iverns, ne donne pas la strophe qui la contient. Mais Rochegude connaissait certainement le mot qu'il mentionne dans son Glossaire avec le sens de élevé, relevé, exalté. Enfin, Crescini (Manualetto provenzale) le relève dans son lexique & en donne un exemple certain, attesté par la rime:
 
qe si la cortz del Poi e lo bobans
e l'adreitz pretz dels lejals amadors
nom relevon, jamais non serai sors.
(Richaut de Berbesiu, Atressi cum l'olifans.)
 
Gauseranda. — Le biographe provençal ne connaissait sans doute pas plus que nous cette dame, qu'il appelle Jauseranda del castel de Lunel. Et il en était de même de Nostradamus, quoiqu'il lui invente une généalogie & la fasse « fille de Galserant ou Jausserant, prince de Frette & de Gaulcier, qu'estoit une des plus excellentes dames en prestance & beauté du corps. » En réalité, ni dans l'Histoire des seigneurs de Lunel de l'abbé Rouet, ni dans l'Histoire de Lunel de Millerot, on ne relève dans la famille seigneuriale de Lunel personne de ce nom. Il est vrai que le biographe se borne à dire qu'elle était del castel de Lunel, ce qui, dans la langue des biographies, signifie simplement qu'elle était de Lunel. De même, la Béatrix de Lunel, chantée par Folquet de Marseille, ne figure pas non plus dans la généalogie de la famille seigneuriale. Faut-il admettre avec O. Schultz (Zeitschrift f. rom. Philologie, XV, p. 233) que notre Gauseranda n'est autre que silh de Lunel dont il est question dans le planh célèbre composé par Bertran d'Alamanon aux environs de 1237? Rien ne le prouve positivement. Il nous paraîtrait même plus vraisemblable de l'identifier a la dame de Lunel dont parle Blacasset dans sa chanson: Si lo mal d'amor m'auci ni m'es nozens. Nous savons, en effet, que le même Blacasset connaissait notre Gauseranda, puisqu'il répondit à Montanhagol pour renchérir encore sur l'éloge qu'il en faisait. (Cf. Appendice, n°I.) Mais pas plus que notre poète il ne nous laisse deviner qui elle était.
 
14. Esser de gran jauzensa, — Sur cette construction de esser avec de, cf. Stimming, Bertran de Born, p. 275. — L'idée se retrouve, presque sous la même forme, chez Jaufre Rudel:
 
E mias sian tals amors
Don ieu sia jauzens jauzits.
(Pro ai del chan essenhadors.)
 
16. Qui be l'enten. — Sur cette construction, fréquente en provençal comme en ancien français, du relatif qui = latin si quis,& servant à former des propositions conditionnelles, cf. Diez, Grammaire, tratruction française, III, 354, &Tobler, Vermischte Beitraege, p, 99.
 
17. Sur une mauvaise interprétation de ce vers, O. Klein (Der Troubadour Blacasset, Wresbaden, 1887) avait cru pouvoir établir que la réponse que nous publions à l'Appendice n'était pas de Blacasset & que l'auteur en était l'amics Guirautz du reste parfaitement inconnu, a qui s'adresse Montanhagol. Mais O. Schultz (loc. cit.) afort bien montré que le manuscrit donnait & qu'il fallait lire Guirautz Amics. C'est le nom d'une grande famille de Provence, & li savi de Proensa, au lieu d'être une apposition à Guirautz Amics, se rapporte en réalité à ce qui suit. Montanhagol envoie sa pièce au noble seigneur, & met les sages, les gens habiles de Provence au défi de trouver une meilleure interprétation du nom de Jausserande. Son appel fut entendu, & c'est Blacasset qui se chargea de lui répondre par la pièce que nous avons. — Sur cette famille des Amics, cf. Histoire générale de Languedoc, III, 796, & VII, 128. En particulier, Duran Sartre de Paernas parle d'un Guiraut Amic (cf. Un sirventes leugier & vernassal); mais celui-là étant mort au plus tard en 1222, la chanson de Montanhagol était sans doute adressée à son fils, qui portait le même nom. Raimbaut de Vaqueiras l'appelle bien Guiraudetz Amics, mais ce n'était pas son vrai nom. Louvet cite, en effet (Histoire de Provence, I, 422), des lettres de l'empereur Frédéric par lesquelles il était enjoint en août 1245 à « Pierre & à Giraud Amic de reconnaître ledit comte de Toloze duquel ils étaient vassaux. » Ce Giraut Amic est bien évidemment le même personnage auquel Montanhagol envoie sa pièce & dont O. Schultz (loc. cit.) trouve l'existence attestée de 1222 à 1244. — Sur ses rapports probables avec le comte de Toulouse & aussi avec le poète, cf. Introduction, La vie de Montanhagol.
 
18. Pour remplacer la leçon de F, qui n'est pas admissible, nous avons proposé de lire si·ls platz. Cet emploi de ·ls =los comme datif pluriel masculin synonyme de lor = à eux, est assez rare, mais il y en a d'autres exemples. Cf. Appel, Provenzalische Chrestomathie, XIV, citant trois emplois de cette forme dont l'un se rapproche assez du cas présent:
 
Us no s'en espaventa, ans lor agrada e·ls platz
que fassan...
 
Entendensa a ici un sens légèrement différent de ceux qui lui sont attribués par Raynouard (Lexique roman, V,236): avis, idée, pensée, ou par Rochegude (Glossaire occitanien): avis, jugement, intelligence. Dans le cas présent, il faut évidemment le traduire par: façon d'entendre, explication.
 
20. Tan vuelh del nom que... — Sur cette construction proleptique, cf. Stimming, Bertran de Born, p. 236, & de Lollis, Sordello di Goïto, p. 259. Pour donner plus de relief au sujet de la proposition subordonnée, un des procédés employés est de le mettre par prolepse dans la proposition principale en le faisant précéder de la particule de. Nous aurons souvent l'occasion de relever des constructions analogues.

 

 

 

 

 

 

 

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