11-12. — Cf. note sur III, vv. 43-5.
18. E : tant sia ioves efas ; a’ : tant sia ioves ni sans. — F. Pfützner, Ueber die Aussprache des provenzalischen A (Halle, 1885, p. 30), a tort de citer notre passage comme ex. de a plenissonans (efas) rimant avec a semissonans (vilas), etc. : infans donne énfas, énfes, forme attestée (cf. Appel, Chr.², p. VIII ; cf. Razos, éd. Biadene, Studj, I, p. 364 : « en nominatiu et el uocatiu singular diz hom : seigners. coms. vescoms. enfes. homs... »), mais qui n’a rien à faire ici où nous avons e(n)fá(n)s, cas sujet refait sur le thème du cas oblique. Néanmoins, la rime est irrégulière pour une autre raison : efás avec -áns de -ant + s (-ans avec l’n stable) n’est pas possible ici à la rime, tous les autres mots ayant l’n instable ; on ne saurait invoquer les quelques exceptions très rares de ans : a(n)s, se présentant soit dans les troubadours (Bartsch, Denkmäler, p. 333, n. 179, 10, 11 ; Lienig, Die Grammatik der prov. Leys d’amors, Breslau, 1890, Iª, p. 96 ; cf. Erdmannsdöffer, Reimwörterbuch der Trob., Berlin, 1897, Intr. et -an), soit en dehors de la poésie lyrique (Suchier, Denkmäler, pp. XIV et 530, n. ; P. Meyer, Crois. Alb., Intr. p. XC) ; il semble que cet efans a été introduit dans notre chanson pour remplacer le mot originel, dans une région où les autres -a(n)s étaient prononcées ans, c’est-à-dire au sud-est, où n instable était prononcée ; ensuite, un copiste de la rédaction E, qui ne prononçait pas l’n instable, avait écrit partout as (tandis que la rédaction a porte -ans). En somme, d’après les précédents, on ne peut attribuer à Elias lui-même cette irrégularité qui était évitée même par les troubadours originaires du sud-est. Le ms. a’ donne : tant sia ioves n’i(n)sa(n)s. Cet insans « déraisonnable, fou », n’est pas attesté en anc. provençal et manque aussi à Mistral ; (dans 422, 2, str. IV, le sens contraire de sans est attesté : c’om sas ho ten a faillia ; cf. aussi ital. « insano », « insania » ; anc. fr. « insanie », « insanier », « insané »). — Thomas me dit, au reste, qu’il croit impossible le mot i(n)sa(n)s et qu’il vaut mieux laisser subsister efas en admettant que l’accent d’énfas a été transposé sur la dernière syllabe pour la rime.
19. E : qui mezes dos astezas ; a’ : qi mezel dos e bezanz ;bezantz de a’ devant être écarté pour la même raison que enfans, il ne reste que « astezas ». — R., II, 136, II : asteza, s. f., « petite pique, tronçon » ; il cite ce seul exemple qu’il traduit : « Je ne sais baron, tan il soit jeune enfant, qui mît douze tronçons [dos’ astezas] et vous servit sans récompense ». Il est évident que cela est impossible comme sens et comme formation (astezá, s. f. et : ans). — Pfützner (loc. cit., p. 30, n. 1) suppose une formation sur hasta + cianus, qui est impossible. La bonne voie a été indiquée par Levy, S.-W., I, p. 93, qui, après avoir cité R., II, 136, II, ajoute : « cor. artezas « artesische Münzen ; vgl. Du Cange artesiani ». L’étymologie définitive, qui m’est indiquée par Thomas, est le nom de la ville d’Asti, et non celui d’Arras. Elle se vérifie au reste entièrement au point de vue historique. Cf. Domenico Promis, Monete della zecca d’Asti..., Torino, 1853, p. 11 : « ... i cittadini..., nel 1240, ... ottennero dall’ imperatore Conrado II l’importante regalia della zecca... ». L’usage de la monnaie d’Asti est attesté, aussi bien pour le douzième que pour le treizième siècles, dans une grande partie de l’Italie du Nord (cf. ibid., pp. 19-20 et tables, p. 42). Il faut ajouter que l’on ne frappait à Asti que la petite monnaie, des fractions de la livre impériale, commune à tout le pays : grossi (trois pour un soldo) valant un soixantième de la livre ; danari, un quart du grosso ; oboli, moitié du danaro (ibid.). Il n’est pas indifférent non plus de savoir que dès le treizième siècle on trouve dans les actes des mentions expresses : « bonorum astensium » (ibid., p. 42 ). — Quant au nom de cette monnaie, on sait que l’adjectif « astigiano » existe à côté de « astese » et que c’est lui précisément qui est employé lorsque l’adjectif est pris dans le sens du substantif, p. ex. pour les noms tirés de la ville natale de quelques écrivains du quatorzième et du quinzième siècle (Astesanus, théologien du XIVe s. ; Nicolas Astesanus ou Astesan, calligraphie du XVe s. ; Astesanus Antonius, humaniste du XVe s.). Cf. d’ailleurs dans Promis, p. 21, une mention d’ « astigiani grossi ». C’est à cette forme que correspond le provençal astezan, s. m. — Ce que nous avons dit de la petite valeur de la monnaie d’Asti, et peut-être aussi ce que nous savons de la mauvaise opinion qui l’entourait dès le treizième siècle, s’accorde parfaitement avec l’allusion de notre vers.
27. E : esparuier es de vilas ;a’ :carben e simples e planz. — La leçon E ne saurait être correcte, parce que vilas est déjà à la rime au v. 2 et que le sens ne serait pas satisfaisant. Pourtant, on a quelque peine à abandonner cet esparvier, d’autant plus que la leçon de a’ paraît une correction facile provenant de l’addition a plans, qui respecte la rime, d’un synonyme, simple, sans doute pour remplacer esparvier qui n’était pas clair à cette place. Peut-être : car ben es esparviers plas ? L’introduction de l’image d’un épervier dans cette strophe ne serait point étonnante et bien dans le ton ordinaire des troubadours, comme on va le voir par les exemples cités plus bas. D’une part, pour ieu no soi en vostras mas et pour espaviers... Qui·s met envostra preizo on pourrait rappeler un exemple (cité par Stoessel, Die Bilder u. Vergleiche der altprovenz. Lyrik, Marburg, 1886, p. 58, n. 306) tiré de Folquet de Marseille 155, 3, str. II, vv. 13-6 : Qu’aissi·m pograz tener co·l fols rete L’esparvier fer qan tem qe si desli, Que l’estreing tant e·l poing tro que l’auci. Mas, puois estortz vos sui, vivre puosc be (ms. A, n. 181 ; Studj, III, p. 192 ; ms. O, n. 8, éd. De Lollis, p. 14 ; Archiv, 35, p. 382 N ; 36, p. 928 V). D’autre part, pour esparviers plas on pourrait citer l’exemple de bussard, busnart, nom d’un faucon, de race inférieure, il est vrai, et même parfois opposé comme tel à l’épervier, signifiant en même temps « imbécile, niais » (cf. R., II, 272, II ; L., S.-W., I, 175 ; De Lollis, Studj, IX, p. 168) : Qe s’ieu domna soanava Hom m’en tenria per busnart (254, 3, Studj, VIII, p. 423). L’épervier figure dans d’autres images encore. Dans une comparaison (la seconde signalée par Stoessel, ibid.), l’épervier est accusé de perdre forssa ni sen en présence du danger : Eu m’espert totz cum l’esparviers Qe non a ni forssa ni sen ; Qan poders d’aigla·l sobrepren dit l’auteur des Auzels cassadors dans 124, 3, str. III, vv. 27-30, ms. A, n. 349, ibid., pp. 379-90 ; M. G., 741-2. Dans une belle strophe, Giraut de Bornelh compare l’épervier à sa dame (242, 51, ms. A, n. 36, ibid., pp. 44-5, str. II) : ... Una nnoich sompnava en pascor Tal sompnge Qe·m fetz esbaudir : D’un esparvier ramatge Que s’era e mon poing pausatz; E, si·m semblava domesgatz, Anc non vi tant salvatge; Mas puois fo mainiers e privatz E de bons gentz apreisonatz. Cf. enfin un passage obscur de Marcabru, où l’épervier paraît signifier le bon choix contre le mauvais, représenté par le taon : Cuidan s’en van lo tort sentier, Siulan tavan per esparvier E laisson la dreita carrau Per lo conseill dels garaignitz... (293, 19, ms. A., n. 63, ibid., p. 73, et M. G., 800).
41 et suiv. — Ce qui reste pourrait faire penser à [Que (?) Dieus a mos huelhs] don vida car au[n (cf. 21) la gensor chauzida... ], c’est-à-dire à deux vers passe-partout, mais, bien entendu, toute autre chose est possible. |