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Stroński, Stanislas. Le troubadour Elias de Barjols. Toulouse: Imprimerie et librairie Édouard Privat, 1906.

132,008- Elias de Barjols

1 CER² camiat ai de far chanso, R³ coman a d. f. ch., a comgnhat a. d. f. ch., M poinhat a. d. f. ch. — Quant à la leçon CER, portant camjar, canjar, on serait tenté de croire qu’elle peut représenter quelque chose d’analogue à la construction « changer (intr.) de couleur, de style » et avec un sens itératif, quelque chose comme « faire des chansons variées et à maintes reprises » ; mais une pareille construction n’étant pas attestée, il n’y a pas lieu de tenir à la leçon CER. —La leçon juste est comiat, qui ne signifie pas exclusivement « congé », mais encore « permission » (cf. R., II, 448, et L. S.-W., I, 298). La signification congé doit avoir été plus générale, puisque l’autre, qui est celle de notre passage, ne se présente pas à l’esprit des auteurs de nos rédactions (ils peuvent, d’ailleurs, avoir été influencés dans une certaine mesure par le fait que le motif de se partir de chantar est très fréquent au début des chansons). Et comme l’idée de congé ne s’accordait point avec le reste de la strophe, on lui substitua coman (ordre), ou ponhat (ai) (« tâcher »), qui donnent un sens satisfaisant mais non original, ou bien camiat (ai), qui doit n’avoir pas eté compris par la rédaction x elle-même ; le comgnat du ms. a peut réfléter la bonne leçon, si mgn représente mj dans un mot que la rédaction a n’a pas compris. Il faut ajouter que le motif littéraire consistant à parler de la permission (comjat) de la dame au début de la chanson se rencontre souvent : Non cuidei mais ses comiat far canso Mas ar m’aven malgrat mieu far parer Lo pensamen qe·l cor non pot caber Tant m’en a dat cella cui eu mi do..., dit Daude de Pradas 124, 11 (ms. A??, n. 358, Studj, III, p. 387 ; ms. O, 111, Att. Acc. Linc., 1886, p. 78 ; MG 1038-9). Ces deux exemples de comiat « permission », tirés des troubadours, se joignent à trois exemples relevés par M. Levy dans  des textes en prose.
 
14-15 E parra us rams de feunia Qui son franc home (resp. hom’e) lial murir fai. R., V, 36, II, donne deux exemples de ram fig. qu’il traduit « brin ». Meyer, Flamenca², Vocab., p. 389, II : « rams 4415, rameau, brin, fig., comme rains en anc. fr., voir Mätzner, Altfr. Lieder, p. 231 ». Ce mot exige un examen. D’abord, il faut écarter un des deux exemples de R., tiré de 112, 2, d’une strophe qui manque dans le ms. S, mais qui se trouve dans I (MG 371, str. IV ; cfr. Zenker, Peire d’Alv., p. 149) : Tut iorn perpren e·m creis e·m nais Uns rams de iois plens de dousor Que m’a partit d’irs e de plor ; R. écrit ioi et traduit « un brin de joie plein de douceur », mais cette interprétation est évidemment inférieure à la signification propre : « un rameau de joies pleines de douceur ».  — Parmi les exemples qui me sont connus, on rencontre d’abord (un) ram de... ; le second exemple de Raynouard, tiré de Guiraut Riquier, Si·m fos sabers grazitz (M. W., 131 et suiv.) : Aiso es qi per si honrar (M. W.-at) fa bel vestir, O, per si gent tenir, Calc’ autre bel arnes, Armas, selas e fres, O calque gentileza, C’ab .I. ram de fadeza Del portar temoros Estara vergonhos, Pus tot er acabat. Et aiso es uzat Entre·l pus de las gens, Et a n’i de temens Neis de penre honor, Car vergonha temor Lur fa qui·ls ne destriga (R., V, 36, III, traduit « avec un brin de fadaise » et III, 284, II, n. 10, fadeza : « avec un rameau de fatuité, il restera honteux du porter modeste »); Peire Cardinal 335, 43 (M. G., 978-80, str. V) : Qal benanansa Pot hom el·l mon aver ? Q’ ieu vei bobansa venir e mal-voler, E qe s’enansa Per la gen deschazer E fai semblansa De razo mantener. Rams es de traycio Qi ab fencha(resp. aital) razo Auzi son compainhol... (ici appartiennent tous les exemples français cités par Mätzner, P. Meyer et Godefroy, VI, 562, col. I ; cfr. aussi et corr. Appel, Chrest.², p. 83, n. 42b, v. 7, variantes). Or, dans tous ces cas (un) ram est suivi du nom de quelque vice, et, par conséquent, le sens atténuant « brin de, parcelle de... » n’y convient aucunement, puisqu’il s’agit d’accentuer et non pas d’atténuer. Dans tous ces exemples, le sens de ram, rain est nettement péjoratif : « mauvaise action, faute, manie ». De plus, ram est parfois pris absolument (alcuna res es rams) : ainsi dans Flamenca², p. 163 (v. 4415 : Domna, ben fon, so·m cug, us rams, se rapportent, pensons-nous, surtout au v. 4411 : Quar de ren non t’es apagatz) ; dans 461, 45 (couplet de Bremon contre Sordel, qui fait partie d’une série bien connue ; impr., Archiv., 50, 280 : Que·l rams mi pres anc no fesist semblan S’eu pris onta ni dan qe... ) ; dans 330, 7, str. II (autre strophe de P. Bremon, MG. 567 : Ges no·m sapcha lo [r]rams que·m nais De·l mal que m’a laissat e pres…). Dans tous ces passages, que je ne puis examiner ici en détail, le sens paraît être soit « honte », soit « ennui, tristesse ».
La même locution existe aussi en italien, et Tommaseo-Bellini (t. IV, p. 52, col. III, n. 4 et col. I) cite plusieurs exemples de un ramo di (avec un adjectif) et de un ramo (pris absolument) : Guardiamoci da certi santerelli ch’ anno di pazzo e più di furbo un ramo ; [Dicono celiando che] i poeti debbono avere un ramo di matto. — 2º Sappi, Giusto, che ogni uomo ha un ramo ; — Ha il suo ramo (traduit « La sua mania, un principio di fissazione ») ; — Anch’ egli ne ha un ramo. — En italien, on ne trouve guère que les adj. pazzo, matto après cette locution, et il faut probablement les sous-entendre dans les phrases où nous trouvons l’emploi absolu ; le sens « brin » n’y serait pas impossible : « avoir en soi un peu de fou, d’imbécile », mais le sens nettement péjoratif y est non moins admissible et même indiqué par l’introduction de furbo dans le premier des exemples cités.
On peut donc constater en somme : 1º que le fr. rain de..., le pr. ram de..., l’ital. ramo di... ne se présentent que dans des locutions péjoratives où ils prennent eux-mêmes un sens pejoratif (« action mauvaise, forfait » en fr. et en pr. ; « état mauvais, aberration, manie », surtout en ital.) ; 2º que le sens nettement péjoratif se dégage dans l’expression absolue ram pr. ramo it. (pr. « action honteuse, honte, ennui » ; it. : « manie, aberration »). Dans ces conditions, il est difficile d’admettre le sens « brin, parcelle », soit dans ces expressions elles-mêmes, soit à leur base. Le sens originaire est plutôt « branche, sorte », lequel, employé exclusivement dans des combinaisons péjoratives, aboutit, au moins en prov. et en ital., à un péjoratif absolu. (Cf. en fr. « espèce » : 1º mauvaise espèce de... (chose ou personne), sens neutre, défini par l’adjectif ; 2º espèce de... (d’imbécile), sens péjoratif ; 3º espèce... (c’est une espèce, c’est une personne méprisable), sens péjoratif absolu).
 
33. ER² : no sai far mon at ni mon pro ; M : n. s. f. m. enantz n. p. ; A :n. s. f. m. dan n. m. p. ; CR³: nos. f. m. be n. m. pr. — La bonne leçon est at. Ce mot a été étudié, à peu près en même temps, par Appel, Thomas et P. Meyer. Appel (Archiv, 104, a. 1900, p. 234) écrivait : « ... aptum est en prov. aussi un mot populaire. Ou bien at « besoin » est-il autre chose que aptum ? ». Thomas dit (Mél. d’ét. fr., p. 22 : « Je vois dans at le latin aptum employé substantivement ». P. Meyer (Flamenca², p. 316, art. at) : « Ce mot, toujours construit avec aver ou avec far, semble être le même que le fr. aite, dans cet exemple cité par Godefroy : Je n’ai aite de tel present (Bel inconnu, v. 130) ». Il en résulte donc que aptum employé comme subst. sing. s’est conservé dans le prov. at et apta comme subst. plur. dans l’a. fr. aite. — Quant au sens, Rayn., L. R., II, 140, traduit par « besoin, profit, avantage », et, dans ces deux exemples : « avantage » pour notre passage, « profit » pour un fan lor atz, et il a deux exemples de alcuna res a at ad alcu dans le sens « être nécessaire ». P. Meyer traduit par « ce qui est besoin ». Thomas dit : « aptus, qui signifie proprement « attaché », a au figuré le sens de « convenable », ce qui est l’idée même qui est à la base du provençal at ». Appel (Archiv,ibid.) remarque que le sens « besoin » ne serait que dérivé, souligne le fait que, dans notre endroit, at varie avec be et cite, d’après Chabaneau, un exemple (dans Garin le Brun, Ensenhamen, v. 340) d’une expression adverbiale a non-at, « au moment inopportun, d’une façon qui ne convient pas ». — Afar at et aver at, il faut ajouter encore es atz ad alcu que je trouve dans Doctrinal, Suchier, Denkmäler, p. 254, vv. 376-40 : Car mans homes i a, a cui fora grans atz C’una vetz cada dia lur fos ditz e comtatz Que ad els et a mi perdon nostres pecatz Tro que cascus si fos en la fes afermatz.
 
42. — Cette tornada se trouve dans les mss. ER², R³, et elle ne compte que trois vers (voy. au classement) sans notre v. 42. La seconde tornada se trouve dans CER² : a, et pour le v. 46 le ms. a porte notre v. 46, tandis que les mss. CER²(x) donnent autre chose pour les vv. 45-6 ; une confusion entre les deux tornadas dans x et une transposition du v. 42 (x 46) dans la seconde tornada paraît probable.
 
45-8. — La tornada a est visiblement préférable ; qeir pour qer, qier n’est pas improbable. 

 

 

 

 

 

 

 

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