1-3. Pos Dieus nos a restaurat Lo pro comte... Cette chanson amoureuse débute par une allusion à des événements historiques : il s'agit du retour en Provence du jeune comte Raimon-Bérenger IV. A la mort de son père (Alphonse II), à peine âgé de quatre ans Raimon Bérenger devint comte de Provence, sous la tutelle de son oncle, Pierre II d'Aragon, qui l'amena dans son pays. Après la mort de Pierre II (1213), l'oncle du roi, Sancho d'Aragon, devint le tuteur de ses deux petits-neveux, Jacme Ier d'Aragon et Raimon Bérenger. Enfermés au château de Manzon, ils réussirent à s'échapper tous les deux, grâce à des nobles provençaux et aragonais, qui facilitèrent le retour de leur seigneur respectif. Selon le témoignage de Jacme Ier, son cousin s'évada sept mois, avant lui ; et comme il quitta lui-même Monzon en juin 1217, le départ de Raimon Bérenger doit se placer vers la fin de 1216. Le retour du jeune comte fut accueilli avec joie dans son pays, car il devait mettre fin aux troubles suscités par les grands feudataires et les communes. L'événement fut chanté, en même temps, par Aimeric, et par Elias de Barjols, qui disait, dans la première tornada d'une de ses chansons (132, 1 ; Stroński, Elias de Barjols, p. 18, n. VII, v. 41-42) :
A·l senhoriu de Proensa
Es vengutz senher naturals...
Cf., pour ce qui précède, Ch. de Tourtoulon, Jacme Ier, le Conquérant, I, p. 149-153, Suchier, Denkmäler, I, p. 555-556 et Stroński, op. cit., p. 65-67, notes (date et localisation) sur le n. VII.
4. torn m'en est une correction ; le manuscrit porte termen (on pourrait également lire, en changeant une seule lettre, torn ieu ; le reste n'étant qu'une question d'interprétation des jambages). Il nous semble que, grâce à cette correction, la première strophe est reliée à celles qui suivent ; tandis que si on lisait termen elle serait tout à fait isolée du reste de la pièce. D'autre part termen semble s'opposer à commença ; il faudrait alors traduire « je finis, je reviens ».
8-9. Cette étymologie fantaisiste revient plusieurs fois dans la poésie provençale, mais généralement c'est pro qui est considéré comme racine. Cf. J. Coulet, Le troubadour Guilhem Montanhagol, Toulouse, 1898 (Bibl. méridionale, 1re série, t. IV), p. 99, note à V, 11, et la note de Suchier, Denkmäler, I, p. 556.
9. per raso. Voir sur le sens de cette expression Stroński, Folquet de Marseille, p. 219-222 (et surtout p. 220, n. 2), note à V, 54.
15. E pos. Suchier, Denkmäler, I, p. 324, corrige en mas pos, ce qui ne change pas sensiblement le sens. On attendrait plutôt pero.
19. Que·m get de·l cor. Nous avons corrigé al du manuscrit, qui n'offrait pas un sens satisfaisant. — Cf. aussi notre pièce XX, v. 24-28.
24. Mon ric autiu cor ; cor doit être ici le sujet de la phrase. (On sait que, pour le distinguer de cors, les troubadours ont souvent considéré cor (cœur) comme un substantif indéclinable : cf. Appel, Prov. Inedita, p. XV-XVI). Cependant le sens semble faire de cor un régime : il faudrait alors corriger dans le vers précédent mon sen en mos sens.
27. Argença. Petit territoire situé sur les rives droites du Rhône et du Gardon, qui appartenait au comte de Toulouse (mais au XIIIe siècle celui-ci le tenait en fief de l'archévêque d'Arles). Sur les mentions de ce nom dans la poésie des troubadours, cf. O. Schultz [Gora], Uber den Liederstreit zwischen Sordel u. Peire Bremon, p. 130 (dans Archiv, XCIII, 1894, p. 123-140).
49. Agra salvat reverenza. Peut-etre faudrait-il lire agra salva·l reverenza (le manuscrit a saluatz).
53-54. Suchier, loc. cit., met une virgule après raso(n) et comprend non son seguras en amor. Nous aimons mieux l'interprétation proposée par Levy, S. W., VII, 530, seguran. Le sens de razo est assez difficile à préciser, ici : est-ce « raison d'être », ou « pouvoir » ?
56-57. Le manuscrit donne un texte très défectueux pour ces deux vers. Suchier a remplacé vnc du manuscrit, par Tuit li. Si, comme le pense M. Stroński (Folquet de Marseille, p. 132*), la tornada est adressée à Eléonore de Toulouse, il faudrait lire dona (avec l'article appuyé dona·l), ou un senhal quelconque, au début du v. 56 (car Aimeric s'adresse directement à une personne, qu'il devait nommer : cf. v. 59, fossetz). — Nous avons adopté, pour le v. 57, la correction de Suchier — bien qu'elle ne nous semble pas satisfaisante — car nous n'avons rien trouvé de préférable.
59. tro fos cobratz Tolsas. Ce vers (avec les trois vers du début) donne la date approximative de cette chanson, qui a dû être composée entre la fin de 1216 et septembre 1217. |