3. perpara. Les manuscrits AB ont ampara, qui n'est pas impossible, puisque le sens de « présenter, donner » est attesté par les dictionnaires ; mais tous les autres manuscrits sont d'accord pour perpara. Raynouard, Lexique, IV, 424, preparar, per-, citant ce vers, traduit « prépare » ; mais cf. Levy, S. W., VI, 262, perparar, 1.
4. qu'azautimens. 7 manuscrits ont que chausimens ; à ceux-ci on peut rattacher R, qui a seulement cauzimen. La leçon que nous avons adoptée ne se trouve donc que dans CMaf (et, corrompue, dans Dc) ; elle semble cependant meilleure pour la suite des idées : Si l'on adoptait chausimens, il faudrait lui donner le sens peu fréquent de « faveur » (li n'est même pas enregistré par Levy, Petit dict. prov. ; on le trouve dans Perdigon, 370, 5, — Chaytor, Les chansons de Perdigon, p. 15, n. I, 24, — mais là aussi il peut être remplacé par « pitié ») ; tandis que azautimens correspond à benestansa du v. 7 (et les deux se rapportent à l'amic).
5-7. Les manuscrits sont divisés, pour ces deux vers, en deux groupes. Le texte donné par CDcMf, auxquels se rattache peut-être R, nous a semblé préférable, car l'opposition entre les idées exprimées dans la première partie de la strophe et la seconde est plus nette. Cependant le texte de ABDEHIKa est également acceptable. Il faudrait alors supprimer la parenthèse du v. 4 et lire :
Pero non dic que chauzimens non sia
Qui a·ls grans ops son amic acorria ;
E·m paria esfortz e benestansa..
10. suau e mens d'afan. Faut-il lire, avec ABDHM, ab mens, au lieu de mens ? Les deux expressions sont attestées (cf. Levy, S. W., V, 197-198, mens) ; mais Tobler (Vermischte Beiträge zur französischen Grammatik, Leipzig, 1899, t. III, p. 102-103) pense que ab mens de est plus usité que mens de.
11. en fe et en paria. Nous avouons ne pas comprendre le sens exact de ces mots : est-ce une locution comme fe que dei vos (cf. Appel, Chrestomathie 6, III, 465, Jaufre), et qu'il faudrait traduire : « par ma foi et mon amitié » — ou bien « contre la bonne foi et l'amitié » ?
13. desmezuransa. Le sens donné par Levy (Petit dict. et S. W.) « inconvenance », et inacceptable ici ; c'est plutôt « démesure, excès » (comme desmezura).
15. partic. Il ne faut pas voir dans cette forme un trait dialectal ; elle est seulement exigée par la rime en -ic.
17. E remas lai, mos cors, don' en lian. lian est ici pour la rime, au lieu de liam ; ce qui le prouve, c'est que le seul manuscrit qui donne un vers correct, a, conserve la forme liam (Cf. d'ailleurs Stimming, Bertran von Born 3, p. 179, note à 15, 44). Cette forme, ainsi que l'élision dans dona, ont été la cause des erreurs de presque tous les manuscrits. AB donnent un texte intelligible, mais ses tot engan n'est qu'une cheville, par laquelle le copiste du modèle commun remplaça ce qui était probablement, pour lui, une leçon incompréhensible. —liam, au figuré, est assez souvent employé par les troubadours : cf. p. ex. Guiraut de Bornelh, 242, 25 (Kolsen, Sämtliche Lieder, p. 182, n. 32, v. 49-51) :
E si·m tenetz pres e·l liam
E no·m val forsa ni valors..
et 242, 58 (Kolsen, op. cit., p. 182, n. 33, v. 34-35) :
Ges leis non ateis lo liam
En que cudei c'ams nos prezes..
— Voir aussi, pour des images analogues, Aimeric de Pegulhan, 10, 12 (Mahn, Gedichte, n. 35), strophes II et III — et surtout v. 13 — et Guilhem de Berguedan, 210, 13 (Mahn, Ged., n. 165), v. 26 et 28.
25. Qu'em pessan suy ab vos. C'est un des lieux communs favoris de la poésie provençale. Aimeric de Belenoi le reprend à lui seul plusieurs fois ; pour les autres troubadours, cf. Wechssler, Das Kulturproblem des Minnesangs, p. 378-379.
29-31. Li belh semblan... | de vos... Pour l'emploi du pronom personnel au lieu du possessif cf. Diez, III 3, 63.
32. salva lur companhia. Quel est le sens de ces mots ? Est-ce une expression (analogue au français « sauf votre respect ») fixe, avec le sens de « ne leur déplaise », ou bien faut-il traduire « je méprise l'amour des autres femmes (mot-à-mot « quant à l'amour »), malgré le plaisir que me fait leur société » (ou encore « malgré leur bon accueil ») ? Levy, S. W., VII, 674, soan, 6, citant les vers 29-33, met un point d'interrogation à ces mots.
33. per meig. Cette expression, très fréquente en provençal (cf. Levy, Petit dict. et S. W., V, meg, 8, 9), est généralement suivie d'un substantif ; elle paraît faire ici double emploi avec dins. Faut-il y voir une construction analogue à celle qu'on trouve dans Bernard de Ventadour, 70, 31 (éd., Appel, p. 190, n. 31, 36) :
.. portesson corns e·l fron denan,
où la seconde préposition est devenue adverbe ? (Cf. Diez, III 3, 287-288). Les manuscrits CM ont dins me et R donc me, au lieu de per meig ; mais M seul remplace dins mos huelhs par per los huelhs, pour donner un texte cohérent ; aussi le témoignage de ces manuscrits n'est-il pas suffisant pour faire rejeter le texte des autres.
Quant à l'image exprimée ici, et qui a passé de la littérature provençale dans les autres littératures, cf. Wechssler, op. cit., I, p. 382-384. |