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Jeanroy, Alfred. Un sirventés politique de 1230. "Romania", 51 (1925), pp. 111-116.

022,001- Amoros dau Luc

Au v. 26, M. Sch.-G. corrige, avec raison, chambrals forneils en chambras, fornels, en ajoutant ce bref commentaire : « chambra peut être pris au sens prégnant de appartement confortable et joliment aménagé. » Le mot ne peut comporter par lui-même cette nuance, et son sens ordinaire, « appartement privé », suffit parfaitement ici. C'est sur forneils que porte la difficulté. Le mot peut désigner soit un four (1), soit un appareil de chauffage indéterminé (2). C'est évidemment ce dernier sens qu'il a ici et cet « hendyadyn » équivaut à « chambres munies d'un appareil de chauffage ».

Le mot garseillar (v. 27), non attesté en provençal, a embarrassé non seulement M. K. Lewent (Zeitsch. f. rom. Phil., XXXVII, 316, n. 2), qui l'identifie avec un gasalhar non moins obscur (Levy. IV, 12), mais aussi M. Sch.-G., qui y voit l'èquivalent de l'a. fr. garsilier, grasilier, qu'il traduit, avec Godefroy, par « se divertir ». Le sens propre du mot, évidemment dérivé de gars, est « folâtrer avec des gars ou des garses » (suivant le sexe du personnage visé) et ne convient guère ici. J'y vois, comme S.-G., un mot français provençalisé, mais ce mot est guerseillier (3), tiré de la locution bien connue a guersoi. L'habitude de se provoquer à des rasades a été souvent reprochée aux Anglais et le mot devait être bien connu dans un pays où pullulaient les garnisons anglaises.

Dans le dians du v. 26 M. S.-G. voit un dérivé de di (diem) synonyme de l'a. fr. diain, « travailleur à la journée » ; il s’agirait des ouvriers agricoles (rien ne rend plausible cette restriction de sens) qui, le soir venu, rentrent commodément (?) chez eux, montés sur un cheval de labour. Cette comparaison du roi avec un croquant est-elle admissible ? Le mot est évidemment le représentant de decanus, forme à mi-chemin entre le provençal (degan) et le français (doiien), que le poète a peut-être choisie à cause de sa ressemblance avec l'ang. dean : il est ridicule pour un jeune prince de chevaucher les paisibles montures chères aux prélats.

M. S.-G. rapproche avec raison le desartar du v. 29 de l'a. f. desartir, généralement associé à derompre avec haubert, broigne (une fois large) comme régimes directs. Le sens propre, comme l'a montré M. A. Thomas, dans un article que M. S.-G. ne paraît pas avoir connu (4), est « disjoindre, mettre en pièces en rompant les mailles », sens qui paraît incompatible avec celui du régime camisa. Mais il suffit, pour que desartar devienne d'une rigoureuse propriété, de voir ici une « chemise de mailles » (5), genre d'armure très analogue à l'anciènne broigne, qui « abandonnée au XIIIe siècle par la chevalerie, passa alors dans le costume des hommes de pied et devint, jusqu'au siècle suivant, l'armure des sergents, archers et arbalétriers (6) ». M. Thomas remarque avec raison que le supin sartum donnerait plus naturellement un dérivé en -are : c'est précisément cette forme (non attestée en a. fr.) que nous fournit notre texte, si la correction de M. S.-G. est juste.

C'est sûrement une excellente correction qu'il propose en changeant (v. 34) cazaises en cazairés : nous avons là un de ces dérivés en - aricius, assez rares en provençal ; la correction de corns en cans paraît aussi très naturelle, le premier hémistiche mentionnant les « lévriers » (7).

 

 

Notes :

1. Souvent « four banal ». Les fours publics servaient parfois, en hiver, d'asile aux vagabonds. Lors li covient grans meszaixes sofrir, — peir ospitails e peir forniax gesir (ms. p. f. e gehir), dit un jongleur en parlant d'un de ses pareils (texte imp. dans mes Origines de la poésie lyrique, p. 506, n.) ()

2. Et non une voûte, comme le dit Godefroy, d'après un passage du Roman de Troie où Constans (v. 3135) lit chambres voutices o (et non a) forneaus, c.-à-d. des chambres voûtées pouvant être chauffées. Victor Gay (Glossaire archéologique, s. v. fourneau) traduit très justement: « poêle, et la chambre qu'il sert à chauffer ». ()

3. Un exemple dans Godefroy ; un autre de la variante guesseillier. ()

4. Romania, XXXVII, 132. ()

5. Un ex. dans Godefroy, Complément, à CHEMISE. ()

6. Gay, Gloss. archéol., s. v. BROIGNE, où est cité ce vers de Guy de Bourgogne (postérieur à 1211, Romania, XVII, 282) : Rompus est mes bliaus et ma broigne sartie (v. 59). ()

7. En anc. fr. le mot chaceret s'est appliqué à des oiseaux de chasse (Thomas, Nouveaux Essais, p. 102). ()

 

 

 

 

 

 

 

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