NOTES
Cette chanso de joi montre l’allégresse et l’assurance du poète, comme la plupart des poèmes de son groupe.
Dédiée à Agout et parlant de Linhaure, pour ces raisons elle se classe dans le groupe des poèmes de Provence.
Le poète est pourtant assez loin de ses amis et protecteurs. Il est, bien sûr, tout à fait possible que la chanso ait été composée en Limousin, entre deux voyages en Provence, par exemple.
Gaucelm parle d’abord d’Estui. C’est ici l’unique exemple de ce senhal. Il est impossible à expliquer. Le sens d’ « étui » permet de penser qu’il s’agit d’un protecteur — G. s’adresse ensuite à Linhaure, mos Linhaures fis (comme il à dit mos Estuis). Fis n’est peut être amené que par la rime. Linhaure apparaît cependant comme un ami vrai qui pourrait s’inquiéter du sort de Gaucelm. Enfin le poète envoie ses saluts respectueux, et des louanges flatteuses, encore que conventionnelles, à N’Agout, messire Agout. Linhaure et Estui, cités avec Agout, font donc partie de « ses connaissances » c’est-à-dire de ce groupe d’amateurs de courtoisie.
Sous le thème classique du joi on discerne une forme métrique remarquablement raffinée et savante. Les longues strophes, de douze vers brefs, que le dernier, heptasyllabe, termine avec une certaine ampleur, sont unies par les rimes a et e selon une succèssion bien étudiée. Ceci rappelle les raffinements métriques de Raimbaut d’Orange. L’allure générale de cette strophe de Per l’Esgar a une ressemblance très nette avec les recherches prosodiques de Raimbaut.
L’ouverture du poème mêle d’une manière, inattendue chez Gaucelm, le temps clair, la sombre bise et le froid, et les oiseaux rendus muets. Tous ces traits rappellent, en moins strident, la flor enversa de Raimbaut, qui elle aussi rend muets les oiseaux. Même tableau, trait pour trait aussi, dans Er quant s’embla-l foill del fraisse (1). Ainsi, Per l’esgar est l’une des pièces dont le raffinement métrique et descriptif fait croire que Gaucelm, dans son trobar car, a imité Raimbaut d’Orange (2).
1) Cf. Er resplan la flor enversa 389, 16. Str. I — Er quan s’embla-l foill del fraisse, 389, 15, str. 1. (↑)
2) Cf. D’un amor on s’es asis 167, 20 a. str. I, v. 13 à 16… mos TROBARS —qu’es fins e clars — non fora CARS — ni agra gran valensa. (↑) |