ARA NOS SIA GUITZ
(Str. IV et VI b, 2ème version de la tornada. Cf. N. 55)
Comme plus haut, nous donnons de nouveau, à sa place dans la succèssion chronologique que nous nous efforçons d’établir, la strophe Oimais es Antecristz qui, en toute vraisemblance, nous paraît avoir été rajoutée pour adapter ce chant de croisade à la Quatrième expédition des princes et barons chrétiens. Si cette strophe a été intercalée en quatrième position, c’est que la strophe Er laissem los giquitz trouve mieux sa place à la fin de la pièce parce qu’elle est un véritable « chant du départ ». C’est ainsi que nous avons, dans cette str. IV, avec ses allusions à une rencontre de Philippe-Auguste et de Jean-sans-Terre à Saint Denis, et à Safadi (Saïf-ed-Din), des références à des faits et à un état de choses datant de 1199–1200 (Cf N. 55, commentaire), alors que la str. V exprime la situation entre 1187 et 1191. De même, la version b de la tornada se rapporte à la Quatrième Croisade, mais avant qu’il fût question de l’expédition à Constantinople.
IV |
Oimais es Antecristz |
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al dan del mon issitz ; |
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que totz lo bes s’esmaia |
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e-l mals es saillitz, |
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qe-ls fals rics a sazitz |
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e pres et endormitz ; |
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e-l pecatz qe-ls esglaia |
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los ten morns e tristz ; |
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qe-l reis cui es Paris |
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vol mais, a Sain Daunis |
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o lai en Normandia, |
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conqerr’ esterlis |
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que tot cant Safadis |
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a ni ten en baillia — |
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don pot esser fis ! |
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c’aissi cum deura sia ! |
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
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VIb |
Ai, dos Maracdes fis, |
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vos e-ls pros Peitavis |
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sal Dieus e benezia, |
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car lai son aclis… |
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et a nos peleris |
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lais venir en Suria, |
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que-l Coms Baudouis |
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e-l pros Marques i sia |
Désormais l’Antéchrist, au grand dam du monde, a surgi, car tout le Bien perd courage et le Mal s’est mis en campagne : il a saisi les mauvais riches, il les a pris et endormis ; et le peché, qui les remplit de peur, les tient mornes et tristes ; car le roi à qui est Paris préfère, à Saint Denis ou là-bas en Normandie, conquérir des livres sterling que tout ce que Saïf-ed-Din possède et tient en garde — il peut être certain qu’il en sera comme il devrait être !
Ah, aimable et noble Maracdes, que Dieu vous sauve et et vous bénisse, vous et les preux Poitevins ! car ils sont tournes vers là-bas ; et que nous, les pèlerins, il nous laisse arriver en Syrie ; et que s’y trouvent le Comte Baudouin et le preux Marquis ! |