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Stronski, Stanislaw. Le troubadour Folquet de Marseille. Genève: Slatkine Reprints, 1968

[CdT en procés d'incorporació]

155,007- Folquet de Marseilla

Cfr. dans Lewent Kreuzlied l. c. : 16 merman lor jois « sie verringern ihre Freuden, » ; il faut que joi soit sujet au v. 16 pour l’être au v. 17, où il ne peut y avoir doute, puisque la comparaison n’est logique qu’entre la fenêtre et les joies des avares et des amants (et non pas eux-mêmes) qui diminuent quand on y ajoute ; d’ailleurs, la majorité des mss. et le v. 18 parlent en faveur de la construction neutre de mermar. — 24. ·ls plus ; pour ·l plus qui est mieux attestté par les mss. voy. O. Schultz-Gora, Elementarbuch 119 § 176 et cf. p. ex : Tota la ley que·l mais de las gens an Appel Chr. 77 v. 33. — 32. plassa Qe·il dirai si so mal no « dass es ihr behage dass ich nur von ihrem Urteil zu ihr spreche » : dirai après plassa étant incorrect (Lewent, note p. 432) on lirait en tous cas : plassa ; Qe·il dirai si so mal no ? mais c’est la leçon d’un seul ms., tandis que la bonne se lit clairement dans cDaU et se laisse entrevoir à la base des corrections AB et IKNP. — 45–6. Mas conqueren ab lauzor Ni dieu presen son labor Mains que « wofern sie nur mit Ruhm eroberten, und manch einer seinen Reichthum Gott darböte, bei welchem . . . » ; conqueren est condamné par le classement des mss., ni se trouve dans U seul contre na de tous les autres mss. et l’ensemble de cette leçon ne donne rien de satisfaisant ; notre leçon ne fait que suivre les mss. ; mas au v. 45 marque simplement l’oppose des vv. 43–4 ; pour labor cf. p. ex. : Per so l’a Dieus a son ops pres D. de Pradas 124, 4 str. III, A. n. 356. — 49–66. voy. le commentaire historique.

17–18. Quel est, au juste, le sens des mots : fenestra que merma s’om i apo ? M. Lewent dit : « ein Fenster, das sich verringert, wenn man (etwas) hinzufügt », et en note : « d. h. seine Oeffnung mit Gegenstaenden verdeckt ». Mais ceci ne s’accorde point avec les termes de notre texte, parce que des « objets » ne peuvent pas être « ajoutés » à une fenêtre. D’autre part, une pareille comparaison poétique ne serait-elle pas bien singulière ? L’observation de Folquet se rapporte simplement à l’architecture des fenêtres et vise le style nouveau de leur construction qui débuta précisément vers la fin du XII siècle, de façon que notre troubadour y fit allusion à quelque choise d’actuel : l’ancienne fenêtre romane, entièrement ouverte ou simplement partagée en deux fenêtres jumelles commençait à être remplacée par une fenêtre plus on moins remplié d’arcatures, de roses, de meneaux, de façon que les dimensions des espaces à vitrer s’en trouvaient diminuées (voy. Viollet Le Duc, Dict. rais. de l’architecture fraç. du XIe au XVIes., Paris 1861, t. IV, art. Fenêtre, pp. 374–7 et ss. ; cf. Enc. de l’architecture et de la construction p. sous la dir. de P. Planat, Paris 1888–92, t. V, art. Fenêtre, p. 477).

47. mains que. M. Lewent voit dans que un « adverbe relatif » et traduit : « manch einer bei welchem » ; M. Schultz-Gora (Literaturblatt, l. c.) se prononce pour un que causatif Sur « car » ; c’est M. Lewent qui est dans le vrai. Sur ce que « adverbe relatif » voy. Diez III2, 378–81 (fr. 348–51) ; Suchier, Auc. et Nicol.6, Paderborn 1903, p. 51 ; Tobler, Verm. Beitr., I2, 102-3 (fr. 156–7) et cf. les chap. XVII et XVIII entiers ; Meyer-Lübke III, 674–5 (fr, 702–3), § 628 ; Appel, Chrest.2 (au Glossaire : que), 293–4 ; Mistral II, 670 (causo que l’on se sier « chose dont on se sert » ; l’ome que parle « l’homme dont je parle ») ; l’examen le plus complet est celui de Diez, mais il laisse à désirer ; je n’ajoute ici que quelques exemples nouveaux (cf. au Gloss. pour ceux de cette édition) et quelques observations de detail. — On sait que cet adv. rel. que est couramment employé après des substantifs exprimant « l’idée de temps » (Diez nº 1.), p. ex. : Quan ve a l’ora qu·l corps li vai franen (Boeci v. 104) ou bien : Aissela nueit c’om l’aura pres (Auz. Cass. 693 dans Studj V) ; le substantif est régime : Ieu coseguiey tems e sazo Que tenien falcos et austors Mans home bo per lur honors Mais que per negun autre pro (Oliv. d’Arle, Cobl. esp. n. 46, Bartsch, Dkm. 38), Assignet li lo jorn que vengues (Razo II G. Faidit), E det li jorn qu’el vengues a leys (Razo II Sav. de Mauleon deux fois, et cf. ibid., plus bas : com l’avia, dat jorn de venir, ce qui paraît indiquer que que assumait déjà dans cette expression le caractère de conjonction finale) ; le substantif est sujet : Mal aia·l jorns qu’Amors mi fetz emprendre (Pons de la Garda 377, 5), Et atendrai tro que veigna sazos Qe·il desamat sofren trobon merce (D. de Pradas 124, 11 str. II, A n. 358) ; cf. aussi : Aysso so los jorns que lo bonauratz sant Jon . . , Calendr., Suchier Dkm. 108 n. 2 vv. 1–2, ou bien : Una sazo si fo que Gaucelms Faiditz s’entendet lonjamen en Na Jordana d’Ebrun Razo IV G. Faidit ; pour les adverbes de temps : Et adonc que sia granz festa Flam. 1311 ou bien : E si no·ls trobatz en sazo Autras vetz n’auretz be e pro Que l’acsidens lur es partitz R. Vidal Abrils 1368 et cf. au Gloss. Diez ajoute aussi que cet adv. rel. est employé après les substantifs exprimant « l’idée de motif » sans en donner d’exemples ; il faut bien ajouter « l’idée de manière » : de guisa que (III, 40) et « l’idée de lieu » : En loc que los puscam vezer (Appel, Chr.2 9, 195) ; l’endré que nasquere « le lieu où je naquis » (Mistral l. c.) ; cf. : in loco ehe son gradite dans Diez sous le nº 3 ; il est intéressant de voir, ici encore, ce que non pas après des substantifs mais après des adverbes de lieu : Es conseillz senate Qu’om de sai se castey Que sos tortz lai no·l grey (Gir. de Bornelh, 242, 73) ; Mas, si vos plas, me menares Lai, e·m dires, que l’effant es (Enf. Jesus dans Bartsch Dkm. 281, 8–9 ; p. 341 correction inutile de em en on ou o·m = on me). — Mais ce que peut se rattacher à un substantif quelconque (avec où sans reprise de ce substantif par un pronom, comme sai est repris par lai dans l’exemple cité de G. de Born.) p. ex. : . . . et es bestia que hom la mena a tota sa voluntat totas horas ab gran re de batemens (Trat. Penitenza, Studj V, 279) ; Car ieu del tieu martire m’entremet de cantar Que miels fora semblant que m’en degues plorar (Raim. de Castelnou, Doctrinal dans Suchier Dkm., 244 vv. 84–5 ; cf. au sujet de cette fusion d’une prop. relative avec une prop ; objective, Tobler o. c. ch. XVIII). Or, il convient de relever le type assez fréquent des cas où le substantif est accompagné de l’article indefini un qui sonne comme un tal ce qui fait que cet adv. rel. hésite entre la fonction de pronom relatif et celle de conjonction ; ceci se voit très bien p. ex. dans le cas suivant où tal est repris après que : Lo seignorius celestiaus Probet de nos un lavador C’anc for d’outra mar non fon taus (Marcabru, 293, 35 ; Appel Chr.2 n. 72 vv. 5–7) ; c’est ici qu’appartient, à mon sens, le passage suivant d’Alegret (voy. éd. El. de Barj. p. 59 et cf. Dejeanne, An. du Midi XIX, 228, et Levy, S.-W. VI, 105 art. parven n. 1) : E·l fron ll’en sors un’estruma Qu’ell(i) er jase, mentre viva, parventz (M. Dejeanne et M. Levy : Que ll’(i) ; le ms. porte Que lli ce qui donne une syllabe de trop ; parventz signifie dans notre leçon « reconnaissable » comme dans d’autres cas ; avec l’autre leçon, n’aurions nous pas mentr’ el viva ? ). — Ensuite, il faut mettre à part les cas où que adv. rel. se rapporte à un pronom indéfini, comme mains dans notre vers et ou l’idée de tal est, d’une certaine façon, inhérente à ces pronoms suivis de que : Pero d’un joy m’en esjauzis D’una qu’ane re non amiey tan (Cercalmon 112, 4 ; Appel, Chr.2 n. 13 vv. 13–14) ; . . . d’autres que capdels Bos non lur es donatz (G. Riquier Suplicatio, vv. 584–5 ; MW. IV, 176 ; cf. Diez) ; Contra·l defalhimen Dels noms especials, Car sols lo(s) generals Es aprumatz a totz Et hom apela·n motz Que no·s deuria far, Qui ben enten e clar La suplication id. Declar. 48 ib. 183 (motz ; Que dans le texte de Pfaff est une mauvaise leçon) ; E la dompna li respondet qu’el non era hom que neguna dompna li degues ni far ni dir plazer Razo Richaut de Berbeziu (hom a ici le caractère d’un pron. ind. « quelqu’un » ) ; E si an mala voluntat Ad alqu que sian endignat contra luy . . (Brev. d’Am. 17290–2) ; avec un substantif : Et iei mol(t)s eros morsels saboratz pe·ls ostals Que lur dons los ploravan . . . (Raim. de Castelnou, Doctrinal, dans Suchier, Dkm, 242, vv. 25–6) ; Que mil son enpachat del bran Qe fai plus bell baisar un ors (Ap. Chr. 95, 26–7) ; cf. dans Suchier (Auc. et Nie. cité) : Comme pluseurs femmes sont qu’i ne leur chault ou elles s’abandonnent ; locution adverbiale tempor. : Mantas vetz judja Razos mort Que Merces perdona lo tort (Arnaut de Maruelh, Lettre Cel que, Stengel, Lieders. c, 18 vv. 75–6). — Après un pronom démonstratif : Ni sels que trasgitars Es lor us . . (G. Riq. Suppl. 580–1, MW. IV, 176) ; Celui que (lire que·l ?) plac pe·l nostre marrimen Venir e·l mon . . . Clamem merce (80, 41 vv. 33 ss. , Stimming, B. de B1, 213, Thomas, B. de B., 29) ; E d’aquels reis en sai que sabon autras gens (Peire de Corbian, Thesaur dans Bartsch-Koschwitz, Chr.6, 237 v. 25) ; E trobar so q’us reys, Si trobar o sebia, Mays presats en seria (Serv. de Girona, dans Suchier Dkm. 266 vv. 366–8) ; A chantar m’er de so qu’eu no volria (Comtessa de Dia 46, 2) ; E diz : Aquest que·m vai blasman D’aiso que·m degra mieillz iauzar Flam. 1216 ; (en revanche, rien de pareil ne se trouve dans le passage suivant : E selhs qu’auran de mi tort ni peccat Ses falhimen, que no·ls er perdonat. Cairan lains e·l foc d’infern arden, Falq. de Romans 156, 12, éd. Zenker n. VIII vv. 22–4 ; le que du v. 23 ne se rapporte ni à selhs ni à falhimen, comme le croit M. Zenker dans une note, assez vague, p. 87 ; il faut ponctuer comme ci-dessus et entendre : ses falhimen . . . cairan « sans aucun doute . . . tomberont » ; que est simplement « car »). — Enfin il est remarquable que cette construction se rattache assez fréquemment, de façon directe ou indirecte, à des noms propres ; dans la plupart de ces cas on a l’impression qu’elle sert à faire ressortir la notorieté des noms que l’on cite ou bien des faits qui s’y rattachent ; p. ex. : L’evesque de Tholosa, Folquets cel de Maselha Que degus de bontat ab el no s’aparelha (Chans. Crois. Alb., 1026–7 et cf. Diez l. c.) ; Aisso es Uc lo Maines, c’an no vi plus ardit, Fraire al rei de Fransa (Chans. Antioche, 8–9) et Cest est Robert Norman . . . fraire al rei Anric qu’anc no fo tan rix bar E fo filhs al Bastart (ib. 87–5) ; Ayssi co aquel paubre Laçer que·ls angels l’enportero e·l se d’Abram (Trat. Penitenza, Studj V, 282) ; Bertrans de Born si fo de Lemozi, vescoms d’Autafort, que i avia prop de mil omes, Vida II de B. de B. (l’interprétation « où il (y)avait » paraît être la plus probable ; mais, comme c’est à tort que le biographe donne à Bertran le titre de vicomte, il veut peut-être ajouter l’explication « car il y avait ») ; ici appartient, probablement : L’us dic de la Taula Redonda Que no·i venc homs que no·il responda Le reis (Flamenca, 661–3, si l’on veut, au lieu de rapporter que à diz, entendre que no·i « a laquelle » de même que no . . . homs que no·il qui suit est « homme auquel ») ; cf. aussi deux ex. relevés par M. Tobler (Gött. Gel. Anc. 1877, p. 1609) ; . . . je vous jure et creant Que chius prinches Tangres c’on fait feste si grant (Bast. de Buill. 6493–4) et Corbarant c’on mist sus traison (ib., 556) ainsi qu’un cas cité par M. Suchier (l. c.) : l’empereur Kyrsac de Constantinoble que uns siens frères li avoit tolu l’empire ; et enfin une construction analogue dans Meyer-Lübke § 628 : Antonio da Montagnone il quale gli era stato morto il padre ; indirectement rattaché à des noms propres : Cum fo de Peleus sa lansa Que del sieu colp non podi’ hom guerir B. de Vent. 70, 1) ; Et er salvatz plus salvamen Que Jonas qu’eisit del peiso Qu’era peritz pe·l tort qu’avia (323, 22 ; Zenker, Peire d’Alv. p. 148 vv. 27–9) ; Et ac mort Golias David lo combatens Ab tres peiras de fronda ses autres garnimens Que las li mes e·l front totas tres e ferens (Peire de Corbian, Thesaur, éd. Sachs vv. 300–2). On peut y citer aussi le cas de que apparaissant dans une invocation après le vocatif, p. ex : Senher qu’e·l sanh monimen Fon lo vostre cors pausatz (175, 1 ; Zenker, Peire d’Alv., 153).
49–66 : voy. au commentaire historique pp. 173 ss.
 

 

LA COUR DE MARSEILLE.

BARRAL & ALAZAIS.

(VIDA & RAZOS ; CHANSONS XIV, 43, XVII, XVIII).

 

C’est précisément pour la seconde moitié du XII siècle, époque qui nous intéresse, que les informations des historiens des vicomtes de Marseille sont les plus erronées (1). Si, pour decouvrir et demontrer l’erreur, il à été necessaire de reprendre l’examen de l’ensemble de la généalogie que l’on voit sur la fable ci-jointe (dans les textes les noms ont des formes latines), j’aurai hâte, quitte à indiquer pour les débuts les pièces justifiatives, d’arriver au protecteur de Folquet, ce « Barral » sur lequel nous aurons à apprendre jusqu’à son nom.

Passons vite sur les trois premières générations où nous voyons : Arlulfus qui reçut, en 951, de Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne et de Provence, la vallée de Trets ; Guillaume I qui porte le premier, dès 965/77, le titre de vicomte ; ses deux successeurs dans le titre vicomtal, Guillaume II et Fulco, dont le dernier, ayant survécu à son frère, garda constamment le titre de vicomte. Dans la quatrième génération le fait important est le suivant : Guillaume III Juvenis, l’aîne de Guillaume II porte bien, quoique rarement, le titre de vicomte (1044, 1955 ; indirectement 1057, 1069, 1071), mais de ses fils Fulco seul se donne une fois, et du vivant de Guillaume III, ce titre (1069) ; Aicard, un autre fils de Guillaume II apparaît comme vicomte vers 1064, ç.-à-d. après la mort de Fulco, son oncle ; mais enfin, c’est le cinquieme fils de Guillaume II, Gaufredus, appelé Mala Partida en 1062, qui, ayant pris le titre de vicomte, peut-être des 1064 et en tout cas avant 1073, écarte la descendance de son frère ainé en ligne collatérale (comme le fera, plus tard, le père de Barral) et transmet à la sienne seule la dignité vicomtale en même temps que son nom qu’il a été premier à porter et qui deviendra patronymique pour ses successeurs. Deux de ses fils Ugo Gaufredi et Pontius, en lui succédant vers le commoncement du XII siècle, ont fondé deux branches distinctes qui se continuèrent, l’une à côté de l’autre, pendant tout le XIIe siècle et dont une se prolongea dans le XIIIe : c’est ce partage qui échappa à l’attention des historiens de nos vicomtes et c’est cette erreur qui introduisit dans leurs généalogies de grosses confusions (2).

La première branche, dont les membres s’appelleront plus tard seigneurs de Trets et de Toulon, fut fondée par Hugues Gaufredi, le plus agé des deux héritiers de Gaufred. Il est peut-être naturel que la branche ainée ait reiçu non pas les terres de Marseille, dont il ne lui échut qu’une partie assez insignifiante, mais le domaine de Trets, la plus ancienne seigneurie de la famille, concedée à son fondateur, Arlulf. Elle n’abandonna point le titre de vicomtes de Marseille que nous trouvons pour Hugues Gaufredi en 1112, pour son fils Raimond Gaufredi en 1131 et en 1157, pour les deux fils de celui-ci, Hugues Gaufredi et Raimond Gaufredi en 1192 (après la mort de Barral) et plus tard, et que les descendants de ceux-ci prenaient quelquefois encore après le rachat de la vicomte par la commune de Marseille (1212–18). Mais leur terre principale est celle de Trets et c’est le titre de seigneurs de Trets que Hugues Gaufredi et Raimond Gaufredi Gaufredi se donnent en 1192 et plus tard, tandis qu’au XIIIe s. descendants de Hugues ne possèdent qu’une partie du domaine de Trets et s’appellent seigneurs de Trets et seigneurs de Toulon et que ceux de Raimond gardent le titre de seigneurs de Trets, ayant sans doute gardé la plus grande partie de ce domaine. De la branche de Toulon sont issus Gaufred et sa fille Sibille, qui figurent dans le poème provençal sur St. Honorat (une curieuse histoire et miracle posthume de S. Honorat). La ligne de Trets eut un troubadour, Jaufre Reforsat de Trets, qui, loin d’être petit neveu de Barral comme on le disait jusqu’à présent, était sorti d’une branche séparée de celle de Barral depuis le commencement du XII siècle et appartenait à la première et non pas à la deuxième génération après Barral (3).

La seconcle branche eut pour fondateur Pons, l’autre héritier de Gaufred, attesté avec son père dès 1079, appelé Pons de Peinier sans doute d’après la terre ou il commença à être seigneur, portant le titre de vicomte de Marseille en 1116 (S.-V. 805 ; témoin : Pontius vicecomes Massiliensis), en 1119 (S.-V. 923 : de même) et en 1121 (Ruffi I, 488 Preuves et cf. I, 69 : « Pontius de Podio Nigro Vicecomes Massiliae et uxor ejus Guerrejada . . . pro se filiisque Aicardo & Gaufrido & . . . » ; ayant été excommunié, il est absous, doit faire le pélerinage de Rome et donne à Saint-Victor et aux églises de Marseille et de Toulon tout ce qu’il possède au diocèse de Toulon, ce qui prouve que la branche cadette a reçu sa part de la seigneurie de Trets et de Toulon, comme l’aînée de celle de Marseille) ; on verra que Pons ne vivait plus en 1131. Bien que Pontius vicecomes ne soit dans aucun des trois actes en question (1116, 1119, 1121) appelé fils de Gaufred, il est hors de doute qu’il faut l’identifier avec Pontius attesté en 1079 parmi les fils de Gaufred, non seulement parce que c’est tout naturel et que le nom de Gaufred devint patronymique dans cette branche, mais encore parce que nous verrons dans les mains de ses fils l’héritage du Pont de Saint Geniès d’Arles qui avait été propriété commune des successeurs de Guillaume II vers 1042/44 (G. Chr. Arles 363, mais déjà publié dans S.-V. 151) fils que Gaufred avait possédé après 1070 (G. Chr. Arles n. 435). — De ses fils, Aicard fut prévôt de Marseille des 1117 à 1167 (G. Chr. Marseille nn. 1088–99 ; supprimez, cependant, Guillaume, nn. 1094–5, qui est prévôt d’Arles et faites d’Aicard I et d’Aicard II un seul personnage). Gaufred succeda à Pons d’abord seul, comme on le voit d’un acte de 29 mai 1131 (G. Chr. Mars. 1090 : « in manu Aicardi prepositi, in presentia Guerrejatae, matris Gaufredi Massiliae »), ainsi que de l’hommage que Gaufredus de Massilia prêta à l’archévêque d’Arles pour tout ce qu’il possedait dans son diocèse le 26 mai 1132 (G. Chr. Arles 523). Mais dans la suite ses deux autres frères apparaissent à côté de lui : le 10 janvier 1151, « Gaufredus de Massilia et Ugo Gaufredi et Bertrannus fratres » reconnaissent à l’église de Marseille certaines terres, dont celle que « pater noster dedit cum filio suo Aicardo ecclesiae et canonicis » et s’en rapportent pour un détail au témoignage de « Aicardi praepositi et matris nostre Guerrejatae » (G. Chr. Mars. 149). Un acte très important de 1152 et qui ne paraît pas encore avoir attiré l’attention qu’il mérite nous montre la loi qui regissait la famille vicomtale : les quatre frères, Gaufridus de Massilia, Ugo, Bertrannus et Aicardus (car il figure aussi en tête de l’acte, mais ce ne sont que les trois autres qui prêtent serment à la fin) possèdent tout en commun, s’engagent à ne plus porter devant le « familierciscunde judicium » de projet de partage, ce que Bertrand venait de faire, et ajoutent que le frère survivant aura sur les enfants du frère défunt le même pouvoir que sur les siens (S.-V. 786). Gaufred mourut probablement avant 1156 et certainement avant 1159 en laissant un fils, Hugues Gaufredi que l’on retrouvera dans un acte de 1164. En 1156, Ugo Gaufridus vicecomes, ç.-à-d. le troisième fils de Pons, est témoin du procès entre Saint-Victor et l’autre branche vicomtale (S.-V. 702 ; cf. ci-dessus). En 1159 Ugo Gaufredi, filius Guerrejatae, rend hommage à l’archévêque d’Arles du Pont de Saint-Geniès, Bertrandus de Massilia prêtant serment avec lui (G. Chr. Arles, 597), et lui vend tout ce qu’il possède à Salon (ib. 598). Le 21 janvier 1164 l’archévêque d’Arles fait une enquête, en présence de « vicecomites Massiliae Hugonem Gaufredi et Bertrandum fratrern ejus », et on y trouve deux mentions de : « Pontius de Podio Nigro et filius ejus Gaufredus de Massilia » et une mention de « Gaufredus de Massilia et Hugo Gaufredi et Bertrandus fratres ejus ». Le 17 octobre 1164 un nouvel accord entre l’église et « inter vicecomites Massilie scilicet Hugonem Gaufredi et Bertrandum fratrem ejus et inter nepotem eorum Hugonem Gaufredi juniorem » (S.-V. 1106) : au mois de juillet de 1177 ce dernier, « Ugo Gaufredi, fllius domine Sarde » reconnaît les droits de l’église et confirme l’accord précédent fait « inter ecclesiam Massiliensem et vicecomites et avunculos meos » (G. Chr. Mars. 1103) ; le même acte sera confirmé le 15 avril 1215, par Barrale, fille de Barral, le 22 avril 1215 par Mabille fille de Guillaume le Gros, et on lira qu’il avait été fait par « Hugonem Gaufridi, dictae Barralae (Mabillae) avum, Bertrandum fratrem ejusdem Hugonis, Hugonemque Gauffridum 8ardurn, nepotem eorum, filium Jaufridi de Massilia » (G. Chr., Mars. 211, 213). On lit dans la Chron. de S.-Vict. de Mars. pour l’an 1166 : « Obiit Raimundus comes Provincie, nepos suprascripti bone memorie domini R. comitis Barchimonensis. Eodem anno Ugo Gauzfredi vicecomes Massiliensis » (éd. Albanes l. c. p. 319). S’il n’y a là aucune erreur de rédaction ou de date, ce qui n’est pas impossible dans ces annales (voy. p. ex. ib. p. 320 note 2), ceci signifierait que Hugues Gaufredi mournt en 1166. Après cette date il n’est, en realité, attesté dans aucun document ; les mentions de la captivité d’Ugo Gaufredi à Majorque en 1178 se rapportent évidemment à Hugues Gaufredi de l’autre branche, puisque lui seul pouvait être seigneur de Toulon (cf. cependant ci-dessous l’acte de 1180) et qu’il apparaît après 1178 ; or, on remarquera, il est vrai, que les successeurs de notre Hugues Gaufredi sont directenient attestés précisement à partir de 1178, mais on ne verra point que leur regne ait été interrompu après cette date à un moment ou leur père aurait été racheté ou délivré. Nous avons d’ailleurs une autre attestation de l’avènement des successeurs d’Hugues Gaufredi avant 1178 : dans une enquête au sujet des possessions du monastère de Saint-Victor faite le 28 mars 1228, le premier témoin dépose : « quinquaginta tres anni sunt elapsi et plus . . . viventibus tunc Barralo et Guilelmo vicecomitibus . . . etc. » et le second : « in vita Guillelmi Grossi et Barrali et matris eorum Sicilie et etiam a tanto tempore quod quinquaginta quinque anni possunt esse . . . etc. », ce qui nous ramène à 1175 et à 1173. Ajoutons que Bertrandus de Massilia est témoin d’un acte passé le 7 juin 1174 (G. Chr. Mars. 173) et passons à la postérité d’Hugues Gaufredi, dans laquelle nous trouverons notre « Barral » (4).

Le 23 janvier 1178, « Guilelmus Grossus et Raimundus Gaufredi », frères, reconnaissent avoir de l’église de Marseille la moitié des terres du Mont Babon ; Guilelmus Grossus prête hommage à cette date même, renouvelle le serment le 1 février 1178, et, d’après une addition à l’acte dans le cartulaire dont il est tiré, « Raimundus Gaufridi Barral » le fait en 1179 (G. Chr. Mars. 1104). Au mois d’août 1178, une donation à l’Hôpital de St.-Gilles : « ego Bertrandus de Massilia & nepotes mei Guillelmus Gros et Raymundus Barral, domini civitatis Massiliae » (Papon II, Preuves XXII n. 22 ; Raybaud, Hist. pr. St. Gilles, éd. ab. Nicolas 1904–5, I, 83 ; G. Chr. Mars. 175 ; Delaville le Roulx Cart. gén. Hosp., 1904 ss. I, 369). En 1180 : « conventio inter R. Berengarii, D. gr. comitem Provincie, et Willelmum vicecotem Massilie super argentariis Toloni . . . W. de Massilia suo nomine et fratrum suorum » (Lambert, o. c. 363, p. just. n. III ; Inv. Arch. B.-du-Rh., B, 289, t. I, 92–3). En janvier 1184, Sanche, comte de Provence, confirme « Bettrando de Massilia, Guillelmo et fratri suo Barralo, Hugoni Gaufredi, Gaufredo et Raymundo Gaufredi » toutes leurs possessions (Cat. mss. Carpentras III1, 166–7 et 168 ; cf. G. Christ. éd. 1725, t. III, col. 1154–5 ; corr. dans Méry-Guindon o. c. I, 188 le nom de « Raymundus » substitué dans le titre du document à celui de Sanche et corr. Ruffi l. c. qui paraît modifier la date d’après le nom de Raymond, en mettant 1173) ; les deux derniers seigneurs sont évidemment ceux de la branche de Trets, tandis que Hugo Gaufredi est soit leur frère (mais il n’aurait pas du être nomme le premier et on se rappelle que, peut-être, il resta en captivité jusqu’à 1185) soit Hugo Gaufridi Sardus. Au mois de mars de 1185, « Barralus », est témoin d’un acte d’Alfonse, roi d’Aragon et marquis de Provence, passe à Aix (G. Chr. Aix 13 ; notons : « in presentia comitis de Foix, tunc temporis bajuli Provincie constituti »). Au mois de juin de la même année 1185, dans un acte de Saint-Victor : « firmaverunt . . . W. Grossus et R. Barrals » et entre les moines « Ronzolis » (S.-V. 1111). En 1188, au mois de mars, « R. Barralus, filius Cecilie » prête serment à l’archévêque d’Arles pour le Pont de Saint-Geniès d’Arles (G. Chr. Arles 668 ; cf. l’hommage de son père en 1159). Le 81 mai 1188 « obiit Guilelmus Grossus, vicecomes Massiliae » (Chron. S.-V. éd. Albanes p. 320, Cat. mss. Carrpentras III1, 171, et Cart. S.-V. 901 ; sur sa femme et sur Mabilia de Pontevez voy. l’examen de la razo I). Dans un acte de donation dont la date n’est pas conservée, rnais qui est postérieur à la mort de Guillaume Gros, on lit : « Reverendissimo Guidoni Dei dispositione Cisterciensis Abbati, universoque sanctorum Patrum capitulo, Raimundus Gaufredi cognomento Barralis eiusdem gratia Vicecomes Massiliae . . . absens licet corpore praesens tamen mente instanti devotione deposco ut me in fratrem et fidelem recipiatis et pro anima bonae memoriae fratris mei Guillelmi Grossi juges domino précés fundatis . . . » (Ruffi I, 491 d’après Henriquez l’historien des Cisterciens et cf. Cat. mss. Carp. III1, 165 : « copie de Duchesne, s. d. »). Le 23 octobre 1188 « barralus vicecomes Massilie » est le premier témoin laique dans un traité entre le roi d’Aragon et la ville de Nice (Papon II, Preuves n. 25). Le 26 janvier 1190, il est arbitre entre Raimon V de Toulouse et le roi d’Aragon (Inv. Arch. B.-du Rh. B, 293 et Barthelemy, Inv. chartes Baux, 524, Suppl. n. 7). Au mois d’avril de 1190 « Barralus qui tunc temporis generalem regis Aragonensium procurationem habebat in Provincia » approuve une donation des consuls et de l’archévêque d’Arles aux Templiers (G. Chr. Arles, 675). Au mois de juillet de 1190 l’archévêque d’Arles, partant pour la croisade, confie à Barral tous ses pouvoirs : « quod in absentia me Barralus haberet omnem plenitudinem potestatis » (ib. 676). En 1190 « Barralus, Massiliae vicecomes, vicem Domini Ildefossi Regis Aragonum in Provincia gerens » approuve une donation faite au monastère de la Celle (Ruffi I, 491, Preuves). Au mois de septembre de 1191, « Barral, dominus Massiliensis et vicecomes » fait une donation à Saint-Victor (S.-V. 942). En 1192 « R. Barral, vicecomes Massiliae » prête serment pour le Pont de Saint-Geniès à l’archévêque d’Arles, Imbert (G. Chr.2 I, Instr. 100). Au mois de juillet de 1192, dans un acte entre le comte de Provence et la Commanderie d’Aix : « Ego Idefonsus, Dei gratia & domini Regis Comes & Marchio Provincie, & ego Barralus eadem [sc. Dei] gratia Vicecomes Massilie et gratia Domini Regis procurator Provincie » (Papon II, Preuves n. 27 ; Delaville le Roux, Cart. Hosp. I, 587). Le 10 novembre 1192, Barral, vicomte de Marseille, donne à l’abbaye cistercienne de Grandselve une rente annuelle de 20 livres de poivre pour les malades du monastère ce qui constituait une donation assez importante pour qu’elle fut confirmée par les successeurs de Barral (François Moulenq, Doc. hist. sur le Tarn-et-Garonne, Montauban 1879, I, 191, et cf. Hist. Lang.2  VIII, 1847). Dans un acte de 28 décembre 1192, Hugo Gaufridi et Raimundus Gaufridi, seigneurs de Trets et vicomtes de Marseille, décident, en faveur de l’évêque de Marseille, au sujet de certains droits « de quibus Barralus movebat ei questionem » et d’une propriété « cujus possessionem impedivit et turbavit ei Hugo Ferus, bajulus Barrali » (G. Chr. Mars. 186 et cf. Bréquigny, Table Chronol. IV, 160) ; or, puisqu’ils sont seuls à en décider (et qu’ils prennent le titre de vicomtes), il paraît que Barral ne vivait plus à cette date. La Chron. de S.- V. note en effet pour l’an 1192 : « obiit Raimundus Barralus, Massiliensis Vicecomes, et rex Aragonensis obsedit Massiliam » (éd. Albanes, 320 ; cf. pour le rôle du roi ci-dessous). — Ces données historiques peuvent se résumer en des canstatations suivantes : « En Barral », protecteur des troubadours, portait le nom de Raimond, le patronymique Gaufridi, et le surnom de Barral (5) ; la succession de la vicomté de Marseille ayant été ouverte, d’après une source, des 1166 par la mort de Hugues Gaufridi, ses fils sont attestés indirectement à partir de 1173 et directement à partir de 1178 : Guillaume le Gros et Raimond Gaufridi Barral jusqu’àu 1188, ce dernier seul après cette date ; à partir de 1190 Barral est procureur du roi d’Aragon en Provence et exerce ses fonctions indépendamment de celle du comte de Provence, fils du roi ; il mourut entre le 10 novembre et le 28 décembre 1192.

La première femme de Barral était Alazais de Porcellet (6). On verra par les actes mentionnés ci-dessous, qu’elle était fille de Galburge et, à ce qu’il paraît (acte de 1196), d’Hugues de Porcellet. Les razos sur Folquet sur Peire Vidal l’appellent Alazais de Rocamartina : cette terre paraît bien avoir appartenu, au XIIe siècle, à la famille de Porcellet et notamment à la branche à la quelle appartenait Alozals (7). La date du mariage de Barral avec Alazais nous est inconnue et le fait que leur fille, Barrale, épousa Hugues de Baux avant 1201 n’autorise aucune conclusion bien précise. Avant le milieu de 1191 Barral et Alazais se separèrent, sans doute parce qu’ils n’avaient pas d’enfants mâles et que les destinées de la grande succession vicomtale devaient inquiéter son possesseur. C’est, en effet, dès le mois de mai 1191 que nous trouvons Alazais auprès de sa mère Galburge à Arles et dans les environs d’Arles : elles confirment, d’accord avec d’autres tres membres de la famille, une permutation de biens entre Guillaume Aldebert de Roanet et l’Hôpital d’ArJes (8). — Au mois de juin 1192, Galburge et Alazais font une donation ou vente à l’Hôpital de Saint-Gilles (9). — Le 17 janvier 1196, Galburge et Alazais vendent à l’Hôpital, pour cinq mille huit cent cinquante sous raymondins, leur partie, notamrnent le quart, de certaines terres ; elles ajoutent : « en général tout le droit que Hugues Porcelleti y avait possédé »; elles jurent que « Vierna et Guillelma, filles de feu Hugues Porcelleti n’avaient aucune partie dans le domaine vendu »; d’autre part, Hugues Sacristan (qui était, comme d’autres actes l’attestent, propriétaire d’un autre quart des mêmes terres) renouce lui-même, étant présent à la vente, aux droits éventuels qu’il pourrait y avoir (10). Il serait naturel de regarder Galburge comme femme d’Hugues Porcellet et Alazais comme leur fille ; Vierna et Guillelma sont filles d’Hugues Porcellet, peut-Être d’une autre femme que Galburge, puisque l’acte en question ne dit rien de leur parenté avec celle-ci ; Hugues Sacristan et Rostagn pourraient être, eux aussi, fils d’Hugues Porcellet ; toutefois, si naturelles que puissent paraître ces conclusions, elles ne sont que des conjectures. — Le 23 août 1201, Alazais qui était propriétaire principale dans son héritage, tandis que sa mère ne paraît y avoir eu que des droits limités, fit, in extremis, son testament par lequel elle institua sa fille Barrale, femme d’Hugues de Baux, héritière universelle, en laissant certains usufruits à sa màre et certains legs à l’Hôpital de Saint-Gilles et à la maison hospitalière de Saint Thomas d’Arles où elle voulut être ensevelie (11).

La seconde femme de Barral fut Marie de Montpellier, fille de Guillaume VIII et de l’ «impératrice » Eudoxie Commène. La date de ce mariage étant inconnue, nous ne pouvons que rappeler celle de 1191, à laquelle Alazais ne se trouvait plus à Marseille. Mais le fait même de ce mariage est hors de doute : le 17 novembre 1194, le pape Celestin III écrit aux archévêques de Narbonne et d’Arles au sujet d’une plainte de Guillaume de Montpellier contre l’évêque de Béziers et Roncelin, frères de Barral qui reufusaient de restituer cinq cents marcs d’argent que Barral avait promis à la fille de Guillaume dans le contrat de mariage ainsi que les « ornamenta et supellectilem sue camere » qu’il lui avait legués par son testament (Cart. des Guil. de Montp., 60) ; une autre mention de ce mariage est faite dans le contrat de mariage de Mariae avec Bernard comte de Comminge, au mois de décembre 1197 (ib., 351). Tant qu’on croyait que Marie ne pouvait être née avant 1181, car c’est à cette date seulement que l’on ramenait le mariage de ses parents, les uns étaient étonnés de la voir mariée à Barral l’âge de dix ans environ (O. Schultz-Gora, Epist. Raimb. de Vaqeir., 11), les autres le trouvaient tout naturel (Springer, Klagelied 74–5) ; la vérité est que le mariage de Guillaume de Montpellier avec Eudoxie remonte en 1174; on pourrait citer un autre renseignement sur l’âge de Marie d’après lequel elle n’aurait eu en 1197 que quinze ans environ, mais le document en question ne sera peut-être pas reconnu probant (12). Répudiée on 1201 par son deuxième mari, Bernard de Comminge, ainsi que par le troisième, Pierre roi d’Aragon, qui l’épousa en 1204, chercha à la répudier on 1206 et la répudia en 1213, Marie mourut la même année à Rome où elle s’était rendue pour demander le secours du Saint-Siège.

Après la mort de Barral, dont le testament (voy. ci-dessus, au 1194) nous est inconnu, la succession à la vicomte de Marseille n’a pas été reglée sans difficulté. La Chron. de S. Victor porte que le roi d’Aragon arriva à Marseille après la mort de Barral et occupa la ville (13). Or, un acte de juin 1193 entre le roi et les seigneurs de Baux. Guillaume et Hugues, complète nos renseignements : on en apprend que les seigneurs de Tretz, Hugues Gaufredi et Raimund Gaufredi, qui se regardaient évidemment comme successeurs légitimes de l’autre branche de leur famille (cf. p. 162), ont conclu avec les seigneurs de Baux un accord en vertu duquel Hugues de Baux (ou bien un des fils de ses frères Guillaume et Bertrand), en épousant la fille d’Hugues Gaufridi, recevait en dot la moitié de la vicomté de Marseille ; le roi le confirme ; mais en même temps il garde pour lui même l’autre moitié de cette seigneurie (Papon II, Preuves n . 28). Tel était le projet et les deux parties contractantes s’engageaient à s’entr’aider dans son exécution « contre tous les hommes et toutes les femmes », c’est-à-dire contre tous ceux qui pouvaient, avec plus de raison, réclamer la succession vicomtale : il resta lettre morte. Les deux frères de Barral, Gaufred évêque de Béziers (14), et surtout Roncelin que nous avons vu dans le monastère de Saint Victor en 1185 et qui abandonna l’habit de moine après la mort du vicomte, parvinrent à s’assurer l’héritage de Barral, comme il résulte de la lettre citée de Célestin III de 17 nov. 1194 ainsi que d’un acte d’août 1194 dans le quel on voit Ugo Fer, ancien bailli de Barral (acte de 1192), agir au nom de Gaufred et de Roncelin (S.-V. 1112). Roncelin prend le titre de vicomte (S.-V. 1024 etc.) ; excommunié, il parvient à s’arranger en 1211 avec l’Eglise, en abandonnant la femme qu’il a epousée (cf. An. du Midi 1907, p. 648) et en assurant certains legs à son abbaye (S.-V. 904), de façon qu’il garda sa partie de la vicomté jusqu’à sa mort survenue en 1216 (Chron. Mass., l. c.). Ses concuronts étaient les maris des deux filles des derniers vicomtes : Hugues de Baux (cf. Barthélemy, Inv. chartes Baux, 582–3) qui, après la faillite du projet conçu d’accord avec le roi d’Aragon, épousa Barrale, fille de Barral et d’Alazais, et Geraud Adémar (cf. De Boisgelin, Esqu. généal. 77–8), mari de Mabille, fille de Guillaume le Gros (sur leur fille Audiart qui n’est pas étrangre à l’histoire des troubadours voy. An. du M. l. c.) ; ayant pris le titre de vicomtes, ils parvinrent à faire en 1212 avec Roncelin un partage régulier au sort (S.-V. 930 et cf. 904). D’autre part, en ce qui concerne les seigneurs de Tretz, Raymond Gaufredi garda, avec sa partie de la vicomté (un huitième), le titre de vicomte, et Alazais, fille « seconde (1213) » d’Hugues Gaufredi ayant été mariée, d’accord avec la convention de 1193, à Raimond de Baux, fils de Bertrand et neveu d’Hugues, celui-ci devint propriétaire d’une partie de la ville et vicomte. En 1211 commença le rachat de la ville vicomtale par la commune de Marseille et en peu d’années ce fut chose accomplie. On peut dire qu’avec la mort de Barral, au milieu de conflits et de partages, la cour vicomtale de Marseille cessa d’exister.

 

Notes

1) Ruffi, Histoire de la Ville de Marseille, 2e éd. Mars. 1696 fol. 55 et ss.; Papon, Histoire générale de Provence, P. 1778, t. II, 525 ss. ; Méry-Guindon, Hist. de la comm. de Mars., Mars. 1846, l, 125 ss. M. H. Springer (Das altprov. Klagelied, Berlin 1895, pp. 74–7) donne une table généalogique de la maison de Marseille à partir du père de Barral et assure avoir utilisé « ausschliesslich das urkundliche Material (Barthelemy, Inv. chartes Baux et Guerard, Cart. S. Victor) um unabhängig von Geschichtsschreibern wie Ruffi, Papon, zu sicheren Resultaten zu gelangen »; M. Springer a bien utilisé (d’une façon assez superficielle) ces sources authentiques, mais pas du tout exclusivement : il reproduit toutes les grosses erreurs de Ruffi et de Papon, pour lesquelles il ne pouvait pourtant pas trouver de confirmations ni dans ces sources ni dans nulles autres.

2) Les généalogies de Ruffi et de Papon, insuffisantes pour les débuts, sont, en général, bonnes pour le XIe siècle, le Cart. de S.-V. fournissant, pour cette époque, de nombreuses et précises informations. Voy. sur Arlulfus : L. Blancard, Les. vic. de Mars. descendent d’Arlulfe sr. de Trets, Mars. 1883, 4 pp. (cf. S.-V. n. 1041) ; sur Aicard : Id., Charte de don. de Ségalarie à Aicard fils d’Arlulfe (989), Mars. 1887, 3 pp. ; sur les trois évêques de Marseille voy. Gall. Christ. Noviss., Marseille p. p. Albanes et U. Chevalier, Valence 1899, col. 47–62 nn. 65–131 ; sur Arlulfus, fils de Guillaume I voy. S.-V. 77 et cf. 69 ainsi que 381–2 ; sur les autres personnages des trois premières générations il suffit de s’en rapporter à la table onomastique du Cart. S.-V. et à l’excellent exposé M. René Poupardin (Le Roy. de Bourg. 883–1038, P. 1907 pp. 293–5) où la plus importante erreur n’est qu’un excursus dans la quatrième génération : « Guillaume III ne paraît avoir partage avec aucun de ses nombreux frères l’autorité vicomtale qu’il devait à son tour transmettre à ses descendants. Ponr les dates extrêmes du titre vicomtal de Guillaume II voy S.-V. 15 (an. 1005) et S.-V. 368 (an. 1042 : « Wilelmus, filius vicecomitis Wilelmi et uxor mea et filii nostri » ne peut se rapporter qu’a G. II encore vivant et à G. III) ; sur 1062 pour Fulco voy. S.-V. 136 (« Fulco Mass. vicecomes et nepotes mei Poncius episcopus . . »). Pour Guillaume III voy. S.-V. 32, 537, 599 (a. 1044, 1055, 1055 : « vicecomes »), 541 (a. 1057 : « Fulco filius Wil. vic. ») 551 et 589 (a. 1069 : « Pontius Wil. vic. filius »), 1085 (a. 1071 : « Gausfr. filius Guil. vic. »), 38 (21 juill. 1079 : à côté de Josfredus vicecomes est attesté son frère « Wilelmus » avec ses fils) ; sur sa descendance : S.-V. 124, 552, 541, 117, 567, 589, 138 ; sur le titre vicomtal de son fils Fulco en 1069 : S.-V. 551. Sur Aicardus qui est le troisième fils de G. II et non pas le deuxième, (S.-V. 71 et 585 ; voy. S.-V. 119, 120 pour son titre vicomtal et sa mort vers 1064 sans enfants mâles. Sur le quatrième fils de G. II, Fulco qui disparaît après sa donation à S.-V. en 1036 voy. S.-V. 585, 382 et cf. 95, 447. Sur la descendance de G. II de sa 2e femme : S.-V. 98, 20, 114, 591, 597, 469, 144. Enfin sur le cinquième fils de G. II, et le plus important pour nous, Gaufredus (Josfredus), voy. : attesté en 1019 (S.-V. 76 et cf. 43, 110), appelé « Mala Partida » en 1062 dans un acte de son oncle Fulco (S.-V. 136), appelé « G. de Massilia » le 29 mars 1064, ç-à-d. à un moment où il pouvait dejà être vicomte après la mort de celui-ci et de son frère Aicard (S.-V. 120), portant le titre de vicomte entre 1070 et 1073 (S.-V. 1079 ; corr. la date «1064 ? » d’après les noms de Pons év. de Mars. et Echardus arch. d’Arles) et en 1079 (S.-V. 38, 805 ; et cf. 84, 454, 545 ; d’après ce dernier acte, peu sûr, « Teutfredus vicecomes » aurait figuré en 1057). Pour ses fils qui ne continuent pas la postérité voy. outre les actes cités : Gaufredus : S.-V. 114, 136, 84, 1079 ; Aicardus : G. Chr. Arles nn. 427–47 ; Raimundus : S.-V. 1114 (fin du XIe s) ; Fulco : S.-V. 805 ; Petrus ; ib. et G. Chr. Aix, 51–3.

3) Ugo Gaufredi, qui figure avec son père Gaufredus des 1050 (S.-V. 114), est attesté, comme seigneur : en 1110 (S.-V. 446 : Ugo Gaufredi et uxor Dulcelina Hieros. ituri ; mention du père Gaufredus et des frères Fulco et Petrus ; affaire « de Sexfurnis » qui reviendra en 1156 et sera confirmée en 1213 par des seigneurs de cette ligne) ; en 1112 (S.-V. 1007 : Ugo filius Ugonis vicecomitis est nommé parmi les moines). — Raimundus Gaufredi : en 1128 (G. Chr., Mars. 142 ; Dulcelina mater, Poncia uxor), en 1131 (ib. 1090 Dulcelina mater ; mention de Aicardus archévêque, avunculus), en 1132 (G. Chr., Arles 522 : hommage à l’archévêque) ; en 1156 (S.-V. 70 et cf. 873–4 ratification par le pape en 1157 ; procès « de Sexfurnis» au cours duquel R. G. meurt). — Fils de Raimundus Gaufredi : en 1156 (ib. Gaufredus et Ugo, fils de R. G. et de Pontia terminent ce procès ; cf. ib. n. 372) ; en 1159 (G. Chr., Arles 595–6 : Gaufredus de Massilia filius Pontiae prête hommage à l’archévêque, fait un emprunt, s’engage pour lui et pour ses frères, ce qui prouve que son père eut plus de deux fils et est une preuve pour Raimundus Gaufredi qui pouvait être jeune en 1156 et qui vivait jusqu’en 1216) ; pour l’an 1178 on lit dans la Chron. de S.-V. de Mars., éd. Albanes (Mél. d’arch. et d’hist., Ec. franç. de Rome, 1886 p. 319) : « Tholonensis urbs a rege Majorice debellata et capta est et Ugo Gauzfridi, vicecomes Massiliensis, et nepos ejus, et multi alii captivi, Majoricam ducti sunt » et ibid. pour l’an 1185 : « Christiani ceperunt palatium civitatis Majoricarum, et fuerunt liberati a captivitate » ; Peiresc paraît avoir connu encore une autre relation de ces faits, d’ailleurs conciliable avec celle de la Chr. S.-V., car il donne la date précise de 27 juillet 1178 et ajoute : « Et quelque temps après ledit vicomte de Marseille fut rachepté et mis en liberté, ensemble son nepveu et quelques autres captifs », (Dr. G. Lambert, Hist. de Toulon, Toulon 1886–92, I, 159) ; pour 1184 voy. sous Barral ; en 1192 (G. Chr., Mars. 186 : « Hugo Gaufridi et Raimundus Gaufridi fratres vicecomites Massilie et domini de Tritis, filii videlicet Raimundi Gaufridi senioris et domine Pontie ») ; en 1193 (Papon II, Preuves n. 28, p. XXVIII : les mêmes « domini de Treitz », voy. à la fin de ce chap.) ; Raimond Gaufridi est encore attesté en 1207, 1209, 1213, 1214, 1216 (voy. G. Chr., Mars. 1136, 1138, 1146, 207 ; Méry-Guindon, Hist. comm. Mars. 1846, I, 231, 250, 279 ; Cat. mss. Carpentras III, 169, 165, 171. — Pour les successeurs de Hugo Gaufredi qui mourut en tout cas avant 1213 (G. Chr. Mars. 1138 : « heredes Ugonis Gaufredi ») voy. Lambert, I, 181–220, Méry-Guindon I, 236 et Vida de Sant Honorat par Raimon Feraud éd. A.-L. Sardou, Nice 1875, ch. XC pp. 146–8 ; pour les successeurs de Raimundus Gaufredi voy. ma note sur le troubadour Jaufre Reforsat dans Le troub. El. de Barjols, XLII–IV.

4) L’existence et la continuation de cette branche a été inconnue jusqu’à présent. Ruffi donne bien à Pontius, fils de Gaufred, ses trois fils, mais c’est avec eux qu’il fait s’éteindre cette ligne, tandis que Papon aggrave la faute, en confondant Pontius avec Pontius Malnerii, de façon que pour lui Ugo Gaufredi seul des fils de Gaufred a une postérité. Et voici commeut ils continuent tous les deux : ils donnent à Raimundus Gaufridi (1128-–1156) un fils Hugo Gaufridi dont ils font le père de tous les seigneurs des deux branches vivant dans la seconde moitié du XIIe siècle rangés pêle-mêle. Par conséquent, la table de Ruffi, de Papon, de Méry-Guindon et de M. Springer se présente de la façon suivante : [arbre genealògic]

5) Ceci étant démontré, on voit l’erreur de l’ancienne généalogie (voy. p. 165 n. 1) : il y aurait eu deux frères portant le même nom de Raimond Gaufridi, ce que tous les auteurs cités ont évité, en appellant notre personnage simplement Barral (car il est certain qu’au moyen-âge, de même qu’aujourd’hui, on ne donnait pas à deux fils vivants les mêmes noms, sauf quelques exeptions rarissimes et qui s’expliquent par des raisons spéciales, comme p. ex. dans la famille des Guillems de Montpellier, où, dans les trois générations du XIIe s., les deux premiers fils portaient le nom de Guillem, « major » et « minor», évidemment pour mieux assurer la continuation d’un nom devenu patronymique) ; Ruffi seul, ayant eu connaissance des actes où figurait un « Raimundus Gaufridi Barral », s’en est tiré en appelant notre baron « Barral» et son prétendu frère « Raimond Gaufridi surnommé Barral »; Papon et M. Springer paraissent ignorer l’existence de pareils actes. Pour le mot barral le sens de « tonneau à goulot» est enregistre par Du Cange, Levy S.-W., Mistral. Or, Ruffi reproduit un sceau de R. G. Barral où l’on voit en effet « d’un coté de Prince à cheval l’épée nue à la main et de l’autre la figure d’un vase appelé vulgairemeut Barrau [c’est, sur le dessin, un tonneau à goulot] » (Ruffi I. 77 et cf. 58 ; Ruffi a vu ce sceau attaché à l’acte que nous avons cité pour le 10 novembre 1192 et dont il n’existe plus qu’une copie Doat ; voy. aussi Cat. mss. Carp. II, 290, dans un recueil des sceaux : « Guillelmi Grossi et R. Gaufridi Barrali, fratrum, vicecomitum Massilie, in eadem bulla plumbea »; Raimond Gaufridi de Trets ayant porté d’autres armes, Ruffi a été reduit à y voir « une preuve certaine que les armes n’étoient pas encore fixes »). De ce surnom est sorti le nom de Barrale, fille de R. G. Barral, et, par elle, le nom de baptême Barral passa dans la famille de Baux (Barthélemy, Inv. char. Baux, 2e tabl. généal. ; mais c’est bien à tort que M. Anglade Les troubadours, Paris 1908, pp. 40, 161, 169, appelle encore constamment notre protecteur des troubadours « Barral de Baux ».

6) L’histoire de cette puissante famille, copropriétaire d’Arles, est mal connuc avant le XIIIe siècle (voy. Robert de Briançon II, 482 et Artefeuil II, 242). Peiresc a réuni en deux volumes manuscrits un nombre considérable de copies de documents, faites, en grande partie, sur des vidimus de 1610, ainsi que quelques essais généalogiques sur la famille de Porcellet ; j’ai pu examiner ces deux recueils, faisant partie de la Bibliothèque de Carpentras (Cat. mss. Carp. III’, 86–109, nn. 1844–5), grâce à la bienveillance de M. Fougère, bibliothécaire à Carpentras, et de l’Administration de la Bibliothèque Nationale.

7) J. Raybaud, Hist. des gr. prieurs et du prieuré de S.-Gilles, éd. Nicolas 1904–5, t. I, 96 7, analyse un acte de Hugues Sacristan, qui était de la famille de Porcellet, et qu’il appelle (d’après l’acte en question ?) « seigneur de Senas et de Roque Martine »; en tout cas ce seigneur confirme à la commanderie de Trinquetaille, entre autres « l’honneur que son père avoit donné à l’hôpital, à Cadet, pour les champs de Roque-Martine ; le comman deur lui remit en même temps tout le droit que l’Ordre avoit sur cette seigneurie ». Dès la seconde moitié du XIIIe siècle la seigneurie de Roquemartine se trouvait dans la possession de la famille d’Albe (Barthélemy Inv. ch. Baux 524, an 1267), dans les mains de laquelle elle resta plusieurs siècles (Expilly, Dict. géogr. VI, 384).

8) « Et ego Pontius Archimbaudus et ego Raimundus Austenc pro supradicta permutatione et quod Willelmus Audebertus faciat illam landari [corr. -avi de la copie] ab U. Sacristano et domina Sacristan a tibi Guillelmo baiulo et domui et fratribus fiidejussores nos obligamus ; praeterea ego Galburgis Porcelleta et ego Alzais (sic) filia ejusdem, et ego Wilielmus Porcelleti et ego Porcellus frater ejusdem, praedictum honorem laudamus . . . salvo ibi nobis et nostris nostro jure » (Ms. Porc. I, fol. 28a–29a).

9) « . . . MCLXXXXII, mense junii, Henrico Romanorum imperatore regnante, ego Galburgis Porcelleta, et ego Azalais (sic) filia ejusdem Galburgis, . . . donamus et tradimus in accaptum perpetuum tibi Bernardo Bedocio fratri domus militie Sancti Egidii . . . omnem honorem quem habemus vel habere debemus a Venrella usque ad ecclesiam Sancte Marie de Astellis, a Rodano usque in paludem . . . Factum hoc in stari ejusdem domine Galburgis et ejus filie . . . Et est sciendum quod domina Azalais habuit XX solidos de preclicta donatione . . . Predicte domine hanc cartam sigilli sui munimine roboraverunt ». (Ms. Porc. II, 349).

10) « . . . MCXCVI, mense januarii XIIII kal. februarii, Henrico imperante Romanis. Ego Galburgis Porcelleta, et ego Azalaicis filia ejusdem, . . . vendimus [et] tradimus pretio sex milium solidorum novorum Raimund. minus CL sol . . . militie Templi S. Egidii . . . nostram partem scilicet quartam Tasse et Vernete et omne illud jus quod habemus in pascuis que modo sunt et in futurum esse poterunt a Torremerio usque ad Consoaldam, et universaliter omne illud jus quod Hugo Porcelleti in predictis honoribus Tasse ot Vernete et in predictis pascuis habebat ; . . . juramus . . . quod Vierna et Guillelma filie quondam Hugonis Porcelleti non habent partem aliquam in his quae vobis vendimus . . . Et ego Hugo Sacristanus et ego Ricardus de Sancto Saturnino et ego R. Bastoni . . . fidejussores . . . Ego Hugo Sacristanus, si quod jus in predictis rebus venditis habeo illi im perpetuum renuntio . . . Factum fuit hoc in Civitate Arelatis, in claustro super biscalmum, ante capellam, in presentia domini Imberti Arelalensis Archiepiscopi et consulum Arelatensium . . . » (Ms. Porc. II, 359). — Hugues Porcellet est attesté par un acte de 1167 : « Ego Ugo Porcellet per me et per meos laudo . . . Laugerio preceptori Domus Hosp. S. Thome . . . terram quam comparasti de domina Guillelma de Calingnarget . . . » (Ms. Porc. I, 23). — Pour Hugues Sacristan : avant le 4 mars 1185/6 il est institué héritier de son frère Rostagnus Porcelleti (Raybaud o. c. I, 90 ; G. Chr. Arles 656) ; au mois d’octobre 1187 il confirme à l’Hôpital « omnem honorem quem predicta domus et fratres a patre et a matre et a fratre meo sive ab hominibus meis habuerunt . . . ; et specialiler . . . venditionem tam de honore de portu Arnaldo quam de condamina Botina . . . a matre mea factam, . . . honorem quem a hominibus meis emerunt qui honor est a Tororamier usque ad Consoaldam, . . . honorem de Consoalda et de Verneda et de Estel [cf. acte de 1192 : S. Maria de Astelis] eo tenore et eo modo quo a patre meo habuerunt, . . . facta fuit apud Arelatem in curte ipsins Hugonis Sacristani » (Ms. Porc. II, 363) ; pour 1191 voy. p. 168 n. 1 ; au mois de juin 1194 Sacristana et au mois de novembre 1194 Hugu Sacristanus passent encore des actes au sujet de terres « a Torremier usque ad Consoaldam » (Ms. Porc. II, 357 et II, 356) ; le 30 juin 1195 il confirme à l’Hôpital « omnes illos honores quos vos tenetis, scilicet quartonem illius territorii quod vulgo vocatur Stel et Tassa et Urneda, . . . et venditionem quam Sacristana vobis fecit, le précepteur promettant des messes pour son âme (Ms. Porc. II. 354).— D’autre part nous connaissons un « Porcellus dominus de Burgo (d’Arles) », attesté en 1156, 1159 et 1167 avec Bertrandus Porcelleti, 1173, 1176, 1177 (Cart. S.-V. 702 ; G. Chr. Arles 595, 615, 626 ; Ms. Porc. II, 358, 223), et qui laissa quatre enfants : Guillaume Porcellet et Porcellus qui lui succedèrent dès 1184 (Ms. Porc. II, 366, et pour 1190 : II, 353). Bertrand pour lequel la formule de reserve « nec me in de ratione minoris aetatis » est faite en mars 1197 (Ms. Porc. II, 347) et Gaiburge pour laquelle la même reserve est faite en décembre 1192 (Ms. Porc. II. 350) et qui confirma l’acte en question après coup et en présence de « Aldiarda abbatissa Sancti Cesarii » ce qui indique qu’elle se trouvait dans le monastère : Artefeuil paraît avoir connu ce dernier acte car il dit que Gauburge, mère d’Alazais, était fille de Porcell, mais on voit bien que cette conclusion ne saurait être exacte. Ajoutons que cette branche partageait avec celle d’Alazais la propriété du Bourg d’Arles et de certaines terres citées ci-dessus : l’acte de 1192 concerne les terres « a loco qui dicitur Torremier usque ad Consôaldam », et par celui de 1197, Guilleaume Porcellet vend « quartam partem totius illius tenementi quod vulgo Urneda appellatur et meam partem videlicet quartam partem totius illius tenementi et pertinentiarum ejus quod vulgo Tabla [cf. ci-dessus : Tassa] appellatur ».

11) Ms. Porc. fd. 36 : En tête : « Haec est charta testamenti Adalaciae Porcelletae. « In nomine Domini. Anno incarnationis Ejusdem milezimo duoentesimo primo, octo Kal. septembris, regnante Philippo Francorum rege. Ego Adalaicis Porcelleta, in bona mentis mee valetudine, in ultima voluntate mea, in hunc modum omnes res meas dispono, si me mori contigerit. In primis dono corpus meus pro sepultura domui Hospitalis de Sancto Thoma et relinquam ibi pro remedio animae meae faissiam illam quae est in territorio Bannolez et jungitur tenemento Hospitalis qui emit a Guillelmo Porcelleto et Sacristana. Praeterea accipio pro anima mea eos quatuor millia solidos quos habeo super condaminas Ugonis Sacristae quos volo tradi dominae matri meae, ut ipsa distribuat eos consilio domini Archiepiscopi, prout melius cognoverint, exceptis du centum solidis quos volo mihi dari domui Hospitalis villae Sancti Egidii in procuratione fratrum ; si vero contigerit quod Ugo Sacrista non solveret predictos quatuor millia solidos usque ad festum proximum Omnium Sanctorum, relinquo Ugoni de Baucio jus pignoris quod habeo in predictis condaminis et omnem actionem mihi nomine predictae pecuniae contra Ugonem ita cristani compe[ten]tem, ita tamen ut ipse jam dictus Ugo de Baucio ita teneatur sub sacramento predictos quatuor mille solidos solvere domine matri meae ad suam misericordiam et common itionem. Dominae matri meae relinquo usumfructum Tascarum, de Avezegue. et medietatem Portus Burgi Arelatis, et vinearum de Aibas et decem sextariorum censualium ad Sanctum Mederium ; et praeterea relinquo ei ad faciendas voluntates suas quatuor mille solidorum quos volo ei dari (ms. re) a filia mea et Hugone de Baucio, quandocumque mater mea habitum susceperit ; et si eam mori contingeret ante, dent eos cui ipse manctaverit ; quod si Hugo de Baucio et filia mea eos solvere different, exinde mater mea et successores ejus habeant potestatem obligandi pignori proipsis qualuor millibus solidis omnes honores illos [quorum] ususfructus matri meae (ms. -ter -ea) legavi. Pannos meos distribuat mater mea proanima mea Domui Militiae Sancti Egidii [dimitto] omne jus quod mihi contia illos habebam nomine illorum bonorum quos emit a me et singulis annis faciat domum anniversarium pro anima mea. De predictis quatuor millibus solictis relinquo Phirigdeto centum solidos, Campaniaco quinquaqinta solidos, Sanctimonialibus de Arelate centum solidos. In omnibus bonis meis filiam meam heredem instituo. Si vero juris solemnitate haec mea dispositio destituta est et fuerit volo ut valeat jure cujuslibet ultime voluntatis. Ego P. Fulcodii hanc dispositionem Adalai cistestis rogatus signavi, et ego Ste Reuellinus, et ego Bernardus de Paragio, et ego R. de Crauo et Philippus Bertran dus, ego R. de Farnaria, et ego P. de Tor et ego G. Bonusfilius et ego b. Eps. et ego Dalmatius. Ego R. Bodemius notarius mandato predictae testatricis hoc instrumentum composui, scripsi, supscripsi, complevi, et testis interfui ».

12) On lit dans l’acte de renonciation de Marie en décembre 1197 : « . . . ego Maria, filia domini Guillelmi Montispessulan’, cerciorata de facto et de jure, sciens et cognoscens cum hac carta me esse etatis XV annorum et amplius » (Cart. Guil., 353). Or, d’après l’usage général, ceci significrait : « plus de quinze et moins de seize ans ». Mais, dans ce cas, il n’est pas impossible qu’on ait voulu simplement marquer la majorité de Marie.

13) Voy. p. 166–7. Si l’on cons lte l’itinéraire d’Alfunse I (D. J. Miret y Sans, Itin. del rey Al. dans le Bol. Ac. b. let. Barc. III, 461), on voit, par deux actes de novembre et de décembre 1192 et par deux autres de janvier 1193, que le roi se trouvait en Aragon jusqu’à la date à laquelle il pouvait apprendre la mort de Barral, son gouverneur de Provence et dernier membre mâle et laïque de la famille des vicomtes ; après les actes de janvier vient directement celui de juin (corr. juillet dans Miret) au sujet de la succession vicomtale ; cependant, un acte du roi, fait à Huesca en Aragon, en faveur du vicomte de Narbonne, porte, dans l’Hist. gén. Lang.2 VIII, n. 84, la date de juin 1193 : on est autorisé à supposer une erreur soit dans le mois (janvier et non juin) soit dans l’année 14) Gaufredus de Massilia, chanoine de l’église de Marseille en 1178 et 1179 (Gal. Chr. Mars. 1104, 1105), évêque de Béziers dès 1185 (E. Sabatier, Hist. ville et év. éez., B. 1854, pp. 214–23), appelé frère de Barral dans la lettre de Celestin III de 1194, mourut en 1199 (Chron. Mass. éd. Albanes, l. c. p. 320 et note 2).

 

LA CHANSON DE CROISADE EN ORIENT.

(XVIII).

Diez (L. u. W., 203), ayant relevé dans notre sirventes la mention de la mort de Barral (v. 2) et voyant dans, le v. 54 une allusion à la captivité de Richard Coeur-de-Lion en Allemagne, qui aurait été faite au moment ou le roi était encore en prison, se prononça pour la date de 1193. Pratsch (38–9) et M. Zingarelli (p. 65) suivent Diez. Dans un article sur la première édition du livre de M. Zingarelli, M. Torraca (Nuova Antologia 1897, pp. 152–65) abandonne l’opinion qui voit dans notre pièce une allusion à la captivité de Richard et lui donne une date postérieure aux préparatifs que l’empereur Henri VI (vv. 55–6) fit, en vue d’une nouvelle croisade, à Gelnhausen (29 oct. 1195) et à Worms (déc. 1195) (1). M. Levent (Kreuzlied, 341–2 et cf. 433) ne connaît que l’opinion de Diez et de Pratsch et il la suit, mais, partant de l’allusion faite aux dissentiments qui éclatèrent entre les Musulmans (vv. 34–5) ainsi que du passage relalif à l’empereur dans lequel il voit une reminiscence des difficultés qu’ Henri VI rencontra en Sicile (v. 58), il se prononce pour « le début de 1194 » sans vouloir dépasser la date de la délivrance de Richard (4 février 1194). M. O. Schultz-Gora (Literaturblatt f. germ. u. rom. Phil. 1906 p. 290), ne connaissant pas non plus l’article de M. Torraca, refait l’argumentation de celui-ci contre la prétendue allusion à la captivité de Richard et, en se conformant pour le reste à l’interprétation de M. Levent, proposé de placer notre pièce « dans le courant de 1194 ». Il ne sera pas inutile de revenir sur les allusions historiques de ce sirventes, non seulement pour serrer de près la question de la date, mais surtout pour modifier assez sensiblement le sens qui leur a été attribué jusqu’à présent.

1. Barral.

La mort de Barral (v. 2 et vv. 69–70) ne marque pour notre pièce qu’une dato postérieure à l’extrême fin de 1192 (cf. p. 167).

2. ·l Turc (vv. 34–6).

Au sujet de cette allusion M. Lewent dit (p. 342) qu’il s’agit là des conflits de succession qui éclatèrent, en 1104, après la mort de Saladin (4 mars 1193), entre ses nombreux fils » et il ajoute (ibid. n. 3) qu’« on ne saurait relever en 1194 une défaite marquée ni du côté des Musulmans ni du côté des Chrétiens, mais que, pour un poète d’occident, la division qui commençait à s’introduire dans les rangs des Syriens pouvait se présenter comme une défaite et l’inactivité des Chrétiens en présence de cette situation comme un échec. Ce commentaire qui laisse l’allusion de Folquet dans le vague n’est pas suffisant. Si les ouvrages généraux sur les croisades, comme celui que M. Lewent s’est borné à consulter (Kugler, Geschichte der Kreuzzüge, 1e éd. 255) ne fournissent, en réalité, que des renseignements fort sommaires à ce sujet, l’histoire des Musulmans et ses sources peuvent nous renseigner beaucoup mieux (2). Or, les informations tirées des historiens orientaux sont de nature à nous fixer sur deux points : sur la date exacte des premières luttes entre les principaux successeurs de Saladin (trois de ses fils et son frère) et sur ce fait, bien important, que ce fut précisément la question de domination sur la Terre Sainte et sur Jerusalem qui s’y trouva soulevée. — Il est vrai qu’immédiatement après la mort de Saladin (Abou Charnah, 106–9) Adadil, frère du sultan défunt et son successeur à Carac et dans certaines terres de la Mésopotamie, eut à combattre, en Mésopotamie, une révolte qu’il reussit à reprimer avant la fin de 1193, avec le secours d’Alafdal, sultan de Damas, fils et principal successeur de Saladin, et malgré l’appui qu’un autre fils de Saladin, Alazis d’Egypte, paraît avoir prêté aux revoltés sans y être, d’ailleurs, venu en personne (Ibn Alatyr, 76 et cf. Abou Chamah, 108). Nous possédons même un document attestant l’impression que ces événements produisirent en Europe : c’est une courte lettre que le doge Henri Dandolo adressa, bientôt après la mort de Saladin, à Richard Coeur-de-Lion qui se trouva alors dans les mains de l’empereur Henri VI (3). Il est clair cependant que co premier conflit, en somme très insignifiant, ne pouvait faire dire à notre troubadour que ·l Turc entre lor son vencut ni baissat jos. — Voici, cependant, comment, en 1194, la Terre et la Ville saintes se ressentirent de ces conflits. Elles faisaient partie de l’héritage du sultan Alafdal (Ibn Alatyr, 75). L’historien El Imad qui avait été secrétaire de Saladin, puis d’Alafdal (Abou Chamah, 103), nous dit que dès avant la guerre de 1194, « Alafdal avait accédé au conseil qui lui fut donné de laisser Jérusalem aux gouverneurs d’Alaziz » (ib., 110), et il réprésente Alaziz comme régnant à Jérusalem par l’intermédiaire de son gouverneur Izeddin Djordik (ib., 105). En tout cas, le 31 mai 1194, Alaziz d’Egypte assiégea Alafdal à Damas, qui « avait cruellement souffert de la rupture des canaux et de l’enlèvement des fruits » pendant ce siège qui dura un mois environ (ib., 112), et, lorsque la paix fut conclue, « on convint que Jérusalem et les cantons de la Palestine situés dans son voisinage appartiendraient à Alaziz » (Ibn Alatyr, qui se trouva à Damas pendant le siège, 77–8). En 1195, vers le commencement du printemps, nouvelle expédition d’Alaziz, mais, cette fois, Alafdal réussit à reconquérir les terres perdues et à établir à Jérusalem son gouverneur Abou’l Heïdja le Gros (Abou Chamah, 118 ; Roehricht, 659). En 1196, le 3 juillet, cette série de luttes est fermée : Alafdal est dépossedé du sultanat de Damas et son gouverneur doit abandonner Jérusalem (Abou’l Feda, 73 ; Abou Chamah, 118 : Ibn Alatyr, 84). Or, le fait même survenu en 1194, que le sultan de Damas et le principal successeur de Saladin avait été assiégé dans sa capitale et obligé d’abandonner Jérusalem et la Terre Sainte à un autre prince, fut un événement qui ne pouvait pas laisser la chrétienté indifférente. Rapportée à ces événements, qui devaient être connus en France dès l’automne de 1194, l’allusion de notre troubadour retrouve son actualité et son parfaite exactitude.

3. ·l reys engles (vv. 49–54).

Les arguments dont M. Torraca (l. c.) et après lui M. Schultz-Gora (l. c.) se sont servis pour combattre l’interprétation acceptée encore par M. Lewent pour les vv. 53–4 (« wenn er den Aufwand gemacht hat und ein anderer das Gefaengniss bereitet ») sont excellents : ce n’est pas à un roi enfermé en prison que notre troubadour aurait adressé le reproche de ne pas entreprendre une croisade ; il est inutile de donner à far preiso un sens que cette expression ne saurait avoir (« préparer la priscn pour qu. qu. ») puisque preiso signifie aussi « prise de possession, occupation » (et il est clair que ce sens de substantif verbal résulte du conteste même puisque far messio du v. 53 et far preiso du v. 54 se font pendant) (4).

Ce qui n’est pas moine inexact, à mon sens dans l’interprétation de M. Torraca et de M. Schultz-Gora, c’est de voir dans messio une allusion aux lultes antérieures de Richard en Terre Sainte. Pour cela il faudrait que messio ait (comme l’all. « Aufwand ») le sens plus vaste d’« effort ». Mais en anc. prov., d’après la formation de ce substantif verbal et d’après tous les exemples connus, messio implique une idée d’argent. Avant de supposer un sens figuré, nous devons donc nous demander ce que ce mot en lui-même pouvait signifier pour les auditeurs contemporains. Or, une allusion à « la dépense » de Richard Coeur-de-Lion, était, après sa captivité en Allemagne, on ne peut plus intelligible : c’est de la rançon du roi qu’il s’agit. Il faut se rappeler quel retentissement eut cette affaire. La somme payée était près que fabuleuse pour l’époque (5). En France, l’imagination populaire en dut être d’autant plus frappée que les possessions continentales de Richard paraissent avoir le plus contribue au payement (Ramsay l. c.). D’ailleurs, rien de ce qui concernait la captivité royale ne resta étranger à aucun pays (6). Ne savons nous pas, enfin, que l’allusion de Folquet allait tomber sur un terrain déjà préparé par ceux qui avaient parlé avant lui de la rançon royale ? A savoir, pendant la captivité, le roi lui-même (420, 2) et Peire Vidal (364, 35), plus tard Bertran de Born (80, 8), et, vers les années 1194 et 1195, une seconde fois Peire Vidal (364, 14) qui n’ignorait même pas ce fait, exact en réalité que la rançon avait fourni à l’empereur l’argent nécessaire à la récente conquête de Sicile (7). Quel est le sens de l’allusion de Folquet ? Notre troubadour demande à Richard s’il ne pense plus à la croisade et observe que le roi sera singulièrement trompé si, content d’en avoir payé les frais, par sa rançon, il laisse à l’empereur le soin de la conquête des lieux saints. Or, ceci rend bien exactement l’attitude de Richard. Le roi avait fait deux fois le voeu solennel de recommencer la croisade : en quittant la Terre Sainte, au mois d’octobre de 1192, et en quittant sa prison, le 4 février 1194 (8). Depuis, il n’y pensait plus, bien que le pape Célestin III n’eût jamais cesée d’y engager le roi et le peuple anglais (9). Il avait deux arguments pour se justifier : la guerre avec Philippe Auguste et surtout l’impossibilité d’imposer les frais d’une nouvelle croisade à un pays épuisé par son énorme rançon. Cette attitude de Richard se réflète bien dans ses rapports avec le Saint-Siège : Richard exige, des sa délivrance, que le pape obtienne la restitution de la rançon et insiste sur ce fait qu’il avait été emprisonne « revenant de la croisade et ayant l’intention d’y revenir une seconde fois » (10) et Célestin III, dont la principale préoccupation était d’organiser une nouvelle croisade, s’efforce de satisfaire à cette demande (11) de même que son succés seur Innocent III (12). En disant, au moment ou Henri VI projétait sa croisade, que Richard se croyait dispensé d’y prendre part à cause de la rançon qu’il avait payée, notre troubadour se faisait certainement l’écho de l’opinion générale : un avis analogue est émis par l’important chroniqueur contemporain Guillaume de Newburgh (sous la date de novembre 1195) : « Porro idem imperator, ut quasi expiaret quod in christianum principem ab oriente revertentem tam foede avaritiae instinctu commiserat et pecunias quibus Angliam nudaverat piis usibus applicaret, orientalis ecclesiae miserandis reliquiis subvenire decrevit » (13).

Mais ce n’est pas seulement l’allusion à la messio, c’est aussi l’ensemble du passage relatif à Richard et sa tendance générale qui ont été interprétés jusqu’à présent d’une façon absolument contraire de ce qui s’y trouve en réalité. Après Diez qui a résumé ce passage dans ce sens (l. c.), M. Lewent, dans son édition, et M. Schultz-Gora, dans la réimpression de cette strophe, ont adopté pour les vv. 49–54 une leçon très artificielle et qui a eu pour résultat d’en faire une attaque violente contre Richard puisque c’est lui qui, dans cette leçon, se trouve accusé de lait engan (14). C’est aller contre toute vraisemblance que de rechercher dans ce passage, sans aucune nécessité et avec beaucoup de peine, une attaque contre Richard. Il était protecteur de Folquet. Nous avons vu que notre troubadour l’avait célèbre à outrance dans d’autres chansons. Ici encore, dès qu’il a prononcé son nom, il laisse voir sa sympathie pour le roi (reis engles cui Dieus sal) : comment donc, deux lignes plus bas, lui ferait-il ce blessant reproche ? Dans notre interprétation c’est une exhortation extrêmement bienveillante : ce n’est pas le roi qui trampe, c’est lui qui est trompe. Les sentiments du poète à l’égard de Richard et de Henri VI sont tout le contraire de ce qui résultait de l’autre interprétation.

4. L’emperaire (vv. 55–60).

Le premier passage (vv. 55–6) est : Que l’emperaire·s percassa Cum Dieus cobres sa reio (15). Nous y avons donc une allusion aux projets de croisade de Henri VI. M. Lewent sait qu’ils ne se manifestèrent point avant 1195, mais, pour concilier cette allusion avec sa datation, il dit : « peut–être, ici encore, le désir du poète fit naître cette idée ou bien des nouvelles surles vastes projets de l’empereur se sont-elles réellement fait chemin dansl’opinion publique ». M. Schultz-Gora, après avoir poussé la date au delà du 4 février 1194, dit : « au courant de l’an 1194 il a été plus facile de savoir quelque chose sur les projets de l’empereur ». Or, l’histoire de Henri VI nous est connue presque jour par jour : la place pour des hypothèses y est infiniment restreinte. Il y a plus : c’est là une hypothèse qui va absolument à l’encontre de la réalité des choses. Les rapports de l’empereur avec la Curie romaine, déjà fort tendus des l’avènement de Henri VI (Toeche o. c. pp. 181, 192, 225), ayant éclaté en conflit ouvert et aigu dans l’été de 1192 (Toeche, 313–8 et cf. Bloch, Forsch. zur Polit. H. VI in d. J. 1191–1194, Berlin 1892, pp. 7 ss.), les années 1193 et 1194 n’y apportèrent qu’une aggravation progressive. En 1193, par sa participation à l’emprisonnement de Richard Coeur-de-Lion, croisé-pèlerin, il commit un acte que les lois de l’Eglise punissaient d’excommunication (Toeche, 276 ; cf. Winkelmann o. c. et l. c.). En 1194, à partir du mois de mai jusqu’à la fin de cette année, le conflit entre le pape et l’empereur atteignit son apogée : malgré toutes les protestations pontificales, Henri VI mit à feu et à sang la Sicile que le pape avait pris, en 1192, sous sa protection de suzerain, et alla jusqu’à exercer son pouvoir sur le propre territoire du pape (Toeche, 331–42 et 356–7). Et c’est à ce moment même que notre troubadour aurait dit que « l’empereur se preoccupe comment Dieu pourrait recouvrer sa terre » ! Le projet de croisade fut un revirement brusque et absolument inattendu. Sans que personne ait pu y songer, et grâce à de nouvelles et grandioses combinaisons politiques visant la reconstitution de l’empire mondial, l’empereur, qui séjournait alors à Bari, se croisa sécrètement le 31 mars 1195, fit prêcher ouvertement la croisade le 2 avril, jour de Pâques, puis sur la base de son projet de croisade, engagea des pourparlers avec le pape en vue d’une reconciliation alors qu’au mois de mars, pendant son séjour à Tarent, il n’avait fait que des demarches encore absolument vagues et ne contenant aucune promesse de croisade, de façon que le pape, prêt à tout oublier pour le bien de la Terre-Sainte, put adresser sa première lettre après un long silence (« aliquamdiu stilum tibi scribendi suspendimus ») le 26 avril 1905 seulement, après que les envoyés de l’empereur « de Iherosolimitanae terrae subsidio verbum humiliter attulerunt » (16). Après l’arrivée de l’empereur en Allemagne, la croisade fut prêchée avec plus de notoriété à Gelnhausen, à la fin d’octobre, et surtout à Worms, au commencement de décembre (Toeche, 388–92), où Henri VI passa huit jours à recevoir les voeux des croises, assis sur son trone, dans la cathédrale, et ayant à côté de lui le légat du pape. C’est seulement à l’occasion de l’assemblée de Worms que Guillaume de Newburg (Chronique citée, pp. 486–7) mentionne le projet impérial de croisade. Dans sa datation de notre pièce, M. Torraca pose le terminus a quo seulement après Gelnhausen et Worms, comme nous l’avons vu, sans s’arrêter sur les manifestations de Bari. D’après notre exposé il est sur que, pour ce qui concerne la datation de M. Lewent et de M. Schultz-Gora, avant le mois d’avril de 1195, taute allusion représentant l’empereur comme préoccupé d’organiser la croisade aurait été absolument contraire à sa véritable attitude à l’egard de l’Eglise et, puisqu’elle aurait paru absurde, elle doit être regardée comme impossible. D’autre part, une pareille allusion devient naturelle des le mois d’avril 1195. Et le terminus ad quem d’après lutte allusion seule? Il est vrai qu’elle était possible tant que duraient los préparatifs pour la croisade et tant que l’empereur vivait (il ne mourut que le 28 septembre 1197). Mais le v. 57 : que primiers cre qe·i secor lndique, par son ton incertain, non pas le moment où les croises allemands ont déjà afflué en Italie (fin de 1196 ; Toeche, 458–9), et non pas même le moment où l’éclat des préparatifs à Gelnhausen et a Worms ne pouvait plus laisser subsister le moindre doute, mais bien un moment peu postérieur aux premières et surprenantes nouvelles sur les projets de l’empereur, après les prédications de Bari.

La seconde partie de l’allusion à l’empereur (vv. 57–60) a abouti dans l’interprétation de M. Lewent et de M. Schultz-Gora à un sens tout-à-fait différent de celui que l’on trouve dans notre traduction p. 134. Il s’agit surtout du v. 58 : si Dieus li rent sa honor. M. Lewen croit que sa se rapporte à l’empereur (sa honor serait « la terre de l’empereur ») et dit : « En réalité, Henri VI fut obligé de conquérir sa terre, notamment la Sicile, dans une lutte difficile contre le comte Tancred de Lecce appuyé par le parti national sicilien ». Cette interprétation a été pour M. Lewent et pour M. Schultz-Gora — (la traduction de M. Zingarelli p. 65, citée aussi par M. Torraca l. c., reste dans le vague : « se Dio gli ridà il suo onore », et ils ne s’y arrêtent pas) — le motif décisif pour placer notre chanson avant la conquête de la Sicile par Henri VI, accomplie vers le mois de novembre de 1194, ce qui ne s’accorderait point, comme nous venons de le voir, avec l’autre allusion à l’empereur. Mais cette interprétation comporte, tout d’abord, ceci d’improbable que, si nous la suivions, la Sicile aurait été appelée par un troubadour provençal, en 1194, tout court « la terre de l’empereur » et que ce troubadour aurait trouvé naturel que Dieu « rendit » à l’empereur un pays que celui-ci n’avait jamais possédé. On ne voit guère pourquoi Folquet aurait été un partisan si resolu de l’empereur dans cette question litigieuse dans laquelle Henri VI avait contre lui, après Richard Coeur-de-Lion, ancien allié de Tancred (Toeche, 150–62) et personnage important pour notre troubadour, le pape dont l’attitude n’aurait probablement pas paru négligeable à l’auteur d’une chanson pieuse. Devant le même auditoire méridional, Peire Vidal se range nettement contre l’empereur en parlant de sa conquête de la Sicile (364, 14, vv. 19–21). Peu de gens auraient compris que la terre de l’empereur et la terre qu’il s’agissait de lui « rendre » c’était la Sicile, et ceci suffit pour que nous n’y voyions rien de pareil non plus. Ce serait, d’autre part, introduire dans les vv. 57–8 un élément tout nouveau auquel les vv. 55-6 ne nous ont point préparés. Le v. 56 (même dans la leçon de M. Lewent ; cf. p. 178, n. 1) représente Dieu comme seigneur feodal de la Terre-Sainte, ce qui est d’ailleurs une conception tout-à-fait familière aux troubadours (voy. dans le livre même de M. Lewent, p. 371). Tachons simplement de suivre l’image du poète et nous la verrons continuée, ce qui est bien naturel, aux vers qui suivent (57–8) : « Je crois, en effet, que l’empereur sera le premier à se porter au secours (à la Terre-Sainte), si Dieu (seigneur feodal du v. 56) lui rend (confie en fief) sa terre » (17). Par conséquent, il faut aussi intervertir le sens des vv. 59–60 : lo dos, du v. 59, c’est le secours que l’empereur prêtera à la Terre-Sainte, lo guizerdos du v. 60, c’est le pouvoir dont Dieu le recompensera à l’Orient. Ceci encore a un sens historique bien réel. Il était évident, en effet, que la croisade de l’empereur ne manquerait pas de substituer l’influence impériale en Orient à celle que Richard y avait établie à son profit lors de la troisième croisade (18). Cette chose évidente, Folquet la dit à l’adresse de Richard. Ainsi la strophe V retrouve son unité : elle est destinée toute entière, avec la mention incidentelle de l’empereur, à l’attention du roi anglais, auquel elle s’adresse des le début, de même que la strophe suivante est entièrement consacrée au roi français.

5. ·l reis frances (vv. 61–66).

Le passage relatif à Philippe-Auguste est resté jusqu’à présent la partie la plus obscure de cette pièce, parce que M. Lewent n’en a donné qu’une leçon et une traduction sans aucun sens précis (19). Ramène aux mss. notre passage est aussi clair que possible : le tornar honteux que le roi français est exhorte à « réparer », c’est son « retour » de la Terre Sainte en 1191 ; il l’avait abandonnée en pleine campagne, laissant à Richard seul les soins de la croisade ; s’il ne profite pas du moment opportun qui se présente et s’il n’y revient pas, il se rendra coupable d’abandonner une seconde fois les lieux saints et ainsi il doublera (v. 66) sa honte. L’adversaire de Richard y est assez durement traité, car, tout en l’invitant à se croiser, notre troubadour ne fait qu’aiguiser progressivement, dans les rois parties de cet envoi, la pointe de son ironie (de om no·l ten a bo v. 2, par : no·s don paor v. 64, à aunit es per un dos v. 66). Il convient enore d’observer que Folquet ne fait aucune mention de la guerre entre les deux rois. S’il s’était adressé avec son appel à la croisade à deux souverains se faisant la guerre, il n’aurait peut-être pas passe sous silence cette circonstance. C’est pourquoi, sans y trop insister, il est cependant bon de noter que des le mois de novembre 1194 une trève fut conclue qui dura, avec un bref intervalle au mois de juillet de 1195, un an environ et fut ratifiée encore pour une bonne partie de 1196 (Ramsay o. c. 341–2, 347–8, 353).

Conclusion. N’a-t-on pas été surpris de voir notre troubadour fort peu soucieux, de présenter à son auditoire, dans une chanson politique autre chose que des propos soit vagues (·l Turc), soit n’ayant aucun sens (‘l reis frances), soit inconciliables avec sa situation personnelle (·l reis engles), soit enfin contraires à la réalité historique des choses (l’emperaire) ? C’est que, trop souvent encore, pour ne pas avoir examiné de près leurs allusions historiques, on accuse volontiers les troubadours d’imprécision, sans penser à leurs auditeurs qui, dans ce cas, n’auraient pas goûté beaucoup ces productions poétiques. La verité est que notre sirventes est d’une précision historique remarquable et que, dans quelques traits, nécessairement sommaires et empreints des sympathies personnelles du troubadour une situation historique s’y reflète fidélément dont tout le monde a été à même de saisir les éléments dans ces allusions, parce que tout le monde se rappelait le retour de Philippe-Auguste de la croisade de même que l’affaire de la rançon de Richard Coeur-de-Lion, et que tout le monde entendait parler des luttes musulmanes autour de la Terra-Sainte de même que des projets de croisade de l’empereur Henri VI. L’élément essentiel pour fixer le terminus a quo nous est fourni par la mention, qui paraît être encore assez incertaine, du projet de croisade de l’empereur : ceci nous rapporte à une date postérieure, mais fort peu, aux Pâques de 1195 (avril). Pour le terminus ad quem, nous savons que la bataille d’Alarcos (19 juillet 1195) provoqua une nouvelle chanson de Folquet ; la nôtre est certainement antérieure à celle-là (ce que M. Torraca l. c. ne croit pas) parce qu’elle ne contient pas la moindre allusion aux événements d’Espagne tandis que la chanson sur Alarcos débute par une allusion au Saint Sépulcre, et parce que toute la première strophe, à laquelle se joint encore la deuxième tornada, indique bien que notre chanson, plutôt que celle sur l’Espagne, fut la première composée après le planh de Barral. Toutes les autres allusions entrent parfaitement dans ce cadre.

 

Notes

1) « Riccardo era libero (dal 9 febbraio 1194) quando l’imperatore Arrigo VI comincio grandi apparecchi peril passagio in Terra Santa, e nella dieta di Gelnhausen fu deliberata la crociata (29 octobre 1195) e il legato pontificio la predico nella cattedrale di Worms » (p. 159). M. Zingarelli mentionne dans la 2 éd., l. c. note 99, l’opinion de M. Torraca, mais maintient l’ancienne interprétation.

2) Les événements qui suivirent la mort de Saladin sont racontés p. ex. dans l’ouvrage encore fondamental de Weil (Geschichte der Chalifen, Mannheim 1851, t. III, 429–30) auquel on peut ajouter le récit, moins de taillé, de A. Müller (Der Islam im Morgen u. Abendland, Berlin 1877, t. II 160–2) ainsi que la relation, très précise, de M. R. Roehricht (Geschichte des Königreichs Jerusalem, Innsbruck 1898, pp. 658–9), et, si l’on veut remonter aux sources, tous les détails nous sont fournis par les chroniques contemporaines et d’autorité bien connue : par Abou’l-Feda (Chronique publ. en extraits dans le Rec. des Hist. des Crois., sér. des Hist. orien. t. I, Paris 1872 ; pour notre question p. 72, trad. franç. col. 1–2), par, Ibn Alatyr (El Kamel publ. ibid. t. I–II, Paris 1872–87 ; voy. t. II, 75–8), et enfin par l’auteur dit Abou Chamah dont l’ouvrage (Le Livre des Deux Jardins publ. ibid. t. IV–V, Paris 1898–1906 ; voy. t. V 101–112) bien que composé au XIIIe siècle seulement, se base cependant sur des auteurs antérieurs et pour nos passages ne fait que citer l’important historien EI Imad.

3) « Serenissimo . . . Certa nobis relatione noveritis intimatum quod inimicus ille Christianae religionis Saladinus interiit. Cujus quidam filiorum, quem totius dominii sui dicitur constituisse haeredem, in Damasco versatur. Alter vero Babiloniae et Alexandriae dominatur. Frater autem ejus est in circuitu Babilonis cum exercitu copioso. Et est dissensio maxima inter eos. Valete. » (Roger de Hoveden, Chronica, éd. Stubbs, 1870, dans Rer. brit.

M. Ae. Scr. nº. 51, t. III, 213, place cette lettre entre les mois de mai et de juin de 1193).

4) M. Torraca a donc proposé : « egli ha fatto la spesa e un altro fa l’acquisto » ovvero « egli ha seminato e un altro raccoglie » (ce que M. Zingarelli p. 65 n. 99 a bien mal compris : « e che preiso debba tradursi non carcere, prigione. ma spesa ») ; et M. Schultz-Gora : « wenn er den Aufwand genmacht hat, d. h. wenn er im Morgenlande gekaempft und die Besitzergreifung desselben bezw. Jerusalems vorbereitet hat, und wenn ein anderer kommt und die Besitzergreifung vollzieht (oder auch einfach die Beute macht) »

5) 150.000 marcs d’argent ce qui fait plusieurs millions de francs en monnaie d’aujourd’hui (Kneller, Des Rich. Löw. deut. Gefangenschaft, Freiburg im Br. 1893. p. 75 et cf. l’ouvr. cité ci-dessous) et qui dans ce temps. réprésentait le quintuple du plus fort revenu (celui de 1195/6) tiré annuellement de toutes les terres de Richard, (J. H. Ramsay The Angevin Empire, London 1903 p. 371). « J’ai renoncé à citer la somme exacte qu’il avait payée de peur d’être accusé de measonge, mon affirmation pouvant paraître incroyable », dit même un chroniqueur allemand, partisan déclaré de l’empereur, Otto de St. Blaise (Mon. Ger. his, Scr. XX, 324 ; cf. Toeche, Kais. Heinr. VI, Leipzig 1867 p. 285 et Kneller l. c.).

6) « Quamque graves et enormes injurias et jacturas ab Henrico quondam imperatore pertulerit inde revertens, per totum fere orbem fama notissima divulgavit » écrit. en 1198, Innocent III (Migne, t. 214, n. CCXXXVI, col. 203 4).

7) Le dernier sirventes est donc en tout cas postérieur à l’automne 1194 ; cf. et corr. Diez. L. u. W. , 142, Bartsch, Peire Vidal, p. LI et nº 41, Schopf, Beitr. zur Bgr. P. V., pp. 7, 17, 32–3. M. Schultz-Gora vient d’indiquer pour cette pièce la même date que moi (Litbl. g. u. rom. Ph., 1908, oct. col. 322).

8) Itiner. reg. Ric., éd. Stubbs Rer. Br. M. Ae. Scr. n. 88 t. I, 448 ; Hoveden, Chronique citée III, 233, Kneller o. c., p. 86.

9) Voy. la lettre au clergé de Canterbury du 25 juillet 1195 dans R. de Diceto, Ymagines Historiarum, éd. Rer. Br. M. Ae. Scr. n 68, t. II, 132–5 et cf. un document de 1197 encore, d’après Davis, England under the Normans and Angevins, London 1905, p. 311.

10) R. de Wendover, Flor. Hist. dans Mon. Germ. h., Scr. XXVIII, 38–9 ; cf. Kneller o. c., 91.

11) Voy. sa lettre de 6 juin 1194 dans R. de Diceto o. c. II, 119 et cf. 103, 126 ; sur le refus de funérailles chrétiennes au corps d’Henri VI jusqu’à ce que la rançon soit rendue, voy. E. Winkelmann, Phil. v. Schw. u. Otto VI v. Braunsch., Leipzig 1873–8, t. I, 488–92.

12) Migne 214, lettres nn. XI, CCXXXVI, CCXLII, CCXXX, CCCXLV de la première année ; sur ses préoccupations au sujet d’une nouvelle croisade cf. A. Luchaire, Innocent III : La Question d’Orient, Paris 1907 p. 2.

13) Wil. Parvi can. de Novoburgo, Hist. Rer. Angl., éd. Howlett dans Rer. Br. M. Ae. Scr. n. 82, t. II, 486.

14) Cette leçon est : Doncs, nostre baron que fan Ni·l reis engles cuidieus sal ? Cuida aver fait son iornal (Mout i aura lait engan !) S’el a fait la messio E autre fai la preiso ? Et la traduction : « Glaubt er sein Tagewerk vollbracht zu haben (das waere ein Car haesslicher Betrug!) wenn er etc ... » C’est beaucoup exiger des auditeurs de Folquet que de croire qu’ils auraient su sous-entendre toute cette ponctuation compliquée. Notre leçon est bien plus simple. Remarquez aussi que pour le « waere » de M. Lewent il faudrait auria, tandis que dans notre leçon aura est bien à sa place.

15) M. Lewent : Cum dieu cobre sa reio ce qui lèse la grammaire en même temps que les mss. ; voy. les variantes et cf. ce vers parmi nos corrections de la liste des variantes de M. Lewent.

16) Toeche, 373–9 ; Mon. Ger. hist. XVII, 524 ; M. Lewent p. 342, n. 2 dit que Henri VI se croisa « publiquement le 30 mai 1195 » ce que l’on doit corriger : « secrètement le 31 mars 1195 »; il y a, en effet, dans Toeche, 374 une faute d’impression : « 31 Mai » pour « 31 Mars », bien facile à rectifier par le contexte et par les pp. 673–5 du registre d’actes dont il resulte que l’empereur quitta Bari le 10 avril et se trouva le 31 mai en route pour l’Allemagne, entre Plaisance et Padoue ; cette erreur ayant passe dans Kugler o. c. 259, ainsi que dans beaucoup d’autres ouvrages, comme p. ex. Roehricht, Gesch. Jer., 668 et id., Gesch. Kreuz. i. Umriss, 171, nous la retrouvons dans le commentaire de M. Lewent à côté d’une inexactitude au sujet de la publicité de cet événement.

17) Rendre dans ce sens de « confier » est bien naturel : voy. p. ex « damus et reddimus . . . illum honorem quem Praepositus ejus Ecclesiae tenere solet » dans la Gall. Christ. I, Instr. 5, et cf. Du Cange III, 692 cul. 2 ; sa se rapporte plutôt à Dieus qu’à l’emperaire ; honor qui n’a le sens de « pays » que par l’intermédiaire de, « fief » marque bien la pensée du poète.

18) Les démarches de Leo d’Armenie après la captivité de Richard (mai 1194 à Milan) et celles d’Amalrich de Chypre après la proclamation de la croisade (décembre 1195 a Worms) en vue de se soumettre à la suzerainete impériale sont la pour l’attester (Roehricht o. c., 666–8).

19) M. Lewent lit : . . . lau qe fassa Tornar c’om, et traduit, avec un point d’interrogation toutefois : « Dem franzoesischen Koenig rate ich, er moege abwenden (?) das, was man ihm nicht zum Guten anrechnet ». Cette leçon est erronée : M. Lewent a substitué qe à re- des quatre mss. qui conservent cette etrophe et il n’a pas reconnu la bonne leçon ·l tornar avec l’ ·l appuyée sur la voyelle finale du vers précédent, leçon que trois mss. QTU ont, naturellement, corrigée, mais que c a heureusement laissée intacte (vol. sur cette position des enclitiques l’ed. d’Elias de Barjols pp. 46–7 et le travail de M. Hengensbach qui y est cité, ainsi que Levy G. Fig. 84).

 

 

 

 

 

 

 

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