1. Reis désigne Alphonse II d'Aragon (Ier en Catalogne ; 1162/4-1196), fils de Raimond Bérenger IV, comte de Barcelone, cité au vers 9.
8. tresor, pour tesaur, avec ò ouvert, est un catalanisme, de même qu'aux vers 16 tor, pour taur et 23 or, pour aur.
9-12. Sur la campagne d'Alphonse contre Marquesa d'Urgel, vicomtesse de Cabrera, voir les §§ 11 et 13. Les vers 5-6 se rapportent à la même campagne : cf. § 31, note 11.
13. Sibiuda, qui a gêné les scribes italiens, est une variante de Sibilla, forme courante en Catalogne pour Sibilia. Elle s'explique par une confusion de désinances entre -alda et son dérivé catalan -alla : cf. à la Table du L.F.M., t. II, p. 497. Geralla et Geralda, come Geral, Gerallus et Geraldus, Arnal, Arnallus et Arnaldus.
13-16. Sibilia, châtelaine de Castellgalí, castro Galin, près de Bages, in comitatu Minorise, dut effectivement céder au roi son château, le 18 décembre 1178. Nous avons un précieux témoin pour l’identification de na Sibiuda et de son aventure en la personne du même Raimons de Timor qui avait fourni au troubadour des indiscrétions à son sujet : la signature Raimundi de Timor se lit, en effet, au bas de l’acte de cession et d’hommage, publié dans le Liber Feudorum Maior, t. I, p. 211, nº 199. Sur ce personnage, cf. § 17, note 31 ; sur deux autres témoins de cette charte, Guilielmus de Guardia et Petrus d’Olon, voir Ibid., analyse des actes de 1191 et 1192, et note 38. Sur le château en question, cf. A. VILA, Lo senyoriu feudal de Castellgalí, dans Boletín, t. 13, 1913, p. 47-58.
16. frusca, mot inconnu que nous avons interprété ad sensum. A rapprocher de fruscar variante de fustar, d’où « piquer » ?
18. Nous corrigeons le dos des manuscrits en doz’, puisque douze ans entiers s’étaient de fait écoulés, en 1192, depuis l’affaire de Sibilia et celle d’Azalaïs qui va être citée dans les vers suivants.
19-22. Sur la campagne, de l'automne 1179, contre Azalaïs, « comtesse de Burlats », et le vicomte de Béziers, son mari, voir le § 12. Alphonse ne comptait pas seulement des amis parmi les troubadours et ses adversaires paraissent garder un souvenir très exact de ses humeurs cavalières à l'égard de certains châtelains et de certaines châtelaines. Bertran de Born, entre autres, tient à lui exprimer sa désapprobation au sujet du château d'Espanhol de Castellot, dont il extorqua l'inféodation au mois de mai 1180, incident qui, sans les insinuations du poète, n'avait pas de quoi frapper notre attention (Voy. la pièce 30,35, str. III ; publ. dans l'éd. APPEL, Die Lieder Bertrans von Born, 1932, p. 55 ; SERRA-BALDÓ, Els trobadors, p. 99 et M. de RIQUER, La lírica de los trovadores, t. I, p. 420 ; cf. le document analysé par MIRET Y SANS, Itiner., p, 411, à Saragosse).
23-24. A moins qu'on ne prenne l'or au sens général de « fortune », nous ne voyons pas exactement à quels détails Guilhem fait allusion ici. Quant à Bertrand de Saissac, dont il est question au vers 24, ce fut un des conseillers de Roger II, vicomte de Béziers (1167-1194), plus tard tuteur de son fils. Il est attesté depuis les environs de 1166 (cf. Histoire générale de Languedoc, t. VIII, p. 267), jusqu'aux dernières années du siècle (voir P. ANDRAUD, La vie et l'œuvre du troubadour Raimon de Miraval, Paris, 1902, p. 55-57). Son rôle de sauveteur n'apparaît pas dans les actes relatifs à l'affaire de 1179, où il signe en qualité de témoin (L.F.M., nos 856, 863 et 864 [lire Bertrandi]).
25. Reis castellans : Alphonse VIII de Castille (1158-1214), successeur d'Alphonse VII qui portait, depuis 1135, le titre d’imperator Hispaniae.
31-32. Pour Lérida, centre de l'activité d'Alphonse au cours de la campagne de 1191-1193, voir § 13 et notes 10-11 : pour Montesor, voir Ibid., note 13. Les armées que Guilhem appelle à la rescousse auraient donc pour premier objectif de prendre Lérida, point névralgique des communications entre la Catalogne et l’Aragon : cf. § 13, note 14.
33-36. Le comte de Toulouse est Raimond V (1148-1194), allié naturel de tout adversaire d'Alphonse. Nous ne croyons cependant pas, comme MILÁ (De los trovadores, p. 295-296, note 19) et à sa suite, BERGERT (Die von den Trobadors... gefeierten Damen), que l'allusion à Elionor concerne le mariage de la fille d'Alphonse d'Aragon avec le fils de Raimond, mariage qui ne put avoir lieu que vers 1205, étant donné le trop jeune âge de la fiancée : elle devait être muy niña entonces : Milá l’admet, en 1192. Par ailleurs, le parfait qu’emploie le poète, non fetz, semble indiquer un temps plus reculé. Si la dame à laquelle il compare ici Marquesa n’est pas la grande Éléonore d’Aquitaine, dont la « valeur » avait été autrefois incomparable, c’est peut-être une autre reine Éléonore. Nous pensons à l’épouse du roi dont Guilhem vient de parler, Alphonse de Castille. Raimon Vidal de Besalú nous en a laissé un portrait d’une élégance exquise (Castia-gilos, éd. APPEL, Chrestomathie, nº 5) et Guilhem de Bergadan la connaissait également (pièce 210,20, vers 29-32, quelque peu démentis ici ; publ. MILÁ, p. 307). Elle était fille du roi d’Angleterre, Henri II, et mariée depuis 1170. En 1173, c’est par la médiation de son père que la première trêve était intervenue entre Alphonse d'Aragon et Raimond de Toulouse, à qui le troubadour paraît vouloir dire dans cette tornade : « Vous conclûtes un pacte avec Alphonse, votre ennemi, pour les beaux yeux d'Éléonore de Castille ; venez à présent attaquer le même adversaire pour l'amour de Marquesa, qui « vaut » bien plus que l'autre. »
34. a Marquesa. Les leçons des manuscrits sont inacceptables : A donne a la Marquesa, une syllabe de trop, conformément au vers 11 où le nom est précédé de l'article ; dans DIK la mesure a été rectifiée par le changement de l'article féminin en masculin. Les scribes comprenaient sans doute al Marquesà, al Marchigiano, des Marches. Le compte des syllabes aux vers 11 et 34 confirme que le nom Marquesa pouvait être employé avec ou sans l'article. Il en est de même pour d'autres noms propres d'homme ou de femme qui, par un rapprochement plus ou moins gratuit, pouvaient présenter le sens d'un nom commun : Dalfin (Adalhwinus), dit en Dalfi ou, par confusion avec le cétacé, lo Dalfi, Loba (féminin de Lop, Lupus), dite na Loba ou la Loba. Pour le premier, voir P. L. FOURNIER, dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. 91, 1930, p. 86-87 ; pour la seconde, un exemple catalan de 1066-1067, dans L.F.M., nos 356 et 361, et Mélanges de philologie romane et de littérature offerts à Ernest HOEPFFNER (Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg, fasc. 113), Paris, 1949, p. 261-264 : La Loba célébrée par les troubadours Peire Vidal et Raimon de Miraval, par M. Clovis BRUNEL. |