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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,012- Bertran de Born

v. 4 : m’enqueira
Levy (O. C., S. W., t. III, p. 19, enquerre 6) donne à ce mot le sens de “requérir d’amour, courtiser”. Kastner (O. C., M. L. R. nº27, 1932, p. 408), à la suite de Diez (Leben und Werke 2, p. 153), lui préfère celui de “chercher”. Dans les deux cas, m’ doit être tenu pour un datif d’intérêt.
 
v. 6 : jais
Cette forme qui existe à côté de gai caractérise les “dialectes septentrionaux de l’Occitanie, comme les formes en ch (venant de ca)” (Anglade, Grammaire de l’ancien provençal, p. 172). On la rencontre aussi chez le Moine de Montaudon : que d’autre luec us ricx jays (éd. Routledge, VII, v. 25).
 
v. 7 & v. 18 : semblan
Comme le fait remarquer Levy (O. C. t. VII, p. 542), rien n’oblige à prendre ce mot au sens de “tournure, apparence, mine”, puisque le poète compose la dompna soiseubuda d’agréments qui ne sont pas tous physiques. Le traduire par “sorte”, comme le fait Kastner (L. C.), qui cite Gaucelm Faidit : Ni mais non er nulhs hom del sieu semblan (L, v. 12) pour lequel l’éditeur, Jean Mouzat, écrit : “il n’y aura jamais homme pareil à lui”, réduit le mot à peu de chose. Je propose de le traduire par “image” au vers 7 et par “attrait” au vers 18.
 
v. 12 : fos
Il est nécessaire de corriger la forme sia des mss. AB, car le vers est hypermétrique. J’adopte le fos de DIK.
 
v. 14 : tieira
Dans ce passage, le sens de ce mot est incertain. Diez (O. C.) comprend “ornement, toilette”, Stimming 1 : “manières”, Thomas : “tournure”, Appel (O. C. “Beiträge ... II”, p. 47) “sorte”, Kastner (L. C.) pense qu’il s’agit du même mot que l’anglais “tier”=“étage”, dont on aurait ici un développement du sens premier. Il se demande si ce ne serait pas là le mot que la razon glose par un bel taill de persona. Je préfère adopter, sans trop de certitude, le sens de “toilette” qui annoncerait dès lors le vers 43.
 
v. 17 : agaran
C’est la lecture de AB, mais DIK indiquent acaptan et F azaptan, leçons acceptées par les précédents éditeurs. Kastner fait remarquer qu’ils ne donnent pas à ce mot le sens précis de “acheter”, mais s’adaptent au contexte : Thomas comprend “demander, mendier”, Stimming 3 : “aller prendre”, Appel : “se procurer”, puis “demander”. Je m’en tiens au manuscrit de base où se trouve le verbe agarar que Levy (Petit Dict. p. 10) traduit par “attendre”, ce que l’on peut considérer comme l’attitude du suppliant.
 
v. 19 : soiseubuda
Quel est le sens exact de ce mot ? “imaginée” (Raynouard), “composée” (Diez), “formée de traits choisis, idéale” (Thomas), “empruntée” (Stimming 3), “glanée” (Appel) ? Levy (S. W. t. VII, p. 757) indique “empruntée, fictive, imaginaire”. De fait, le sens concret “emprunter” est parfaitement attesté : E de son afiblar se deu gran soing donar, que non esti’en fol sos mantels a son col, ni semble soiseupuz can li er al col penduz (Garin le Brun, vv. 225-230) ; Era·us dirai lo ver per que·us man so tener ... Pieg l’es que mal de febre qui tot o vay soisebre (Arnaut Guilhem de Marsan, vv. 507-516) in Testi didattico-cortesi di Provenza, éd. G. E. Sansone, Bari, 1977, mais on rencontre également le verbe soisebre au vers 405 de Flamenca (éd. Nelli-Lavaud) : Per ren que·il n’avengues soisebre que les éditeurs traduisent par “quelque fourniture qu’il lui arrivât d’imaginer” et commentent ainsi : “soisebre, de suscipere”. Le lexique de l’édition de M. Gschwind indique aussi “imaginer” pour soisebre. Tous ces divers sens se comprennent si l’on admet le passage d’un sens concret, “prendre,  emprunter” à un sens abstrait : “imaginer”.
 
v. 22 & 27 : Bels-Cembelins et Midonz N’Aelis
Dans la même strophe, il semble qu’une dame est appelée par son nom, tandis qu’on utilise un senhal pour la seconde. Pour une tentative d’identification, cf. p. LXXVI-LXXVII. On rencontre chez Gaucelm Faidit ces vers : Bels dous Maracdes fis, vos e·ls pros Peitavis sal Dieus, e Na Maria qu’a bon pretz conquis e ma domna Elis sapcha be ... (nºLV, strophe 6a) et, dans une note sur le cycle de Bon Esper, Jean Mouzat s’interroge : “Faudrait-il admettre que Na Maria fut chantée sous le senhal de Bon Esper avant son mariage ? Bertrand de Born l’a bien fait, mais il la loue avec ses sœurs, et en quelques vers seulement. Car on sait que ce n’est que très exceptionnellement que les troubadours chantaient des jeunes filles” p. 272). Il se peut bien que Bertran ait plus souvent chanté Maria qu’on n’a pu le croire.
 
v. 24 : sobreira
On rencontre également ce sens de “arrogance” dans Jaufre (éd. Brunel, vv. 2014-2015) : Ni per cal rasun vos avia pres ni vencut per sa sobrera.
 
v. 31 : vescomtal
Levy (O. C., P. D. p. 382) traduit cet adjectif substantivé par “vicomtesse”. Il s’agit sans doute de Guiborc de Montausier, femme d’Olivier de Chalais, qui n’était pas lui-même vicomte, mais fils et frère des vicomtes de Castillon. Ainsi que le dit M. Boussard (Le gouvernement d’Henri II Plantagenêt, Abbeville, 1956, p. 135) : “le titre de vicomte, qui n’est d’ailleurs pas attaché à la possession de la seigneurie, mais à la qualité de membre d’une famille vicomtale” ...
 
v. 32 : ad estros
Les manuscrits indiquent : ad estors (AB), a estors (DIK) et, dans le vers 42 que F intervertit avec le vers 32, ad estros, forme qu’exige la rime. Le sens de cette locution est “tout à fait, décidément, à l’instant ?” pour Levy (Ibid. p. 179), “immédiatement” pour Thomas et Stimming, “à la hâte, tout de suite” pour  Appel. Enfin M. Lecoy (O. C., Romania nº94) indique: “décidément, tout à fait, sans hésitation”, sens que propose également Martín de Riquer à propos d’un passage de Cercamon (Trovadores, nº26, v. 26).
 
v. 34 : carrieira
Cette métaphore du chemin est particulièrement ordinaire chez Giraut de Bornelh (éd. Kolsen) : Sol c’amors me plevis c’aissi co·lh fora fis m’atendes covinens, enquer me trobera drech en sa carrera (nº7, vv. 1-5), Leu chansonet’e vil m’auria obs a far que pogues enviar en Alvernh’a Dalfi, Pero s’el drech chami pogues N’Eblon trobar ... (nº48, vv. 1-6) et, dans la chanson nº56 : que·m fa chamjar ma charrera (v. 28), segon tost altra charrera (v. 40).
 
v. 36.
Parmi les nombreuses Agnez qui ont porté ce nom dans la famille de Rochechouart (cf. Octave Marquet, Documents historiques sur Rochechouart et Bienac), la beauté dont parle Bertran ne semble pouvoir être le lot que de la fille d’Aymeric V (1130-1170), mais nous manquons de toute précision.
 
v. 37 : dara·n
C’est Chabaneau qui a vu que le pluriel daran n’avait aucun sens et qu’il fallait corriger en dara·n (O. C., R. L. R. nº31, p. 605).
 
v. 42 : faissos
Pour Levy (S. W., t. III, p. 393), ce mot signifie, au singulier comme au pluriel, “forme, image”. Il s’agit sans doute plus largement de “mine, aspect, manière d’être physique”, comme le montrent ces vers de Peire Vidal : ab sas bellas faissos (40. 26), quan remir sas faissos e·ls bels olhs amoros (34. 22), bellas faissos (27. 21) et ab tan gentil faisso (44. 16) que l’éditeur, Anglade, traduit par “manières” ou “maintien”.
 
v. 43 : liazos
Selon Levy (S. W., t. IV, p. 398), il s’agit de “toilette, vêtement”. Chabaneau (R. L. R. n°31, p. 606) le confirme : “liar devait signifier habiller, comme desliar déshabiller”. M. Bergin (O. C. pp. 78-79) comprend : “desidero che ... mi dia delle sue sembianze che tanto gentilmente l’adornano”.
 
v. 46 : ni·s vols en biais
Il s’agit là encore d’un groupe de mots qui devient un cliché : cf. Giraut de Bornelh (éd. Kolsen) : Mais s’eu li sui verais, penses si·s tanh que·s volva ni·s biais (7. 1-5), ab que no·n volva ni·n biais (35. 74) et Gaucelm Faidit (éd. Mouzat) : ill vaun dizen qu’Amors torn en biais (71. 12) etse vir Amors en caire, e fraing e fen (25. 75-76).
 
vv. 47-50.
Ce passage suffirait à mettre en doute le roman de l’auteur des razos : si Bertran est accusé par sa maîtresse de courtiser Mieills-de-Ben, cette strophe est très maladroite ; même si l’on peut en conclure que Bertran n’a jamais eu l’occasion de la tener nuda, il aurait été plus diplomatique de lui demander un trait de beauté moins évocateur.
 
v. 51 : Na Faidida
Selon Stroński (O. C. Légende ... p. 96), cette dame pourrait être de la famille de Peire Faidit, un important baron dont le nom figure dans les actes de Raimon de Turenne.
 
v. 57 : garan
On lit dans AB : son garan, dans DIK : son bel gran, tandis que le vers de F est : De son plazen cors aitan.
La razon paraphrase ce passage et parle d’un bel garan (gran dans F) o un bel taill de persona, où le o ne semble pas explicatif, puisqu’il se place dans une série. Kastner, qui accepte gran, l’explique par des exemples tirés d’une lettre inédite du prêtre Johanes comme : gens que son del gran d’un enfant de .V. ans. Dans ce cas seraient liées une qualité morale et une qualité physique (gaieza et gran). Si l’on conserve garan, au sens de “mesure” (Levy, P. D. p. 202), il s’agit alors de deux qualités morales. De plus, si une belle taille (bel gran) n’est pas un compliment qui revient souvent chez les troubadours, en revanche la mesure (garan) est une qualité essentielle.
 
v. 60 : cambia
Il faut corriger, en suivant AIK : cambia ; la forme camja de BD rend le vers hypométrique.
 
v. 61.
Le fait que la strophe entière soit consacrée à Bel-Seigner, son contenu et sa place, tout cela permet de penser qu’il s’agit bien de la dame de Bertran.
 
v. 71 : mon Aziman
 
v. 74.
Arnaut Daniel emploie une expression comparable : que m’a virat bas d’aut (éd. Toja, nºIX, v. 15).

 

 

 

 

 

 

 

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