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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,038- Bertran de Born

v. 5 : braire
On rencontre le même verbe chez Peire d’Alvernha (éd. Riquer, Trovadores, nº44, vv. 19-21) : Quan l’auzeletz de bon aire vi sa beutat aparer, dous chant conenset a braire.
 
v. 14.
Il s’agit sans doute d’une formule consacrée, comme le montre le vers de Gaucelm Faidit : e ve·us me al vostre plazer (éd. Mouzat, nº52, v. 40).
 
v. 15 : tors
Selon Stimming 1 (p. 292), tors au pluriel signifie “château”, mais Levy (O. C., S. W. tor 2, t. VIII, p. 276) se demande si ce n’est pas là le sens de tor au singulier et si Bertran ne se donne donc pas pour le maître, de plusieurs châteaux. Il me semble que l’on peut conserver tors comme une synecdoque pour le seul Hautefort.
 
v. 22.
A : a sols (?), B : a sols, C : a sol, D : a sol (?), FUV : ab sols, IK : asol, N : sonsout, R : ab sol, a : asols. Si l’on accepte l’hypothèse, émise par Levy (Lit. Blat. nº6, p. 234), que le texte original était asol, à mettre en relation avec la razon : ma domna Maeuz li dis ... qe·is fezes absolver las promessions e·lz sagramens que il avian faitz entre lor, il faut admettre que la majorité des copistes ont mal compris le mot ; ils ont vu ici la préposition ab suivie de l’adjectif sol, qu’ils ont en conséquence accordé avec le pluriel afizamens. Le sens serait alors : “et celui qui maintient les proscrits annule, en son propre honneur, quand ils font une bonne paix, les engagements qu’ils ont contractés avec lui”. Mais pourquoi la forme masculine cel qu’attestent les copistes de ABCDIKRa alors qu’on ne trouve le féminin que dans FNUV (ill, cill, çil, xil) ? La razon ne présente que le maigre avantage de nous montrer comment son auteur comprenait la chanson. On peut lui opposer le texte de So fo e·l temps où Raimon Vidal cite ce passage, en suivant d’assez près le texte de R : So qu’En Bertrans dis a·l partir de lay on fo gent aculhitz : “E sel que mante faizitz per honor de si meteys, en fa bos acordamens ab sols los afizamens” (éd. Cornicelius, diss. Berlin 1888, vv. 1370-75). Le seul exemple de cel au féminin se trouve dans le Manualetto de Crescini : il s’agit de vers de R. d’Aurenga : plus leu que cel que m’a conques no·m pot nul autre galiar, à propos desquels Crescini note : “Cel di Crest. 7, 23, va forse corretto in cilh femm. nom. sg”. (p. CI).
 
v. 37-38.
Cf. Introduction, pp. LI-LII.
 
v. 40 : Vivian de Tors
Mme Watelet-Willem (Recherches sur la Chanson de Guillaume, Paris), reprend l’analyse de Martín de Riquer se demandant si “le Vivien légendaire du Guillelme est la traditionnelle altération du comte Vivianus de Tours, qui mourut le 22 août 851, au cours d’un combat contre les Bretons, sous le règne de Charles le Chauve” (1). Elle oppose deux personnages : l’un d’eux, occitan, répond au nom de Vezian et l’autre, tourangeau, à celui de Vivien, mais elle admet qu’il a pu y avoir identification du Vivien épique avec Vivien de Tours ; elle note : “Quand on tient compte de l’importance littéraire de la région poitevine, on comprend que le périgourdin Bertran de Born ait pu connaître le héros tourangeau et que, voulant le citer dans une poésie occitane, cet homme cultivé ait employé pour le désigner non point l’anthroponyme Vezian qui désigne un héros méridional, mais le dérivé phonétique occitan de Vivianus, Vivian” (p. 701). On peut de fait opposer le preux Vidianus, qui vainquit les Sarrasins à Martres Tolosanes et fut même admis, un temps, dans le sanctoral du diocèse de Toulouse, et saint Bibianus, évêque de Saintes au Vº siècle. La confusion entre les deux prénoms est telle que la razon de la chanson nº10 appelle Vivias (l. 28) celui que le sirventes désigne du nom de Vezians (v. 19).
On notera que le manuscrit F est le seul qui indique de Tors, tous les autres lisent cors, mais comme le dit Martín de Riquer (ibid.), “la confusion entre c et t initiaux est si fréquente que, puisque la leçon de F offre un sens et non celle des autres chansonniers, il faut suivre celle du premier”.
 
v. 51 : manjadors
Il va de soi que les seigneurs qui aiment à bâtir sont, avant tout, manjador d’argent.
 
v. 57.
Àla différence des éditeurs qui l’ont précédé, Appel écrit atener, et son glossaire donne à ce mot le sens de “innehalten, beobachten” (= “observer”). Puisque le simple tener peut avoir ce sens et qu’atener ne figure pas dans le Petit Dictionnaire de Levy, il me paraît bon d’employer le verbe simple.
M. Lefèvre (2) voit dans ce passage un souvenir d’Erec et Enide (Cf. p. XLIV). Cette référence permettrait de ridiculiser la prétention de ces seigneurs qui se prennent pour des chevaliers de la Table Ronde parce qu’ils vont chasser dans les bois.
 
v. 59 : austors
Le choix de l’autour n’est pas accidentel. Selon M. Benoist (3), “L’autour est pourtant un chasseur efficace, dont l’achat et l’entretien n’étaient pas coûteux. Ce sont précisément ces qualités qui, du moins apparemment, le desservaient auprès de certains auteurs. On lui reprochait en effet de prendre un trop grand nombre de proies et de dépeupler ainsi les terrains de chasse. Ce sont les raisons pour lesquelles Frédéric II blâmait fort ceux qui pratiquaient la chasse à l’oiseau pour garnir leur table, car cela nuisait trop à l’abondance du gibier et d’autre part et surtout, la volerie était une trop noble occupation pour qu’on la fît répondre à des buts utilitaires”.
 
vv. 61-66.
M. Benoist écrit : “La volerie pouvait être associée à l’idée des relations pacifiques et de la concorde. On avait en effet tendance à l’opposer à la guerre. Bertran de Born a particulièrement utilisé le procédé consistant à mettre en antithèse la volerie et les combats. Celle-ci n’exigeait en effet l’emploi d’aucune arme : il était donc exceptionnel d’aller la pratiquer en attirail guerrier” (Ibid. p. 124). On trouvera une autre confirmation de ce lien entre la volerie et la paix dans la strophe V de la chanson nº20. Il faut corriger l’impossible es tant paucs lor valors de B où valors est au masculin par la leçon de AIKN, même s’il faut admettre alors le pluriel du mot abstrait valors.
 
v. 69.
Plutôt que la bizarre tournure de C : No podo al cor plazer, je suis pour l’essentiel le texte des manuscrits UVa : Non u poc (non p- a) us al cor p-.
 
vv. 71-74.
P. Meyer (4) rappelle que “les tournois étaient, en effet, par les prises qu’on y pouvait faire, un moyen de gagner ou de perdre de l’argent. Certains chevaliers en vivaient”. C’est ainsi que, sur son lit de mort, Guillaume refusait de rendre ce qu’il y avait gagné, car j’ai pris .v. cenz chevaliers dont j’ai & armes & destriers e tot lor herneis retenu(Ibid. t. II, p. 305, vv. 18483-85).
Les torneiamen plevit correspondent sans doute aux joustes de plaideïces, dont P. Meyer (Ibid. glossaire, t. II, p. 374) dit : “Cette expression ... désigne évidemment des joutes dont les conditions étaient débattues et réglées d’avance et différentes en cela des tournois. Ces joutes passaient pour être moins honorables que les tournois ; voir Ou Cange (éd. Didot, t. VII, 2º partie, p. 30, col., 2)”.
 
v. 75 : correis
Appel (O. C., “Beiträge ... II”, pp. 48-49) se demande si correi n’est pas ici la ceinture qui contient l’argent ou à laquelle on accroche la bourse, et propose de comprendre : “Si ensuite on dit du mal d’eux, la ceinture ne les serre pas, pourvu qu’ils aient l’argent sur eux”. En suivant le manuscrit C, le sens devient : “mais lui, la ceinture ne le serre pas, pourvu que l’argent parte avec lui, même s’il est ensuite critiqué”.
 
v. 78.
Il y a un certain désordre dans les manuscrits : seul F lit ric home au cas sujet pluriel, puis seul C écrit sapcha au singulier. Ensuite, pour le pronom du vers 82 et les adjectifs des vers 83-84, on ne rencontre que le pluriel, que d’ailleurs la rime exige. En conséquence, il est nécessaire de corriger C avec Ric home (v. 78) et sapchon (v. 79).
 
vv. 85-86.
Selon Kastner (O. C., M. L. R. nº27, 1932, p. 414), Bertran veut dire que les vrais chevaliers ne devraient pas participer aux tournois pour s’enrichir, mais pour se perfectionner dans l’art de la guerre.
 
v. 88 : fesson
On attendrait le singulier fezes, que l’on trouve d’ailleurs dans UVa. Thomas et Appel corrigent le passage, mais Stimming conserve le pluriel en rappelant que l’accord par syllepse n’a rien de surprenant ; il s’appuie sur une série d’exemples, dont les vers 23-24 de la chanson nº21 de Bertran. Compte tenu du fait que le troubadour a choisi la forme féminine en -a de Caresma, pourquoi ne pas supposer que les deux mots sont féminins et donc cas sujets pluriels ? “L’emploi de ce pluriel au lieu du singulier aven est assez fréquent chez les Troubadours. Cf. Appel, Peire Rogier, p. 79.” (5)
À propos de ce passage, P. Meyer (Ibid. t. III, p. XXXIX, note 2) écrit : “Bertran de Born dans l’un de ses sirventes ... blâme les riches hommes qui suivent les tournois pour prendre leurs vavasseurs et se soucient peu du blâme, pourvu qu’ils emportent l’argent. Il trouve légitime cependant que les soudoyers (c’est-à-dire les chevaliers qui se louaient) s’enrichissent de cette manière”. Raimon Vidal cite ce passage dans une poésie didactique : Abril issi’e mays intrava. Fazian so qu’En Bertrans del Born dis en un serventes a far ricx homes pus cortes e pus francs e pus donadors : “Que sian ses tortz faire elitz et adretz e francx e chausitz, ad aiso fon pretz establitz, c’om guerrejes e so fortmens et a caresma et avens e fezes soudadiers manens” (cité par Stimming 1, p. 293). Le texte de Raimon Vidal ferait croire que Bertran appelle les rics omes à guerroyer a caresma et avens, c’est-à-dire même pendant les périodes de paix de Dieu. Le texte de C fait aussi difficulté, car les tournois n’étaient pas non plus autorisés pendant ces périodes ; d’autre part, si l’on suppose une forme en Quaresmas et Avens, il manque alors une conjonction entre les verbes guerreyes et Fesson. La seule solution paraît être celle-ci : l’honneur veut qu’un rics om fasse la guerre à l’aide des chevaliers qu’il entretient, mais il ne suffit pas de payer ceux-ci lorsqu’ils sont indispensables ; il faut aussi les enrichir dans les périodes où cela ne s’impose pas d’un strict point de vue utilitaire que sont le Carême et l’Avent.
 
v. 92 : pimens
Raynouard (Lexique Roman, t. IV, p. 542) explique qu’il s’agit d’une “boisson à base de miel et d’épices”. Il en est également question chez Peire Cardenal (éd. Riquer, Trovadores, nº314, v. 43) ; Cf. F. E. W. VIII, 445 f.
 
v. 93.
Le nom de Papiol compte généralement pour trois syllabes et la version de C : Papiol, sia tan arditz donne donc un vers hypermétrique. La version de UVa convient bien : Papiol, s’es tan ardiz (-tz a), à condition de voir en es la deuxième personne du verbe être. Comme un copiste a pu être amené à corriger le groupe esttant, je propose d’utiliser la forme plus ordinaire est.
 
 
 
Notes:
 
(1) Martín de Riquer : Les Chansons de geste françaises, Paris, 1957, p. 151. ()
 
(2) M. Yves Lefèvre : “Bertran de Born et la littérature française” in Mélanges Frappier, 1970, t. II, p. 605. ()
 
(3) M. J. O. Benoist : “La chasse au vol. Techniques de chasse et valeur symbolique de la volerie” in La chasse au Moyen Age, actes du colloque de Nice, 1980. ()
 
(4) Paul Meyer : Histoire de Guillaume le Maréchal ... Introduction, t. III, p. XXXIX. ()
 
(5) Jean Audiau : Poésies des quatre troubadours d’Ussel, Paris, 1922, p. 152. ()

 

 

 

 

 

 

 

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