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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,011- Bertran de Born

v. 1.
On notera qu’aucun des cinq manuscrits ne présente le vers Cortz e guerras e joi d’amor que Bartsch a inscrit dans son catalogue et qu’ont ensuite repris Stimming, Thomas et Appel. On lit en effet : Tortz e gerras e joi d’amor (A), Tortz e guerra e jois d’amor (a), Orz (or d) e gestas e joi d’amor (IKd). Je pense avec Stimming 1 (p. 252) que le sens exige qu’on corrige en Cortz : comme il s’agit de la première lettre de la chanson, on a pu laisser en blanc la place de la majuscule à orner par la suite, puis, lors d’une autre copie, le scribe a pu prendre ortz pour le mot complet. Pour l’autre tradition, la confusion entre c et t n’est pas difficile à admettre. Il est plus délicat, en revanche de choisir entre guerras et gestas. Selon l’idée que l’on attribue au poète, les deux mots peuvent convenir : soit que le premier substantif, Cortz, englobe les suivants, gestas et joi d’amor, pour nous donner une image de la vie de cour, soit que chacun de ces trois mots représente une notion fondamentale de la vie courtoise : Cortz e gerras e joi d’amor. Dans ces conditions, je m’en tiens au manuscrit de base.
 
v. 6-7.
A : Veus cum mos chans ses torneiatz, a : E tot en lei es com mos chanz es torneiatz, IKd : Et en (on d) la lei es com mon chan excomoniatz. Le vers 6 manque à A.
Si l’on suit Levy (O. C., P. D. p. 163) qui donne les formes escomengar, -enjar, -enegar, -ergar, on ne peut corriger le vers 7 en Es mos chans excomoniatz avec Thomas (p. 53) et Stimming 3 (p. 66) qu’en supposant une forme avec diérèse dont il faudrait fournir d’autres exemples. On ne peut néanmoins pas conserver la leçon IKd en lui donnant le sens de “mon chant est pour ainsi dire excommunié”, car il y aurait une contradiction flagrante entre le présent et le vers suivant : Ara sui asoutz en amor. Levy (Archiv, 1921, p. 142) résout la difficulté en proposant d’adopter la leçon de a avec le sens de “et la façon dont mon chant est tourné dépend totalement d’elle”. Appel (Lieder p. 24) le suit et Kastner (O. C., M. L. R. nº 28, 1933, p. 43) l’approuve. Si l’on veut conserver le texte de K, on doit admettre la correction proposée par Levy (Lit. Blatt. XI, 230) : Era mos chanz excomonjatz. On notera que l’image religieuse excomonjatz (v. 7) / asoutz (v. 8) du groupe IKd disparaît totalement des manuscrits A : torneiatz / tornatz et a : torneiatz / azaut. Il est plus probable que le texte ait été simplifié par un copiste qui aurait supprimé cette image que compliqué par son adjonction.
 
vv. 12-14.
A : E mos rasa ses acordatz. E non a negun dels comtatz ; a : e monrāza ses acordatz. e noia negun dels comtatz ; IK : En monrāza ses acordatz son cors adrei E noi ac negus dels comtatz ; d : En monranza ses acordaz son cors adrei. Et noi ac negus dels comptatz. Chabaneau (R. L. R. nº 31, p. 605) propose de lire E mos Rassa s’es acordatz Socorr’al rei E non a negun dels comtatz ou apparaîtrait le senhal de Geoffroy de Bretagne, Rassa. Remarquons d’abord qu’en dépit des nombreuses occurrences de ce senhal dans les poésies de Bertran de Born, on ne trouve dans aucun manuscrit de forme Rasa ou Raza, avec une sifflante sonore. De plus, dans notre sirventés, a rejoint IK pour indiquer la présence d’un n. Enfin, comment pourrait-on dire de Geoffroy : E non a negu dels comtatz (Stimming 2 p. 66, Thomas p. 53) et comprendre avec M. Ehnert (O. C. Möglichkeiten politischer Lyrik...) que Rassa n’a aucun des comtés alors qu’il est précisément comte de Bretagne ? Il faudrait alors supposer qu’il s’agit d’autres comtés du domaine des Plantagenêts, mais cela reste bien aléatoire. Cependant l’aspect le plus gênant de cette hypothèse est d’exiger qu’une strophe aborde tour à tour deux sujets différents et passe sans transition logique de la dame du poète au comte Geoffroy.
Andresen (Zeitschrift für romanische Philologie nº 18, 1864, p. 269) a proposé de corriger ce passage en En m’onransa, s’es acordatz Son cors a drei. E non a negu dels comtatzet de l’interpréter : “Da es der Schönsten gefällt, meinene Sang zu meiner Ehrung (d. h. was mir zur Ehre gereicht) zu gestatten, wenn er ihrer Person in richtiger (geziemender) Weise dargebracht wird, und da sie keinen der kleinen Grafen hat (sc. als Verehrer)”. On peut citer à l’appui de sa proposition ces vers de Gaucelm Faidit (éd. Mouzat nº 38, vv. 60-2) : C’un honrat do·m pogratz dar Si ses tota malestanssa, Sofrissetz c’a vostr’onranssa Fosson mais tuich miei chantar où l’on rencontre une construction similaire. Kastner (Ibid.) pense, sans enthousiasme excessif, que, faute de mieux, cette interprétation peut convenir à condition de corriger mos chanz (IK) en mon chant (Aa), ce qui est logique si l’on pense que ce mot est complément de acuilhir et se trouve repris par s’es acordatz, ce qui implique donc un cas régime singulier. De plus, il refuse d’attribuer à comtatz le sens de “petits comtes”, qui n’est en effet attesté nulle part. Ajoutons que la parenthèse “als Verehrer” d’Andresen paraît pousser un peu loin l’hypothèse. Enfin, A est seul à lire non ; a, comme IKd, indique noi. En gardant le texte de IK, ne pourrait-on pas comprendre : “il n’y a rien eu de ce que l’on a conté” ? Un tel emploi serait assez proche de l’abstrait pour lequel on rencontre facilement le pluriel en occitan médiéval.
 
v. 15.
Terra Maiorest un terme qu’utilisent parfois les textes épiques pour désigner la France. Le copiste de A, qui s’est décidément montré plein d’initiative dans ce poème, a corrigé en Terra menor, faute de voir le parallélisme qui oppose le grand pays à son petit roi. Philippe, né en 1165, avait donc dix-sept ans si cette chanson a bien été composée en 1182. Appel (Bertran de Born, p. 26 n. 1) pense que Bertran manifeste ici son ironie. Je crois en fait que M. Ehnert (L. C.) a raison d’estimer laudative cette appellation. Bertran n’était pas systématiquement opposé au roi de France et, s’il avait manifesté les qualités chevaleresques que le troubadour attendait d’un descendant de Charlemagne, l’attitude de Bertran aurait été toute différente, comme le montrent les vers 41-44 de la chanson nº 10 où l’on voit qu’il attend pour juger le nouveau roi sur pièces.
 
v. 18 : son feu servir
“Servir un fief : remplir les obligations qui y étaient attachées” (Hatzfeld-Darmesteter, Dictionnaire général de la langue française, Paris). Rappeler que les grands seigneurs devaient servir leur fief n’était pas une simple généralité, car, si Philippe d’Alsace a rendu hommage à son suzerain en 1182, ce n’est qu’en décembre 1183 que le roi Henri II se décidera à en faire autant pour ses possessions continentales. Marcabru emploie cette expression à deux reprises à propos des devoirs envers Dieu : Veign’a Dieu sai son fieu servir (v. 57) et s’a Dieu no vai son fieu servir (v. 59, éd. Riquer, Trovadores, nº 19).
 
vv. 19-21.
Pois venca lor affars auratz. E cobre sos dreitz daus totz latz(A) ; Pos vengutz lor avar auratz ap(re)z sestei e tolre son dreiz vas totz latz (a) ; Puois vencut lor (los d) avas aratz (araz I) ar es estei. E cobre sos dretz (IKd). Levy (Archiv, L. C.) propose avec quelques hésitations de voir dans le verbe estar du verbe 20 l’aboutissement de instare, mais il reconnaît que l’exemple qu’il en donne (S. W. t. III, p. 309) est un unicum et qu’une construction estar en + inf. le gêne. Kastner (Ibid.) admet la suggestion de Levy : il modifie simplement la construction et met sur le même plan les verbes estar et cobrar, ce qui supprime la construction qui gênait Levy.
Il faut encore interpréter le début du vers 20 : ar es. Il me semble que s’il s’était agi d’une des formes parallèles de ar (on trouve dans le Petit Dictionnaire, p. 26 : ar, ara, aras, er, era, eras, ers à quoi la Chrestomathie d’Appel ajoute ere), elle n’aurait pas surpris les copistes, non plus que la forme aprez de a. Puisque IKd séparent si soigneusement ar es, il est possible que le texte ait été clair pour eux et qu’il s’agisse d’une forme de l’adverbe eis, eps, eus, es (Levy, O. C. p. 135) employé avec ar au sens de “maintenant même, sur-le-champ, sans perdre un instant”, comme on le trouve dans la Chrestomathie d’Appel pour renforcer l’adverbe aqui (I, 77, 342). Pour l’expression cobrar son dreich, J. Mouzat propose de traduire “recouvrer son dû” (O. C. nº 58, v. 25, p. 485),
 
v. 25.
Levy (P. D. p. 217) indique : jauzir, v. n. “se réjouir ; profiter (?)” et Kastner (O. C. p. 44), refusant le “Nutzen haben” de Stimming 3, recommande le sens usuel de “se réjouir”. Anglade traduit une expression semblable : Qu’anc de vos no·s jauzic (Peire Vidal, nº 38, v. 79) par “car jamais n’eut à se louer de vous...” Pour être moins brutalement exprimée, l’idée est toujours la même.
 
v. 33-35.
A : Qels dons que mos frair ma juratz vol retener lautra meitatz ; IKd : Del don que men frair maviatz (maviiatz K, juratz d ?). E far autre autrei. Vol retener lautra meitatz. Stimming 1 propose : quels dons que mos frair m’a juratz e autre autrei vol retener l’autra meitatz ; Thomas écrit : Qu’els dos que mei frair m’an juratz E autre autrei Volh retener l’autra meitatz, ce que Chabaneau (R. L. R. nº 32 p. 204) commente en ces termes : “Je crois qu’il vaut mieux avec M. Stimming, écrire Quels et conserver vol, l’autra meitatz ne me paraissant pouvoir être que le sujet de la phrase. Cette “autre moitié” serait Constantin. Pour autre autrei, on pourrait songer à corriger outra autrei, en donnant à outra le sens de “malgré”. Levy (Lit. Blatt. nº 6, 1890, p. 220) approuve Chabaneau, mais fait remarquer que, puisque IK lisent e far autre autrei, il est moins probable que le copiste ait ajouté far de sa propre initiative qu’écrit deux fois par erreur autre. Il propose donc de supprimer autre et de corriger soit : e (= en) fals autrei, soit e (= et) fag autrei.
Kastner (L. C.) propose de lire : Qu’els dos que mos frair m’a juratz e fag autrei vol retenir l’autrui meitatz, ce qui s’interprète : “car, parmi les dons que mon frère a juré de m’accorder et qu’il m’a concédés, il veut retenir les moitiés des autres”. En ce cas, autrui représenterait non seulement Bertran, mais également ses enfants, dont il accuse Constantin de convoiter la terre (18. 42). Mais alors, si meitatz est un régime pluriel, comment l’article qui le détermine peut-il être au singulier ? On attendrait las autrui meitatz, comme, on trouve Si·ls autruis enfanz (31. 8).
Levy (S. W. t. IV, p. 283) se demande s’il ne faut pas corriger les derniers mots du vers 35 en l’outracujatz, ce qui donnerait un texte simple. Appel (Bertran von Born, p. 27) semble bien le suivre lorsqu’il traduit : “den was mein Bruder mir zu geben schwur, will er unmässig jetzt für sich behalten”. L’ennui, c’est que, comme le fait remarquer Kastner, cette correction, contraire à la tradition manuscrite, est bien violente.
On peut également être tenté par l’hypothèse commode d’une faute de déclinaison due à la rime : ainsi M. Ehnert (L. C.) écrit dans sa traduction : “Denn (von) den Gütern, die mein Bruder mir versprochen hat, (und von dem) was sonst zugestangen wurde, will er nun eine Hälfte für sich behalten”, ce qui suppose que meitatz est un cas régime singulier. L’avantage de cette hypothèse est qu’elle cadre fort bien avec les vers 3-7 de la chanson nº 16.
Il existe cependant une possibilité de respecter la tradition sans imputer de faute à notre troubadour: si l’on admet pour meitatz le sens de “Partei” donné par le glossaire de Stimming, pour que le sens devienne clair, il faut que mes frair et l’autra meitatz ne représentent pas la même personne. Que·ls dos que mes frair m’a juratz E fag autrei, Vol retener l’autra meitatz signifie : “car l’autre partie, i. e. mes adversaires, veulent retenir les dons que mon frère m’a accordés par serment et consentis”. L’autra meitatz serait alors le groupe formé par Constantin et ses alliés, ce que confirmerait l’emploi au pluriel du verbe volen au vers suivant.
 
v. 36.
Selon Kastner (Ibid.), faire ne se trouve dans aucun manuscrit et Thomas a été bien inspiré d’adopter la leçon de IKd : Miei fraire ni negun plach sofrir, car Itier, le second frère de Bertran, s’était sans doute rangé du côté de Constantin. En réalité, seul le manuscrit A indique Miei fraire ni mos plaitz sofrir, tandis qu’on trouve dans IKd : Faire ni negun plaitz suffrir et dans a : Faire ne negunz plaigz sufrir. Il semble que Kastner ait été abusé par l’apparat critique de Stimming 1 qui indique : “fraire ni negun JKd”, mais il s’agit d’une erreur, car le texte des manuscrits est très lisible. Je m’en tiens donc à la leçon de K.
 
v. 38.
A : Per lezidors dobrador, IKd : Ges per lei eras doblador, a : Per lez eros doblador. Stimming 1 avait écrit : lezidor doblador que Chabaneau (R. L. R. nº 31, p. 605) corrige en “lezidors d’obrador : oisifs de boutique, nouvellistes de village”. Comme Thomas avait préféré legidors d’orador, Chabaneau (R. L. R. nº 32, p. 204), tout en reconnaissant l’ingéniosité de la correction, écrivit : “Mais je crois que le poëte veut plutôt parler des propos médisants du public en général, que de l’opinion ou des discours des gens d’église, et je tiens pour obrador qui est la leçon du principal ms. Quant à lezidors, je le changerais volontiers en lezeros, leçon suggérée d’ailleurs par les mss. qui, à côté de lezidor (A), donnent lei eras (IKd). Le sens que j’ai proposé (oisifs de boutique) en ressortirait plus clairement”. Le manuscrit a Campori, avec lezeros, est venu confirmer l’hypothèse de Chabaneau sur le premier terme. On peut néanmoins se demander quel est le mot qu’il faut reconnaître sous doblador (IKad) et dobrador (A). Peut-on penser, en gardant le d’orador de Thomas, à des “oisifs d’oratoire” ? Il s’agirait alors des gens d’église qui venaient s’entremettre pour rétablir la paix entre les combattants, mais en est-on déjà à se battre ? De plus, il n’y a guère de trace d’anticléricalisme chez Bertran. Appel (Bertran von Born 27, n. 1), s’appuyant sur les termes juridiques, nombreux dans ce sirventés, pense qu’obrador est l’étude ou le tribunal et Levy (P. D. p. 264) indique à obrador : “étude (d’un notaire)”, mais on n’imagine guère que des légistes interviennent au point qu’on puisse employer le mot malrasonatz. Restent les oisifs de boutique de Chabaneau, qui explique : “c’est encore l’usage dans nos villages et petites villes, d’aller s’asseoir sur le “taulier” et de traiter entre voisins, des affaires publiques et privées”. On trouve en effet, à propos du mot obrador dans une poésie d’Arnaut Daniel (éd. Riquer, Trovadores, nº 116, v. 26), une glose dans le manuscrit H : locus ubi homo operatur, sicut statio. Même si l’on pense tout d’abord que le rapprochement entre les voisins rassemblés dans l’arrière-boutique et les seigneurs ennemis de Bertran n’est guère convaincant, il faut reconnaître que cette comparaison ne pouvait être ressentie que comme une sanglante injure.
 
v. 39-41.
Levy (Archiv, L. C.) se demande quel est le sujet de volon (v. 36) et ce que signifie ilh (v. 41). Dans le texte adopté par Kastner, volon a pour sujet mei frair, et, pour les pronoms, en (v. 39) représente meitatz (v. 35) et ilh les deux frères de Bertran. Pour ma part, je pense que le sujet de volen est à tirer de meitatz, qui représente plusieurs personnes ; en représente dons (v. 34) et ill les lezeros d’obrador.
 
v. 43.
On ne peut conserver la leçon de IKd avec la préposition qui exigerait le cas régime pluriel ensegnadors. II faut suivre A qui emploie tant suivi du régime singulier. (Cf. Appel, Chrestomathie, glossaire à tan, p. 308).
 
v. 45 : ricor
On trouvera un emploi identique de ce mot dans la strophe de Falquet de Romans interpolée dans la chanson nº 37. Le sens en est “les biens” en générale.
 
v. 46 : garir
Le contexte exige le sens de “vivre en paix, en repos”. Si Levy le donne pour hypothétique dans le S. W. (t. IV, p. 68 garir 6), il ne l’accompagne pas de point d’interrogation dans le Petit Dictionnaire.
 
v. 50.
Comme le fait remarquer Stimming 1, il faut rétablir une syllabe supplémentaire dans cet envoi : Papiol e tu...
 
v. 51 : Joune
Peut-être faut-il se souvenir à propos de la forme Joune “qu’on appelait communément le roi Jeune, en langue normande li reys Josnes, et lo reis Joves dans le dialecte des provinces méridionales” (A. Thierry, Conquête de l’Angleterre, Paris, 1843, t. III, p. 279).
 
v. 54.
Andresen (O. C., nº XVIII, p. 269) fait remarquer que l’on ne rencontre pas d’emploi de crei isolé, sans aucune addition, en occitan ancien ; on devrait tout au moins avoir so crei. Il propose de corriger en Ab fe lo crei sur le modèle de 33. 7. Outre cet argument très solide, d’autres considérations appuient l’opinion d’Andresen, que soutient d’ailleurs Kastner. Si l’on admet cette solution, le texte signifie : “le seigneur Oui-et-Non aime plus la paix que le frère Jean qui n’a pas de patrimoine”. Comme Jean sans Terre était en 1182 un jeune homme de dix-sept ans et qu’il n’avait pas participé aux combats précédents, Bertran accuse Richard de n’être pas plus belliqueux que son jeune frère. En revanche, si l’on conserve le texte Ab Felip crei, on ne voit pas à quoi Bertran peut faire allusion. Il est difficile de faire dire au texte que Richard aime plus la paix avec Philippe que Jean n’aime la paix en général.
Cette difficulté conduit à s’interroger sur le sens qu’a ici deseretatz. On sait que, comme Henri II avait fait couronner le plus âgé de ses fils, qu’il  avait donné à Richard les biens d’Aliénor et à Geoffroy la Bretagne, il ne restait rien à Jean que l’on pouvait donc appeler deseretatz. Appel (Ibid.) propose une autre interprétation : “que le frère Jean n’aime les déshérités” ; comme il l’était lui-même, il aurait aimé s’entourer de déshérités. Il me semble qu’une telle interprétation devrait s’appuyer sur une chronique quelconque, mais Appel n’en cite aucune.
Je m’en tiens donc au texte suivant : En Oc-e-No ama mais patz, Ab fe lo crei, Que·l frair Joans deseretatz.

 

 

 

 

 

 

 

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