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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,021- Bertran de Born

Ordre des strophes : j’ai choisi de suivre l’ordre de A, seul manuscrit où sont logiquement séparées les strophes où Bertran règle ses comptes avec ses alliés de naguère et celles où il offre ses services au duc d’Aquitaine.
 
vv. 1-3.
On rencontre une formule similaire chez Bernart de Ventadorn : Tan n’ai de pezansa Que totz m’en desconort ; Mas no·n fatz semblansa, C’ades chant e deport (éd. Lazar, nº 38, vv. 33-36).
 
v. 7.
Le seignor de Niort est le comte de Poitou, Richard.
 
v. 12.
Selon Glynnis M. Cropp (“L’ancien provençal retener, son sens et son emploi dans la poésie des troubadours” in Mélanges Rostaing, 1974, t. I, pp. 179-200), retener est un terme technique de la langue féodale : le seigneur accepte la soumission et le service d’un vassal. Le baiser marque l’hommage, mais c’est aussi un geste de paix et d’amitié. De même, à propos du vers de Gaucelm Faidit : lo jorn qe·m retenc baisan (nº 16, v. 9), l’éditeur J. Mouzat, qui traduit “le jour où par un baiser elle me prit comme homme lige”, note “le baiser dont il est question... est le baiser rituel de l’hommage féodal” (p. 157). À ce sujet, M. F. L. Ganshof (Qu’est-ce que la féodalité ? Bruxelles, 1968, p. 75) écrit: “le baiser suit en règle générale l’hommage ; mais il n’a l’importance de celui-ci ni de la foi. Ces deux actes une fois accomplis, le contrat vassalique est conclu : l’osculum n’est pas un élément essentiel, il n’est pas indispensable à la conclusion du contrat. L’osculum constitue un moyen de confirmer les obligations contractées par les parties”.
 
v. 14.
Si ce sirventés a bien été composé en 1183, le désaccord entre Bertran et Richard se serait donc produit en 1182, et le motif en était probablement l’expulsion de Constantin par son frère. Je n’ose suggérer que Bertran ait joué un rôle actif dans la dispute de la famille royale à la fin du mois de décembre 1182 alors qu’il se trouvait à la cour.
 
v. 15 : blan
Stimming 1 et Thomas pensent que le sujet est Richard et que le verbe signifie “favoriser” ou “écouter favorablement”. Je préfère suivre Levy (Archiv nº 143, 1922 p. 93) qui songe à une première personne et comprend : “Peu m’importe ce que les autres disent à mon sujet”.
 
v. 17 : trei palazin
Palazis est synonyme de coms palatz (comes palatii) que Bertran de Born emploie ailleurs..., ce mot désigne un grand officier de la cour royale, un puissant vassal de la couronne. Ce terme ne peut guère s’appliquer qu’aux trois grands seigneurs nommés plus bas : le duc de Bourgogne, le duc de Bretagne et le comte de Toulouse” (Thomas, O. C. p. 32).
 
v. 18.
Les quatre vicomtés de Limousin sont Limoges (Aimar V), Ventadour (Ebles IV), Comborn (Archambaut V) et Turenne (Raimon II). Ces quatre seigneurs étaient déjà cités dans les premiers vers du sirventés Pois Ventadorns.
 
v. 20.
Selon Stroński (O. C. Légende, p. 127), “le comte Hélias (VI) et un de ses frères Audebert ou Boson, ou plutôt le comte et son fils”.
 
v. 24.
À propos de ces deux seigneurs, cf. les notes à la chanson nº 10. La seule trace que l’on découvre de leur participation à la rébellion de 1183 est la mention de Basques signalés par Geoffroy de Vigeois (O. C. p. 332).
 
v. 27.
Hugues III de Bourgogne, duc de 1162 à 1193.
 
v. 28.
Geoffroy Plantagenêt, comte de Bretagne de 1168 à 1186.
 
v. 29.
Raimon V, comte de Toulouse de 1148 à 1194, disputait la cité d’Avignon à son rival Alphonse II d’Aragon (cf. Dom Vaissète : Histoire du Languedoc, t. VI, p. 110). Après la trahison dont se plaint Bertran, il fallait toute sa haine envers Alphonse II pour que le poète continuât d’attribuer à Raimon la souveraineté sur Avignon.
 
v. 44 : ab se
Pour Thomas (Ibid.) se serait un limousinisme pour lui et désignerait Richard. En fait, il serait plus juste de dire que les barons révoltés se sont soumis à Henri II.
Levy (Ibid.) dit qu’il est presque certain que ab se signifie “pour lui tout seul”, ce qui reprendrait l’accusation, déjà formulée, d’avoir conclu une paix séparée ; se ne se rapporterait donc pas à Richard, mais au personnage désigné par Tals au vers 39. Kastner (L. C.), qui accepte l’hypothèse de Levy, pense qu’il s’agit là d’Aimar, qui a en effet été le premier à conclure une paix séparée. Toutefois, Kastner se demande si nous n’avons pas affaire à une extension au verbe acordar de l’emploi de ab se que Stroński a relevé pour le verbe aver “cet aver ab se apparaît donc partout à la rime et a l’air de n’avoir été employé que pour remplir le vers” (Le troubadour Elias de Barjols, 1906, pp. 43-44).
 
v. 47 : avars
Le sens de “hostile” est cité pour ce mot par Kolsen (Beiträge zur Altprovenzalische Lyrik, p. 178) à propos de Cerveri de Girona (nº 28, vv. 35-36) et par Bertoni (I trovatori d’Italia, p. 206) à propos de Peire de la Caravana.
 
v. 55.
On trouve le féminin la mars (v. 53) repris par le masculin ab lui dans tous les manuscrits sauf M qui indique mars et ab leis. Tous les éditeurs ont corrigé lui en leis, mais Kastner (M. L. R. nº 31, 1936, p. 32) se demande s’il ne vaudrait pas mieux changer la en lo, puisque mars est parfois masculin. On rencontre bien lui comme pronom féminin dans la Chrestomathie d’Appel (St. 125) : Serena canta tan dossamen que tot hom que l’auia, ven vas luy..., mais cet unique exemple manque d’autorité pour conserver le texte des manuscrits. Peut-être une forme lieis ou leis mal lue et mal coupée est-elle à l’origine du désaccord entre le ms. A (esto) et les autres (s’esto).
La 3e personne du singulier du subjonctif esto n’est pas des plus fréquentes ; cette forme analogique du verbe donar est signalée par Levy dans les Coutumes du Fossat § 11 ; on la rencontre à deux reprises chez Amanieu de Sescas : E si de drap prezan No podetz rauba far, Pus gen la faitz talhar De l’aval que del bo, Per so que ien s’esto E·n sembletz de bel talh (Testi didattico-cortesi di Provenza, éd. G. Sansone, Bari 1977, testo III, vv. 154-159) ; et no cug n’isto ni an Donzela mielhs apresa (Ibid., testo IV, vv. 630-1).
 
v. 70.
Comme Bertran a respecté son engagement plus longtemps que tous les autres conjurés, qui ont conclu des paix séparées, il peut abandonner leur camp et passer du côté de Richard sans manquer aux convenances, à l’honneur, ses malestar.
 
v. 77.
À propos d’un vers de Guillem de Berguedà : Ses prometre e ses dar (nº 5, v. 12), Martín de Riquer (O. C. p. 65) note : “Ses prometre et ses dar debía de ser una expresión relativa al servicio que el vasallo prestaba al señor a cambio de donativos o promesas.” Il confirme cette affirmation par une citation de Guilhem de Sant Leidier : Be·m deuri’enplegar mon sotil sen e metre Si·l plagues qe·m laisses en son servizi metre Cill cui hom liges sui ses dar e ses prometre (234, 16 ; éd. A. Sakari p. 154).
 
v. 79 : donases
Cet emploi du subjonctif imparfait pour l’impératif n’est pas rare si l’on en croit la liste d’exemples donnée par Stimming 3 (p. 169).
 
v. 84.
Stroński (O. C. Elias de Barjols, p. 77-79) a relevé toute une série de ces expressions parallèles à si Dieus m’aiut, où si représente le sic latin, dont P. Meyer (Flamenca, glos. p. 310, II, art. ajudar) écrit: “si m’ajut Deus ou si Deus m’ajut est la traduction ou l’original de la formule latine Sic Deus me adjuvet, qui termine les serments.”
Remarquons que les manuscrits qui introduisent le mot “saint” (ADIK), donnent une forme avec -s ou -z qui ne peut être, dans cette construction, qu’un cas sujet singulier. Cela ne semble avoir gêné ni Stimming, ni Appel, ni M. Ehnert qui traduit pourtant par un pluriel. Thomas évite la difficulté en utilisant le texte de F (fes). On rencontre souvent cette expression dans les textes : ainsi, dans la Croisade des Albigeois, laisse 170, v. 34 : Tel paor ai aguda, si·m valha Dieus ni sens (que l’éditeur Martin-Chabot traduit par “Dieu et les Saints”) ou dans le Roman d’Arles (éd. Chabaneau, v. 678) : Si Dieus m’ajut nil sans, ben vos fa bon aculir. Il pourrait s’agir d’un nom collectif, ou plutôt d’un nom abstrait qui descendrait du neutre latin Sanctum qui abonde dans les Psaumes ; ainsi en LXXXVIII, 36 : Semel juravi in sancto meo où Dieu désigne sa propre sainteté.

 

 

 

 

 

 

 

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