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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,006a- Bertran de Born

v. 9 : remet
Stimming (Archiv, nº 134, 1916, p. 104) écrit que le latin cera liquefacta dans le Psaume 21, 15 est traduit par cire remetans (traduction d’Oxford) et cire remise (traduction de Cambridge). D’autre part, Godefroy cite plusieurs exemples de remetre au sens de “fondre”, à propos de neige, de glace et de plomb.
 
v. 10 : qi d’aval en vai
Schultz-Gora (Archiv nº 134, 1916) propose de corriger en ce sens le texte que Stimming avait établi en qui davall’e vai et de comprendre : “qui de là (= des yeux) coule en descendant et va”.
 
v. 16 : a
Schultz-Gora, s’appuyant sur Godefroy (VII, 300) demande avec raison que l’on corrige ab en a (conduire a salveté).
 
strophe III.
Le vers 20 est trop court de deux pieds et les vers 20-21 sont incompréhensibles : et Oliviers so ceizinat estols de nem pie nosristain.
Il semble que tous les noms propres immédiatement identifiables dans la strophe se trouvent au cas sujet : Alixandres, Ogiers, Raols, Rolantz, Oliviers, Estols, Guillens. On peut donc supposer qu’ils exercent tous la même fonction de sujet de fassa compagnia. Cette remarque préliminaire évite l’obligation de chercher un autre verbe, comme l’ont fait De Lollis et Stimming qui voulaient placer un on au vers 19 après lai, afin de développer cet adverbe. Schultz-Gora a fort bien montré que lai n’avait aucun besoin d’être développé si on lui donnait le sens de “là-bas”, c’est-à-dire “en paradis”.
Pour corriger le vers 20, Bertoni (R. L. R. nº 57, 1914, p. 365) propose ab tota sa vertut et Stimming : lo coms ab sa vertut. Pour rester encore plus près de la tradition, j’ajouterai simplement deux lettres: ab la soa vertut. C’est ainsi qu’on trouve’au vers 669 du Pèlerinage de Charlemagne : e prient Deu du cel e la sue vertud.
En ce qui concerne le vers 21, De Lollis (Studj di filologia romanza, IX, p. 158-159) propose de corriger en Et Oliviers son aizinat et de comprendre son aizinat par “sont logés”. Il s’appuie pour cela sur l’article s’aizinar de Levy (S. W. t. I, p. 44) qui donne le sens de “habiter”. Kastner (M. L. R. nº 32, 1937, p. 183) préférerait donner à s’aizinar son sens premier de “approcher” et interpréter aizinat comme un équivalent de “ami proche”. Cela suppose encore une correction : Ab Olivier son aizinat : “avec son ami intime Olivier”. Schultz-Gora propose deux hypothèses : en supprimant le signe d’abréviation pour et et en écrivant : Olivier en son vezinat, on aurait le substantif vezinat qui signifie “voisinage” (Levy, P. D. p. 383) et le sens serait : “Olivier, près de lui”. La seconde possibilité consisterait à écrire E Oliviers son vezin, At, où apparaîtrait le nom propre At, Haton, celui de l’un des douze pairs de la Chanson de Roland et du Pseudo-Turpin. Pour ce qui est de la forme régime son vezin, apposée à un nom au cas sujet, le critique note que l’emploi de l’accusatif en fonction de nominatif n’a rien d’extraordinaire, non plus que l’asyndète dans l’énumération des noms propres.
Faute de mieux, j’adopte, comme Kastner, la correction Ab Olivier, son vezin, At.
Pour le vers 22, De Lollis a reconnu dans le Estols du manuscrit Estout de Langres, et Bertoni le suit : Estols de Langr’e Oristain. On doit cependant avouer que la forme Langr’ ou Lengr’ (cf. la Table des noms propres des chansons de Geste de Langlois) est bien éloignée du nem pie du texte, un Estout de Nîmes aurait mieux convenu. Je préfère suivre Kastner, qui, sans assurance, propose de lire Naimes et d’introduire ainsi le vieux duc, conseiller de Charlemagne. En ce qui concerne les lettres de la fin, Stimming objecte à De Lollis qui voudrait y voir le nom de Tristan que ce nom en occitan est Tristan et non Tristanh. Schultz-Gora admet le Oristain proposé par Bertoni et explique qu’un Oristain apparaît comme roi ou duc de Bretagne dans le Pseudo-Turpin latin, poitevin et provençal sous les formes Arastagnus, Arastagus, Arastang, mais Raimon de Miraval (éd. Topsfield, XXIII, 29) et la Philomena font commencer le mot par un O-. En note à son édition, L. Topsfield indique que Orestains est l’un des héros de Charlemagne. Il ajoute que dans les Gesta Karoli Magni ad Carcassonam et Narbonam (éd. Shneegans, v. 58), mention est faite d’un Torestagnus (version latine) ou Torestan (version  d’oc) ; l’initiale T serait sans doute due à une erreur de copiste. Enfin, L. Topsfield fait remarquer que l’on trouve les quatre mêmes héros chez Bertran et Raimon, dont la chanson dit : Qe mon loc no·m tolgues Rolanz ni Oliviers, Ni ges Orestains ni Ogiers No cuiera qe s’i mezes (p. 278). D’autre part, Schultz-Gora se demande si les mots terminés par -nh ont besoin d’un -s au nominatif singulier, il cite quelques exemples où de tels mots ne présentent pas de marque désinentielle et conclut qu’une faute de flexion à la rime n’aurait rien d’extraordinaire chez Bertran de Born. On peut bien sûr éviter la question en adoptant la leçon de Kastner : Estols, Naimes ab Oristain, mais je trouve les exemples de Schultz-Gora assez convaincants pour préférer ne pas m’écarter davantage du manuscrit.
 
v 23 : d’Aureng’e·l
Pour obtenir l’indispensable rime en -at, on doit corriger ainsi le d’Aurenga·l du manuscrit.
 
v. 24 : crezut
Stimming donne au verbe creire le sens de “obéir, imiter” et comprend : “qui sont imités de l’élite du monde”. Le sens ordinaire de ce verbe convient tout à fait : “dont on croit qu’ils sont de l’élite du monde”, “qui passent pour l’élite du monde”.
 
vv. 25-26.
a : Delerida ius qe vernoil. ni dal paroci envai.
Dans le premier vers figurent deux points géographiques opposés : au nord, Verneuil, en Normandie, et au sud, Lleida, en Catalogne ; on s’attend donc que le vers suivant indique un point à l’ouest et un point à l’est.
Bertoni propose de lire : da·l Parentisi en laiLo Parentisi serait Parentis-en-Born. Comme ni l’article ni le -i final ne sont satisfaisants, Kastner corrige en Ni da Parentis tro qu’en lai. Pour la seconde partie du vers, De Lollis suggère de lire a Rociavai où serait dissimulé Roncevaux. Stimming fait remarquer que ce nom est en occitan Ronsasvals et que cela supposerait une bien violente modification du nom pour satisfaire à la rime. Il est certain que, même si Bertran ne répugne pas à transformer les noms propres, particulièrement les noms de lieux, en fonction des nécessités de la rime, une telle transformation suscite à bon droit le doute. Néanmoins, si, faute de mieux, on l’admet, la première partie du vers reste inexpliquée : il reste donc à trouver un lieu situé à l’est. Kastner propose d’écrire Ni dal Far a Rociavai ou, pour moins défigurer Ronsasvals, Ni dal far tro qu’a Roncisvai, le Far étant le nom donné par les troubadours au détroit de Messine (cf. Chabaneau-Anglade, Onomastique des Troubadours, p. 122).
On remarquera qu’en acceptant la proposition de De Lollis, il reste au début du vers ni dal p. Un tel groupe suggère d’opposer à Roncevaux, qui se trouve à l’ouest des Pyrénées, l’autre grande montagne située, elle, à l’est : les Alpes. On aurait donc : Ni dal Alp a Rociavai avec un sing. poétique ou Ni de los Alps a Roncisvai. Selon la formule de Bertoni, je sacrifierai volontiers ma proposition à une meilleure correction.
 
v. 28 : portav’anc
Le manuscrit indique portavon que condamnent le sujet princeps et l’emploi du singulier pour le verbe du vers suivant agues.
 
v. 30-32.
a : Q’em breu non valgra argenz estain tan lo men nagron plantat qe tornat livien ruirut.
Bertoni écrit : Q’em breu, con valgr’argenz estain Can lo me’n agron comparat, Qe tornat l’aurien menut et il interprète : “principe non portava scudo (principe che si fosse procurato tanto pregio), che in breve, una volta comparato con Goffredo, non comparisse piccolo, quasi si trattase di argento che valesse (d’un tratto) come stagno.”
Appel (Lieder p. 64) écrit : Qu’em breu no·n valgr’argenz estanh, Tan l’om’en agron en plantat, Que tornat l’avi’en menut, dont le sens semble être : “car rapidement l’argent aurait eu moins de valeur que l’étain, tant les hommes en auraient eu en quantité, car il l’avait rendu chose courante”. Cette dernière correction, beaucoup plus proche du manuscrit, me paraît la meilleure.
 
v. 34 : e mai
Stimming voudrait traduire ces mots par “à l’avenir, constamment” ; mais la seule signification possible est “en mai”, ce que Kastner qualifie de cheville pure et simple. Il s’agit évidemment du mythe de l’espérance bretonne, du retour d’Arthur, mais il n’est dit nulle part qu’il devait se produire au mois de mai. Après tout, le troubadour avait peut-être connaissance d’une tradition que nous ignorons.
 
vv. 38-40.
Si Galvain est un accusatif, alors le sujet du verbe est Nostre Segner, mais on ne comprend plus la logique de la strophe : est-ce que Dieu, après avoir renvoyé Arthur, rend en outre Gauvain ? Et le simple i peut-il signifier cela ? Il me semble préférable de considérer Galvain comme le sujet (cf. note à la strophe III) et de reprendre la construction de tornar au vers 35. De toute façon, il faut recourir à Nostre Segner comme sujet du verbe agues (v. 40) et probablement aussi de auria esmendat (v. 39).
À propos de lor, Stimming indique qu’il faut sous-entendre lo, car on ne trouve esmendar employé que transitivement. À mon avis le complément de esmendar est ici la proposition complétive.
 
vv. 43-44.
a : tan ric ni aitan bon eschai ni tant ara de pres agut . De Lollis voit dans eschai une forme de escach, escag (cf. S. W. t. III, p. 137) au sens de “part qui tombe dans un lot”. Stimming préfèrerait un mot signifiant “butin”, mais reconnaît que eschac n’est pas attesté en ce sens. Pour Schultz-Gora, la forme escai n’existe pas et la seule solution est de corriger bon eschai en bo no sai et ara en aia au vers suivant.
En ayant à l’esprit le planh de Raïmbaut d’Aurenga où Giraut de Bornelh dit : C’anc no vi ni ja no veirai, Tan non irai, D’un sol ome tan bel assai Ni no deu dire chavalers Que tans en agues Olivers ! (éd. Kolsen, nº 76, v. 36) on est tenté de corriger eschai en essai, autre forme de assai, au sens de “entreprise, exploit”. On aurait alors : tan ric ni d’aitan bon essai, “capable d’aussi beaux exploits”, mais j’avoue que le mot bon me paraît gênant.
 
v. 46.
a : Qe si dont eron descuiat escen e sobriet e maint.
Bertoni écrit : Qe, si donc eron descurat (Et) estout e sobrier e main, El retenia doble grat, qu’il commente en ces termes : “il duca Goffredo era tale, per virtù, che che coloro che lo avevano veduto gli erano legati di stima o gratitudine fossero essi orgogliosi, nobili, grandi o di carattere leggero.” Stimming, que cette correction ne satisfait pas, propose d’écrire : Que cel qui eron descujat serian sobrier e manh, “ceux qui étaient dédaignés deviendraient nobles et grands (par l’adjoncion de Geoffroy)”. On ne peut pas dire que cette solution éclaire beaucoup le sens de la strophe.
La propostion de Kastner a l’avantage de fournir un sens : il suggère de voir dans escen une forme secondaire de ensems qui renforcerait les deux conjonctions, ce qui donnerait la traduction suivante : “les puissants en même temps que les grands.” Appel (Lieder) a retenu cette solution, puisqu’il écrit : Escem e sobrier e manh et renvoie de escem à ensems dans son glossaire. Il est curieux de constater que ni Kastner ni Appel ne sont gênés par le fait qu’ils obtiennent ainsi un vers hypométrique, puisqu’il n’existe pas d’exemple de sobrier avec diérèse.
Pourquoi ne pas corriger escen en escïen qui à lui seul signifie “sciemment, le sachant et le voulant” (Levy, P. D. p. 161) ? Cet adverbe viendrait heureusement modifier le sens du verbe descuiar : ce n’est évidemment pas par oubli ou inattention que les orgueilleux et les grands se détournent de ces belles actions, c’est leur manque de mérite qui les conduit à ce choix.
 
vv.49-50 : jos
Schultz-Gora corrige jois du manuscrit en jos et interprète ainsi : “Pretz est à bas du point le plus élevé, à cause de la mort du comte qui tenait le rayon de la roue”. Kastner approuve cette explication en précisant que le comte maintenait les rayons de la roue de la Fortune.

 

 

 

 

 

 

 

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