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Gouiran, Gérard. L'amour et la guerre. L'œuvre de Bertran de Born. Aix-en-Provence: Université de Provence, 1985.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2012.

080,045- Bertran de Born

v. 4.
On lit dans IKd : E se·l pogues venjar, vers trop court de deux pieds. Stimming 1 propose de le corriger en : E se los pogues revenjar, Thomas en E sils pogues nulz om venjar. Je préfère me rallier à la solution suggérée par Appel dans ses notes (Lieder, p. 83) : E si ieu los pogues venjar.
 
v. 6.
IKd : si sim del mon
Stimming et Thomas ont corrigé sim en fins que réclame le sens. Andresen (Z. R. Ph. nº 18, p. 269) pense que cim ou sim peut avoir le sens de “fin”, ce que nie Kastner (M. L. R. nº 32, 1937, p. 203) qui voudrait réserver ce sens a som. Je ne crois pas qu’on puisse se dispenser de corriger en fins.
 
v. 7.
IKd : pogra aigas
Il est préférable de corriger pogra en pogran, plutôt que de faire passer aigas au singulier. L’oubli d’une barre de nasalisation par le copiste est plus probable que l’ajout d’un s.
 
strophe II.
Le sens de cette strophe est obscur ; voici comment les manuscrits transmettent le vers 12 ; IKd indiquent ensemble quel sen, puis divergent, car on trouve de/bia dans d, de/ia dans K et deia dans I, seul manuscrit à ne pas être obligé de reporter la moitié du verbe à la ligne suivante. Stimming 1 écrit: Si non es tortz ni nescïes So qu’en chantan m’auzetz contar ; Car deus dona la ren del ses, Qu’el s’en deja saber guidar, Segon que l’om e l’avers és. Thomas donne un texte plus clair : Si non es tortz ni nesciés So qu’en chantan m’auzetz comtar ; Quar Deus dona la renda el cés, Quel sens deja saber guidar Segon que l’om e l’avers és, et Stimming 3 a modifié son texte en ce sens : Si non es tortz ni nescïes So qu’en chantan m’auzetz comtar ; quar dieus dona la rend’e·l ces, Que·l sens deia saber guidar, Segon que l’om e l’avers es. Anglade (Anthologie des Troubadours) adopte le texte de Thomas et Stimming 3 qu’il traduit : “Il n’y a ni exagération ni folie dans ce que vous m’entendez dire : Dieu donne la rente et le cens (c’est-à-dire la richesse), mais le jugement doit savoir guider l’homme suivant sa condition.” Cette interprétation fournit un sens satisfaisant : que nous soyons riches ou non dépend de Dieu ; toutefois, c’est à nous de choisir le meilleur comportement par rapport à notre condition, et c’est là qu’intervient la notion de mesura. Peut-être faut-il trouver ici une réminiscence de la parabole des talents où les trois serviteurs reçoivent des sommes inégales, mais qu’ils doivent faire fructifier. Malheureusement, cette interprétation se défend mal, car au vers 12 qu’ ne peut être traduit par “mais” et deia n’est pas un indicatif présent. Le même reproche s’adresse a M. Ehnert (O. C. p. 164) qui traduit : “Denn Gott gibt die Rente und den Zins, (aber der Mensch muss sich schon selbst zu leiten wissen) je nach den Leuten und dem Vermögen”.
Appel (“Beiträge I” p. 262) parvient à un sens plus exact : “Et ce n’est pas un tort ni une folie que vous m’entendez chanter, car Dieu accorde la rente et le cens, lui que l’intelligence pourrait savoir guider, en fonction de l’homme et du bien.” Cette interprétation serre le texte de près ; le raisonnement est celui-ci : à une objection : Bertran ne dépasse-t-il pas la mesure en se posant comme l’éventuel vengeur des vertus disparues ? répond une concession : c’est le rôle de Dieu de distribuer les biens et Bertran n’a donc pas à remettre en cause ce pouvoir en prônant la destruction du monde (cf. à ce propos le vers 22 du planh 14) ; puis on assiste à un nouveau départ : si Dieu est responsable de la répartition des biens, l’homme est responsable de ce qu’il en fait, de sa conduite ; et, s’il ne respecte pas la mesure, Bertran est en droit de s’en prendre à lui, comme il va le faire dans la strophe III. Le raisonnement est complexe, mais il permet à Bertran de détourner sur ceux qu’il blâme, l’accusation de démesure qu’on pourrait lui adresser.
Il faut noter que l’idée de mesure se présente ici sous ses deux aspects : ce n’est pas seulement la mesure que l’on ne doit pas dépasser sous peine d’outrecuidance, une sorte d’hybris, comme celle de Bertran dans la strophe I ; mesura peut être entendue dans une acception beaucoup plus vaste, un rapport, une proportion à respecter entre la condition que Dieu nous a donnée et nos actions, dont nous avons toute la responsabilité. C’est ce que L. T. Topsfield a brillamment résumé dans une formule: “Mesura as a realization of the duty to behave in a way that is appropriate to each individual according to his social situation and talents” (Aevum Medium 3, 1974, pp. 278-80). Kastner (Ibid.) accepte l’interprétation d’Appel tout en se demandant si le savant allemand n’a pas vu dans le texte plus que Bertran n’a voulu y mettre. À mon avis, il n’est pas étonnant que nous devions passer par des voies tortueuses pour retrouver ce qui était pour Bertran une évidence.
 
strophe III.
Ce texte pose de difficiles problèmes de déclinaison. En effet, à côté de Regisme son mas rei noies (IK), on lit dans d : Regisme son mas rei non jes, puis, dans les trois manuscrits : et contatz mas non comt ni bar las marchas son ma nols marques eill ric castell eill bel estar mas li castellans ni isso. Dans ces vers, les noms de fiefs se trouvent tous au cas sujet pluriel, mais la distribution des titres est des plus fantaisistes : rei est au cas sujet pluriel, li castellans, évidemment fautif, doit être corrigé en li castellan, au même cas. Bar est un cas sujet singulier et comt n’a pas d’existence dans la grammaire de la langue classique. Les éditeurs précédents ont corrigé en reis, comtat, coms, ·lh marques, li chastela. Il me semble que l’on peut respecter davantage la tradition manuscrite si l’on admet les conclusions de Levy, parues dans la Revue des Langues Romanes (nº 25, 1884, p. 200 sq.) à propos de l’ouvrage de Reimann, Die Declination der substantiva... Il y écrit : “Des formes comme bar et baro, salvaire et salvador étaient si différentes l’une de l’autre que le peuple n’y voyait plus deux cas du même mot, mais les regardait comme deux mots différents existant l’un à côté de l’autre. À ces mots, on donnait la flexion générale des substantifs avec accent fixe. Au lieu de bar, baro, baro, baros, on formait a) bars, bar, bar, bars et b) baros, baro, baro, baros.” Si l’on accepte cette hypothèse, que confirment d’ailleurs d’autres passages de notre auteur (cf. p. CXXXVIII de l’Introduction), il devient possible de voir dans tous les titres des cas sujets pluriels et d’écrire, en suivant Kastner : Regisme son, mas rei non jes E contatz, mas non comt ni bar, Las marchas son ma no·lh marques E·ill ric castel e·ill bel estar, Mas li castellan non i so.
 
v. 23.
Le sens du vers n’est pas très clair. Condutz signifie bien “festin”, comme le traduisent M. de Riquer au vers 25 de la pièce nº 161 : Cortz e guerras e torney et assaut E domneyar e donar e condutz son tug mei pes (Raïmbaut de Vaqueiras, Los Trovadores, t. I) et M. J. Routledge dans la chanson nº 8 du Moine de Montaudon : Cavaliers paupres ergulhos Qui non pot far condugz ni dos (v. 8-9). Faut-il comprendre comme M. Bergin (O. C. pp. 53-55) : “Si danno dei grandi banchetti con poco da mangiare”? Ne serait-il pas mieux adapté au contexte de prendre condutz comme “nourriture, vivres” (Levy, P. D. p. 88) et d’opposer à l’abondance de la nourriture la parcimonie avec laquelle on la distribue ? Un thème semblable paraît aussi chez Peire Cardenal : Assas es pel mont granz plentatz De rix manjars, de tot condut ; Claras aiguas s’an corregut, De blatz e de vins s’a viutatz; Mas d’amor a gran faillimen E de fatz d’onor, veramen, Es homps paures ven en azir E decassatz, si ver vol dir. (éd. Lavaud nº 76, str. IV).
 
v. 27.
Il semble que dans cette chanson les noms propres ne respectent pas toujours la déclinaison : on trouve ainsi au cas sujet Augier, Baudui, Richart, mais également Berrautz et Felips.
Selon Thomas, Ogier le Danois est un “héros de chansons de Geste, l’un des paladins de Charlemagne, mentionné également par les troubadours Guiraud de Cabrera & Raimon de Miraval. Son souvenir est resté encore aujourd’hui dans une des figures de nos jeux de cartes, où il représente le valet de pique.”
 
v. 28.
“Bérard de Mondidier, l’un des paladins de Charlemagne, dont la réputation de courtoisie a laissé plus d’une trace chez les troubadours. C’est ainsi qu’on lit dans une poésie de Peire Vidal : D’ardimen valh Rotlan e Olivier E de domnei Berart de Mondesdier (éd. Bartsch, pièce XXX, v 19-20). La réputation de domnejaire de Bérard lui vient, semble-t-il, de la chanson des Saisnes de Jean Bodel, où sont racontées ses amours avec Hélissent de Cologne ; c’est précisément du même poème que vient l’autre paladin dont Bertran a joint le nom à celui de Berart” (Thomas, p. 190). Schultz-Gora, Die Briefe des Trobadors Raimbaut de Vaqueiras an Bonifaz I, Markgrafen von Monferrat, Halle, 1893, p. 75) note qu’il s’agit de Bérart de Monleydier qui apparaît dans la Chevalerie Ogier et dans Fierabras comme l’un des pairs de Charlemagne. Il est désigné comme fils de Tierri l’Ardenois et on nous montre sa lutte contre Ogier.
Selon Stimming 3, Baudoin est le frère de lait de Roland et on le rencontre avec Bérard dans Fierabras et Gaufrey, outre la chanson citée par Thomas (p. 190).
 
v. 30.
IK : rasas denz e cais greno, d : rasas denz e cais grans.
Il est facile de suppléer par en la syllabe manquante dans IK. Cais a ici le sens de “bouche” et greno celui de “moustache”. Bertran veut dire qu’ils ont une moustache au-dessus de la bouche. Il y a sans doute ici une allusion à des faits de mode, puisque le Moine de Montaudon dresse le même portrait : E donzelo barbat ab gren (éd. Routledge, nº 10, v. 12), alors que dans Flamenca, la moustache sera passée de mode au point qu’Archambaud se rendra ridicule en la conservant : Ges no·s fera los guinnos raire Per nulla ren c’om li disses. Grifon semblet o Esclau pres (éd. Nelli-Lavaud, vv. 1554-56). En ce qui concerne les dents, Amanieu de Sescas conseille ainsi une jeune fille : E deuriatz blanchir vostras dens totz matis (éd. Sansone, texte IV vv. 132-133).
 
strophe V : solon
À propos des vers de Folquet de Marseille (XIII, vv. 14-16) : Don, non aiatz mais crezensa Qu’ieu m’an, si quom suelh, planhen Ni moir’oimais tan soven...  l’éditeur, S. Stroński ajoute dans ses additions et corrections (p. 275) : “soler présent employé pour le passé comme XIII 15... : Qan mi membr cum amar suoill La falsa de mala merce B. de Ventadorn 70, 4 (A 254) ; Si·m plagues tan chanz Cum sol, derenanz Chantera G. de Borneil 242, 71 (Kolsen 10) ; Car cellam torn’en non-caler Qe·m sol onrar e car tener P. Vidal 364, 22 ; C’aissi cum las suelh captener Enaissi las descaptendrai B. de Ventadorn 70, 43 (Appel Chr. 17)”.
 
v. 33.
IKd : si flac gen on soill tornes
Appel (L. C.) propose de corriger si en ai ! En fait, la difficulté principale vient du mot tornes. Andresen (O. C. p. 270) voudrait conserver cette leçon et comprendre “les gens de Tours”, ce qui désignerait les comtes de Champagne qui ont longtemps régné sur Tours et Blois, se rendant célèbres par leur largesse et leur bravoure. Mais alors le dernier vers un sol on vei n’aurait guère de sens. La même objection écarte le pays de Turenne (cf. Moine de Montaudon, éd. Routledge, nº 58 : Per vos val mais Ventadorn e Tornes).
Dans le glossaire de l’Histoire de Guillaume le Maréchal, P. Meyer indique : “torner : embrasser un parti” et les vers 12 555-8 disent : E Franceis qui point ne l’amoent Qui nuit & jor la barreoient Par la consente des tornes Qui a els s’erent atornez. Il serait tentant de trouver ici notre tornes, mais peut-on penser que le mot aurait été introduit sans modification en occitan ?
Je m’en tiens donc, faute de mieux à la correction cortes, quoique, selon le mot de Thomas, elle ne soit pas merveilleuse.
 
v. 40.
IK : un sol õuei so auz (autz I) contar ; d : un sol õ vei so auz contar. Stimming 1 a corrigé en non vei et Thomas l’a suivi. Celui-là explique en note que auz signifie “j’entends” et non “j’ose” (p. 300). Appel (“Beiträge I”, p. 263) propose de garder le on des manuscrits et de comprendre : “Où en vois-je un seul ? Entends-tu dire cela ?” en s’autorisant d’une formule du Moine de Montaudon, tirée de sa Chrestomathie, 43, v. 1, p. 83) Fort m’enoia (so auzes dire ?) Hom parliers qu’es avols servire.
 
vv. 46-47.
IK : Richart nomourials talos a son dan se nes en contar ; d : Richart nomau/rials talos a son dan ses nes en contar. Thomas et Stimming 3 ont corrigé en senes encontrar à la suite de la suggestion de Tobler qui pensait qu’un en proclitique devant un infinitif était improbable. Kastner propose de comprendre encontrar par “rencontrer dans une bataille”.
 
v. 49.
IKd : Papiol, sias cochos.
Il manque une syllabe à ce vers ; Stimming et Thomas l’ont suppléée par l’adverbe tan. Appel propose de se conformer soit à l’envoi de la chanson nº 15 : Papiol, e tu vai viatz, soit à celui de la chanson nº 34 : Bel Papiol, vas Savoia. La version de Stimming et Thomas me paraît la plus harmonieuse.
 
vv. 50-51.
Dans le Chronicon Ricardi Divisiensis : de rebus gestis Ricardi primi (éd. Stevenson, Londres, 1838, p. 18), on apprend qu’en raison des attitudes opposées des deux rois en Sicile, et unus dictus est Agnus a Griffonibus, alter Leonis nomen accepit.

 

 

 

 

 

 

 

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