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Arveiller, Raymond; Gouiran, Gérard. L’œuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour. Aix-en-Provence: C.U.E.R. M.A. - Université de Provence, 1987.

Édition revue et corrigée pour Corpus des Troubadours, 2013.

156,006- Falquet de Romans

v. 4. On rencontre une formule analogue chez Bertran de Born : Conseill vuoill dar el son de “N’Alamanda” Lai a·N Richart, si tot no lo·m demanda, XI, vv. 25-26, éd. G. Gouiran, 208. Dans le sirventés, le troubadour s’adjuge donc le rôle du moraliste, dont les paroles ne sont pas faites pour flatter, bien au contraire, car rappeler les grands principes courtois ne peut que déranger les rics.
 
vv. 5-9. La métaphore assimile Pretz à un soudadier dont la soudada consiste en joi e valor. L’ambiguïté de cette notion de soudada (c’est bien sûr la nourriture qui sera attribuée comme salaire au soudadier, mais aussi la matière dont le seigneur est riche) explique peut-être les hésitations des copistes (v. l’apparat critique). Il semble qu’ils aient voulu trouver dans le v. 9 le verbe dar, ce qui serait à l’origine du vers hypermétrique de T : celda detaluiada. Les copistes de E et H semblent avoir pensé la même chose, même si H transforme tal en ta : quil da ta uianda et si E est mutilé : -ill da tal uianda. Les copistes de BéIKPRS ont été moins audacieux et ont conservé un i superfétatoire en notant dai tal en deux mots (day R), même s’ils ont choisi des solutions diverses pour la première syllabe : qus (Bé), qes (D), ques (IK), qill (PS), qui (R). En fait, ces hésitations et ces divergences montrent clairement qu’on avait affaire à une forme daital, simple à lire certes, mais qui ne correspondait pas à ce qu’attendaient les copistes. C a bien conservé daital, mais comme il a introduit deux syllabes au début du vers : qui es, il a voulu réduire le mot final et a écrit vida qui ne convient pas à la rime. Seule la leçon de A donne un sens parfaitement satisfaisant : Qa daital uianda ; il est possible que le a de Qa ait été mal lu et, comme le changement de point de vue, du soudadier à son employeur, a désorienté les copistes, ils ont été conduits à proposer des solutions diverses, incluant dans leur grande majorité le verbe dar.
 
v. 6 : no·n. Il va de soi que le complément d’attribution du verbe querre représente los cortes, comme le montre le pluriel lur de T qui donne un vers hypermétrique ; on peut penser à une attraction de celui (8) pour expliquer les formes no·ill de P et no·ll de S ; en revanche, la forme no·s de H fait davantage songer à une mélecture qu’à un verbe se querre pronominal ou à un -s complément d’attribution. On trouve employés assez fréquemment les pronoms adverbiaux en et i pour représenter des personnes, dans l’ancienne langue ; pour i, v. ci-dessus I, vv. 41 et 45. Cela rend logiques les formes no·i (DEIK) ou no·y (CR), mais aussi la leçon de ABé : no·n, que nous conservons donc.
 
v. 21 : Seign’En (AIK). Comme seigner est paroxyton, sa syllabe finale, en dépit du -r, peut s’élider devant la voyelle de En. Cf., ci-dessous, X, v. 2 et chez Bertran de Born : Seinh’En Jaufre, Montainhas nos demanda, XI, envoi nº 3 du ms. M, éd. cit., 213 ; Senh’En Rassa, aquest comtat ..., XII, v. 73. éd. cit., 224 ; chez Granet : senh’en Bertran, LXXXVI, v. 1, dans Appel, Chrest., 125a. Des exemples de Giraut de Bornelh, Gaucelm Faidit, Raimbaut de Vaqueiras, Uc de Sant-Circ et Guiraut Riquier sont relevés par A. Stimming, Bertran de Born Halle 1892, 157.
 
v. 26 : comtant. Il s’agit d’une 6º personne de l’ind. prés., dont le sujet est le groupe collectif chascus, qui q’en veigna. On rencontre assez fréquemment un -t à cette personne, à l’ind. prés. ou futur, dans le ms. A. Ainsi, dans le glossaire de G. Gouiran, à la fin de son édition de Bertran de Born : acuillirant, amont, amarant, ant, blastimarant, dizont, fant, serant, tenrant, etc.
 
v. 28 : cert. Il est d’autant moins question de modifier cette forme du groupe ABéDIK que la leçon de l’ensemble CEHR, Mas d’una re (-n E, -s R) sia cert, suppose une faute de déclinaison, corrigée par C (certz) et R (sertz) aux dépens de la rime, tandis que celle de PST : D’una voill qe siaz (sia T) cert, qui suppose qu’on s’adresse au public, puis à l’empereur, manque un peu de logique. En fait, l’emploi d’un adjectif à sens adverbial en occitan médiéval ou moderne n’a rien de surprenant, comme le montre R. Sindou dans son article des Mélanges R. Arveiller jamais parus.
 
v. 32. À propos de ce conseil, A. Jeanroy écrit, op. cit., I, 257 : “Ainsi à cette date solennelle dans l’histoire du moyen âge, alors que Frédéric II, libre de toute entrave, se prépare à résoudre tant de graves questions, dont quelques-unes au moins étaient à la portée de tous, le seul “conseil” que les troubadours songent à lui donner est de tenir sa bourse largement ouverte. “Voilà”, dit justement M. de Bartholomaeis, “qui nous donne la mesure de leur niveau et doit être médité par ceux qui s’interrogent sur la portée de leurs poésies politiques” (op. cit. p. 87)”.
 
v. 33 : qe·il roda. On reconnaîtra dans ·il une forme appuyée de l’article fém. À propos de la roue de Fortune, cf. Bertran de Born : la roda·s vai viran En aqest mon pur en mal a la fi, XXXIV, vv. 29-30, éd. cit., 678. A. Stimming, dans sa première éd. de Bertran de Born, Halle 1879, 238, rapproche ces vers de ceux de Giraut de Bornelh, XXXVIII, Tals es en gran pojar Cui la rod’en breu virar Fai son pojar descendre, et rappelle une citation de Raynouard, L. r. III, 67b, Na Fortuna ab tota sa roda, que lo gira e lo regira a dextre e a senestre, V. et Vert., fol. 72.
 
v. 37. Les conseils ont commencé à la strophe précédente et se poursuivent ici. Il est donc parfaitement normal que la forme am soit une 3º personne du subjonctif présent. D’autre part, sus lo mes peut fort bien ne pas faire double emploi avec e·il a dat corona, si l’on comprend que, par ces termes, se poursuit l’image de la roue de Fortune ; sus désignerait alors le haut de la roue.
 
v. 39. Le marquis Guillaume IV de Montferrat était apparenté aux Hohenstaufen, car son grand-père Guillaume III le Vieux, avant 1133, avait épousé Juliette, sœur utérine de Frédéric de Hohenstaufen, dit le Borgne, duc de Souabe, et de Conrad III, empereur en 1138. Frédéric le Borgne eut pour fils Frédéric Ier Barberousse, empereur en 1155. V. L. Usseglio, I Marchesi di Monferrato in Italia ed in Oriente durante i secoli XII e XIII, Casale Monferrato 1926, I, 134-136, 153, 163. Guillaume IV, partisan de Frédéric II dès 1211, l’avait nettement soutenu en 1215, lors du concile de Latran, contre les Milanais, partisans d’Othon IV. V. E. Jordan, L’Allemagne et l’Italie aux XIIº et XIIIº siècles, Paris 1939, 201.
 
v. 44 : cel d’Est. Comme ces vers renvoient aux droits que les inspirateurs de Falquet se sont acquis par leurs actions passées sur les bonnes grâces de Frédéric II, il ne saurait s’agir ici d’Azzo VII, qui n’avait alors que quatorze ans, mais de son père Azzo VI, mort prématurément le 15 novembre 1212, pour qui Aimeric de Pegulhan a composé deux planhz. Chef du parti guelfe en Haute-Italie, avec son ami Boniface de Saint-Boniface, il avait prêté assistance à Frédéric en 1212, lorsque ce dernier avait dû traverser la vallée du Pô, parmi les pièges du parti ennemi, et l’avait escorté du Stelvio à Coire, v. V. de Bartholomaeis, Poes. prov. stor., I, xxxv. Le troubadour devait être exaucé sur ce point, car, en mars 1221, Frédéric II confirmait au jeune homme la possession des biens de son père : “Ea propter notum facimus ... quod nos attendentes multimoda et accepta beneficia que progenitores dilecti fidelis nostri Azzonis marchionis Estensis et Anconensis predecessoribus nostris clare memorie hactenus exhibuerunt fideliter et devote, et illa presertim ad memoriam reducentes que quondam Azzo pater marchionis predicti et Aldebrandinus frater ejus ad nostram excellentiam fidelissime habuerunt, ad instar progenitorum nostrorum et eorum vestigia imitando, dictum marchionem cum omnibus bonis suis stabilibus et mobilibus sub imperii et nostra protectione ac defensione suscipimus speciali et presentis scripti privilegio communimus”, J. L. A. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Friderici secundi, Paris 1852-1861, II/1, 147-148, partiellement cité par De Bartholomaeis, op. cit., II, 147, n. 1. De fait, poursuivant la politique de son père et de son frère, Azzo VII était allé accueillir Frédéric à Modène et il se tint à ses côtés lors du couronnement ; v. Zenker, éd. cit., 86.
 
v. 45 : coms de Verona. Un planh d’Aimeric de Pegulhan, Ja no cujey que·m pogues oblidar, déplorait également la mort du comte de Vérone, Boniface de Saint-Boniface ; v. W. P. Shepard et F. M. Chambers, The Poems of Aimeric de Pegulhan, Evanston 1950, XXX, 161. Ce seigneur, ami d’Azzo VI, avait été son allié dans la guerre de la Marche trévisane, De Bartholomaeis, op. cit., I, 182-183, n. Il mourut cinq jours avant son ami. Son successeur fut le comte Richard de Saint-Boniface, qui joua un rôle important à Vérone. Zenker précise, d’après des chroniques véronaises, qu’il fut investi de l’office de podestat en 1220, éd. cit., 86.
 
vv. 48-49. On peut se demander s’il n’y a pas ici un jeu de mots, puisque deux expressions sont entremêlées. On rencontre en effet tener car ‘faire cas de’ avec car non accordé à l’objet du verbe ; v. J. Coulet, Le troubadour Guilhem Montanhagol, 108 : “L’adjectif y est employé en quelque sorte au neutre et a la valeur d’un véritable adverbe”. Les exemples du tour sont très nombreux. Ainsi, chez Bertran de Born : Prec li que·m teingna car s’amor, I, v. 30, éd. cit., 20 ; S’ieu autra dompna mais deman ni enquier Mas vos cui am e desir e teing car, VI, vv. 23-24, ibid., 92. Toutefois, à côté de cette construction figée, le verbe tener peut parfaitement se construire avec le cas régime de l’attribut du complément d’objet, au sens de ‘maintenir’ ou ‘considérer comme’. Il semble que les deux valeurs se rencontrent ici, en zeugma. On peut penser que le troubadour livre ainsi son idée : tener car les barons alliés doit signifier pour l’empereur les tener rics.
 
v. 53 : doble faillimen. Pourquoi une double faute ? C’en est probablement une première, morale, de ne pas rendre les bienfaits reçus, et peut-être une seconde de manquer à ce devoir alors qu’on se trouve dans la meilleure situation possible pour ce faire. Mais ne serait-il pas plus intéressant de comprendre que la seconde faute serait politique ? L’empereur aurait grand tort de s’aliéner ceux qui l’ont porté au pouvoir. Il s’agirait dès lors d’une menace voilée, ou à tout le moins d’une pression.

 

 

 

 

 

 

 

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