a. Blandra. Blandrà est sûrement Biandrate. Comme l’explique O. Schultz-Gora, la terminaison -ate peut se réduire à -a dans le nord de l’Italie dès le milieu du XIIIº s., ZrP VII, 1883, 232. Zenker écrit donc Blandrate, éd. cit., 27.
v. 1 : tond e pela. Comme l’a montré M. de Riquer, il s’agit d’une expression usuelle, Guillem de Berguedà, Poblet 1971, XXV, note aux vers 32-33, II, 217. Zenker avait longuement tenté de l’expliquer, éd. cit., 89. Dans notre passage, on peut supposer que pela ‘enlève la peau’ représente un degré supplémentaire par rapport à tond ‘coupe le poil à ras’.
v. 5 : Avec pero, leçon du ms., le vers est hypermétrique. La correction de Bertoni, e, paraît préférable à celle de Zenker, doncs. On peut supposer que le copiste n’a pas compris le sens adversatif de e (v. F. Jensen, op. cit. § 992), et a précisé cette valeur par pero.
vv. 7-8. Nous adoptons la correction proposée par Zenker et reprise par De Bartholomaeis. Bertoni écrit au v. 7 : C’ades tegna viatge et conserve le v. 8 du manuscrit.
vv. 10-11. Commentateurs et traducteurs ont proposé des interprétations diverses pour ce passage difficile. A. Jeanroy traduit sous toute réserve : ‘personne ne consentirait à lui prêter cinq cents marcs, même contre un bon gage’. Force lui est de constater ensuite : “le trait serait plus plaisant si la somme indiquée était moins forte”, Annales du Midi XXVII, 1915, 207. G. Bertoni s’arrête à : ‘che non gli importerebbe nulla indebitarsi persino per una somma di cinquecento marchi di argento’, I Trov. d’It., 261. Le dernier éditeur, V. de Bartholomaeis, propose : ‘che non lo si potrebbe impegnare nemmanco pel valore di cinquecento marchi di argento’, Poesie prov. stor., II, 49. Mais Bertoni regrettait que l’absence du pronom réfléchi ne lui eût pas permis de donner une traduction plus satisfaisante, soit ‘non gli importerebbe vendersi per cinquecento marchi’, loc. cit., 516. Citant cette remarque, K. Lewent avait signalé, de façon générale, que le pronom réfléchi, dans la langue ancienne, peut manquer avec l’infinitif, Literaturblatt XXXVI, 1915, 353. Cf., pour la langue d’oïl, Ph. Ménard, Syntaxe de l’ancien français, Bordeaux 1973, 128, et G. Moignet, Grammaire de l’ancien français, Paris 1973, 185. Dans le cas où, en ancien français, le verbe à l’infinitif a pour objet une personne déjà représentée par un pronom régime placé devant un verbe à un mode personnel, on s’abstient de représenter à nouveau cette personne. Ainsi : vers tous homes t’aiderai à tenser ‘à te défendre’ - ne vous caut de vanter ‘de vous vanter’, Huon de Bordeaux, vv. 3743 et 8815, commentés dans l’éd. P. Ruelle, Bruxelles-Paris 1960, 28. L’occitan médiéval utilisait évidemment le même tour. L’étude de H. Kjellman, “CALĒRE au sens de ‘il faut’ en provençal”, ne s’occupe guère de la syntaxe de ce verbe, mais elle fournit des exemples précieux de la construction qui nous intéresse, NphM XXI, 1920, 43-63. Citons: Beto, dist Gui, ben puec /aras/ estar De vostra partz nom cal ja mai gardar ‘me garder’ (Daur. et Bet., éd. P. Meyer, 1032), 50 - No dones tan que t’en calha penedre ‘t’en repentir’ (Deux mss prov., éd. Noulet & Chabaneau, II 3. 347), 55 - et justement avec le verbe metre : Per Deu ne te caut metre en tel esmai ‘te mettre’ (Girard de Rossillon, ms. Oxf., 7800), 50. V. d’ailleurs le même tour en IV, vv. 5 et 21. On peut donc penser que dans notre texte metre = ‘se mettre’.
D’autre part, l’expression metre en gage est usuelle, tandis que les dictionnaires ne signalent aucun exemple de metre gage, Raynouard, L. r. III, 439b-440a, Levy, S. W. IV, 79b-80a. On interprétera donc le metre gage du ms. par metr’e gage, avec Lewent, loc. cit., qui rapproche le v. 19.
b : respondet. Pour ce verbe, le ms. porte une abréviation (R.), que Zenker et Bertoni développent en respos. Il paraît plus logique de reprendre le respondet écrit en toutes lettres dans les coblas échangées entre Falquet et Blacatz dans le même manuscrit.
v. 17 : repen. Le sens de ce verbe est ici ‘cesser, se désister’ ; v. Levy, P. D., 323b.
v. 21. Pour retrouver un hexasyllahe, Bertoni écrit: Q’un sai c’a mes en gage. Pour un heptasyllabe, nous nous contentons de supprimer le e de qe, qui s’élide devant un.
v. 22 : joven. Ce mot de sens complexe semble “représenter un ensemble de vertus et de devoirs exigés par le code de la cortezia, une somme de qualités morales qui font qu’un homme est courtois”, M. Lazar, Amour Courtois et Fin’Amors, Paris 1964, 33. V. encore Ch. Camproux, Le Joy d’Amor des Troubadours, Montpellier 1965, 194-195 ; G. M. Cropp, Le Vocabulaire courtois des troubadours de l’époque classique, Genève 1975, 413-421 ; S. Thiolier-Méjean, Les Poésies satiriques et morales des troubadours du XIIº siècle à la fin du XIIIº siècle, Paris 1978, 300-304.
vv. 23-24. Zenker et tous ceux qui l’ont suivi ont corrigé si qe la febres lo repren, trop long d’un pied, ensi qe·l febres ... Comme le préfixe re- a une valeur répétitive, nous rendons la nuance par ‘toujours’. Jeanroy, loc. cit., proposait: “lire enquer ‘celui qui en demande des nouvelles’”. Nous comprenons que la fièvre le prend chaque fois qu’on le sollicite : pour répondre par une conduite digne d’un homme de mérite, il lui faudrait faire preuve de vertus qu’il n’a plus. |