COMMENTAIRE HISTORIQUE
Le nom de Manfred et le surnom de Lanza furent portés par deux princes lombards, tous deux marquis del Vasto, près Asti ; le premier mourut vers 1215, le second en 1257 (Merkel, op. cit., p. 10). C’est évidemment du second que notre troubadour a tracé cet aimable portrait. Nous pouvons en conclure en toute sécurité qu’il avait été mal reçu par lui ; c’est au reste ce qu’indiquent très clairement plusieurs passages de la pièce.
Manfred II, né entre 1185 et 1195 ( ib., p. 53), embrassa le parti guelfe en 1252 et fut créé podestat de Milan le 1 er janvier 1253 ( ib., p. 184) ; cette charge lui fut renouvelée en 1254-5, mais il la fit exercer par un délégué ( ib., p. 135), et il y renonça à la fin de 1255 ( ib., p. 145). Notre pièce se place donc entre 1252-5 et vraisemblablement plus près de la première de ces dates ( 1).
NOTES CRITIQUES ET EXPLICATIVES
3. Maifres au lieu de Matfres peut être conservé ; cf. maiti et mati ; lo, italianisme.
4. C’om clama. Des formules de ce genre (che si facea chiamare) se rencontrent à chaque instant chez les chroniqueurs italiens du quatorzième siècle.
6. Cobrar, « recueillir, éprouver » ; aucun exemple de ce sens, ni dans Raynouard (II, 422) ni dans Levy.
11-2. Notez l’allitération. Pour le sens, cf. ces vers d’A. de Pegulhan (Qui sofrir, c. 3 ; M. G. 91) :
Ja mais nom vuelh fizar
Plus en bela semblansa
Ses penh o ses fiansa.
13-15. G. de la Tor trace du même personnage un portrait presque identique :
Qui mal fai e mal ditz e mal met e mal dona
E mal joga e mal ri e mal parla e pieitz sona.
(Un sirventes farai, v. 2-3, dans Studj, III, nº 568.)
Cf. les remarques de Schultz-Gora (Zeitsch. f. r. Ph., VIII, 188).
22. Faissonar, d’abord « représenter » en général, puis « se représenter par l’imagination » :
Qu’inz en mon cor ieu vos faisson aital
Cum ieu vos vi...
(A. de Marueil, L’ensenhamen, c. 3 ; M. W. I, 163.)
34. Sur ce sens de muda, voy. Levy, s. v. 6. Peut-être est-il dérivé des locutions tener, metre en muda, la muda étant un lieu où l’on passe de longues heures de repos ou de détention.
36. Cau = cavum. La leçon de Merkel c’o cuda ne donne pas de sens. Cocuda est un substantif encore usité signifiant « une fleur des prés, vite fanée et à tige frèle et pliante, le narcisse ou coucut » (Chabaneau dans Revue des l. rom., XXXII, 210). « Coucudo, primevère, en Auvergne, narcisse jaune, en Rouergue. » (Mistral, s. v.).
40. Putans, au masculin, synonyme de rofians, mot encore usité (voy. Mistral, s. v.) ; rectifier la traduction en ce sens.
54. Parage, d’abord « parenté », puis, par sous-entendu d’une épithète comme aut, ric, « noblesse », etc. Sur le développement du sens, voy. P. Meyer, Chanson de la Croisade, au Glossaire.
Note :
1). C’est aussi l’opinion de Schultz-Gora (Zeitschr., VII, 188) ; les observations de Casini (I Trovatori nella marca trivigiana, l. l., p. 173 n.) n’ont pas grande valeur. (↑) |