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Boutière, Jean. Les poésies du troubadour Peire Bremon Ricas Novas. Toulouse - Paris: Édouard Privat - Henri Didier, 1930.

 

APPENDICES

 

I. Duran de Carpentras (Bartsch, 125, 1).

 

[CdT: Voy. Vill sirventes, leugier e venassal].

 

II. Sirventés de Sordel (1)

 

TRADUCTIONS

  

I (Nº I de MM. Bertoni-Jeanroy).

 

I (vv. 1-6). Si j’ai chanté longtemps l’amour, l’allégresse et le service des dames, maintenant je vois qu’il me faut chanter la guerre, et la guerre me réjouit. De toute noblesse (noble action) je dois suivre le droit sentier, car toutes bonnes qualités conviennent à un chevalier qui est près de ma dame, laquelle tient la clef de la distinction.

II (vv. 7-12). Bien que nos ennemis soient redoutables et farouches, je les crains moins, quand je suis sur mon destrier, lorsque je les vois, que lorsqu’on me parle d’eux ; et si j’en trouve un, discourtois et médisant, je sais que sa femme devra prendre le deuil. C’est pourquoi il fera bien d’éviter mon chemin.

III (vv. 13-18). Celui qui le connaît le tient pour menteur, mou et lâche, mauvais et fanfaron ; avec sa vilaine mine, faussement gracieuse et douce, il se donne l’air courtois, tandis qu’il ne vaut pas un denier ; ses mots sont gros et ses actions menues, de sorte que les preux ne l’estiment pas un clou.

IV (vv. 19-24). Que personne ne me juge fanfaron pour ce que je viens de dire, bien que je me vante beaucoup, car mes menaces ne dépassent pas les forces dont je me loue, et si je l’atteins, ce bavard outrecuidant, tout l’or de Montpellier, avec autant de marcs qu’il y a de cailloux dans la Crau, ne suffira pas à le sauver.

V (vv. 25-30). Une femme vraiment distinguée se diminue misérablement en lui faisant un gracieux accueil et en lui accordant sa confiance. [Si elle agit ainsi,] elle est sourde et aveugle (privée de toute intelligence). Puisse nul homme ne l’aimer sincèrement, du moment qu’elle se déshonore (?) en aimant un homme tel que lui. Maintenant j’en ai dit assez, et c’est pourquoi je ferme les dents.

VI (vv. 31-33). Sirventés, va dire à cet homme faux et présomptueux qu’il nous a rencontrés pour son malheur, moi, mon destrier rapide, et celle à l’occasion de qui il a excité mon farouche courroux.

 

II (Nº III de MM. Bertoni-Jeanroy).

 

I (vv. 1-8). Il me semble qu’il se justifie, le proverbe qui dit qu’un homme qui s’est échaudé une fois craint [même] l’eau tiède. En effet, un lâche coquin qui se fait montrer au doigt, tellement il est prétentieux, a pris pour lui mon sirventés (je ne dis pas pour qui je l’ai fait), car il connaît bien, dans son cœur, tous les vices qui y ont élu domicile ; et puisqu’il le prend pour lui (quel que soit celui qui le récite), je lui ferai l’honneur de le lui donner et offrir.

II (vv. 9-16). Il ne devrait pas m’accuser de tromperie, car je suis loyal, et lui, au contraire, est si faux [et si lâche] qu’il n’oserait même pas se défendre contre un chat ou tirer profit de son bon droit [s’il l’avait] ; or je ne crois pas qu’un homme qui n’a jamais échangé un coup ni reçu une blessure puisse faire une bonne action. Aussitôt qu’il revêt ses armes, il se déconcerte, car il n’y eut jamais au monde homme d’une telle pusillanimité (?).

III (vv. 17-24). Il a grand tort de m’appeler jongleur, car c’est lui qui suit les autres, tandis que les autres viennent à moi ; je donne, moi, sans rien prendre, et lui prend, par contre, sans rien donner ; il met sur son corps tout ce qu’il doit à la pitié d’autrui. Moi, je ne prends rien qui puisse me déshonorer ; au contraire, je dépense mes rentes et je ne veux d’autres récompenses que celles qui me viennent d’Amour : c’est pourquoi il me paraît qu’il se diminue et que, moi, je m’élève [dans l’estime du monde], si l’on nous juge selon justice.

IV (vv. 25-32). Uniquement parce qu’il sait se teindre et s’attifer et parce qu’il pose toujours, sans même savoir pourquoi, et parce qu’il sait se contourner et s’admirer, il croit que toutes les femmes sont férues de lui ; mais je ne pense pas que jamais une femme distinguée puisse éprouver le moindre attrait envers un si vil personnage pour un motif si futile. Du moment qu’à un coquin convient une coquine, c’est là-haut, vers le castel Babon (2), qu’il pourra trouver la dame qui lui sied.

V (vv. 33-40). Au lieu d’un haubert, il fait préparer une chemise ; au lieu d’un destrier, il veut un palefroi qui aille l’amble ; au lieu d’un heaume, c’est un chaperon qu’il fait orner ; en guise de bouclier, il prend et garde un manteau. Si pour cela Amour le favorisa, on peut bien accuser celui-ci de trahison ; mais ce ne sont là que des attitudes que prend pour la galerie ce pleutre, cet hypocrite, car il n’est rien autre dont il puisse tirer profit (c’est-à-dire : il n’a pas d’autres satisfactions).

VI (vv. 41-48). Le vaillant comte de Toulouse a su l’honorer comme il convenait, car il l’a renvoyé tout gentiment à Marseille, parce qu’il avait laissé son seigneur et sa foi ; mais il ne craint pas la honte et il ne s’émeut nullement de ce qui devrait le couvrir de confusion, ce perfide, ce lâche, cet ennemi du danger, qui a nom : « cœur de lapin sous apparence de lion ».

 

III (Nº V de MM. Bertoni-Jeanroy).

 

I (vv. 1-8). Il me suffit d’avoir confiance dans l’arme du sirventes (ou : de manier habilement cette arme) pour terrasser ce parfait galant homme, qu’on tient pour un modèle de distinction, doux et humble dans la détresse, fou, badin, courtois avec les femmes, quand il en trouve d’aussi folles que lui..., avec les femmes, dont il est adoré ! Mais ce qui cause mon souci, c’est de savoir où il ira, le pauvre diable, dans quel pays il cherchera asile, si jamais le seigneur Barral lui fait défaut. Et il s’y attend, à son grand désespoir... Qu’il ne songe du moins jamais à reparaître dans notre Cour !

II (vv. 9-16). Il se croit habile et sage ; toutefois sa sagesse est telle que le comte de Provence (il a eu bien tort, en vérité !) s’est débarrassé de lui et que le comte de Toulouse ne le veut pas non plus, tellement il le connaît ! On dit que les Templiers et les Hospitaliers le repoussent [tout autant], car il n’y a pas place chez eux pour un lâche et un déloyal. Je m’étonne que messire Barral le garde chez lui, car il ne peut être à un vaillant seigneur d’aucune utilité ; il a le corps grand et long, mais le cœur petit et faux.

III (vv. 17-24). Nous allons donc le voir paraître, ce pleutre, ce présomptueux, ce mécréant, ce traitre à son seigneur. Maintenant que voici la paix et le joyeux printemps, il devrait se montrer avec une couronne de fleurs. Mais tant qu’a duré la guerre, ses pires ennemis ne l’ont jamais vu en armes, tellement elle lui fait peur. Vraiment une femme qui donne son amour à un pareil chevalier vaut par la distinction juste autant que lui par la vaillance.

IV (vv. 25-32). Oui, nous allons le voir paraître, fardé, attifé, marchant sur la pointe des pieds, s’appuyant sur sa canne pour s’exhausser (?), serrant sa taille, admirant son vilain grand corps, avec ces chemises brodées d’or que sa femme coud toute l’année, cette pauvre femme qu’il réduit à la misère [par ses dépenses], ainsi que ses enfants, qui pleurent de détresse. Maintenant je l’ai touché au point sensible, car il sait bien que, tout en chantant, j’ai dit vrai au sujet de ses tares, ce misérable, qui ne redoute même pas la honte, tellement il a perdu toute pudeur, ce perfide, convaincu de trahison !

V (vv. 33-40). Quoique [en réalité] je le mette aux abois, il fera semblant, je le sais, de ne se soucier nullement du mal qu’il m’entend dire de lui... Non, en vérité, il ne s’en souciera pas (je le crois, du moins), car il est si orgueilleux qu’il ne pense pas pouvoir jamais faillir, même quand il renie Jésus-Christ, enfreint ses serments, déshonore les femmes et se coule lui-même à fond... Maintenant je vous ai décrit ses mœurs et énuméré ses talents.  

 

Notes :

1. G. Bertoni-A. Jeanroy, Un duel poétique au XIIIe siècle, pp. 280, 286 et 291. ()

2. Le Castel Babon, « construit au neuvième siècle (démoli avant 1302), était, à Marseille, sur l’éminence de la place de la Tourrette. Il est probable que c’était alors, comme encore aujourd’hui, le quartier mal famé de la ville. » (Bertoni-Jeanroy, p. 399, v. 32). ()

 

 

 

 

 

 

 

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