I. Je sais une dame, la plus noble qu'on puisse voir, de bel accueil, et qui sait plaire à tous ; mais elle est vraiment trop cruelle envers ceux qui poursuivent son amour, car nul ne peut obtenir en un an ce qu'il se flattait d'avoir le premier jour où il la reverrait.
II. Elle ne promet ni n'octroie rien, mais si agréable est sa façon de dire « non », que toujours vous croyez qu'elle va écouter vos prières ; puis, quand on en vient à la séparation, elle sait, tout en restant sans reproche, s'assurer votre reconnaissance.
III. Elle étale et déploie si bien sa grande valeur et sa sagesse qu'aucune autre ne peut prétendre aux mêmes louanges ; et que nul ne me mécroie, quelques éloges qu'il m'entende faire d'elle : car on y trouve tout le mérite le plus accompli et le plus vrai qui puisse jamais être contenu en aucune femme.
IV. Sur toutes elle emporte le prix de la valeur, mais elle est si chiche de son amour que je m'émerveille comment un homme sensé peut la courtiser et supporter si longtemps ses refus ; elle possède sans doute un secret qui fait qu'elle plaît, ou un charme auquel nul ne peut résister.
V. Je veux qu'elle me tienne, où que je sois, pour son fidèle et loyal serviteur ; bien que je n'en attende aucune joie, je la révère et me soumets à elle ; il me plaît d'entendre louer ses mérites et d'aider moi-même à propager ses louanges, en tout temps, de jour et de nuit, et en tout lieu, selon mon pouvoir.
VI. Que Dieu m'accorde de voir l'heure où je puisse faire son plaisir !