(Diez, Leben 2, p. 262 s., traduit presque intégralement, Millot, Hist. litt., III, p. 121, et Fabre, Trois troub., p. 13, partiellement):
I. — Dame, je viens en messager, et à ma chanson vous entendrez de qui; je vous salue de la part de celui que réjouit et nourrit la joie qu'il a de vous. Sachez-le bien: dès maintenant je serai un messager fidèle (au moyen) de ce »vers», quoi qu'il vous puisse dire:
II. — »Je vous déconseille l'amour de tous les autres chevaliers sauf le sien, car il est homme de haute valeur et né sous une bonne étoile et sa valeur ne cesse d'augmenter; si jamais vous devez aimer, aimez-le de grand cœur, je vous prie, car il n'est rien à blâmer en lui.
III. — Vous êtes tant l'objet de sa préoccupation qu'à cause de vous il fuit toute autre joie, et nul autre désir ne l'attire ici que celui qui le hante. Je crois qu'il se laisse mourir de son désir, car il souffre plus qu'aucun autre prisonnier parce qu'il ne meurt pas, mais languit en ses pensées.
IV. — L'amour et la langueur qui l'accablent l'ont tellement tourmenté qu'étant pourtant seul il parle tout comme à deux, car dès qu'il s'afflige il se dit à lui-même: »Ah! cœur, pourquoi me tuer et me nuire? Tu agiras injustement et futilement me tuant ainsi, de désir.»
V. — Jamais, pour les fâcheux et les médisants, à cause desquels Jeunesse s'étiole et périt, ne le privez pas de la joie ni de l'hospitalité ni du bel espoir qu'il taît; et puisque jamais votre mérite, qui dépasse tout autre, n'a eu de faille ni de faiblesse, ne commencez pas à le décevoir, lui.
VI. — Car c'est une trahison, une inconstance et une honte dont parle tout le monde, qu'une dame dissimule ses sentiments à un ami ou qu'elle soit trop réservée pour celui qui lui est fidèle et sincère, car jamais il n'a manqué d'empressement envers vous ni ne vous a tournée en dérision; il est plutôt humble et bienveillant envers tous, pourvu qu'on ne lui porte préjudice.
VII. — Connaissez-vous le proverbe: »Qui recouvre l'or d'étain chasse amour et joie.» Or, même si les choses tournent mal pour lui et que le découragement succède au bonheur, la riche joie qu'il a eue tout d'abord vainc et chasse le chagrin.»
VIII. — Je ne sais quel est ce chevalier, mais je vous en prie (puisse cela ne point vous ennuyer): désormais, eu égard à moi, n'ayez plus ce dépit que vous avez eu pour lui; je prie pour qu'il y ait plutôt accord et paix [entre vous]. Et puisque je suis votre bon conseiller, que vous n'y hésitiez pas, car c'est moi qui vous le recommande.
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IX. — Bonne chanson, si tu me la conquiers, à l'aide de Pitié, je serai plus parfaitement que jamais à elle, car, aussi loin que le soleil luise, elle est la meilleure et la plus gracieuse et la plus méritante [de toutes les dames] qui vivent sur la terre; voilà pourquoi je regarde avec le plus de plaisirs son pays qui d'un bout à l'autre me resplendit.
X. — Je me nourris seulement de cette bonne pensée, et si haut est mon désir que je ne me soucie d'aucun autre amour.